Semaine 5: Une périodisation par l`économique: Crise?

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Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Semaine 5: Une périodisation par l’économique: Crise?
Ces périodes de croissance s'expliquent aussi parce qu'elles alternent avec des périodes de crise, qui
d'une certaine façon les nourrissent, avec toujours les mêmes caractéristiques. Tout part de
l'économie bien sûr, souvent de la finance. On assiste au repli de la production, à l'envolée du
chômage total ou, ce qui est nouveau, partiel, au repli de la consommation, qui alimente elle-même
la dépression, qui encourage dans un premier temps (dans un premier temps seulement) des
politiques de réduction des dépenses. Significativement, la plupart des crises économiques du
20ème siècle vont impliquer au premier rang, et parfois dans le premier temps, les États Unis. La
crise de 29, la fameuse crise de 29, reste le modèle encore aujourd'hui dans les esprits, crise qui
éclate à la bourse de New York en octobre 1929, qui déferle d'abord sur les pays à l'économie la plus
moderne, les plus ouverts sur l'extérieur. La périodisation de la crise de 29 distingue donc quatre
cercles, les pays de la modernité économique dépendant des Etats-Unis, l'Allemagne en tête,
deuxième cercle, les pays occidentaux, disons pas les plus archaïques mais un peu moins impliqués
dans cette mondialisation des années 20, qui sont touchés plus tardivement mais qui restent plus
longtemps en général dans la crise, qui s'y enfoncent, une sorte de maladie de langueur, c'est le cas
de la France. Troisième cercle les pays extra européens qui souvent, dépendent pour leurs échanges
de la prospérité occidentale et qui plongent à leur tour, on les oublie, souvent on les a oubliés
aujourd'hui dans la mémoire internationale, comme le Brésil et on sait aujourd'hui, quatrième cercle
que la crise va toucher aussi les deux sociétés totalitaires de l'Italie de Mussolini et de l'Union
soviétique de Staline, malgré leur propagande et leur réalité autarcique. La société découvre un
nouveau type de chômage brutal, et non pas fatal, soudain et non pas chronique, et à grande échelle
sur le plan social. Les travailleurs manuels sont bien sûr touchés, mais aussi les employés, les fameux
cols blancs, voire c'est un mot des années 30 les travailleurs intellectuels. Et le mécontentement des
victimes de la crise touche à la peur sociale, en particulier à des catégories sociales qui ne sont pas
encore touchées par la crise mais qui craignent de l'être, qui se sentent désormais menacées,
l'extrême droite va souvent venir de de ces milieux là. Tout cela encourage des choix politiques
extrémistes : droite ou gauche fasciste, communiste, le recul des valeurs libérales, le plébiscite des
solutions étatistes et même, la pensée capitaliste libérale va être obligée d'intégrer une part
d'intervention des pouvoirs publics dans la relance de l'économie par la dépense publique,
programme défendu entre autres par (c'est le plus célèbre économiste anglais) John Maynard
Keynes dans sa Théorie générale publiée en 1936. Cette photographie montre un cas d'initiative
d'aide sociale à court terme, d'initiative locale, une municipalité, clairement estampillée communiste
(c'est visible sur la banderole), mais qui déborde le cas précis de la commune ouvrière de la banlieue
nord de Paris. Les situations de crise économique, de délaissement social permettent à des
organisations d'encadrer les populations fragilisées. Pendant deux générations, c'est l'émulation
entre églises chrétiennes, parti socialiste et communiste. Pendant la décolonisation des
mouvements indépendantistes et à partir de la crise économique des années 70, beaucoup de pays
du tiers monde vont passer sous la coupe, d'une certaine façon, de mouvements néo religieux
évangélistes en Amérique latine ou Afrique, islamistes en Afrique et en Asie. La crise de 73, c'est
l'une des significations qu'on peut en retirer aujourd'hui, est moins violente, moins théâtrale, elle est
plus générale que la crise de 29 mais elle touche un monde plus interdépendant que jamais. Elle part
du Moyen Orient, avec le renchérissement des prix du pétrole, mais elle s'enracine dans la durée
MOOC : Découper le temps : les périodes de l’histoire
Plateforme France Université Numérique – Session mai-juin 2015
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avec des raisons au fond plus structurelles. Plusieurs pays entrent dans une ère de chômage élevé,
dont certains, comme la France, ne sont plus jamais sortis, en tous les cas jusqu'à maintenant 2015.
Partout à l'ouest, les politiques économiques adoptent des solutions de retour à un libéralisme
abandonné pendant la crise de 29. Cette symétrie inversée avec 29 versus 73 se manifeste par
l'attribution du prix Nobel d'économie en 1976 à Milton Friedman, qui préconise des solutions
inverses de celles de Keynes et qui inspire une bonne partie des nouvelles politiques économiques à
partir de la fin des années 70. Les pays du tiers-monde sont rapidement touchés, la rétraction de la
demande plus en profondeur, les restrictions à l'immigration. En effet à partir ces années là, les pays
d'Occident voient rendre plus difficile l'entrée des étrangers sur leur territoire. Tout cela avait été
encouragé à l'époque de la croissance, désormais la crise referme, d'une certaine façon, les pays
d'Occident sur eux mêmes. On encouragera éventuellement le regroupement des familles mais on
n'encouragera plus l'immigration qui deviendra une immigration sauvage. La crise finit par toucher,
plus encore qu'en 29, les pays de l'Est, elle accélère l'impopularité des régimes communistes et pour
finir de l'Union soviétique. Les économies à l'Est, mais surtout à l'ouest, sont incapables de tenir tête
à ces crises, et à l'Est finalement les initiatives américaines, la course aux armements, emportent la
différence : c'est l'Est qui va tomber, j'allais dire, le premier. L'année 1989 voit le lâcher prise
soviétique, le mur vu tout à l'heure, dressé entre les deux Allemagne, est submergé. La croissance
des pays de l'Est, qui suivra sous l'égide du libéralisme accentué, montrera que d'une certaine façon
c'était une solution, une solution politique. Mais la crise ne disparaît pas pour autant, elle devient
tournante, quand une région émerge, une autre plonge. En Europe centrale la réunification
allemande a un coût, la relance des économies et des sociétés de l'Est, qui fragilise celles de l'Europe
de l'Ouest, les nouvelles économies émergentes asiatiques, qui accélèrent le déclin européen. Les
premières années 2000 alignent plusieurs bourrasques, de forme cette fois financière comme en
1929. Partie des États Unis comme en 1929, celle de 2007-2008 dite des subprimes, crise de
l'endettement des sociétés de consommation, plombe des économies jugées émergentes qui se
révèlent fragiles. Les politiques d'austérité de l'Union européenne, conformes au principe dominant
depuis la crise de 73, frappent donc d'abord des pays d'Europe de l'Ouest comme l'Irlande, ou de
l'Europe du Sud comme la Grèce : ici une image de la place Syntagma, la grande place politique
d'Athènes. La Grèce devient un laboratoire chaotique de l'expérimentation des solutions politiques
extrêmes en matière de crise économique. Notons au passage, qu'au coeur des années 2010, le
blocage apparaît y compris dans ce qu'on avait appelé naguère la construction européenne, cet
attribut des Trentes Glorieuses qui signe la fin d'une époque. Le nationalisme, le populisme sont
désormais des termes à l'ordre du jour, et ces termes disent assez, comme toujours, que le critère
ultime de la situation de crise est moins un critère économique, moins un critère politique mais, au
fond, c'est d'abord un critère culturel.
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