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,..
~
....
~
'~,-'
...
',,:
"!'
. i
d;~
:\~:
,
~ti
rkf~nomie
Appliqule, lome
XLV.
1992,
nO
3.
p.
55-90
.:'i;'.,
Analogie formelle
et analogie substantielle en économie :
l'économique néo-classique,
l'énergétique et la physique des champs
Michel Renault
lGt'rz..
CERETlMIUA CNRS 1240 Université Rennes 1
Cet article f.tablit ulle distillctioll elltre allalogie formelle et allalogie
substalltielle à travers l'exemple de /' illfluellce de la physique des
champs et de l'énergie sur /' écollomique Iléo-classique (écollomie
pure).
II
molltre que la distinction elltre les deux types d'allalogies
est
souvellt ténue, /' une amenant souvellt /' autre.
Des
conceptiolls
anthropomorplliques, esselltialistes ou métaphysiques peuvent ainsi se
supelposer à des similitudes formelles. Le dallger est alors grand
de
calquer
la
démarche de /' économie politique sur celle de la physique
par
le
biais d'idenlificalion lermes à termes
de
concepts
qui
ne salit
pas
de
même nature. L'exemple
de
/' identification de /' analogue d'un
prillcipe
de
conservalioll de /' éllergie
ell
économie et de /' illterprélalioll
amhropomorphique du prillcipe de moilldre action est sigllificatif des
dallgers
de
/' analogie
..
celle-ci
Il'
est
en
effet jamais lIeutre.
This article eSlablish a distillction betweell formaI (analytical) alla-
logy
alld substalltial allalogy through the exemple
of
the illfluellce
of
ellergetics alld field physics
UpOIl
lIeo-classical
eCci1lomics
(pure eco-
1I0my).
It
shows that the distillctioll betweell
Ihe
two killd
of
analogies
is
oftenvery thin, thefirst olle leadillg ta the secolld one inmallY cases.
Amhropomolphists, esselltialists, or metaphysical conceptions cali
Sl/-
pe/pose themselves ta formaI similitudes. Theil tl,ere is a dallger ta
copy closely ecollomics upon physics by the mean
of
systematic idell-
tifications
of
COllceptS
Ihal are differellt
ill
lIatllre. The examples
of
the
prillciple
of
cOllsen'ation
of
el/ergy
(ll/d
of
the (lllthropomOlphic il/ter-
56 M.
RENAULT1
57
pretation
of
the principle
of
least action is illustratil'e
of
the prob/
ems
posed to economics by analogies
l1'ich
are nel'er neutra/s.
"We
II/ust
sool/er
al"
larer
hal"t!
strict .fcicllCC5
of
'hose
II/cillai
and social IJf/C/IO/1/CIIO.
ll'hich.
if
compari.fO"
be
po.fi.rible.
are
of
1II0si
imel'1!51
fa
Ils
thall
pl/rel)'
maleriaf phCIIOIIU'1I0. Bill ÎI
is
Ihe
p/"Ope,.
cour.fe
of
reasol/illg
10
proccC(/
/1'011/
the
/moll"1I
ro
11/(!
11I/1:11011"/1-11'011I
Ihe
CI"idem
10
'he
obscllrc·frOIll
,hc
II/a'crial
und
palpable
10
the
.whlle
al1d
rcfillC'd.
rhe physica/
.{ciel/ces
IIIU)'
IIIcrc/orc
be
pl'oper/)' made
the
pl'acrice
.':I"o/md
of
Ihe
/'casollil1g
P0II'CI'.'i,
bccouse
they
fl/mi.th
ifS
h'Îlh
a
.r:real
body
of
precise and
J//cce.ujilf
i/U'csligatiml.f
.
..
n'S. JEI'ONS(·)
On a déjà beaucoup écrit sur les correspondances analogiques
entre
l'économique néo-classique tel que
le
concevaient les «pères
fonda-
teurs» (Walras, Jevons, Pareto...) et
la
mécanique classique de Lagrange
et Laplace. Pour beaucoup d'auteurs,
la
correspondance est totale
et
la
théorie néo-classique ne serait qu'une transposition de la mécanique
classique. Celte identification n'est, en réalité, que partiellement
jus-
tifiée;
il
s'est en effet produit une évolution importante dans la physique
au XIX· siècle avec
le
développement de
la
thermodynamique classique
et de
la
physique des champs de forces. Cette évolution est perceptible
par l'intennédiaire des travaux de
P.
Duhem, H. Poincaré ou E.
Mach,
qui posent de nombreuses questions de méthode. Cette évolution
de
la
physique n'est pas restée sans influence sur
la
constitution de l'écono-
nnque néo-classique et cela peut être repéré à travers les analogies
et
les
métaphores employées par ces auteurs
(1).
Dans cet ensemble,
il
nous
semble qU'il est possible de distinguer deux types de correspondances
analogiques entre théories physiques et théorie
économique:
-des correspondances formel/es ou ana/ytiques qui passent par l'uti-
lisation d'outils IDnlhé!lla1iqlles similaires à ceux de
la
physique (règles
de maximisation par exemple). Ces cOlTespor.dances n'impliquent
au-
cune identification ou réduction
d'un
champ du savoir à l'autre.
Les
équations dans
l'un
ou l'autre champ peuvent être similaires mais
les
Je
tiens
à
remercier
le
rappol1eur
de
cct
article
pour
ses
remarques
conslruclives,
'linsi
que
Maurice
Basic
qui
est
intervenu
de
façon
criliquc
Cl
positive
au
cours
de
SO~
élabol'<Jtioll:
ccl ililicie
lui
eSI\argcmcl1I
redevable.
Merci
aussi
à Bemard
Walliscr
~ 9~1
je dois l'idée initiale.
Les
clTeurs
demeurent
bien
entendu
de
ma
seule
rcsponsabdlle.
(.)
The
princip/es
of
science,
préface
à
la
première
édition,
p.
VIII.
(1)
Il
faut
remarquer
qu'un
cc,tain'
nombre
de
lravaux
anlélicurs
avaient
déjà
souligné
le
rail,
citons
pur
exemple
H.T.
Davis (1941)
ct
A.G. Pickler (1955).
58
M.
RÉNAULT'
Cela est
da
en partie
au
fait que les concepts économiques entretiennent
entre eux des relations similaires à celles
que
l'on
observe entre
les
concepts physiques qui font partie
d'un
même corpus théorique (force
travail, potentiel, énergie...
).
Cependant, le développement de la
théori~
économique a conduit dans la plupart des
cas
à «oublier» le caractère
substantiel et métaphysique de certaines analogies pour
n'en
conserver
que l'aspect formel et opératoire. D'autre part,
il
ne faut jamais perdre
de vue que la référence principale est réconomie pure dont le domaine
de validité,
qUOique
mal défini, est cependant circonscrit (les auteurs
sont également beaucoup plus divers dans leurs préoccupations et
dans
leurs approches que
ne
le laisse supposer la simple économie pure).
Afin de mon/rel' roscilla/ion ell/re analogie formelle e/ subs/all/ielle.
nous diviserons
110lre
e.\posé
en
quatre parties : tout d'abord,
nous
effectuerons un certain nombre de rappels
sur
le développement
de
la
physique des champs et de l'énergie (1); nous montrerons ensuite
la
place exacte occupée par l'analogie avec l'énergétique et la physique
des champs chez
les
premiers économistes néo-classiques (II).
Nous
préciserons ensuite, à travers l'exemple de la transposition
du
principe
de moindre action en économie, la nature
de
l'analogie dans
le
cas
des interprétations anthropomorphiques et métaphysiques qui peuvent
être données à des principes formels (III). Enfin, nous examinerons
une
dérive scientiste de l'analogie à travers l'énergétique sociale que l'on
retrouve chez des auteurs comme F.Y. Edgeworth et L. Winiarski
(IV).
Nous aurons ainsi progressé des analogies les plus formelles l'ers
les
plus subs/all/ielles.
I.
RAPPELS
SUR
LE DÉVELOPPEMENT
DE
LA
PHYSIQUE
AU
XIxe
SIÈCLE:
LES CHAMPS ET L'ÉNERGIE
Le
concep/ d'él1ergie possède une histoire
qu'il
serait trop long
de
rapporter. On peut cependant noter qu'il possède des liens avec
un
grand nombre de phénomènes et de principes servant à «expliquer»
le
mouvement et l'évolution des choses comme des manifestations d'une
«force»,
d'une
«entéléchie», qui n'est pas perceptible
el
dont seuls
les
. effets sont visibles. Cette <,force», celle «substance», aurait été intro-
duite dans le monde une fois pour toutes et se conserverait en chan-
geant de forme (Engels (1952) a pu critiquer cet aspect de l'approche
du
';''''AlOGlE FORMELLE ET ANALOGIE SUBSTANTIELLE EN ÉCONOMIE 59
~onde
(3».
Ces métamorphoses de la substance permettent
de
distinguer
''l~:;dans
le changement apparent une permanence immuable caractérisant
.;1<
l'économie générale
de
la nature. On peut rappeler également que les
,'i.
principes conservatifs,
telle
principe cartésien de la conservation
de
la
quantité de mouvement (1644), occupent une grande place dans la for-
mulation ultérieure du concept d'énergie. Leibniz s'intéressa au travail
des machines et
il
établit, en 1695, la distinction entre la force morte
(lorsqu'il n'existe pas actuellement de mouvement mais simplement
une
potentialité) et la force vive (qui représente la force actualisée dans
le
mouvement)
(4).
Il a fonnulé l'expression de
la
force vive comme
mv
2
l'on peut reconnaître la préfiguration de la notion d'énergie cinéti-
que. A partir de cela, on entre dans
le
domaine d'une «économie de
la
force» : dans le déplacement, le fonctionnement, des machines, la
force .l'il'e est ce qui se paie; elle représente une monnaie mécanique
(voir
J.-P.
Seris 1987, p. 8-9 et p. 59). Celle correspondance, au départ
purement rhétorique, est déjà significative d'une relation entre deux
domaines, mécanique et économique, à travers la notion
de
dépense et
la question de la valeur. Ultérieurement, l'énergie a pu être considérée
par certains comme le fondement objectif de la valeur économique.
Celle notion de dépense a été le point de départ d'une série de travaux
sur le fonctionnement des machines afin
d'en
améliorer le rendement,
de minimiser
la
dépense (travaux de Lazare et Sadi Carnot).
Pour L. Carnot, la mécanique se réduit à la question de savoir trouver
le
mouvement réel
qu'un
système de corps adoptera (connaissant son
mouvement virtuel) du fait de l'action réciproque des corps doués
d'inertie. Il s'agit de considérer
un
mouvement géométrique dans le
cadre
du
choc des corps. Dans
ce
cas, le mouvement qui aura lieu
réellement après l'action est tel que la somme des produits
de
chacune
des masses par la vitesse qu'elle perdra est minimum
(P.
Brunet
1983,
p.
95). La grandeur
mv
2 (force vive) traduit alors le passage
de la science newtonienne à la science des forces
vi
ves
(5).
Ceci sera
(3)
Engels
écrivait
dans
Dialectique
de
la
natl/re à
propos
de
l'aspect
immuable
du
monde
une
fois les «données premières) établies: «(Quelle que ftir la façon
dom
la
nature même s'
hair
formée, une
fois
qu'elle
existait, elle restait
semblable
à
elle-f1l(~lIle
1~1It
qu:
elle dw'oÎr. (...) Fixes el immobiles les étoiles reposaielllioujolll's à fellr
place,
~
y
momlcmOIll
réciproqllemelll
par
la «gral'Îtalioll ullil'crselle)).
La
terre
était
l'estée
'.mmllablemenr la même.
soit
de
tOlite
éternité. soit, dans l'autre ""pothèse. dep,,;s le
JOU,
de
la
'l'éoriolln (Engels 1952,
p.
32-33). .
cf
(~)
.«(
..
) Leibl/iz
~.
est
a:qu;~
Cil
mé~GIliqlle
/111
ûtre
de
gloire
impérissable.
cel,,;
o'.olr jeté le pre/mer, grace a la logique
de
so"
/lOIII"eaU
calc/ll.
1II1
POlit elllrc la
~ta"q/le
et
l'énergétique. en
faisant
naître /a force
l'il'e
des impressions
répbécs
de
/0
Jorce morte» (R.
Dugas
1954.
p.
519). _
à (5)
La
détennination précise
de
la
nOlion
de
"force
viVCn
a
donné
licu
en
mécanique
une
colHroverse
demeurée
célèbrc.
""
:Ji
.
60
M. RENAULT : . "ALOGIE FORMELLE ET ANALOGIE SUBSTANTIELLE EN ÉCONOMIE
61
.
'.~'
"~
"i
~:"
encore accentué par la refonnulation
du
principe
de
moindre action
par Poisson et surtout
par
les travaux de Sadi Carnot.
Ce
dernier a
'abordé l'économie des machines par l'intermédiaire
d'une
allalogie
hydraulique (6) (R. Locqueneux 1989) et l'un des intérêts principaux
de son travail est d'ordre
économique:
il
concerne l'optimisation
du
rendement des machines. Ainsi, à travers la mécanique appliquée,
la double filiation de la ,dynamique se révèle : elle est science
des
trajectoires mais également science des bilans (Prigogine et Stengers
1979,
p.
73). C'est principalement par les travaux de L. Carnot,
S. Carnot, H. Helmholtz, R. Mayer qu'elle acquerra cette seconde
signification en introduisant le concept d'énergie : le bilan traduit
l'équivalence quantitative de l'avant et
de
l'après mais également
la
différence qualitative entre les deux états.
Thomas Young substituera au début du XIXe siècle le terme «énergie»
au terme «force vive».
Le
mot fut utilisé par James
111Omson
(le
frère de lord Kelvin) pour désigner d'une façon générale la capacité à
fournir
un
travail (1852). Macquorn Rankine proposa la distinction
entre «énergie d'activité» (actuelle) et «énergie
de
configuration"
(potentielle ou latente) en 1853. Le terme «énergie potentielle"
fut
adopté mais
le
terme «kinetic» (cinétique) fut substitué à
«actuel>.
par
W.
Thomson et P.G. Tait (d'Arcy
W.
Thompson 1942). On
peut
également rappeler
qu'à
la suite des travaux de S. Carnot et
R.
Clausius,
le principe de l'entropie. (le plus «métaphysique» des principes
de
la
physique selon N. Georgescu-Roegen) fut formulé.
Au plan épistémologique, la découverte
du
principe de conservation
de l'énergie donna naissance à un nouveau système d'interprétation
théorique. L'énergétique a constitué ainsi
un
nouveau système de méca-
nique
en
éliminant la notion de force, jugée anthropomorphique, pour
la remplacer par
la
notion «positive» d'énergie (J. Rosmorduc
1985,
p. 22,
W.
Ostwald 1991). Les principaux représentants de ce courant
de pensée furent
W.
Ostwald,
P.
Duhem, J.W. Gibbs, H. Helmholtz.
Le physicien E. Mach tira les leçons méthodologiques des apports
de
l'énergétique pour en appeler à une science phénoménologique.
En
ce qui concerne notre propos,
il
est important de rappeler
qu'à
côté
de ces aspects proprement scientifiques l'énergétique donna naissance
à
un
système cosmologique essentialiste considérant l'énergie (et
non
plus la matière) comme la substance
du
monde physique.
W.
Ostwald
et G. Helm furent les représentants les plus éminents de
ce
courant
de pensée (il faudrait également y ajouter, avec certaines nuances,
(6)
Voir
aussi:
J.
Grinevald
(1976,
p.
59).
..
),
,.~.
Spencer et E. Haeckel). Cet essentialisme aura une certaine in-
. , ';
..
fluence
dans le domaine des sciences humaines, donnant naissance à
;','
des
«éllergétiques sociales» réduisant dans une large mesure les in-
teractions sociales à des phénomènes liés à l'énergie (distribution et
redistribution d'énergie, épuisement de
potentieL).
En économie, la
'.
recherche
d'un
standard absolu de valeur s'apparentera souvent à
ce
,
type
de démarche.
L'autre innovation importante de la physique au
XIX·
siècle concerne
l'introduction de la Ilotioll
de
champ. La naissance de ce concept
remonte
à l'expérience
du
savant danois Oersted, effectuée en 1819, et
qui
contredisait les résultats attendus par une interprétation mécanique
usuelle. Cette expérience marqua
les
débuts
de
l'électromagnétisme
.
en
montrant que la circulation de l'électricit(j dans un
fil
produit une
action
à distance,
un
effet magnétique. Le courant produit dans l'espace
environnant ce
qu'on
appelle
un
champ magnétique. Ce concept a
été
développé et explicité par
J.e.
Maxwell et
il
est implicite dans
les
travaux de Faraday. Selon
la
définition de
J.e.
Maxwell : «Le
champ
électrique est la portioll
(!.e
l'espace \'oisille des
COll'S
électrisés.
cOllsidérée
au poinT de
l'Ile
des;phéllomèlles élecrriques.
Il
pel/l être
occupé
par
de l'air
011
par d'alltres
COlpS,
011
bien peut-être par ce qlle
lIOUS
appelons le l'ide, c'est-à-dire
lin
espace d'
0/1
nOlis
(II'ons
retiré
toutes les sllhstancessur lesquelles nous
pOli
l'ons agir
par
les moyens
!!lis
à notre disposition.
Si
lin
corps électrisé est introduit
en
un
pOlllt
du
champ électrique, en général, il déterminera un changement dalls
la
distriblltion de l'électrisation à la slllface des autres
COlpS»
(J.e.
Maxwell
1885, tome J, p. 51).
La
notion de champ donna naissance à
des
positions méthOdologiques et épistémologiques divergentes autour
de
l'interprétation newtonienne ou pré-newtonienne (les tourbillons
cartésiens...) du phénomène, de
la
notion d'éther,
d'une
conception
dynamiste et holiste de la nature issue de Fichte et Schelling (qui était
celle d'Oersted). La métaphore Ilydralllique est également présente
travers la notion de flux) dans l'interprétation des phénomènes électro-
magnétiques, L'interprétation dominante fut celle proposée par Faraday
et
Maxwell; pour
J.e.
Maxwell, l'électromagnétisme fait partie
d'un
mécanisme élargi,
un
certain nombre d'analogies pouvant être établies
entre les phénomènes électriques et
le
mouvement des corps matériels
(comme l'eau).
Ainsi:
"Pour
l'
esprit
qui
a
IIne
fois reconnu
l'
analogie .
que
présentellt-'~s
phénomènes de self-induction et
~eux
dumoul'ement \
des
COlpS
malenels,
Il
est
diffiCIle
de renoncer enflerement
CIlI
secours
qu'ail peut tirer de cette analogie
ou
d'admettre qu'elle est superficielle
o,u
trompeuse» (J.C. Maxwell 1885, iome 2, p. 224).
62 63
M.
RENAULT
::~
Une interprétation générale de la notion de champ (et
notamment
\ dans les sciences humaines) en fera,
du
fait qu'elle implique
Une
certaine unité spatio-temporelle, un
<dieu
de formes
».
En
physique
l'unité se réalise par des interactions de «proche en proche»
(ou
p~
l'intermédiaire d'un éther, notion toujours ambiguë) et les
formes
obéissent à des principes d'extremum (Lalande 1991,
p.
137).
Ce
concept permet d'introduire une notion de totalité en physique.
A travers ces rappels, on perçoit déjà, en schématisant,
que
les
conceptions physiques reftètelll
un
dualisme entre des conceptions
d'ordre purement scientifique et des
intel1J1"étations
métaphysiques
qui rem'oient
cl
des systèmes d'il11erprétation cosmologiques, l'une
et l'alllre
n'étal11
pas exc/usil'e et apparaissant
pmfois
conjoimemem
(c'est le cas par exemple pour
W.
Ostwald). Nous allons voir
que
ce
type de dualisme (formalisme/substance) .se retrouve chez
un
certaIn
nombre d'économistes néo-classiques. Les références physIques de
ces
économIstes ne son! cependant pas réductibles à la seule physique
des
champs et de l'énergie, les situations étant diversifiées selon les
auteurs.
II. DES ANALOGIES PLUS OU MOINS NETTES
ENTRE L'ÉCONOMIQUE NÉO-CLASSIQUE
ET
LA PHYSIQUE
DES
CHAMPS
ET
DE L'ÉNERGIE
Selon Paul Chanier (1979,
p.
151) : «On ne dit pas assez
combien
l'idée d'un équilibre général
ail
toutes les
mriables
se
déterminelll
simultanément est une métaphore
emprul11ée
à la physique des
champs
de forces.» De même selon
P.
Mirowski (1988, p. 41) : «The essence of
the neo-c/assical anolysis
is
the appropriation
of
Ille
physicol concept of
the field.»
Il
y aurait ainsi eu une !fu;continuité majeure dans
la
pensée
économique autour des années 1870-1880 (Mirowski 1984,
p.
363)
liée
aux innovations de
la
physique.
Selon nous, cette généralisation est trop forte et
il
faut effectuer
une
distinction entre trois groupes d'économistes:
-ceux qui demeurent attachés à l'analogie entre l'équilibre
écono-
mique et la mécanique (Walras et Jevons): l'usage de l'analogie
élant
principalement d'ordre méthodologique (analogies formelles);
-ceux qui effectuent des analogies avec la physique des champs
de
forces et de l'énergie sans adhérer à des interprétations métaphysiques
ou en demeurant à la lisière de celles-ci (Fisher et
Pareto>";
-ceux qui adoptent les fonnalismes de la physique des champs
et
de l'énergie (dynamique hamiltonienne) avec une volonté délibérée
de
lT·
~ALOGIE
FORMELLE ET ANALOGIE SUBSTANTIELLE
EN
ÉCONOMIE
~r
"
rl:Qrrespondances
termes à termes
(L.
Amoroso), et/ou font référence à
:i'ime
unité substantielle du monde (EY. Edgeworth et L. Winiarski).
'Y;ici,,:
La mise en évidence des références à la physique du
XIX
e siècle ef-
.Y
fectuées par les économistes va nous permettre de repérer ces distinc-
;,
tions. Notons cependant
qu'il
ne faut pas négliger les aspects «extra-
économiques» de certaines vues des économistes, notamment en ce qui
concerne
W.S.
Jevons qui
s'est
intéressé à l'aspect logique des sciences
et
aux problèmes de méthode
(c.
Schmidt 1985,
p.
68).
1)
Des analogies formelles avec la
mécanique:
l'économique"
ne\vtonienne»
de
L.
Walras
et W.S.
Jevons
Le système de référence analogique de L. Walras demeure at-
taché
cl
la
mécanique lagrangienne par l'interméd,aIre des
travaÏÏX
ce
Poinsot (1824), et si
l'on
peut qualifier l'économie walrasienne de
«newtonienne»
(S.
Hollander 1989) (ou de «cartésienne» par certains
aspects), on ne peut en aucun cas l'imputer à une métaphore énergéti-
0-
que.
Celà ne veut pas dire que [.
Wâlr-<lS
n'etaIt pas au courant des
évolutions de la physique au
XIX
e. Ainsi,
il
se réfère souvent dans
sa correspondance aux travaux de Fourier,
Am
ère, Him Clausius...
(L. Walras 1987,
p.
324 et . Jaffe 1965) pour justifier son ambition de
faire de l'économie une branche nouvelle des mathématiques ou une (
science de nature physico-mathématique.
Il
n'y
a alors pas chez Walras
d'analogies formelles ou substantielles à proprement parler mais plutôt 7
'es
analogies tjiscursives à but didactigue ou rhétorigue. Ce premier as-
pect métaphorique de l'économique néo-classique ne doit jamais être
perdu de vue
au
risque de créer un monde qui
n'a
plus rien à voir
avec les' vues de
ceS
économistes. Dans une large mesure, il s'agit
de
rendre a
ui
sur des sciences établies our justifier
l'a
lication
~
des mathématiques à l'économie, et l'introduction un mode de raI-
Sonnement hypothttÎque, ce
qUI
à l'époque n'allait nullement de soi.
Ajoutons que L. Walras
n'a
jamais adhéré à une conception substan-
tielle de
la
valeur comme le montre sa correspondance avec
P.
Geddes
(Martinez-Allier 1987, p. 8 et p. 90), même s'il
s'est
parfois senti
proche des vues des «énergétistes» (et notamment de
E.
Solvay -voir
W.
Jaffe 1965, lettre 1295) dans la volonté de réforme «rationnelle»
de
la société.
Cependant,
d'un
autre côté,
il
serait dangereux de mésestimer la
portée de l'analogie dans la constitution de l'économique néo-classique.
On peut
en
effet se demander à quoi riment les correspondances
systématiques établies par l'intennédiaire de tableaux entre concepts
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