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M. RENAULT : . "ALOGIE FORMELLE ET ANALOGIE SUBSTANTIELLE EN ÉCONOMIE
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encore accentué par la refonnulation
du
principe
de
moindre action
par Poisson et surtout
par
les travaux de Sadi Carnot.
Ce
dernier a
'abordé l'économie des machines par l'intermédiaire
d'une
allalogie
hydraulique (6) (R. Locqueneux 1989) et l'un des intérêts principaux
de son travail est d'ordre
économique:
il
concerne l'optimisation
du
rendement des machines. Ainsi, à travers la mécanique appliquée,
la double filiation de la ,dynamique se révèle : elle est science
des
trajectoires mais également science des bilans (Prigogine et Stengers
1979,
p.
73). C'est principalement par les travaux de L. Carnot,
S. Carnot, H. Helmholtz, R. Mayer qu'elle acquerra cette seconde
signification en introduisant le concept d'énergie : le bilan traduit
l'équivalence quantitative de l'avant et
de
l'après mais également
la
différence qualitative entre les deux états.
Thomas Young substituera au début du XIXe siècle le terme «énergie»
au terme «force vive».
Le
mot fut utilisé par James
111Omson
(le
frère de lord Kelvin) pour désigner d'une façon générale la capacité à
fournir
un
travail (1852). Macquorn Rankine proposa la distinction
entre «énergie d'activité» (actuelle) et «énergie
de
configuration"
(potentielle ou latente) en 1853. Le terme «énergie potentielle"
fut
adopté mais
le
terme «kinetic» (cinétique) fut substitué à
«actuel>.
par
W.
Thomson et P.G. Tait (d'Arcy
W.
Thompson 1942). On
peut
également rappeler
qu'à
la suite des travaux de S. Carnot et
R.
Clausius,
le principe de l'entropie. (le plus «métaphysique» des principes
de
la
physique selon N. Georgescu-Roegen) fut formulé.
Au plan épistémologique, la découverte
du
principe de conservation
de l'énergie donna naissance à un nouveau système d'interprétation
théorique. L'énergétique a constitué ainsi
un
nouveau système de méca-
nique
en
éliminant la notion de force, jugée anthropomorphique, pour
la remplacer par
la
notion «positive» d'énergie (J. Rosmorduc
1985,
p. 22,
W.
Ostwald 1991). Les principaux représentants de ce courant
de pensée furent
W.
Ostwald,
P.
Duhem, J.W. Gibbs, H. Helmholtz.
Le physicien E. Mach tira les leçons méthodologiques des apports
de
l'énergétique pour en appeler à une science phénoménologique.
En
ce qui concerne notre propos,
il
est important de rappeler
qu'à
côté
de ces aspects proprement scientifiques l'énergétique donna naissance
à
un
système cosmologique essentialiste considérant l'énergie (et
non
plus la matière) comme la substance
du
monde physique.
W.
Ostwald
et G. Helm furent les représentants les plus éminents de
ce
courant
de pensée (il faudrait également y ajouter, avec certaines nuances,
(6)
Voir
aussi:
J.
Grinevald
(1976,
p.
59).
..
),
,.~.
Spencer et E. Haeckel). Cet essentialisme aura une certaine in-
. , ';
..
fluence
dans le domaine des sciences humaines, donnant naissance à
;','
des
«éllergétiques sociales» réduisant dans une large mesure les in-
teractions sociales à des phénomènes liés à l'énergie (distribution et
redistribution d'énergie, épuisement de
potentieL).
En économie, la
'.
recherche
d'un
standard absolu de valeur s'apparentera souvent à
ce
,
type
de démarche.
L'autre innovation importante de la physique au
XIX·
siècle concerne
l'introduction de la Ilotioll
de
champ. La naissance de ce concept
remonte
à l'expérience
du
savant danois Oersted, effectuée en 1819, et
qui
contredisait les résultats attendus par une interprétation mécanique
usuelle. Cette expérience marqua
les
débuts
de
l'électromagnétisme
.
en
montrant que la circulation de l'électricit(j dans un
fil
produit une
action
à distance,
un
effet magnétique. Le courant produit dans l'espace
environnant ce
qu'on
appelle
un
champ magnétique. Ce concept a
été
développé et explicité par
J.e.
Maxwell et
il
est implicite dans
les
travaux de Faraday. Selon
la
définition de
J.e.
Maxwell : «Le
champ
électrique est la portioll
(!.e
l'espace \'oisille des
COll'S
électrisés.
cOllsidérée
au poinT de
l'Ile
des;phéllomèlles élecrriques.
Il
pel/l être
occupé
par
de l'air
011
par d'alltres
COlpS,
011
bien peut-être par ce qlle
lIOUS
appelons le l'ide, c'est-à-dire
lin
espace d'
0/1
nOlis
(II'ons
retiré
toutes les sllhstancessur lesquelles nous
pOli
l'ons agir
par
les moyens
!!lis
à notre disposition.
Si
lin
corps électrisé est introduit
en
un
pOlllt
du
champ électrique, en général, il déterminera un changement dalls
la
distriblltion de l'électrisation à la slllface des autres
COlpS»
(J.e.
Maxwell
1885, tome J, p. 51).
La
notion de champ donna naissance à
des
positions méthOdologiques et épistémologiques divergentes autour
de
l'interprétation newtonienne ou pré-newtonienne (les tourbillons
cartésiens...) du phénomène, de
la
notion d'éther,
d'une
conception
dynamiste et holiste de la nature issue de Fichte et Schelling (qui était
celle d'Oersted). La métaphore Ilydralllique est également présente (à
travers la notion de flux) dans l'interprétation des phénomènes électro-
magnétiques, L'interprétation dominante fut celle proposée par Faraday
et
Maxwell; pour
J.e.
Maxwell, l'électromagnétisme fait partie
d'un
mécanisme élargi,
un
certain nombre d'analogies pouvant être établies
entre les phénomènes électriques et
le
mouvement des corps matériels
(comme l'eau).
Ainsi:
"Pour
l'
esprit
qui
a
IIne
fois reconnu
l'
analogie .
que
présentellt-'~s
phénomènes de self-induction et
~eux
dumoul'ement \
des
COlpS
malenels,
Il
est
diffiCIle
de renoncer enflerement
CIlI
secours
qu'ail peut tirer de cette analogie
ou
d'admettre qu'elle est superficielle
o,u
trompeuse» (J.C. Maxwell 1885, iome 2, p. 224).