HPT HGT FSC Physique UAA5 UAA1 Fiche technique Les analogies en électricité Quel est le rôle des analogies ? Dans l’enseignement de l’électricité, les observations expérimentales sont relativement simples, mais les grandeurs et notions à mettre en place paraissent beaucoup plus abstraites. Les effets du courant s’observent aisément (l’ampoule brille, le fil résistif chauffe, le moteur se met à tourner, …), mais la nature du courant échappe à notre perception. On peut mesurer les grandeurs électriques au moyen d’appareils adaptés, mais on ne les voit pas. Ceci a pour conséquence que les concepts de tension et d’intensité sont d’un abord complexe pour nombre d’élèves et mêmes d’enseignants. Pour répondre à cette difficulté, on peut être amené, en particulier dans un cours d’initiation, à utiliser des analogies, dans le but d’aider les élèves à appréhender soit les grandeurs électriques (courant, tension, résistance, énergie, puissance), soit les lois qui régissent les circuits électriques (associations de générateurs ou de récepteurs, I = U/R, P = U . I). De manière plus générale, les analogies peuvent jouer un rôle important dans le progrès scientifique, en confrontant des champs d’étude différents. Quelles sont les limites des analogies ? La mise en correspondance entre les grandeurs électriques et un autre domaine de référence n’est possible qu’en vertu d’un certain degré de ressemblance entre les deux domaines. Si l’isomorphisme était complet, on pourrait utiliser les lois qui régissent le domaine de référence (l’analogie) pour en inférer celle du circuit électrique; comme ce n’est pas le cas, il importe de repérer précisément les intérêts et les limites de chaque analogie utilisée. L’analogie ne peut généralement pas servir pour « découvrir » le fonctionnement d’un circuit ou faire des prédictions, mais uniquement pour mettre en relation des grandeurs ou lois électriques observées avec d’autres réalités plus familières aux élèves. Quelles sont les analogies usuelles ? L’analogie hydraulique Voici comment Wikipedia présente l’analogie hydraulique1. Pour comprendre certaines propriétés du courant électrique, il est intéressant de le comparer à de l'eau s'écoulant dans un circuit de tuyaux. Le générateur peut alors être vu comme une pompe chargée de mettre sous pression le liquide dans les tuyaux. La différence de potentiel, ou tension, ressemble alors à la différence de pression entre deux points d'un circuit d'eau. (…) L'intensité du courant électrique peut être assimilée au débit d'eau dans le tuyau. (…). 1 https://fr.wikipedia.org/wiki/Électricité, page visitée le 22/11/2015. PHY FT16 Analogies en électricité 161129 1 La résistance d'un circuit électrique serait alors l'analogue du diamètre des tuyaux. Plus les tuyaux sont petits, plus il faut de pression pour obtenir un même débit (…). L’intérêt de cette analogie est assez manifeste. Par exemple, quand des élèves ne comprennent pas pourquoi la résistance totale diminue et le courant augmente lorsqu’on ajoute une résistance en parallèle à une première, on peut les aider en comparant le circuit électrique à un circuit hydraulique. Dans ce cas-ci, c’est l’étroitesse des conduites qui limite le débit ; rajouter une conduite en dérivation permet d’élever le débit total en augmentant la section pour le passage de l’eau. Plus généralement, on voit assez clairement que le débit (courant) qui s’établit dans le circuit hydraulique (électrique) est déterminé à la fois par la pression donnée par la pompe (tension délivrée par le générateur) et par l’étroitesse des conduites (résistance des conducteurs et récepteurs). L’analogie permet aussi de comprendre que le courant total est égal à la somme des courants dans chaque branche. Cependant, l’analogie hydraulique ne fonctionne que pour un circuit fermé : il faut impérativement que le circuit forme une boucle et que l’eau circule dans des conduites. Or, on la présente parfois comme un modèle ouvert (« rivière » coulant entre deux « réservoirs ») dans lequel les perturbations de l’aval n’ont pas d’effet en amont. Et si l’on introduit une branche supplémentaire dans une rivière, le débit total de la rivière n’augmente pas, contrairement à ce qui se passe dans un circuit électrique ! La question de ce qui se passe quand on ouvre le circuit est également un problème : un circuit d’eau que l’on ouvre aura tendance à se vider de son contenu, alors que ce n’est pas le cas en électricité. Un élève pourrait également penser, par analogie, que, quand on ouvre un circuit électrique, l’ampoule dans le circuit va rester allumée un certain temps, le temps mis par l’électricité pour « couler » hors du circuit. Pour un fluide incompressible tel que l’eau, la variation du débit implique une variation de vitesse. Dans un circuit électrique, une variation de l’intensité du courant aura aussi une influence sur le nombre d’électrons de conduction en mouvement. Enfin, face à une bifurcation, le fluide va toujours se partager tandis qu’en électricité, un chemin peut être court-circuité, l’électricité ne passant que par le chemin de plus faible résistance. Les analogies hydrauliques en circuit ouvert (voir illustration de gauche)2 ne rendent pas compte de la loi de la résistance, contrairement aux analogies avec conduites fermées, éventuellement entre des bassins ouverts (voir illustration de droite). Source des illustrations: http://formation.xpair.com/diagnostics-immobilier/lire/grandeurs-physiquesrelatives-electricite.htm et https://fr.flossmanuals.net/arduino/les-bases-de-lelectronique/ (pages consultées le 28 novembre 2016). 2 PHY FT16 Analogies en électricité 161129 2 Un exemple d’analogie hydraulique en circuit semi-ouvert (conduites forcées et bassins)3 Le remonte-pente et la piste de ski Cette analogie est utile en première instance pour expliquer simplement les notions de flux de charges, de générateur et de récepteur résistif. Ici cependant, contrairement aux circuits électriques usuels, le récepteur et le générateur ne sont pas ponctuels, mais plutôt « étalés », et l’on n’a pas d’équivalents pour les conducteurs électriques. De plus, en cas d’interruption du mouvement en un point précis (une panne du remonte-pente, un obstacle sur une piste), il n’y a pas d’arrêt simultané de l’ensemble des skieurs ! Enfin, cette analogie ne fournit pas d’équivalent satisfaisant de la résistance électrique, le débit étant déterminé uniquement par la capacité du remonte-pente. Illustration4 : le remonte-pente figure le générateur, la piste le récepteur. Les charges sont les skieurs. Source (page consultée le 28 novembre 2016): http://www.showme.com/sh/?h=JMAjd4q (extraite d’une vidéo de P. Possio présentant l’analogie en détail). 4 Source: http://physique.chimie.29.free.fr/cinquieme/electricite/tension_courant/tension_courant.htm (page consultée le 28 novembre 2016) 3 PHY FT16 Analogies en électricité 161129 3 La chaîne de vélo Chaque maillon de la chaîne représente une charge. L’effort exercé sur le pédalier figure la tension ; les forces de frottement ou la pente représentent la résistance. Le nombre de maillons passant par unité de temps représente le courant électrique. Particulièrement utile pour expliquer que toutes les charges se déplacent ensemble (il n’y a pas d’accumulation ni d’usure du courant), l’analogie de la chaîne de vélo permet d’illustrer la loi de la résistance : le débit de maillons (courant) sera proportionnel à la force exercée et inversement proportionnel à la résistance rencontrée. Elle montre aussi que le débit de maillons est une conséquence, la force exercée (tension) étant la cause. A forcée exercée (tension) égale, le débit (courant) augmente Illustration5 : dans cette version, la résistance est quand la pente (résistance) est petite, et vice figurée non par la pente mais par le frottement d’un versa. objet en un point de la chaîne. Le train6 Des wagons (charges) forment une chaîne continue sur une voie ferroviaire fermée (circuit); une équipe d’ouvriers (générateur) impriment une force de poussée (tension) constante aux wagons; un obstacle le long de la voie impose un frottement (récepteur résistif). Le débit des wagons (courant) qui s’établit dépend à la fois de la poussée et de la résistance. Comme la chaîne de vélo, le train montre que les charges se déplacent toutes ensemble, sans perte ni accumulation. Mais l’image d’un train « continu », qui couvre tout le circuit, s’éloigne de la réalité (sauf sur certains manèges de fête foraine), et l’absence de locomotive (remplacée par des ouvriers qui poussent en un certain point de la voie) n’est pas non plus réaliste. La difficulté à intégrer une image satisfaisante du générateur et du récepteur invite à déconseiller cette analogie et à lui préférer celle de la chaîne de vélo. Source: SALTIEL E., Comment enseigner l’électricité, http://www.fondationlamap.org/fr/page/11929/comment-enseigner-l-lectricit (page consultée le 28 novembre 2016). 6 Explications détaillées et source de l’illustration : Ibidem. 5 PHY FT16 Analogies en électricité 161129 4 La mine de charbon7 Des ouvriers (= charges) entrent et sortent d’une mine de charbon en une file ininterrompue. Chaque ouvrier porte sur le dos un sac qui est rempli de charbon (énergie) dans la mine (générateur), puis vidé au-dehors (récepteur). La quantité de charbon qui sort de la mine par unité de temps (puissance) dépend à la fois de la quantité de charbon par porteur (tension) et du débit de porteurs (courant). L’analogie de la mine donne une bonne image du courant électrique et surtout de la tension (quantité d’énergie par unité de charge). La loi de la puissance est également bien illustrée. Mais cette analogie rend mal la notion de résistance et la loi I = U / R ; il semble en effet difficile de relier la quantité de charbon portée par chaque ouvrier (figurant la tension, ou quantité d’énergie acquise ou perdue par unité de charge) et le débit de mineurs (courant). Une « mise en scène du circuit électrique »8 Les élèves (charges) se déplacent le long d’un parcours (circuit) convenu en veillant à garder constamment la même distance entre eux. Une partie du tracé se fait sur des chaises ou tout autre tronçon surélevé. Un ou deux assistants (générateur) aident les élèves à monter sur la première chaise (donnent de l’énergie aux charges). Les élèves marchent sur quelques chaises puis redescendent au niveau du sol (récepteur). Un assistant (ampèremètre) compte le nombre de charges passant par unité de temps (intensité de courant) ; un autre mesure la hauteur des chaises (tension). L’énergie déployée par les assistants-générateurs par unité de temps (puissance) dépend à la fois du débit d’élèves (intensité du courant) et de la hauteur des chaises (tension). Le premier mérite de cette mise en scène est d’impliquer les élèves comme acteurs. Ensuite, la façon dont l’enseignant donne les consignes permet de mettre en évidence les éléments pertinents de l’analogie et leur clé d’interprétation (assistants générateurs, distance égale entre élèves …). Les notions de courant, de tension et de puissance reçoivent des équivalents concrets. Et la mise en scène peut servir ensuite de base pour comprendre des circuits plus complexes (résistances en série ou en dérivation par exemple). Par contre la notion de résistance et la loi du courant ne reçoivent pas d’équivalents satisfaisants. Analogie thermique9 En 1827, Ohm introduisit les notions de « force électroscopique » et de résistance électrique par analogie avec le modèle de Fourier pour la propagation de chaleur dans une barre. Les lois décrivant les deux phénomènes sont formellement identiques : le courant de chaleur qui s’établit entre deux points varie comme leur différence de température et inversement à la résistance thermique du matériau ; de même, le courant qui s’établit entre deux points varie comme la différence de « force électroscopique » (tension électrique) et inversement à la résistance électrique du conducteur. Les calculs des résistances équivalentes à des associations de résistances sont semblables eux aussi. Source: http://www.nonfiction.fr/article-7825-mines_et_mineurs_au_moyen_age.htm, (page consultée le 28 novembre 2016). 8 La fiche d’activité « Mise en scène du circuit électrique » est proposée sur le site du Secteur Sciences http://enseignement.catholique.be/fesec/secteurs/sciences/?p=1170. 9 DUPIN J.J., JOHSUA S., Analogies et enseignement des sciences: une analogie thermique pour l’électricité, Didaskalia n°3, 1994, CIRADE, Marseille, pp. 15-17, in http://ife.ens-lyon.fr/publications/editionelectronique/didaskalia/INRP_RD003_2.pdf (page consultée le 28 novembre 2016). 7 PHY FT16 Analogies en électricité 161129 5 Illustration10 : des lois semblables régissent les circuits électriques et les flux thermiques. A la différence du circuit électrique, le circuit thermique n’est pas toujours fermé. Pour obtenir un circuit thermique fermé, on peut utiliser l’analogie du réfrigérateur. Un réfrigérateur maintient constante la température intérieure au sein d’une enceinte close à une valeur Ti inférieure à la température extérieure Te. L’ensemble des fuites thermiques est idéalement ramené à un défaut dans l’enceinte. En cas de fuite (entrée de chaleur dans l’enceinte), le dispositif de réfrigération extrait de la chaleur de l’enceinte pour maintenir constante la différence de température entre l’intérieur et l’extérieur. La chaleur circule donc en boucle de l’intérieur vers l’extérieur par le dispositif de réfrigération (générateur), et de l’extérieur vers l’intérieur par la paroi (récepteur). La différence de température (tension) est responsable d’un flux de chaleur (courant) qui varie selon l’isolation des parois (résistance). En cas d’isolation parfaite (résistance infinie), aucun flux de chaleur ne s’observe (courant nul) ; en cas de défaut d’isolation, moins grande est l’isolation (la résistance), plus grand sera le flux de chaleur (courant). Si l’on ajoute une couche d’isolation (résistance en série), le flux thermique (l’intensité) diminue ; si l’on crée une deuxième fuite dans l’enceinte isolante (résistance en parallèle), le flux thermique (l’intensité) augmente. L’analogie du réfrigérateur est utile pour illustrer la loi du courant, y compris pour les associations de résistances en série ou en parallèle. Les charges électriques, les conducteurs, la nécessité d’un circuit fermé n’y trouvent pas d’équivalent satisfaisant. Un apport essentiel de cette analogie est de montrer que le courant est la conséquence de la différence de potentiel, en contradiction avec la préconception du « générateur à courant constant » (voir plus loin). Enfin, l’analogie étant du même ordre de complexité que les notions électriques à mettre en place, on peut s’interroger sur l’intérêt d’un tel détour avec les élèves. 10 Source: http://slideplayYTer.fr/slide/2762021/ (page consultée le 28 novembre 2016). PHY FT16 Analogies en électricité 161129 6 Explication des abréviations : X = analogie inopérante pour cette caractéristique (…) : analogie peu adaptée pour cette caractéristique TB : analogie particulièrement adaptée pour cette caractéristique Tableau synthétique Caractéristiques des circuits électriques hydraulique ski chaîne de vélo train mine charbon mise en scène réfrigérateur Charge électrique une quantité d’eau un skieur un maillon un wagon un mineur un élève une unité d’Ethermique Notion de courant : un déplacement de charges débit d’eau débit de skieurs débit de maillons débit de wagons débit de mineurs débit d’élèves flux thermique Pas d’accumulation ni d’usure du courant TB si conduites fermées ; non si rivière x TB TB x oui selon les consignes données (…) les conduites fermées x x les rails (…) le chemin à parcourir x Il n’y a de courant que dans un circuit fermé x x oui si on le précise mais irréaliste x oui x Générateur : dispositif donnant de l’énergie aux charges électriques qui le traversent pompe remonte-pente main ou pied actionnant le pédalier (ouvriers poussant avec une force constante) remplissage des sacs de charbon assistants générateurs (système frigorifique) Récepteur : dispositif prélevant de l’énergie aux charges électriques qui le traversent (forces de frottements dans les conduites) piste frottement sur la roue, ou pente que remonte le vélo obstacle sur la voie vidage des sacs de charbon descente de la chaise (mais les charges-élèves dépensent aussi de l’énergie pour avancer…) (défaut dans l’isolation) Ce qui est transféré du générateur au récepteur augmentation de pression (voire augmentation de l’Epot grav) Epot grav Eméca Eméca charbon Epot grav Ethermique Les conducteurs électriques PHY FT16 Analogies en électricité 161129 7 Caractéristiques des circuits électriques hydraulique ski chaîne de vélo train mine charbon mise en scène réfrigérateur Notion de résistance : ce qui s’oppose au passage du courant plus petite est la section, plus la conduite « résiste » au passage de l’eau x les forces de frottement ou la pente à monter (la force de frottement exercée par un obstacle sur la voie) x x isolant thermique différence de pression différence d’altitude différence de tension entre deux portions de chaîne (…) quantité de charbon par sac l'Epot grav communiquée à chaque élève différence de température I=U/R oui (en conduite fermée, le débit augmente avec la section et la pression) x (le flux de skieurs n’augmente pas avec la hauteur de la pente) oui (la vitesse de la chaîne augmente avec la force appliquée et diminue avec l’inclinaison de la pente à gravir si le cycliste ne change pas de vitesse) (la vitesse des wagons augmente avec la force appliquée et diminue avec le frottement) x x oui (le flux de chaleur augmente avec la différence de température et diminue avec l’isolation) P=U.I (…) TB pour le remonte-pente oui oui TB TB oui TB si conduites fermées x (le débit est déterminé par le remonte-pente) x (la chaîne ne peut pas se diviser en deux branches) x (…) (…) TB Notion de tension : énergie par unité de charge L’intensité du courant augmente quand on ajoute une résistance en parallèle PHY FT16 Analogies en électricité 161129 8