Analogie formelle et analogie substantielle en économie

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rkf~nomie Appliqule, lome XLV. 1992, nO 3. p. 55-90
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Analogie formelle
et analogie substantielle en économie :
l'économique néo-classique,
l'énergétique et la physique des champs
Michel Renault
lGt'rz..
CERETlMIUA CNRS 1240 Université Rennes 1
Cet article f.tablit ulle distillctioll elltre allalogie formelle et allalogie
substalltielle à travers l'exemple de /' illfluellce de la physique des
champs et de l'énergie sur /' écollomique Iléo-classique (écollomie
pure). II molltre que la distinction elltre les deux types d'allalogies
est souvellt ténue, /' une amenant souvellt /' autre. Des conceptiolls
anthropomorplliques, esselltialistes ou métaphysiques peuvent ainsi se
supelposer à des similitudes formelles. Le dallger est alors grand de
calquer la démarche de /' économie politique sur celle de la physique
par le biais d'idenlificalion lermes à termes de concepts qui ne salit
pas de même nature. L'exemple de /' identification de /' analogue d'un
prillcipe de conservalioll de /' éllergie ell économie et de /' illterprélalioll
amhropomorphique du prillcipe de moilldre action est sigllificatif des
dallgers de /' analogie .. celle-ci Il' est en effet jamais lIeutre.
This article eSlablish a distillction betweell formaI (analytical) alla­
logy alld substalltial allalogy through the exemple of the illfluellce of
ellergetics alld field physics UpOIl lIeo-classical eCci1lomics (pure eco­
1I0my). It shows that the distillctioll betweell Ihe two killd of analogies
is oftenvery thin, thefirst olle leadillg ta the secolld one inmallY cases.
Amhropomolphists, esselltialists, or metaphysical conceptions cali Sl/­
pe/pose themselves ta formaI similitudes. Theil tl,ere is a dallger ta
copy closely ecollomics upon physics by the mean of systematic idell­
tifications of COllceptS Ihal are differellt ill lIatllre. The examples of the
prillciple of cOllsen'ation of el/ergy (ll/d of the (lllthropomOlphic il/ter­
56
M. RENAULT1
pretation of the principle of least action is illustratil'e of the prob/
ems
posed to economics by analogies l1'ich are nel'er neutra/s.
"We II/ust sool/er al" larer
hal"t!
strict
.fcicllCC5
of 'hose II/cillai and social IJf/C/IO/1/CIIO. ll'hich.
if compari.fO" be po.fi.rible. are of 1II0si imel'1!51
fa Ils thall pl/rel)' maleriaf phCIIOIIU'1I0. Bill ÎI is
Ihe p/"Ope,. cour.fe of reasol/illg 10 proccC(/ /1'011/
the /moll"1I ro 11/(! 11I/1:11011"/1-11'011I Ihe CI"idem 10
'he obscllrc·frOIll ,hc II/a'crial und palpable 10
the .whlle al1d rcfillC'd. rhe physica/ .{ciel/ces IIIU)'
IIIcrc/orc be pl'oper/)' made the pl'acrice .':I"o/md
of Ihe /'casollil1g P0II'CI'.'i, bccouse they fl/mi.th
ifS h'Îlh a .r:real body of precise and J//cce.ujilf
i/U'csligatiml.f...
n'S. JEI'ONS(·)
On a déjà beaucoup écrit sur les correspondances analogiques entre
l'économique néo-classique tel que le concevaient les «pères fonda­
teurs» (Walras, Jevons, Pareto...) et la mécanique classique de Lagrange
et Laplace. Pour beaucoup d'auteurs, la correspondance est totale et la
théorie néo-classique ne serait qu'une transposition de la mécanique
classique. Celte identification n'est, en réalité, que partiellement jus­
tifiée; il s'est en effet produit une évolution importante dans la physique
au XIX· siècle avec le développement de la thermodynamique classique
et de la physique des champs de forces. Cette évolution est perceptible
par l'intennédiaire des travaux de P. Duhem, H. Poincaré ou E. Mach,
qui posent de nombreuses questions de méthode. Cette évolution de la
physique n'est pas restée sans influence sur la constitution de l'écono­
nnque néo-classique et cela peut être repéré à travers les analogies et les
métaphores employées par ces auteurs (1). Dans cet ensemble, il nous
semble qU'il est possible de distinguer deux types de correspondances
analogiques entre théories physiques et théorie économique:
- des correspondances formel/es ou ana/ytiques qui passent par l'uti­
lisation d'outils IDnlhé!lla1iqlles similaires à ceux de la physique (règles
de maximisation par exemple). Ces cOlTespor.dances n'impliquent au­
cune identification ou réduction d'un champ du savoir à l'autre. Les
équations dans l'un ou l'autre champ peuvent être similaires mais les
Je tiens à remercier le rappol1eur de cct article pour ses remarques conslruclives,
'linsi que Maurice Basic qui est intervenu de façon criliquc Cl positive au cours de SO~
élabol'<Jtioll: ccl ililicie lui eSI\argcmcl1I redevable. Merci aussi à Bemard Walliscr ~ 9~1
je dois l'idée initiale. Les clTeurs demeurent bien entendu de ma seule rcsponsabdlle.
(.) The princip/es of science, préface à la première édition, p. VIII.
(1) Il faut remarquer qu'un cc,tain' nombre de lravaux anlélicurs avaient déjà
souligné le rail, citons pur exemple H.T. Davis (1941) ct A.G. Pickler (1955).
57
58
M.
';''''AlOGlE FORMELLE ET ANALOGIE SUBSTANTIELLE EN ÉCONOMIE
RÉNAULT'
Cela est da en partie au fait que les concepts économiques entretiennent
entre eux des relations similaires à celles que l'on observe entre les
concepts physiques qui font partie d'un même corpus théorique (force
travail, potentiel, énergie...). Cependant, le développement de la théori~
économique a conduit dans la plupart des cas à «oublier» le caractère
substantiel et métaphysique de certaines analogies pour n'en conserver
que l'aspect formel et opératoire. D'autre part, il ne faut jamais perdre
de vue que la référence principale est économie pure dont le domaine
de validité, qUOique mal défini, est cependant circonscrit (les auteurs
sont également beaucoup plus divers dans leurs préoccupations et dans
leurs approches que ne le laisse supposer la simple économie pure).
Afin de mon/rel' r oscilla/ion ell/re analogie formelle e/ subs/all/ielle.
nous diviserons 110lre e.\posé en quatre parties : tout d'abord, nous
effectuerons un certain nombre de rappels sur le développement de la
physique des champs et de l'énergie (1); nous montrerons ensuite la
place exacte occupée par l'analogie avec l'énergétique et la physique
des champs chez les premiers économistes néo-classiques (II). Nous
préciserons ensuite, à travers l'exemple de la transposition du principe
de moindre action en économie, la nature de l'analogie dans le cas
des interprétations anthropomorphiques et métaphysiques qui peuvent
être données à des principes formels (III). Enfin, nous examinerons une
dérive scientiste de l'analogie à travers l'énergétique sociale que l'on
retrouve chez des auteurs comme F.Y. Edgeworth et L. Winiarski (IV).
Nous aurons ainsi progressé des analogies les plus formelles l'ers les
plus subs/all/ielles.
r
I. RAPPELS SUR LE DÉVELOPPEMENT
DE LA PHYSIQUE AU XIxe SIÈCLE:
LES CHAMPS ET L'ÉNERGIE
Le concep/ d'él1ergie possède une histoire qu'il serait trop long de
rapporter. On peut cependant noter qu'il possède des liens avec un
grand nombre de phénomènes et de principes servant à «expliquer» le
mouvement et l'évolution des choses comme des manifestations d'une
«force», d'une «entéléchie», qui n'est pas perceptible el dont seuls les
. effets sont visibles. Cette <,force», celle «substance», aurait été intro­
duite dans le monde une fois pour toutes et se conserverait en chan­
geant de forme (Engels (1952) a pu critiquer cet aspect de l'approche du
59
~onde (3». Ces métamorphoses de la substance permettent de distinguer
''l~:;dans
le changement apparent une permanence immuable caractérisant
.;1< l'économie générale de la nature. On peut rappeler également que les
,'i.
principes conservatifs, telle principe cartésien de la conservation de la
quantité de mouvement (1644), occupent une grande place dans la for­
mulation ultérieure du concept d'énergie. Leibniz s'intéressa au travail
des machines et il établit, en 1695, la distinction entre la force morte
(lorsqu'il n'existe pas actuellement de mouvement mais simplement
une potentialité) et la force vive (qui représente la force actualisée dans
le mouvement) (4). Il a fonnulé l'expression de la force vive comme mv 2
où l'on peut reconnaître la préfiguration de la notion d'énergie cinéti­
que. A partir de cela, on entre dans le domaine d'une «économie de
la force» : dans le déplacement, le fonctionnement, des machines, la
force .l'il'e est ce qui se paie; elle représente une monnaie mécanique
(voir J.-P. Seris 1987, p. 8-9 et p. 59). Celle correspondance, au départ
purement rhétorique, est déjà significative d'une relation entre deux
domaines, mécanique et économique, à travers la notion de dépense et
la question de la valeur. Ultérieurement, l'énergie a pu être considérée
par certains comme le fondement objectif de la valeur économique.
Celle notion de dépense a été le point de départ d'une série de travaux
sur le fonctionnement des machines afin d'en améliorer le rendement,
de minimiser la dépense (travaux de Lazare et Sadi Carnot).
Pour L. Carnot, la mécanique se réduit à la question de savoir trouver
le mouvement réel qu'un système de corps adoptera (connaissant son
mouvement virtuel) du fait de l'action réciproque des corps doués
d'inertie. Il s'agit de considérer un mouvement géométrique dans le
cadre du choc des corps. Dans ce cas, le mouvement qui aura lieu
réellement après l'action est tel que la somme des produits de chacune
des masses par la vitesse qu'elle perdra est minimum (P. Brunet
1983, p. 95). La grandeur mv 2 (force vive) traduit alors le passage
de la science newtonienne à la science des forces vi ves (5). Ceci sera
(3) Engels écrivait dans Dialectique de la natl/re à propos de l'aspect immuable du
monde une fois les «données premières) établies: «(Quelle que ftir la façon dom la
nature même s' hair formée, une fois qu'elle existait, elle restait semblable à elle-f1l(~lIle
1~1It qu: elle dw'oÎr. (.. .) Fixes el immobiles les étoiles reposaielllioujolll's à fellr place,
~ y momlcmOIll réciproqllemelll par la «gral'Îtalioll ullil'crselle)). La terre était l'estée
'.mmllablemenr la même. soit de tOlite éternité. soit, dans l'autre ""pothèse. dep,,;s le
JOU, de la 'l'éoriolln (Engels 1952, p. 32-33).
.
cf (~) . «(..) Leibl/iz ~. est a:qu;~ Cil mé~GIliqlle /111 ûtre de gloire impérissable. cel,,;
o'.olr jeté le pre/mer, grace a la logique de so" /lOIII"eaU calc/ll. 1II1 POlit elllrc la
~ta"q/le et l'énergétique. en faisant naître /a force l'il'e des impressions répbécs de /0
Jorce morte» (R. Dugas 1954. p. 519).
_
à
(5) La détennination précise de la nOlion de "force viVCn a donné licu en mécanique
une colHroverse demeurée célèbrc.
60
M.
RENAULT
"
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. "ALOGIE FORMELLE ET ANALOGIE SUBSTANTIELLE EN ÉCONOMIE
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61
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encore accentué par la refonnulation du principe de moindre action .. ), ,.~. Spencer et E. Haeckel). Cet essentialisme aura une certaine in­
par Poisson et surtout par les travaux de Sadi Carnot. Ce dernier a . , ';.. fluence dans le domaine des sciences humaines, donnant naissance à
'abordé l'économie des machines par l'intermédiaire d'une allalogie
;',' des «éllergétiques sociales» réduisant dans une large mesure les in­
hydraulique (6) (R. Locqueneux 1989) et l'un des intérêts principaux
teractions sociales à des phénomènes liés à l'énergie (distribution et
de son travail est d'ordre économique: il concerne l'optimisation
redistribution d'énergie, épuisement de potentieL). En économie, la
du rendement des machines. Ainsi, à travers la mécanique appliquée,
'. recherche d'un standard absolu de valeur s'apparentera souvent à ce
la double filiation de la ,dynamique se révèle : elle est science des
, type de démarche.
trajectoires mais également science des bilans (Prigogine et Stengers
L'autre innovation importante de la physique au XIX· siècle concerne
1979, p. 73). C'est principalement par les travaux de L. Carnot,
l'introduction de la Ilotioll de champ. La naissance de ce concept
S. Carnot, H. Helmholtz, R. Mayer qu'elle acquerra cette seconde
remonte à l'expérience du savant danois Oersted, effectuée en 1819, et
signification en introduisant le concept d'énergie : le bilan traduit
qui contredisait les résultats attendus par une interprétation mécanique
l'équivalence quantitative de l'avant et de l'après mais également la
usuelle. Cette expérience marqua les débuts de l'électromagnétisme
différence qualitative entre les deux états.
e
en montrant que la circulation de l'électricit(j dans un fil produit une
.
Thomas Young substituera au début du XIX siècle le terme «énergie»
action à distance, un effet magnétique. Le courant produit dans l'espace
au terme «force vive». Le mot fut utilisé par James 111Omson (le
environnant ce qu'on appelle un champ magnétique. Ce concept a
frère de lord Kelvin) pour désigner d'une façon générale la capacité à
été
développé et explicité par J.e. Maxwell et il est implicite dans
fournir un travail (1852). Macquorn Rankine proposa la distinction
les
travaux de Faraday. Selon la définition de J.e. Maxwell : «Le
entre «énergie d'activité» (actuelle) et «énergie de configuration"
champ
électrique est la portioll (!.e l'espace \'oisille des COll'S électrisés.
(potentielle ou latente) en 1853. Le terme «énergie potentielle" fut
cOllsidérée
au poinT de l'Ile des;phéllomèlles élecrriques. Il pel/l être
adopté mais le terme «kinetic» (cinétique) fut substitué à «actuel>.
par
de l'air 011 par d'alltres COlpS, 011 bien peut-être par ce qlle
occupé
par W. Thomson et P.G. Tait (d'Arcy W. Thompson 1942). On peut
lIOUS
appelons
le l'ide, c'est-à-dire lin espace d' 0/1 nOlis (II'ons retiré
également rappeler qu'à la suite des travaux de S. Carnot et R. Clausius,
toutes
les
sllhstancessur
lesquelles nous pOlil'ons agir par les moyens
le principe de l'entropie. (le plus «métaphysique» des principes de la
!!lis
à
notre
disposition.
Si
lin corps électrisé est introduit en un pOlllt
physique selon N. Georgescu-Roegen) fut formulé.
du
champ
électrique,
en
général,
il déterminera un changement dalls
Au plan épistémologique, la découverte du principe de conservation
la
distriblltion
de
l'électrisation
à
la slllface des autres COlpS» (J.e.
de l'énergie donna naissance à un nouveau système d'interprétation
Maxwell
1885,
tome
J,
p.
51).
La
notion
de champ donna naissance à
théorique. L'énergétique a constitué ainsi un nouveau système de méca­
des
positions
méthOdologiques
et
épistémologiques
divergentes autour
nique en éliminant la notion de force, jugée anthropomorphique, pour
de
l'interprétation
newtonienne
ou
pré-newtonienne
(les tourbillons
la remplacer par la notion «positive» d'énergie (J. Rosmorduc 1985,
la
notion
d'éther,
d'une
conception
cartésiens...
)
du
phénomène,
de
p. 22, W. Ostwald 1991). Les principaux représentants de ce courant
dynamiste
et
holiste
de
la
nature
issue
de
Fichte
et
Schelling
(qui était
de pensée furent W. Ostwald, P. Duhem, J.W. Gibbs, H. Helmholtz.
celle
d'Oersted).
La
métaphore
Ilydralllique
est
également
présente
(à
Le physicien E. Mach tira les leçons méthodologiques des apports de
travers
la
notion
de
flux)
dans
l'interprétation
des
phénomènes
électro­
l'énergétique pour en appeler à une science phénoménologique. En
magnétiques, L'interprétation dominante fut celle proposée par Faraday
ce qui concerne notre propos, il est important de rappeler qu'à côté
et Maxwell; pour J.e. Maxwell, l'électromagnétisme fait partie d'un
de ces aspects proprement scientifiques l'énergétique donna naissance
mécanisme élargi, un certain nombre d'analogies pouvant être établies
à un système cosmologique essentialiste considérant l'énergie (et non
entre
les phénomènes électriques et le mouvement des corps matériels
plus la matière) comme la substance du monde physique. W. Ostwald
(comme
l'eau). Ainsi: "Pour l' esprit qui a IIne fois reconnu l' analogie .
et G. Helm furent les représentants les plus éminents de ce courant
que
présentellt-'~s
phénomènes de self-induction et ~eux dumoul'ement \
de pensée (il faudrait également y ajouter, avec certaines nuances,
des COlpS malenels, Il est diffiCIle de renoncer enflerement CIlI secours
qu'ail peut tirer de cette analogie ou d'admettre qu'elle est superficielle
(6) Voir aussi: J. Grinevald (1976, p. 59).
o,u trompeuse» (J.C. Maxwell 1885, iome 2, p. 224).
62
M.
lT·
~ALOGIE FORMELLE ET ANALOGIE SUBSTANTIELLE EN ÉCONOMIE
RENAULT ::~
"
rl:Qrrespondances
termes à termes (L. Amoroso), et/ou font référence à
unité substantielle du monde (EY. Edgeworth et L. Winiarski).
'Y;ici,,: La mise en évidence des références à la physique du XIXe siècle ef­
.Y fectuées par les économistes va nous permettre de repérer ces distinc­
;, tions. Notons cependant qu'il ne faut pas négliger les aspects «extra­
économiques» de certaines vues des économistes, notamment en ce qui
concerne W.S. Jevons qui s'est intéressé à l'aspect logique des sciences
et aux problèmes de méthode (c. Schmidt 1985, p. 68).
Une interprétation générale de la notion de champ (et notamment
\ dans les sciences humaines) en fera, du fait qu'elle implique Une
certaine unité spatio-temporelle, un <dieu de formes ». En physique
l'unité se réalise par des interactions de «proche en proche» (ou p~
l'intermédiaire d'un éther, notion toujours ambiguë) et les formes
obéissent à des principes d'extremum (Lalande 1991, p. 137). Ce
concept permet d'introduire une notion de totalité en physique.
A travers ces rappels, on perçoit déjà, en schématisant, que les
conceptions physiques reftètelll un dualisme entre des conceptions
d'ordre purement scientifique et des intel1J1"étations métaphysiques
qui rem'oient cl des systèmes d'il11erprétation cosmologiques, l'une
et l'alllre n'étal11 pas exc/usil'e et apparaissant pmfois conjoimemem
(c'est le cas par exemple pour W. Ostwald). Nous allons voir que ce
type de dualisme (formalisme/substance) .se retrouve chez un certaIn
nombre d'économistes néo-classiques. Les références physIques de ces
économIstes ne son! cependant pas réductibles à la seule physique des
champs et de l'énergie, les situations étant diversifiées selon les auteurs.
:i'ime
1) Des analogies formelles avec la mécanique:
l'économique" ne\vtonienne» de L. Walras et W.S. Jevons
0­
II. DES ANALOGIES PLUS OU MOINS NETTES
ENTRE L'ÉCONOMIQUE NÉO-CLASSIQUE
ET LA PHYSIQUE DES CHAMPS ET DE L'ÉNERGIE
Selon Paul Chanier (1979, p. 151) : «On ne dit pas assez combien
l'idée d'un équilibre général ail toutes les mriables se déterminelll
simultanément est une métaphore emprul11ée à la physique des champs
de forces.» De même selon P. Mirowski (1988, p. 41) : «The essence of
the neo-c/assical anolysis is the appropriation ofIlle physicol concept of
the field.» Il y aurait ainsi eu une !fu;continuité majeure dans la pensée
économique autour des années 1870-1880 (Mirowski 1984, p. 363) liée
aux innovations de la physique.
Selon nous, cette généralisation est trop forte et il faut effectuer une
distinction entre trois groupes d'économistes:
- ceux qui demeurent attachés à l'analogie entre l'équilibre écono­
mique et la mécanique (Walras et Jevons): l'usage de l'analogie élant
principalement d'ordre méthodologique (analogies formelles);
- ceux qui effectuent des analogies avec la physique des champs de
forces et de l'énergie sans adhérer à des interprétations métaphysiques
ou en demeurant à la lisière de celles-ci (Fisher et Pareto>";
- ceux qui adoptent les fonnalismes de la physique des champs et
de l'énergie (dynamique hamiltonienne) avec une volonté délibérée de
63
~r
Le système de référence analogique de L. Walras demeure at­
taché cl la mécanique lagrangienne par l'interméd,aIre des travaÏÏX
ce Poinsot (1824), et si l'on peut qualifier l'économie walrasienne de
«newtonienne» (S. Hollander 1989) (ou de «cartésienne» par certains
aspects), on ne peut en aucun cas l'imputer à une métaphore énergéti­
que. Celà ne veut pas dire que [. Wâlr-<lS n'etaIt pas au courant des
évolutions de la physique au XIXe. Ainsi, il se réfère souvent dans
sa correspondance aux travaux de Fourier, Am ère, Him Clausius...
(L. Walras 1987, p. 324 et . Jaffe 1965) pour justifier son ambition de
faire de l'économie une branche nouvelle des mathématiques ou une
science de nature physico-mathématique. Il n'y a alors pas chez Walras
d'analogies formelles ou substantielles à proprement parler mais plutôt
'es analogies tjiscursives à but didactigue ou rhétorigue. Ce premier as­
pect métaphorique de l'économique néo-classique ne doit jamais être
perdu de vue au risque de créer un monde qui n'a plus rien à voir
avec les' vues de ceS économistes. Dans une large mesure, il s'agit
de rendre a ui sur des sciences établies our justifier l'a lication
des mathématiques à l'économie, et l'introduction un mode de raI­
Sonnement hypothttÎque, ce qUI à l'époque n'allait nullement de soi.
Ajoutons que L. Walras n'a jamais adhéré à une conception substan­
tielle de la valeur comme le montre sa correspondance avec P. Geddes
(Martinez-Allier 1987, p. 8 et p. 90), même s'il s'est parfois senti
proche des vues des «énergétistes» (et notamment de E. Solvay - voir
W. Jaffe 1965, lettre 1295) dans la volonté de réforme «rationnelle»
de la société.
Cependant, d'un autre côté, il serait dangereux de mésestimer la
portée de l'analogie dans la constitution de l'économique néo-classique.
On peut en effet se demander à quoi riment les correspondances
systématiques établies par l'intennédiaire de tableaux entre concepts
(
7
~
64
"
M.
'~LOGIE fORMELLE ET'ANALOGIE SUBSTANTIELLE EN ÉCONOMIE
RENAULT'.":
,
'
65
i,p,\~steriori
physiques et concepts éCOnOmiqUeS,' On retrouve celles-ci de façon ':" ',"",. ,
malgré des préoccupations mécanistes largement partagées
\ récurrente, alors même que les concepts mis en relation d'identité n. ' "", hl'époque).
De son côté, W.S. Jevons se trouv: dans une situation large~ent
\ s?nt gas d~ même nature et que la validit.é de. ces correspondanc~8
n est lamaiS Justifiée. 11 ne peut plus s'agir uniquement d'analogies ',,: aiJaloaue à celle de L. Walras en ce qUI concerne son ouvrage majeur,
discurs~v~s à but didactique. ';"ais bien d'.analog.ies au sens propre ayant 1:'La tlitorie de l' économie ~olitique. La principale image ~tilisée pour
leur ongme dans une similitude formelle qUI peut tendre à devenir ! ' illustrer l'éqUilibre économique est celle de la balance que 1 on retrouve
substantielle. Il faut également noter que des erreurs relevant soit \
chez Walras, il s'agit donc là encore d'une analogie avec la mécanique
d'une méconnaissance de la physique soit d'une mauvaise définition i
classique. Cependant, dans un autre ouvrage, Tlle principles of science,
des notions émaillent ces tableaux. Ce type de correspondances termes
'
W.S. Jevons révèle une grande familiarité avec la physique du XIX· et en
à ~ernl:s tend ,~ identi~er l'économique à la méc.anique et ~eut, de ce
particulier ~vec les travau.x de J.C. Maxwell et ceux de W. Thomson
fait, onenter 1 eCOnOmlqUe vers la recherche toujours plus etendue de
.(Lord Kelvm) et P.O. Tait. A travers cet ouvrage deux éléments se
dégagent:
correspondances en indiquant les étapes suivantes de la démarche (par
exemple la recherche de l'analogue d'un principe de conservation de
' _ une conception unitaire de la nature;
l'énergie par V. Pareto puis par L. Amoroso).
_ une volonté de ,transposition d'éléments de la physique aux
sciences humaines.
Pour en revenir à L. Walras, la principale apparition de la notion
En ce qui concerne le premier élément, W.S. Jevons écrivait:
------"" d'énergie se trouve dans son mémoire «Economique et mécanique»
! :tw;k
(repris dans Walras 1987, p. 334) dans lequel il Identifie l'équation
d'utilité maxima avec l'équation d'énergie maxima de la mécanique
(dans le cas de l'équilibre de la balance romaine). Cette identification
repose sur l'identité formelle des équations de l'équilibre entre méca­
nique et économique. En ce qui concerne l'interprétation énergétique,
elle pose problème puisqu'en mécanique, c'est la position de mini­
mum qui est privilégiée dans le cas de l'équilibre (Lotka 1956, p. 157).
De plus, l'indifférenciation fonnelle des positions de minimum et de
maximum n'est pas exclusive de différences qualitatives; si maximiser
ou minimiser représente une même opération, un minimum n'est pas
équivalent à un maximum. La correspondance de L. Walras avec P.
Boninsegni et H. Laurent révèle que de nombreux problèmes se sont
posés dans l'établissement de ces correspondances, notamment en ce
qui concerne des problèmes d'intégration (voir P. Mirowski 1989). On
'\ trouve également dans la correspondance de L. Walras une lettre de
L. Perozzo lui faisant part du formalisme de Hamilton-Poisson-Jacobi
pour traiter les problèmes de dynamique économique en se basant sur
les travaux de O.B. Antonelli (W Jaffe 1965, lettre 962, février 1890).
Dans le cas préserité par L. Perozzo, les équations du marché exprimées
«en dérivée des objets que l' 011 l'eut vendre» forment un système ja­
cobien. Selon L. Perozzo, J'économie mathématique «doit rechercher»
une complète similitude avec le formalisme hamiltonien. L. Walras ne
semble toutefois pas avoir donné suite à ces remarques et l'influence
de la physique des champs et de l'énergie sur sa construction théori­
que est presque nulle (de plus, les analogies semblent avoir été établies
II
"Life seems to be notiling but a special form of energy wllicll
is manifested in lieat and electricity and mecllanical force. Tlle
time may come. it almost seems. wllen tlle tender mec/wnism
of tlle braill will be traced out, and el'ery tllol/gllt reduced to a
determinare weigllt of nitrogen and pllOspllorus. No apparent
limit exists ra the Sl/ccess of scientific method in weigllillg
and measuring, and reducing beneatll tlle sway of law. tlie
pllellomena botll of marrer and milld" (W.S. Jevons 1958,
p. 735-736).
Il établissait de cette façon une analogie substantielle entre les
phénomènes de la vie et les phénomènes physiques, les uns et les autres
étant censés être réductibles à des interactions d'énergie. Une science
de la vie purement phénoménologique serait donc possible. W.S. Je­
vons a ainsi subi l'influence de Herbert Spencer et de sa conception
évolutionniste reliée à celle de C. Darwin : "1 question wlletller any
sciemific works whicll /lCIve appeared since tlle principia of Newton are
comparable in importance witll tl/Ose of Darwin and Spencel; revolu­
tiolling as tlley do ail our l'iews of tlle origin of bodi/y, mental. II/oral
and social pllenomena" (W.S. Jevons 1958, p. 762). Ces deux exem­
ples montrent l'existence d'une tendance scientiste et réductionniste
liée au concept d'énergie conçu comme le fondement d'un système
d'interprétation global. Ces tendances se retrouvent dans une certaine
mesure chez L. Walras dans l'«esquisse d'une doctrine économique et
sociale» qui clôt les Etudes d'économie appliquée. Sully Prudhomme
lui fera remarquer que ces affirmations relèvent d'une conception méta­
66
M.
physique à travers la définition d'universaux (W. Jaffe 1965, lettre 1342
mars 1898). W.S. Jevons a également signalé que, dans l'évolution de;
organismes, on observe la production de formes complexes organisées
gouvernées par des principes géométriques en terme d'extremum (7):
Dans un ouvrage posthume, The principles of economics, W.S. Jevons
écrivait que. d'après les principes de conservation de ['énergie et de la
matière, ni l'énergie ni la matière ne peuvent être créées ou détruites:
tout changement n'est qu'une apparence (Mirowski 1989, p. 289). De
cette façon, on ne peut réellement créer de richesses mais seulement
des utilités. On peut donc déjà se demander si en filigrane de celle
réflexion ne se trouve pas une conception substantielle de la valeur
et la recherche d'un standard absolu, cela n'étant cependant qu'une
conjecture (le pas sera explicitement franchi par L. Winiarski).
2) La «théorie des dimensions" et la transposition
d'éléments de la physique en économie
W.S. Jevons s'est intéressé à la transposition de la «111éorie des
dimen'~ions ", exprimée par J.c. Maxwell et issue des travaux de Fourier
sur la chaleur (1822). Selon Jevons, les progrès récents des sciences
montrent qu'il est nécessaire de faire usage de notations «dans le bw
d' e.\primer d'une manière claire les natures et les relations des di l'erses
espèces de quantités en jeu" (WS. Jevons 1909, p. 124). Ainsi, il existe
des dimensions positives telles que la longueur L, les dimensions de
surface LL ou L 2 et des dimensions négatives qui sont obtenues por
division, par exemple les dimensions de la vitesse qui sont obtenues en
divisant une longueur par un temps, soit LT-l, la dimension du travail
étant par exemple AlUT- 2 •
Un des apports de la thel1l10dynamique a consisté à montrer que
les masses ou les f1u.ides inobservables, insensibles, pouvaient être
liés rigoureusement par des mesures quantitatives aux phénomènes
dynamiques observables à la suite de la découverte du principe de
l'équivalence du travail et de la chaleur (Hammamdjian 1980, p. 189­
190). Le problème de J.c. Maxwell était de décrire les phénomènes
(7)
i~LOGIE FORMELLE ET 'ANALOGIE SUBSTANTIELLE EN ÉCONOMIE
RENAULT
Cc qui pourrait se rauacher à la conception des champs en terme de lieux de
formes. Il faut également rappeler que Jevons a commencé par s'intéresser à la logique
et notamment au système de Boole. Pour C. Schmidt, le ((programme de Jevons)!
sc situe à l'intersection de deux courants d'idées: «La définirioll du domaine des
plaisirs et des peines comme champs d'il/vestigatioll sc trO/ll'C dirertemem reprise de
J, Bemham, qui Cil m'oit emrepris l'illl'estigatiolJ 011 débm dit X1X e siècle. Quant au
modèle de calcltl, il regroupe les recherches effectuées par Jel'o1/s SU" les fondementS
logiques du calcul arithmétique" (Schmidt 1985, p. 68).
67
~.(
&ant été identifiés comme relevant de l'électromagnétisme et de
;'~'iriontrer «comment on peut les soumettre à la mesure et (de) rechercher
'~'{Ïës relations mathémaliques qui existent entre les quantités mesurées»
;"fcJ.c. Maxwell 1885, p. IX). C'est dans ce but qu'il faut définir
-")'précisément les dimensions des unités de mesure.
ik I.C. Maxwell s'est servi de celte «théorie des dimensions» pour jus­
Utifier le transfert analogique entre domaines de la physique (par exemple
'entre la mécanique et l'électromagnétisme) en posant le principe que
deux concepts sont analogues s' ils ont les mêmes dimènsions (8), Par
exemple, le produit d'une force généralisée par un déplacement généra­
'lisé doit avoir la dimension d'un travail mais chacun des termes méta­
phoriques (Hammamdjian 1980) pris séparément ne doit pas forcément
avoir la dimension d'une force pour l'un, d'un déplacement pour l'au­
, Ire. Jevons indiquera que les quantités dont traite l'économique sont le
"plaisir et l'effort et <<llOtre lâche la plus difficile sera d'exprimer correctement leurs dimensions» (W.S. Jevons 1909, p. 332). Pour lui, la
'seule dimension appartenant en propre à la sensation est l'intensité. Elle
représente «/' état instantané causé par une quantité élémentaire ou in­
finitésimale du produit consommé», L'intensité d'iè sensation est un autre
nom du degré d'utilité (on voit alors s'opérer le déplacement métapho­
rique au sens de Maxwell) qui représente «/' effet fal'oraiJ/e produit sur
le COlpS humain par la consommation d'un produit, c'est-cl-dire d'une
quantité élémentaire ou injinirésimale de ce produit». Celte dimension
peut être désignée par U. Selon Jevons, pour jouir d'une «condition
de grand plaisin>, une personne doit avoir besoin d'une certaine quan­ tité de produit et doit en être bien approvisionnée. Cet approvisionne­
, . ment est représenté par le taux d'approvisionnement (nous sommes en
. données instantanées, on parle donc de vitesses). On doit donc multi­
plier U par MT- 1 et UMT-l doit être interprété comme "la quantité
de produil donnant un certain montant de plaisir par unité de temps».
Pour obtenir les dimensions de l'utilité, on dbit multiplier UMT- 1 par
T, ce qui se réduit à MU; cela reviendrait à obtenir une surface à partir
d'unités n'ayant pas la dimension de longueurs.
o
(8) J.C. Maxwell écrivait: ({La caractéristique d'ull nai s)'stème scientifique de
métaphores est qIle chaque terme dalls SOli sells métaphorique retiellt tolites les
, relations/ormel/es arec les alitres termes qll' il omit da1/s SOli sens origillal. La méthode \
- es~ alors scientifique - c'est-à-di,.e qu'el/e est 1/011 sC/Ilemellf ml produit légitime de la 1
SCIence, mais ((II' elle est capable d'engendrer de la science à son toun. "The scienlific
'; papersof J.C. MaxwCfr cile par ammamdjian 1980 p.
. n peu! alors comprendre
, comment l'analogie tend à orienter un programme de recherche par identificalions
, successives de relations fonnelles à partir de correspondances initiales.
68
M. RENAULT'" ,
lE FORMELLE ET ANALOGIE SUBSTANTIELLE EN ÉCONOMIE
69
A partir de ce type de considérations, il est facile d'effectuer un
,'ièrvoi; de moulin ou d'un pont suspendu), c'est la réalisation des
transfertanalogi.qu~ d'un domaine dans l'autre et l'utilité marginale~p,J~i~io.ns q~i minimisent le'p0t~~tiel» (1. Fis~er 191:,' p. 10~). Ceci
sera souvent asslml.lée.à la force: On ~otera cepe?dant que la nO~ation-;'J,~ralt IdentIque au cas ?e .1. éqUlhb.re économIque qUI s.e réahse pour r
de Jevons est amblgue car la dimenSIOn 111 déSIgnant la quantité de .1:; l'arrangement donnant 1 utlhté maxImum. Le cadre de raIsonnement de
biens est identique à celle désignant la masse en mécanique; on peut
. {Fisher est donc constitué par une analogie formelle avec la physigue
alors se demander si masse et quantité économique sont de même
des champs et de l'énergie (il faut rappeler que ce fut J.W. Gibbs qui
nature. L'homogénéité dés concepts est difficile à vérifier et repose Sur
lé fit s'mtéresser à l'économie). Les analogies établies par 1. Fisher se \ 1
un postulat de dépan : l'assimilation de l'utilité marginale à la force.
1 trouvent rassemblées dans le chapitre III de la partie II des Recherches U
En fait, il semble souvent que ces réflexions amènent à poser la i intitulé «Analogies mécaniques». L'équilibre est réalisé quand il y a
compensation entre utilité et désutilité et cela correspondrait exactepossibilité de mesurabilité de l'utilité selon des unités physiques et une
hésitation est perceptible entre une unité méthodologique des sciences
ment selon Fisher au cas de la physique pour laquelle, à l'équilibre, la
et une unité substantielle (mais alors comment exprimer l'utilité à panir
compensation des forces implique la réalisation d'un maximum d'éner­
des unités de longueur, de masse et de temps ?).
gie, l'énergie étant alors égale au produit de la force par l'espace, de
' même quele bénéfice est le roduit de l'utilité mar inale ar la uan­
Ajoutons que des considérations similaires se retrouvent chez
lV\dv Q v
1. Fisher' : pour lui, les mathématiques offrent un camp considérable
tité de bien. Cette identification directe est mala rolte : en effet c'est
ud "'"
d'investigations pour la Ihéorie pure et permettent de faire la distinction
le travail effectué au cours d'un déplacement qui est égal à la force
'1
entr~ ~n grix élevé e.t un prix s'é.leva~t, ce qui es~ aussi important que
multipli.éeyar I:espac~, même ~i le trav~il t~tal peut s'exprimer comme
la dlstmctlon entre vItesse et accelératlon en phYSique. Les mathématiune vanatlon d énergIe potentIelle ou cmétlque (91.
ques aident aussi à rendre claires les dimensions des grandeurs traitées:
. La notion de"potentiel est également employée de façon analogique
"Thus Ihe quall1il)' of \\'heal, ils price, and ils l'aille are Ihree magni·
par V. Pareto. Cela ne va pas sans poser de problèmes, notamment en
ludes as IInlike ill dimensionalil)' as lime, relocil)' and dislance. The
ce qui concerne l'intégration de certaines fonctions lorsqu'on considère
raIe of inleresllws Ihe simplesl dimensionalily, being precisely like 011plus de deux biens. Dans le Cours d'économie politique (1964), Pareto
gular velocity in physics, of dimension T- I " (1. Fisher 1941, p. 190).
~onsidère le cas d'un équilibre dynamique de la société. Dans ce
1. Fisher s'est lui aussi attaché à mettre en correspondances concepts
(9) Par exemple si une force F agissant sur une particule lui confère un déplacement
physiques et concepts économiques, son parcours l'ayant conduit d'une
dr le travail es! alors défini par:
science à l'autre. On trouve alors une analogie formelle largement
dW=F·dr
présente en économie: l'identification de la fonction d'utilité totale
à un potentiel.
Le travail total effectué par un champ de force F déplaçant une particule d'un point
Pt à un point Pz le long d'une courbe C est donné par l'intégrale:
3) J. Fisher, V. Pareto et la notion de potentiel
W=
Dans ses Recherches malhémaliques, sur la Ihéoi"ie de la l'Gleur et
des prix, 1. Fisher introduit la notion de potentiel lorsqu'il examine le
point de tangence entre une droite de budget et une ligne d'indifférence
donnant le maximum de satisfaction (1. Fisher 1917, p. 109) et déter­
minant une position d'équilibre pour le consommateur. Selon lui, on
obtient l'équilibre du consommateur pour deux biens Il et B lorsque les
prix et les quantités des autres articles restent inchangés et ce cas est
comparable à un savant cherchant à étudier l'équilibre d'un pendule en
limitant le mouvement à un seul plan: «Le principe sur lequel repose
l'équilibre d' 1111 pendille 011 1111 éqllilibre mécaniqlle (comme ceilli d' 11/1
r
Je
r
Jpl
P2
F.dr=
F.dr
de plus le travail total effectué dans le déplacement est donné par:
W=
1
1
SI· on noie:
T, = ~ VI2 (énergie cinétique à P,)
T2 =
1
2 vi
2
2
F·dr= - m(V2 -VI)
G
2
,
(énergie cinétique à Pz)
alors: IV = T 2 - T, (Spiegel 1967. p. 34-36)
S"ç,
p-,.
/l.vo4p ­
7-1­
(.
70
;.'
"
1
M:RENAUL1Ü'
cas, l'ophélimité totale, quand elle existe, correspond à la fonction
des forces en mécanique, c'est-à-dire une fonction dont les dérivées
partielles il>a, il>b, <1>" ... représentent les forces qui sollicitent le point
matériel. Selon V. Pareto, si l'on indique par L une somme qui s'étend
à tout le système de points matériels ou d'individus et qu'on pose:
J = il> la fonction des forces est -J et J représente "ce qu'oll
appelle dans la théorie'mécanique de la chaleur l'énergie potentielle»
(V. Pareto 1964, tome l, p. ID). Rappelons qu'en mécanique on
L
'1
-.JO'
~'I
distingue entre l'énergie cinétique (~mV2) et l'énergie potentielle
qui est la fonction des forces (ou le potentiel) changé(e) de signe.
L'analogue économique du potentiel serait donc l'ophélimité totale.
En physique une fonction des forces est une fonction qui s'écrit:
U
{f~) J..;
U=
J
F(U),dU
1.--
li- - '1-,­
dont les dérivées partielles 6Uj6x, 6Uj6y, 6Uj6z sont égales aux
composantes de la force appliquée aux points (x,y, z), coordonnées
prises par rapport aux trois axes de At qui est un point,matériel.
En économie l'analogue estl'ophélimité totale qui s'écrit:
<1>(q) = j<p(q) dq
<p(q) = utilité marginale
De plus, si on suppose qu'il existe une fonction scalaire V telle
que F = -'V V, alors on peut montrer qu'un champ de force Fest
conservalif si et seulement si il existe un champ scalaire continûmeat
différentiable tel que : F = - 'VV ou de façon équivalente si et
seulement si : v F = curl F = 0 (M.R. Spiegel 1967 p. 35). Ainsi
un champ de force continûment différentiable Fest conservatif si et
seulement si pour toute courbe close sans intersection
e:
fa
F· d,'
= 0,
c'est-à-dire que le travail total effectué en déplaçant une particule selon
une courbe fermée est nul.
Ces éléments se retrouvent chez Fisher et il est permis de s'interroger
à ce propos sur le statut de l'analogie hydraulique chez ce dernier.
En effet, il faut rappeler que l'origine de la notion de fonction de
force provient de l'hydrodynamique. C'est Clairault qui introdUISit
cette notion en établissant que l'équilibre d'un liquide n'est en général
possible que lorsque ce liquide est soumis, en chaque point, à des forceS
qui peuvent être expriméès par les dérivées partielles d'une même
fonction généralisée U des cordonQ~u..j~pint (E. Mach 1904, p. 3771.
',;LooIE FORMELLE ET ANALOGIE SUBSTANTIELLE EN ÉCONOMIE
71
1tt
",zjôsi, chez I.e. Maxwell, comme deux variables dans deux domaines
~yant les mêmes dimensions sont analogues, on peut leUr appliquer le
:~1nême cadre interprétatif: l'électricité est ainsi «analogue» à l'eau dans
'!"Ia' théorie hydrodynamique. On peut alors se demander si la maquette
1 ?2~iJstruite par I. Fisher pour représenter le fonctionnement d'un système
j"économique à partir d'un système de vases communicants constitue
un simple modèle pédagogique ou si elle est la conséquence d'une
démarche analogique transitant par les fonnalismes de la physique
1
1
des champs. La réponse n'est pas claire mais il faut rappeler que
: la métaphore des vases cominunicants ou celle de la surface d'un
lac se retrouve chez L. Walras, V. Pareto, A. Marshall, lB. Clark,
L. Amoroso... (10). I. Fisher note dans ses Recherches que l'expression:
VUI = F(I) traduit l'existence d'une ligne de niveau relative à un
ni,veau d'utilité (1917, p. 125). On peut ainsi considérer des surfaces
de niveau voisines du type U = e, U = e + de, U = C + 2dC...
Le déplacement sul' celte surface n'exige aucun travail (ou plutôt on
dëvrait dire que le travail est nul), ce qui est le cas en économie pour les
lignes d'indifférences (la métaphore topographique des lignes de niveau
est bien connue). En mécanique, l'ensemble des points pour lesquels U
a même valeur (U = constante) est appelé une surface de niveau. On
obtient également l'assimilation de la force à l'utilité marginale par le
biais de celte analogie.
. Le problème qui se pose alors est celui de l'existence d'une telle
fonction U et V. Pareto l'avait bien perçu. En effet, dans le Ma­
nuel d'éco/1omie politique, il note que, s'il est possible de montrer
que 1'0phélimité totale est une différentielle exacte, elle pourra être
identifiée avec la fonction potentiel de l'énergétique (V. Pareto 1963,
~;,556). L'équilibre pourrait alors être conlll1e u/1ea/1/1ulatio/1 de po­
tentiel. En effet, dans un champ conservatif avec un potentiel U, une
condition nécessaire et suffisante pour qu'une particule soit en équilibre
~st que:
'VV
=0
soit:
Wj6x
= 6Uj6y = 6Uj6z = 0
V. Pareto n'ira cependant pas jusque-là, car selon lui rien ne per­
met de penser que l'on puisse trouver une fonction d'ophélimité to­
tale et qu'elle soit une différentielle exacte. En économie, l'analo­
gue de la fonction potentiel est donné par une fonction U (U =
(0) Pour J. Grinevald : «L'Europe est mie cÎl'ilisa(ioll de l'eau jusqu'à la révollllioli
comorienne( ...). Bien plus, la philosophie mécaniste ail sein de laqllelle se CO/lstitua
la s.ciellce :moderne est colllemporaine el élroitemellt liée à l'ingénierie hydraulique»
(Gnnevald 1976, p. 74. Voir aussi M. Renault 1991, p. 34 et suivantes)
,
72
. '-
..i
. M~ RENAUt/"
U(XI, X2, xa, .. , ,xn » représentant l'utilité totale pour un individu pro.
curée par la consommation de n biens en quantités x" X2, Xa,. ", x .
Si on écrit la différentielle de U en termes des utilités marginales, o~
obtient de façon usuelle:
dU = U,dx, + U2dx2 + ... + Undx"
Ui =6U/6x i
L'utilité tOlale peut être alors définie par l'intégrale:
U=
fa
U,dx,
+ U2dx 2 + ... + U"dx n
C étant un chemin dans l'espace des biens entre une position initiale
A et une seconde position B (H.T. Davis 1941, p. 78). Rien n'assure
ue tout chemin entre A et B donne une valeur unique à U.
Les questions soulevées par la présentation de l'utilité comme une
intégrale furent posées par V. Pareto (Mirowski 1988 et Davis 1941)
à la suite des remarques faites par Vito Volterra (Chipman, Hurwicz,
Richter, Sonnensheh, 1971, p. 370-385). Dans le Manuel V. Pareto
considère en effet de~ «cycles clos» et des «cycles ouverts» :
- si on considère un chemin suivi par un consommateur qui, partant
d'un point x, Y,·,·, t, fait retour à ce point, on dira qu'on parcourt un
cycle fermé;
- si on revient à ce point avec le même indice d'ophélimité que
celui avec lequel on était parti, il y a indifférence dans l'ordre de
consommation;
- on dira qu'on parcourt un c cie ouven si on revient au point de
départ a~ec un indice d'ophélimité 1 erent e celui avec lequel on était
parti. Ce cas correspond à celui dans lequel l'ordre des consommations
influe sur le plaisir qu'elles procurent (V. Pareto 1963, p. 555).
~ Un retrouve donc le problème de mécanique qui correspondait
au travail effectué en parcourant un chemin clos, si le travail est
indépendal1t du chemin parcouru C (path independency), alors le
champ de force est dit conservatif. Il faut pour cela que l'intégrale:
fa
F·dr=O
ou encore selon les notations économiques usuelles:
Jer U,dx, + U2dx2 + .. ,+ Undx n =0
~~:
,LOGIE FORMELLE ET ANALOGIE SUBSTANTIELLE EN ÉCONOMIE
.
73
l~;'
,dilr que la différentielle :
:~
llP
dU = U,dx,
+ U2dx 2 + ... + ,.. + Undx"
i~oit une différentielle exacte il faut que :
,:.;:.<
Wil6ec; - 6U;/6xi
=0
i,j
= 1,2, ... , n
Le problème est formellemel1t analogue cl la détermination d'un
«champ d'utilité» consen'atif, dans les'mêmes termes que ceux posés
par I. Fisher. Dans ce cas, en effet, on définit une ,digne de niveau»
du type: \IV = F(I). Comme le signale justement P. Mirowski, celle
considération provient d'une analogie avec la mécanique: "/n a closed
cycle tlle initial and final states of a system are independel1t of path ;
in mecllGllics this is isomorphic to a statemel1t of the cOllsen'ation
'of eJiergy. Olle recognizes that a mechallical system can be brought
aroulld a closed cycle by thefact that the expression.'
J
Fxdx+Fydy+
F,dz ... is imegrable and is on exact differential (. ..)" (Mirowski 1988,
p. 36). Ces problèmes d'intégration se posent avant tout lorsque l'on
a plus de deux biens. Ainsi, la tentative de V. Pareto pour preoore en
compte des cycles ouverts dans le cas de deux biens, pour montrer que
l'on peut malgré tout trouver les valeurs des ophélimités élémentaires
par intégration, n'a pas une grande signification (Chipman ... 1971,
p. 370-385).
r En résumé, à travers ces exemples, il serait hasardeux d'affirmer
que la théorie a été une simple transposition terme à terme de la
J mécanique et il semble gue pour L. Walras et W.S. Jevons l'analogie
~it eu avant tout un usage méthodologigue. Cependant, la récurrence
(J'identificatiolls a pu elltraÎller /Ill certaill Ilombre de déril'es el la
mécanique peut alors paraÎlre comme ayant stmcturé le programme
de recherche des économistes, le cas de V. Pareto et de I. Fisher est à
cet égard beaucoup plus ambigu. C'est le cas par exemple en ce qui
COncerne la recherche d'un principe de conservation de l'énergie en
économie. D'autre part la similitude des formalismes, qui ne signifie
rien tant que l'on ne nomme pas les variables et les fonctions en cause,
peut tendre vers une identification substantielle, n'est-ce pas le cas
lorsque H.T. Davis déclare que ; "The direct measuremel1l of uti/ity
llowever, is admiledly a very difftcult mattel: There is some illdiCaliOIl,
lIevel'/lleless, tlIat fUl'/her developmem fil tiie field of biochemistry ma)'
. t~lI'ow COllsiderable light 011 Ihe malter (...)" (Davis 194 l, p. 76)? Ainsi,
SI I~ statut de la maximisation de·l'utilité a subi une transformation
radicale en Jlassant d'une hypothèse empirique sur des motifs de
\
74
,
M R'
•
"
d
ENAULT+
choix économiques à une sim le théorie formelle de la cohérence des
choix (Meidinger 1983, p. 17- ), i! demeure cepen ant un certain
nombre d'ambiguïtés chez les initiateurs de cette théorie. Le cas de la
transposition du principe de moindre action nous semble démonstratif.
III. LE PRINCIPE DE MOINDRE ACTION
DE LA PHYSIQUE À L'ÉCONOMIQUE:
DES ANALOGIES FORMELLES
AUX ANALOGIES SUBSTANTIELLES
Avant le principe de l'entropie, le principe de moindre action a
constitué un des principes les plus métaphysiques de la physique.
Il est en partie lié à la formulation du principe de conservation
de l'énergie. Une interprétation anthropomorphique de formalismes
a permis son transfert dans le domaine des sciences humaines. Ce
principe est fomlellement connexe à la minimisation d'un potentiel et
plus généralement il est lié aux principes de maximum/minimum.
1) Origine et développement du principe en physique (rappels)
L'origine du principe de moindre action en tant que principe phy­
sique remonte aux travaux d'optique effectués par Maupertuis et
présentés dans un mémoire en 1744 (\1). Dans ce mémoire, Maupertuis
exposait ulle nouvelle interprétation du phénomène de la réfraction de
la lumière. en critiquant le principe du moindre temps de Fermat qui
affirmait que la lumière lorsqu'elle traverse différents milieux passe
par le chemin le plus rapide. Maupertuis proposa de considérer que le
chemin suivi par la lumière est celui pour lequel la quantité d'action
est moindre (voir P. Brunet, 1938); l'action étant définie comme le
produit de la masse du corps par la vitesse et l'espace parcouru. En
fait, ce principe est issu de la phYSIque d'Aristote et il s'apparente à un
principe d'économie de la nature (parcimonie), démontrant sa rationa­
lité. Il a pu être formulé sous la forme: «Dieu et la nature ne font rien
inutilement». Ce principe, inhérent à la vision mécaniste du monde, in­
troduit en physique des considérations téléologiques, des causes finales
(Il) Cc principe avait été rOTmul~ auparavant par le
(%5-1039) (H.J. Wimcr 1952. p. 72-73)
savalll
'M-OGIJ'
fORMELLE ET ANALOGIE SUBSTANTIELLE EN ÉCONOMIE
,­
",,-
I:J
/IX:
_Ir. rapport aux causes efficientes (Rosmordue 1985, p. 39-110, Thui!­
I~r' 1991, p. 547). Il constitue également une première approche des
:iirincipes conserl'arifs de la mécanique.et il s'applique aux cas d'équ!­
et d.e chocs des corps. En ce qU!. concerne le choc, MaupertuIs
111rremarquaJt que la somme des forces vIves (mv ou mv2) se conserve
'i';"dprès le choc mais uniquement dans le cas où les corps sont élastiques,
;.ce qui sera généralisé par le principe de conservation de l'énergie.
·c',.,;. Au plan épistémologique, le principe de moindre action permet de
prendre en compte l'équilibre sous foni1e d'un principe de maximum­
minimum, ce qui est d'une très grande importance notamment en
science économique (voir P.A. Samuelson 1972) (12) et a contribué
à la généralité du principe. Au-delà de cet aspect formel, il faut
rappeler aussi que le propos de Maupertuis était cosmologique et
voué à ].'universalité. 11 en voyait la manifestation aussi bien dans le
mouvement des animaux, la végétation des plantes ou la révolution
des astres. Il était censé refléter la rationalité de la nature et la sagesse
du créateur dont la finalité est l'économie et la conservation de la
création. Pour d'Alembert, le principe de Maupertuis est plus qu'un
principe vague qui indiquerait la route la plus facile: il représellle
une expression permettant de~. calculs rigoureux et reflète parfaitement
la simplicité de la nature. Léibniz fut le véritable introducteur d'une
rationalité économique de la nature en affirmant qu'il y a toujours
dans les choses un principe de détermination qui doit être tiré d'un
maximum ou d'un minimum, en sorte que le maximum d'effet soit
obtenu avec le minimum de dépense (Séris 1987). Ce principe a revêtu
une grande importance en mécanique dans l'étude des machines et en
particulier dans les phénomènes liés à la communication de la force,
aux déchets et au rendement (L. Carnot en fera le principe de base de
sa mécanique). Ajoutons qu'avec le développement de la physique le
principe ·a tendu à se débarrasser de toute considération métaphysique
en termes de causes finales. J.-L. Lagrange développa le principe en
le regardant comme '( ml résultat simple et général des lois de la
mécanique» (Lagrange 1989, p. 189). En combinant ce principe avec
celui des forces vives, on obtient une solution simplifiée des problèmes
de mécanique. La formule générale de l'équilibre posée par Lagrange
était: Pdp+Qdq+Rdr+ ... = (P,Q,R = forces; p,q,r = directions).
A partir de là, on peut supposer que ces forces soient exprimées de
façon à ce que la quantité: Pdp+ Qdq + Rd,' +... soit une différentielle
exacte d'une fonction de p,q,r que l'on notera <I? telle que l'on ait:
dif> = Pdp + Qdq + Rdr + ... On aura à l'équilibre d<I? = 0, ce qui
'W,'Jibre
°
aïabc Ibn El Huytham
(12) Cc principe sera aussi associé au problème de la slabilité (Samuelson 1983)
~i"
~ALOGIE FORMELLE ET ANALOGIE SUBSTANTIELLE EN ÉCONOMIE
76
77
R'"
montre que «le système doit être disposé de manière à ce que la
fonction cf> y soit généralement parlant un maximum ou un minimum»
, (Lagrange 1989, p. 36). Hamilton et Jacobi développeront ensuite ce
principe à partir du calcul des variations largement utilisé en économie.
L'intégrale : / (T
+ U)dt sera appelée «action hamiltonienne» et le
principe hamiltonien de la moindre action exprime que cette action
est en général un minimum pour le chemin pris par une particule
(T = énergie cinétique pour un chemin de A à B et U = potentiel).
Le principe est ici dépourvu de toute connotation métaphysique ou
anthropomorphique.
Cependant, malgré cela, ce principe reste très lié à la physique
aristotélicienne par l'intermédiaire de la notion de forme (détermination
des structures en terme d'extrema chez D'Arcy W. Thompson et R.
Thom). D'une façon générale, les principes de maximum-minimum
sont souvent liés au refus de croire au hasard dans la détermination des
formes. Le principe de moindre action a également pu être interprété
comme un principe méthodologique d'économie de la pensée par E.
Mach (E. Mach 1904) (13).
En théorie économique et en sociologie, de nombreuses analogies
ont été effectuées entre le principe de moindre action et la rationalité
économique. Il a même été identifié à un principe de progrès (voir
Ferrière 1915).
2) Rationalité économique et principe de moindre action :
analogie formelle ou analogie substantielle?
En ce qui concerne la rationalité, à partir du moment où on formule
les comportements en terme de maximisation ou de minimisation,
on retrouve au point de l'lie formel des énoncés homologues aux
e~pressions du principe de moindre action (la similitude des équations
de l'équilibre économique avec les équations de Lagrange a déjà été
largement soulignée). Il n'y a alors aucune identification substantielle
mais simplement une identité analytique. Cependant, une fois encore la
frontière entre similitude formelle et analogie substantielle est parfois
ténue, nous allons en donner quelques illustrations.
Dans un article intitulé «L'inle1prétation mathématique de l'unil'ers
économique", L. Amoroso a livré la clef de sa démarche économique.
(13) Celle approche l(économique" est également présente chez C.S. Peirce el la
notion lcibnizicnne du ,(meilleur») sera en partie reprise,par les économislcs américains
à la suite de J. Dewey (voir Renault 1991). Sur les principes de maximum cl la stabilité
voir C.
Schmidt
(1985. p. 156·157)
.
11 rappelle
qu'en 1834 Hamilton a déduit les équations de la méca­
"
. !nique d'un princi e de minimum: le principe de moindre action. Le ,
. "pro me, selon L. Amoroso, étaIt claIrement de transférer ce principe (
".dans le domaine économique; la démarche analogique est donc af­
firmée d'emblée. Il essaya ainsi tout d'abord de formuler un principe
îY'qui jouerait en économie un rôle analogue à celui de l'inertie (Amoroso
.~,' 1924). Ces tentatives Se soldèrent par un échec et il décida de suivre
'" une voie inverse lorsqu'il s'aperçut «que la construction d' une tlléo­
rie dynamique des phénomènes économiques apparaît immédiatemelll
à l'esprit quand on prend le chemin inverse. En effet je m'aperçus que
le principe du moindre moyen (minimo mezzo), qui inspire la conduite
de tous les opérateurs économiques, est analogue au principe de la
moindre action (minima azione) .. (Amoroso 1962, p. 4). L. Amoroso
ne justifie en aucune façon la validité de cette analogie et de ce transfert
qui ne saurait se faire directement sans précautions..
Par ailleurs, dans le domaine des sciences humaines, les analogies
avec ce principe ont souvent été confuses; l'action physique a ainsi
été identifiée au moyen, à la peine, à l'effort... sans que l'homogénéité
des concepts ait été précisée. L. Amoroso, lui, a transposé de façon
" .
complète le formalisme hamiltonien en économie en lui conférant
; 1
dans une certaine mesure une interprétation substantielle. Selon lui,
le principe de la conservation de l'énergie peut même s'interpréter
de façon marginaliste (Amoroso 1942, p. 162-163) : si dans un
processus physique une certaine quantité d'énergie thermique dXI et
une certaine quantité dtén~rgie électromagnétique dX 2 se transfonnent
complètement en une quantité d'énergie mécanique dZ, le principe de
conservation de l'énergie dit que:
"k
dZ = qldX I + q2 dX 2
ql et q2 représentent les unités respectives de .l'énergie thermique
et électromagnétique. Ces équivalents mécaniques peuvent être in­
terprétés, selon L. Amoroso, comme des prix constants (taux d'échange
constant entre formes d'énergie) et le second membre de l'équation
peut être interprété comme un coût de production. On pourrait alors
interpréter la formule comme l'expression d'une équivalence entre la
«valeur marginale du produit .. et la «valeur marginale du colÎt de pro­
duction ..o'). Cela signifierait que «dans le processus de transformation
d'une énergie en une autre, la nature opère comme opérerait un pro­
ducteur qui. dans un établissemelll économique en régime stationnaire
(14) Le modèle de Lcontieff a d'une certaine façon systématisé l'aspect conservatif
et atemporel de ('analyse économique (voir O. Godard el J.-M. Salles 1989: p. 1·2)
78
-~ALOGiE
j":-
M. ~ENAULT
est anime du désir de produire avec un rendement maximum» (Amo­
roso 1942, p. 163). L'interprétation du principe de moindre action en
. terme de minimisation d'un «coat énergétique» relève d'une anthropo_
morphisation (15) de ce principe qui n'a pas de justification excepté la
croyance ultime en une unité de la nature. On risque, de plus, de s'enfer­
mer dans le cadre d'un discours circulaire, très fréquent dans le cas du
mode de raisonnement analogique. Pour L. Von Bertalanffy : «L'erreur
conceptuelle faite par lIIre interprétation anthropomOiphiste est faciie
à découl'ril: Le principe de lIIoilldre acrion et ceux qui en sont proches
résultent de ce que, si 1111 système aueint 1111 état d'équilibre, la dérivée
devient mt/le .. c'est ce qui impliqlle 'Ille cerraines l'Griables oTTeigllem
un extremum, minimum ou maximum . ce Il' est qu.e quand ail donne à
ces variables des noms anthropomOiphisTes, efforr, contrainte, travail,
etc., qU'lIl1e Téléologie apparente des processus physiques ressort dalls
l'actioll physiqlle» (Bertalanffy 1973, p. 74). Ce type d'interprétation
est pourtant courant chez un certain nombre d'économistes.
Ainsi, pour EY. Edgeworth, l'analogie énergétique s'intègre dans
une vision évolutionniste (proche de celle de H. Spencer); il utilise
dans Mathematical psychics le calcul des variations afin d'étudier la
réalisation d'un maximum de plaisir d'~ns le temps en minimisant les
efforts (Edgeworth 1881, p. VIl) : .. By a principle discovered or
improl'ed b)' Lagrallge. each pm"tie/e of the IlOwel'er cOlllplex whole
is continllal/y sa moving That The aCCllllllllation of ellergy which is
constituted by addillg ta each others the energies of the mechanism
existing at each instant of time (tee/lllically termed aCTion - t/,e time
integral of ellergy) sllOuld be a minimllm. By The discol'ery of Sir
William Rowall Hamilton, the subordinaTion of The part ta the wllOle
is more IIseflilly e.\pressed, The l'e1ociTy of eacll part is regarded as
deril'Gble from the action of The wllOle .. tl,e acTion is connected hy
a single, altllOught not an explicit or in general easil)' intelpretable,
relation with the given lalV of force" (Edgeworth 1881, p. Il). On
retrouve alors l'analogie topographique avec les champs de forces
et selon Edgeworth, d'après les principes de Lagrange, la totalité
dynamique (<<conserl'ative») peut être analysée «comme 1111 problème
(15) ScIon EA. Hayek il s'agit là d'un des obslacJes les plus imponants qu'a
renconlrés la science moderne: <1( .. ) L'homme a partout commencé a interpréter les
él'é"eme/ils du monde extérieur d'après sa propre image comme s'i1s éraient animés
par un esprit semblable ail sien: les sciences de la nature rellcomr8ellt dOliC partolll
des explicatiolls obtellues par allalogie al'ec le fOllctionnemem de l'esprit humain. des
théories «olllhropomol1J!liquesl) ou ((animistes» recherch"ll1 /Ill dessein intelllionne! et
elles étaiell1 satisfaites quand elles)' OI'aielll déco/ll'err la preul'e de la présence d'une
Îmelligence ordonnatrice» (Hayek 1986, p. 16- J7).
FORMELLE ET ANALOGIE SUBSTANTIELLE EN ÉCONOMIE
79
t'
'de maximum .. s'il n'y a pas de gain, il n' y a pas de perte» (Edgeworth
";881, p.12). Il y a donc bien chez Edgeworth, au-delà de la simple
rhétorique, une analogie substantielle comme il l'affirme lui-même; en
l'~ffet, ?~ns M.ar/le~natical psychics, la comparaison ellfre l' é~lergie et
'?1t"/e plalSlr rele\'e dune. «reel!e et 1'0 onde analogIe», le maximum de
.(~I plaisir étant associé avec un maximum d' nergle p ysique (Edgeworth
,;" 1881, p.80). Cette comparaison s'appuie en partie sur les travaux de
;?i psycho-physique bien connus de Weber et Fechner.
/'
3) Une anologie substantielle: le principe de moindre action et la
..
notion de progrès
c'.
t
Une analogie substantielle souvent présente chez les économistes et
les sociologues des années 1880-1900 est l'identification du principe
de moindre action à un principe de progrès, d'évolution. Ainsi, d'une
, façon proche de celle de H. Spencer, EY. Edgeworth a mis en avant le
conflit (concurrence) comme un moyen d'obtenir un accroissement de
rendement considéré comme une expression rationnelle du progrès éco­
nOmique (Groenewegen 1990, p. 32); cela de la même façon qu'une tra­
. jectoire est déterminée, entre toutes celles possibles, par le principe de
moindre action. On considère alors le principe d'un point de vue téléo­
logique. Dans ce cas, le principe de moindre action devient un principe
goul'ernant f' é\'ollition des sociétés. Il est associé à la maximisation du
plaisir (connexion plaisir-utilité) (\6). "Capacity for pleasure is a pro­
perty of e\'Olwion, an essellliai alfribllte of ci\'i1isation" (Edgeworth
1881, p. 77). Cette «physique sociale» implique des différenciations
entre individus selon leur capacité au meilleur rendement, non seule­
ment productif mais également en ce qui concerne le plaisir. Le jeu de
la lutte pour la vie devrait être encouragé, car il permettrait le progrès
de la société tout entière. Il faut rappeler que ce type de réflexion,
trait commun de toutes les «énergétiques sociales », n'a pas que des
conséquences sémantiques et que les «théoriciens» du nazisme et pl us
généralement de l'eugénisme ont pu s'inspirer de ces thèses (A.L. Cot
1989) (17). Par exemple, chez L. Winiarski, les différences entre races
sont assimilées à des différences de potentiel qui permettent le mou­
vement dans le système, l'homogénéisation est assimilée à l'action du
(16) Celle connexion plaisir-utililé provient d'une approche uÙlitariste de l'évolution.
Pour H. Spencer: "Les douleurs SOllt lIécessairemellt corrrJatires il des actiolls
mtisiIJ/es pO/lr l'organisme, raI/dis qlle les plaisirs sollt con-é/atlls à des actiolls
cO/lrrilmQIIl au bien·êrrel> (H. Spencer 1901, p. 67 ·68).
(l7) 1. Fisher a fait partic du courant eugéniste aux Elut,s-Unis. Sur les d;1ngers de
l'ingénielic sociale, voir F.A. Hayek (1986).
80
" M,
,.J,
iÂLOGIE FORMELLE ET ANALOGIE SUBSTANTIELLE EN ÉCONOMIE
RENAULT
second principe de la thennodynamique (Winiarski 1967, p. 182). Chez
;Winiarski comme chez Edgeworth, le conflit dans l'évolution, suivant
la connexion plaisir-utilité, est perçu comme un moyen de triompher
du second principe de la thennodynamique (Edgeworth 1881, p. 80).
Ce fait a été reconnu, mais selon un tout autre système de pensée, par
A.A. Cournot, H. Bergson, A.J. Lotka... Par l'intermédiaire du prin,
cipe de moindre action, la notion de progrès était censée s'abstraire de
tout jugement subjectif et pouvait devenir le «fondement de la science
sociale» (Winiarski 1903)! L'économiste Y. Guyot a ainsi pu écrire
dans son Economie de l'effort: «Qu'est-ce que le progrès? C'est la
loi du moindre effort (...) et tolIIe l'histoire de l'inl'elltion hllmaine
obéit à cette loi: l' I/Omme cherche la moindre résistance; plus il est
ingénie/LI', plus il cherche à diminuer son effort. (...) Nous l'o)'ons se
réaliser par conséquent, dans tonte l'histoire de l'inl'ention, la ten­
dance pe/pétnelle de l'homme à rechercher les moyens d'exercer un
moindre effort pour obtenir des utilités égales» (Guyot 1896, p. 32-33
et A. Ferrière p. 246-260). De même, L. Winiarski affinne que «(, ..) en
vertu du principe suprême de la mécanique, les agrégats sociaux ten­
dent.·ers le maximum de leur rendemelll (. .. )>> (Winiarski 1967, p. 255).
Le principe fondamental (<<productil'isme») de l'énergétique sociale de
E. Solvay a repris des considérations similaires (Solvay 1904).
On rappellera que le problème qui se pose alors est de savoir de
quel rendement on pmle : rendement énergétique ou rendement éco­
nomique (productIOn par homme par heure, par exemple)? Dans le
premier cas, il est facile de voir que le «progrès» ou du moins l'évo­
lution sociale observée ne va pas dans ce sens. Comme l'a souligné N.
Georgescu-Roegen, la maximisation du rendement énergétique impli­
que une lenteur infinie, or on consta,te de façon générale un accroisse­
ment des vitesses. Il y a donc plutôt une tendance évolutive allant dans
le sens d'une'dégradation croissante de l'énergie, ce qu'avait montré
AJ. Lotka. Cette idée est pourtant largement répandue dans la so­
ciologie de l'époque (voir par exemple L.E Ward 1906) et l'analogie
établie sans précautions et de façon substantielle entre des phénomènes
de nature différente ne peut conduire qu'à des impasses scientifiques.
L'un des seuls mérites de l'analogie énergétique aura peut-être été de
faire prendre conscience de l'importance du temps, de la dynamique
pour la théorie économique, sans que cela débouche sur un traitement
approprié.
L'identification substantielle de l'économique à l'énergétique a, en
outre, pu s'inscrire dans le cadre d'une interprétation cosmologique
postulant l'identité fondamentale des phénomènes du monde physique
81
i:
t'dU monde de la vie 'autour du concept d'énergie. Des «énergétiques
'sociales» ont ainsi pu se développer à la marge en suivant une démarche
'lYpiquement scientiste et réductionniste.
'r~
'~."..~,"
:~W':)
1::
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4/
IV. UNE DÉRIVE DE L'ANALOGIE :
L'ÉNERGÉTIQUE SOCIALE
ET LES INTERPRÉTATIONS MÉTAPHYSIQUES
DE LA PHYSIQUE
r.::, Avec la diffusion de versions «vulgarisées» de l'énergétique, notam­
'B'ment par l'intennédiaire de Herbert Spencer, le passage des analogies
',f; fonnell
es aux analogies substantielles devient très clair et les travaux
'C" de celtains économistes sujets à caution. L'exemple de EY. Edgeworth
" est significatif du passage à un système d'interprétation global et l'ana­
logie devient substantielle et presque caricaturale chez L. Amoroso et
L. Winiarski.
\
­
1) Edgeworth et le «champ de concurrence»
1
L'approche de EY. Edgeworth se réfère selon l'auteur à deux
,
1
\,
i
,1
fondements physiques principaux:
_ la théorie des forces naturelles et de l'énergie;
, _ le calcul des variations initié par Hamilton.
L'énergie constitue une notion centrale et «l'énergie maximum» est
l'objet principal d'investigation des Marllematica/ psycllics (Edgeworth
1881, p." 9). Il introduit dans cet ouvrage la notion de «c!lamp de
concurrence» qui regroupe les individus prêts à contracter ou à recon­
tracter. La métaphore hydrodynamique occupe là encore une grande
place par référence aux travaux de Thomson et Tait (Edgeworth 1881,
p. 5). Ainsi, on retrouve en économie le caractère de continuité et le
caractère de fluidité du marché.
En ce qui concerne l'analogie avec les champs de forces, Edgeworth
note que, dans le cas où il y a un commissaire-priseur, le «champ
diminue constamment à mesure que les transactions atteignent la
détennination et disparaît finalement, mais ce n'est pas le cas général:
"Tlllis if one cllose ta de/Ille t!le field offO/'CC as Ille celltres of Ille forces
sensibly acting on a system of bodies, tllen in a contillllOus medium of
artracting /1Iatter, Ille field might !Je continually of indefinite extelll,
··r··
82
, M.
''(ALOGIE FORMEl.LE ET ANALOGIE SUBSTANTIELLE EN ÉCONOMIE
RENAULT
83
"
might change as the system moved, might be said ta vanish when the
{iii gouveme l'allocation de cette énergie pour des individus est le
system reached equilibrium" (Edgeworth 1881, p. 18). Edgeworth a
71'incipe de moindre action : «L'énergie biologique est dirigée dans
\ donc ajouté des hypothèses afin de définir un champ de concurrence
'chaque individu et dans chaque groupe d'individus par la tendance au
parfait.
,k1Gxinlllm de plaisir ou de bonheur possible» (Winiarski 1967, p. 163).
Ce faisant, il a repris la philosophie de l'unité de la nature (Edge­
'L'intêret de l'introduction d'équivalents énergétiques est la possibi­
worth 1881, p. 39) qui sous-tend l'ensemble de la théorie de l'éner­
,lité de prendre en compte «empiriquement» les comparaisons d'utilité
gie, chel:chant ainsi à un,ifier la théorie de l'économie politique avec
~, interpersonnelles. Selon Winiarski, l'économie pure, compte tenu de ces
ses détermina11ls physiques afin de compléter la «mécanique sociale».
fondements, cherche les conditions d'équilibre d'un système matériel
Dans l'ensemble de sa construction, la dynamique du marché est donc
'!i~ où les «molécules» sont reliées les unes aux autres pal' des forces
représeniée par le mouvement des particules dans un champ de force,
\'( d'attraction et de répulsion. L. Winiarski reprend alors les méthodes
leur action étant guidée par le principe de moindre action, Dans ce
;', formelles introduites par L. Walras, W.S. Jevons et V. Pareto en dédui­
champ, un certain nombre d'imperfections peuvent exister (monopoles,
sant les équations de l'équilibre économique à partir du principe des
syndicats...); de cette façon: u(. ..) If it should appem' thot the field of
i'. vitesses virtuelles et du principe de d'Alembert (19). II identifie les forces
competition is deficie11l in thot continuity of fluid, tllOt multiplicity of
'sollicitant les individus au besoin et les forces d'inertie aux peines, aux
atoms that constifme tl,e fouildation of the uniformities of physics :
:'~ efforts. Ces efforts représenteraient des «pertes d'énergie biologique»..
if competition is found ll'a11ling not only the regularity of 1011', but
~,: Pour passer du cas des individus au cas d'un système social, il suffirait
even the impartialiry of chance-the throw of a die loaded with villainy­
" de procéder à la «généralisation des coordonnées», méthode mécani­
economics M'ould be indced a "dismal science" and the reverence fol'
".. que initiée par Lagrange et améliorée par Hamilton (Winiarski 1967,
competition M'ould be no more" (Edgeworth 1881, p. 50). II apparaît
p. 168-169). L'équilibre social général est aussi défini comme «quelque
donc que chez Edgeworth l'analogie purement rhétorique se superpose
" chose d'aniilogue au nil'eau idéal de l'océan» (Winiarski 1967, p. 170).
à un certain nombre d'identifications substantielles, phénomène assez
L. Winiai'ski reprend en grande partie les thèses développées par
général chez les premiers économistes néo-classiques.
H. Spencer dans ses Premiers principes (chap. XII à XVII) : l'ensemble
des changements qui se produisent dans un système conservatif ne
2) V«énergie sociale» de L. Winiarski
seraient que des réarrangements, des redistributions, de matière et
d'énergie jusqu'à l'établissement d'un équilibre parfait. Le système
Un exemple beaucoup plus caricatural est donné par l'économiste
économique considéré par Winiarski est conserl'Oti[, car les utilités
Léon Winiarski, membre de l'école de Lausanne et proche de L. Wal­
de l'indi\'idu ne fOIll que se transformer les unes dans les autres
ras, qui a établi une analogie complète entre l'économique etl'énergéti­
sans gain ni déchet sur les qualllités, le système réagissant comme
que envisagée comme une doctrine cosmologique. Son «Essai sur la
un système fenné de vases communicants. Les prix représentent les
mécanique sociale», paru en 1898 dans la RenIe Philosophique, est
taux d'échanges (facteurs de conversion) de l'énergie, c'est alors bien
caractéristique des dérives qui peuvent se produire à la suite d'identi­
le problème de la communication de la force ou de l'énergie sans
dications terme à terme fondées sur un certain nombre de conceptions
perte qui est mis en avant comme le laissait présager le «programme
a priori et sans réel fondement scientifique; cette œuvre marginale est
de CounlOt» (20). «(. .. ) les prix des biens (...) comme rapports de
donc significative ((8). Chez L. Winiarski, l'égoïsme et l'altruisme sont
travaux ne représentent donc pas autre chose que les différents taux
considérés Comme deux manisfestations de «l'énergie biologique» qui
(19) Le plillcipe des déplacements virtuels conceme le mouvement qu'un système
possède des équivalents mécaniques dont la science devra préciser la
en équilibre prendrait si un déplacement devait se produire, ce déplacement étanL
nature (?). Comme chez E. Haeckel (1899), l'énergie biologique est
seulement imaginé (E. Mach 1904, p. 53). Le principe de d' AlcmbcI1 permet (cn
simplifianl) de ramener la dynamique à la statique.
considérée comme un produit de "" énergie cosmique universelle». Ce
AJ
te:
tr
L. Winiarski est un économiste ct un sociologue mineur au sein de J'école de
Lausanne: il est cependallt représenlalif de certaines tendances scientistes existant chez
les membres de cette école (ccla au même titre que L. Amoroso qui Cil esl proche).
(18)
(20) L'approche de Coumot a défini un «programme de recherches» orienté dans le
sens d'une Illathémalisation de J'économie et d'une démarche hypothétique (Pdbram
1986, p. 197). Il a également effectué la distinction entre économie pure ct économie
appliquée. Avec certaines réserves, on peut dire que l'économique néo-classique
s'insclit dans la ligne de ces travaux. L'analogie mécanique occupe une place certaine
84
M. ~~NAULT
de transformation de l'énergie biologique» (Winiarski 1967, p. 271).
. L'or sera même considéré comme l'analogue économique de l'énergie.
l~' Cette identification des prix à des taux de conversion de l'énergie Se
il retrouve aUSSI chez L. Amoroso.
Le grand biologiste AJ. Lotka (qui lui aussi s'est attaché à la
recherche d'un standard absolu de valeur) a souligné le caractère
erroné de celle analogie. Il a fait remarquer que, dans le cas de systèmes
physiques, il peut existef un lien entre le facteur extensif (volume) et
le facteur intensif (pression) selon la relation:
dv ~
dt<
quand
>
Pi <Pe
pression exteme.
Cela suggère une analogie avec le mécanisme économique de l'offre
et de la .demande et les prix ont ainsi pu être identillés comme des
facteurs d'intensité d'une énergie alors même que les phénomènes ne
sont pas de même nature. "Nol\' energy is a pelfecrly, measllrable
t!ling, ai definite dimensions. Those who speak liS of a special form
~f :'ec~nomic ener?y" should. be prepared ta give. us at least some
' md/callon hall' tills energy /s ta be measured. III fiJe customory
/ units of energy. No sucf/ indication is forlhcoming" . (Lotka 1956,
p. 303). De plus, l'équivalent économique d'une forme d'énergie est
variable et non constant ce qu'a remarqué L. Amoroso sans en tirer
de réelles conséquences puisqu'il ne s'est intéressé qu'au cas d'un
état stalionnaire à prix constant. Du fait de la nature différente des
phénomènes, on n'aboutit qu'à la formulation de quasi-dynamiqlles
centrées sur l'état stationnaire et la conservation de l'énergie (Lotka
1956, p. 321, voir aussi Peirce 1965, p. 15-16).
p, =
Il
i:iXLOGIE FORMELLE ET ANALOGIE SUBSTANTIELLE EN ÉCONOMIE
"r-,
85
'hdentification d'un principe de conservation de l'énergie dans le do­
/lUaine économique le prouve. Ainsi, pour L. Winiarski, si on appelle
,ffv l'énergie potentielle d'un système social (intensité de plaisir et de­
inan~e d'un produit dépendant des ~ttractions mutuelle.s) et? l'~nergie
hi;;;, cinétIque dépensée dans la production de la marchandise; Il eXIste en­
l, Ire T, V et le prix courant de cette marchandise «une illlerdépendance
.' compliquée» qui est exprimée par l'équation de Lagrange-Hamilton
(Winiarski 1967, p. 271-272) :
I;
L=T-V
;.. L étant la fonction lagrangienne du système. Ces affirmations ne sont
bien entendu fondées sur aucune base sérieuse et constituent- au mieux
simples métaphores. Chez L. Amoroso, le principe de conservation
dè l'énergie est posé comme (Amoroso 1942, p. 154-155) :
~ de
dT+dV=O
Selon lui, dans le cas où le mouvement est slationnaire, l'énergie
cinétique coïncide avec la valeur T de la production et le coût de
'i. la production est identifié à une énergie potentielle : le postulat
.. d'égalisation du coût marginal à la valeur de la production s'identifierait
à un théorème de conservation de l'énergie! (Amoroso 1942, p. 154 et
suivantes). L'économie pure décrivant un monde sans frottements dans
lequel le rendement des machines égale un, le système économique
est conservatif et la valeur se communique par l'échange en changeant
de forme; dans une large mesure cela est conforme au «programme
de Cournot» qui comparait l'échange à un processus mécanique de
transmission de la force.
3) Le principe de conservation de l'énergie et de l'économique
Le passage d'analogies formelles ou de rhétoriques à des analo­
gies substantielles est donc une tentation permanente et, si V. Pareto
et F.Y. Edgeworth ont hésité à franchir complètement le pas, L. Wi­
niarski, et L. Amoroso (économist~s malgré tout mineurs) l'on fait;
chez lui; ainsi, il écrivait: t.Dans J'acte d' écha/lge .. comme dans la transmission du
moll\'ement par les machilles, il y a des frorremellts à \'Qincre, des pertes à slI/)ir,
des [imites à Ile poilll dépassen~ (Coumol 1983, p. 3). L'économie pure de Walras
comme l'approche de J.B. Clark fOl1t référence à celte «économie sans frottements)).
Dès l'origine, l'usage de l'analogie avec la mécanique (ct en particulier la mécanique
appliquée) va révéler les tâtonncmenlS liés à l'émergence d'un domaine nouveau du
savoir qui doit, pour rendre intelligibles ses cal~gories, les rclier au similaire ou à ce
qui semble lei (Ménard 1980, p. 140).
CONCLUSION
Pour nous, les travaux de L. Winiarski et de L. Amoroso sont si­
gnificatifs de l'aboutissement d'une logique analogique d'identification
terme à terme. Le statut de l'analogie revient souvent dans ce cas à
postuler .une unité générale des phénomènes de la nature et on voit
comment elle peut tendre à structurer un programme de recherche en
calquant la démarche d'une science sur l'évolution d'une autre,l'iden­
lité des formalismes conduisalll à des illlerprélations semblables. Dans
le cas de la recherche de l'analogue d'un principe de conservation
de l'énergie, il s'agit d'une démarche essellliafiste cherchant au-delà
86
M.
RENAULT
des transformations apparentes ce qui perdure et se conserve. Comme
l'écrivait G. Bamich, émule de l'énergétiste E. Solvay: <,li y a quel­
que cl/ose qui se consen'e entre l'état alllérieur d'un phénomène et
l'état suivant. Le premier disparaît, l'énergétique démontre que quel­
que chose a passé du premier dans le delLrième : ce qui a passé d'ull
phénomène antérieur subséquent, c'est une entité bien définie. un
inl'a~
riant indestructible et incréable que l'on dénomme l'énergie» (Bamich
1919, p" 90). La phrase de Jevons selon laquelle on ne crée pas de
richesses mais seulement des utilités pourrait ainsi recevoir une in.
terprétation essentialiste conforme à l'idéal du mécanisme cartésien.
Ainsi, si la réduction de l'économique néo-classique à une simple phy­
sique sociale est exagérée, il ne faut pas oublier que la frontière entre
analogie formelle et analogie substantielle a été parfois floue chez cer­
tains économistes. En effet, si l'une des innovations fondamentales de
l'économique néo-classique a été de s détacher, à travers la mathéma­
(is;;tion, d'assertions essentjalistes, on ne saurait pour autant négTIger
l'influence malgré tout persistante de celles-ci (telles que le révèlent
par exemple l'interprétation anthropomorphique du principe de moindre
action et la recherche d:un standard absolu dE valeur). Il nous semble à
ce propos que le «Progl"amme de Cournot» portait peut-être en germe
quelques-uns des travers liés à l'analogie. L'assimilation de la force
vive à une «mail/laie mécanique» et la nécessité de l' optimisotioll du
rendement mécanique mais aussi social, ont pu conduire à une approche
technicienne du type du socialisme de L. Walras ou L. Winiarski, de la
sociocratie de L.F. Ward (D. Ross 1991), de l'énergétique de Solvay,
du mouvement technocratique américain ... Dans cette tradition, l'idéo­
logie du progrès a pu s'incarner à travers des modèles (ou plutôt des
systèmes) normatifs tels que l'économie pure, qui, il faut le rappeler,
représente chez A. Cournot, comme chez L. Walras ou J.B. Clark, ce
qui se réalisera dans l'avenir quand, du fait du progrès, on aura vaincu
les «[rollemellts». Ainsi, «ce qui caractérise celle philosophie de l'op­
timum, cet optimisme, c'est la conviction que la science des engins,
comme science de l'ordre, est en mesure d'augmenter asymptotique­
ment l'efficience des dispositifs et lellr lI/ilisation, de les rationaliser
par retouches calculées et inten'entions éclairées» (Seris 1987, p. 157).
Dans une certaine mesure, l'économie des machines a bien constitué
un des fondements analogiques de l'économique walrasienne.
La prolifération d'analogies formelles, qui ne peut être justifiée
uniquement d'un point de vue didactique, conceptuel ou rhétorique,
l.} doit pas faire oublier que l'analogie est de nature profondément
métaphysique et que sa dimension mathématique est souvent liée au
~
. "l.
,-,
).
~~NALOGIE FORMELLE ET ANALOGIE SUBSTANTIELLE EN ÉCONOMIE
87
~,.
. thème de l'harmonie du monde, de l'unité fondamentale de la nature;
,\fil,":,'" en ce seris, elle n'est jamais neUlre (Secretan 1984, p. 77) (21). La théorie
:~N! c1es systèmes, cependant, a pu montrer que l'on pouvait passer d'une
·~r· unité substantielle à une unité de méthode,):JlOmologie remplaçant
.. ainsi l'analogie. Elle désigne les cas où les facteurs qui agissent
sont dIfférents mais où les lois sont identiques sur le plan formel :
«L' homologie entre les caracténstiques des systèmes n'implique pas la
réduction d' une discipline à une autre de niveau infériew: Il ne s'agit
pas simplement d'une simple image. d'une analogie .. c'est plutôt une
cOlTespandance formelle qui existe dans la réalité, ceci dans la mesure
où on peut lëiConsidérer comme formée de «systèmes» de tOll/es sortes'>
(Bertalanffy 1973, p. 83). Des systèmes de nature différente, soumis à
des contraintes, peuvent réagir de façon homologue (voir Fayat 1980)
sans qu'il soit nécessaire de postuler une quelconque unité de la nature.
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DIOÇÈNE
REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES HUMAINES
fondée par ROGER CAILLOIS
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N" 158 - Avril-juin 1992
CHAMAN ES ET CHAMANISMES AU SEUIL DU NOUVEAU MILLÉNAIRE
Mle/Œl MATARA:>SO
le chamanisme islamisé des peuples d'Asie centrale
BOYD MICHhlLOV.~KY
el PHlllPl'E S.... GAI'''T
Le c/}(lmane el /es[ant(jmes de la ma/emar/.
N. T.
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VLAD/MIll N. B ... SILOV
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Présentation
UNIVERS CHAMANIQUES, TRADITIONS ET MUTATIONS
E. A. HELIMSkl
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511r f"cfficacilê d:un rituel
Petites séances d'lin grand chamane ngmlQsa.n
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Economie Appliquée
KO.nERKINA
SEONG·NAE KIM
Danses et cba,lfs d'e.\'Orcisrne dans lile de Chejll en Corëe
RODERTE N. H ....\lAYON
Le jeu de la t'ie et de la morl, enjeu d" cbamallisme
s,-berien
CHAMANISME URBAIN ET CHAMANISME DE RENAISSANCE
WOLFGANG G. JIU::K
ln're"ais.fa1lce des danses chama"'qllf!S dans les pop,,·
JEAN,PIERRE CHALTMEIL
ALEXANDRE GUJLLEMOZ
Tome XLV
lations indiennes de "Ami!riqlle du Nord
Cbamalllsrne.f à géométrie I-nriable en Amazonie
SC'oltl, la ,.ell/·r! et ta mud:mg. Les trcw.'i/ormalions d'un
clJamanisme urbain
CATALYSEUR OU DÉRIVE IDÉOLOGIQUE?
ToornarSllk Olt te chamanisme sens desslls dessous
R61e ("Ioncrions at'fuels des clJamanes erl Asie dll Sud.
Est: les états alternés de la conscience
PHILIPPE MITRANI
Aperpi critiqlle d('s approches ps)'chiatriques du cha.
mall'sme
]. BARBIER
Regard sur la critique de Ph. Mi/ralli: c!JallulIlisme et
el C. DAROIER·LocQUt\RD
ps)'chanalyse
MICHEL MATAR....SSO
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RUTH-INGI; HEINZE
ROOERTE
N. H.... M.... YON
MICliEL PERRIN
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lion; texte. Poétique de Set/llmw, cfJamalle gl/ajiro
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Le nO; 54 F.
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Revue publiée avec le COIl.Cours du CNRS
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