François Arago, l`océanographe

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François Arago, l’océanographe
Guy JACQUES AVEC LA CONTRIBUTION DE BRUNO VOITURIEZ
Les prémices d’une conférence
« Parler de M. Arago est une difficulté pour tout le monde peut-être d’ici à
quelques années encore, surtout si l’on avait la prétention de le juger à la fois
comme savant, comme professeur et comme homme public, en s’attachant à démêler
en lui avec précision les diverses capacités dont il était pourvu et les influences
générales qu’il a exercées ou subies. Pour moi, qui n’ai pas même l’honneur de
comprendre et de lire dans leur langue les Mémoires de haute science où il s’est
montré inventeur, ces considérations sur les profondes et fines parties de l’optique
et du magnétisme où il a gravé son nom ; qui n’ai eu que le plaisir de l’entendre
quelquefois, soit dans ses Cours à l’usage des profanes, soit dans les séances
publiques de l’Académie, je ne puis ici que m’approcher respectueusement de lui par
un aspect ouvert à tous ; je ne puis que l’aborder, si ce n’est point abuser du mot,
par son côté littéraire ». C’est ce qu’écrit Charles-Augustion Sainte-Beuve, dans
ses Causeries du lundi le 20 mars 1854.
Dès que je pris conscience de l’étendue des œuvres complètes d’Arago qui
comptent dix-sept volumes, publiés de manière posthume en 1857 par Jean
Augustin Barral (annexe 2), je me décidais à modifier le titre que je comptais
donner à ce mémoire. Ce ne serait pas « François Arago, le savant » mais « François
Arago, l’océanographe », même si j’irai parfois au-delà de ce seul aspect. Après une
trentaine d’années passées au Laboratoire Arago à Banyuls, il fallut la conférence
d’un collègue sur le Gulf Stream pour que je prenne conscience que j’ignorais tout
de ce savant ; je venais d’apprendre qu’Arago avait donné, le premier, le schéma de
la circulation océanique générale que nous dénommons maintenant « le tapis
roulant ». Je rechercherai dans les dires d’Arago, reflet de recherches et de
réflexions personnelles ou transcription des savoirs d’autrui (par sa curiosité et son
activité de Secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences) les éléments qui
dénotent une vision pionnière ou, au contraire, se sont avérés des erreurs ou des
aberrations.
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François Arago, l’océanographe
Océanographes et climatologues apprécieront qu’Arago se soit parfaitement
rendu compte de la nécessité de mesures à long terme dans ce domaine : « Il faut
en effet songer à pourvoir nos sciences de termes de comparaison dont nous
manquons nous-mêmes ». Cette profession de foi le conduit à demander du zèle aux
officiers des navires pour mesurer la pression atmosphérique, la température de
l’air et de l’eau de mer. La métrologie est l’un de ses soucis constant puisqu’il émaille
ses discours de descriptions d’appareillages et de techniques. On doit donc porter à
son crédit le souci de la qualité des mesures et la nécessité de comparaison des
instruments ainsi que, pour la météorologie, la régularité des horaires de mesure.
Cette recherche estompe le seul souvenir, négatif, que j’avais de ce savant :
son opposition farouche autant qu’infondée au chemin de fer (figure 1). Devant la
Chambre des députés, il termine son invective contre le projet d’un tunnel à Paris
par cette phrase « J’en appelle à tous les médecins pour décider si un abaissement
subit de quarante-cinq à huit degrés de température n’amènera pas des
conséquences fatales ? ».
Figure 1 – L’ancêtre passe son
premier tunnel vers 1830.
Ténèbres, escarbilles, émotion.
Avant de me lancer dans l’écriture et après avoir médité près de là statue
d’Arago place du même nom à Perpignan (figure 2), je voulus me plonger dans
l’ambiance parisienne pour admirer, place de l'ile de Sein où le méridien de Paris
coupe le boulevard Arago, la magnifique statue d’Arago figurant dans des écrits
anciens. Déception ! Seul demeure son piédestal, la statue en bronze ayant été
fondue en 1942, comme sa sœur d’Estagel (figure 3) pour les besoins de la guerre.
Triste destin pour un Ministre de la Marine puis de la Guerre…
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Figure 2 – Statue de François Arago sur
la place du même nom à Perpignan.
Inaugurée en 1879, ce monument d’Antoine
Mercié est orné de trois bas-reliefs
représentant les études d’Arago en
Roussillon, les barricades de 1848 et ses
derniers travaux à l’Observatoire tandis
qu’il dicte ses mémoires à sa nièce, Lucie
Laugier.
Figure 3 - Statue d’Arago par le
sculpteur
catalan
Alexandre
Oliva
inaugurée devant l’Observatoire de Paris
le 11 juin 1893 par Jules Ferry…et la
même en 1941.
L’enthousiasme renaît rapidement, à deux pas de là, avenue DenfertRochereau, mon pied se posant sur un petit disque en bronze d’une dizaine de
centimètres de diamètre scellé dans le sol et qui rend hommage à Arago (figure 4).
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Figure 4 – Médaillon Arago matérialisant le
méridien de Paris.
Un doute m’envahit. Suis-je encore dans
le souvenir d’Arago ou dans le Da Vinci
Code parlant de la Ligne Rose qui mène au
Saint Graal, le long de l’axe nord-sud du
méridien de Paris ?
Cet hommage à François Arago, rendu par l’artiste néerlandais Jan Dibbets en
1984, avec 135 médaillons sur les 17 kilomètres séparant la Porte Montmartre de la
Cité universitaire1, est particulièrement opportun tant l’envol scientifique de ce
savant est liée au méridien de Paris qui demeura le méridien origine jusqu’à la
Conférence internationale de Washington en 1884 ou Greenwich lui est préféré
après d'âpres discussions entre français et anglais.
Le méridien de Paris, un fil conducteur
La vie scientifique de François Arago est intimement associée au méridien de
Paris défini le 21 juin 1667 par les mathématiciens de l’Académie. Cette méridienne
passant par l’Observatoire de Paris et allant, en France, de Dunkerque à Prats-deMollo-la Preste (Pyrénées-Orientales) est dessinée, pour la première fois, entre
1669 et 1718 par Jean-Dominique Cassini, premier directeur de l’Observatoire, son
fils, Jacques Cassini, et Philippe de la Hire. À la demande de la Convention, elle est
de nouveau mesurée entre 1792 et 1798 par deux astronomes, Jean-Baptiste
Joseph Delambre et Pierre Méchain pour servir de base à la détermination exacte
du mètre en 1799, la dix millionième partie du quart du méridien terrestre, ce qui
conduira à la construction du mètre étalon déposé au pavillon de Breteuil à Sèvres.
Pour cette mesure, ces scientifiques utilisent les règles de Borda composées
de deux tiges jointes, l’une en laiton et l’autre en platine, afin de calculer la
variation de la longueur de la règle due à la dilatation lors des changements de
température. Delambre et Méchain mesurent seulement un arc suffisamment long
et, par proportionnalité, ils calculent la longueur de tout le quart de méridien.
Premier signe du destin. Pierre Méchain, chargé de le mesurer dans le sud de la
France, rencontre François Arago à Estagel, ville dont son père est le maire. La
vocation d’Arago pour l’astronomie est née. Quelques années plus tard, en
1
http://www.parissweethome.com/parisrentals/art_fr.php?id=31
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François Arago, l’océanographe
compagnie de Jean-Baptiste Biot, Arago prolonge ces mesures jusqu’aux Baléares.
Mais en 1808 la guerre d’indépendance de l’Espagne éclate, Madrid se soulevant
contre l’armée de Napoléon qui y était stationnée. Considéré comme un espion,
Arago rejoint Alger pour revenir en France ; à quelques encablures de Marseille,
son navire est arraisonné et il est ramené en Espagne. La pression du Dey d’Alger
conduit à sa libération et à celle de ses compagnons d’infortune. Sans que l’on puisse
affirmer que sa vocation d’océanographe soit née à ce moment, un coup de mistral
sévit alors qu’il est en vue de Marseille et, après cinq jours d’épreuves, il
débarque…à Bougie. Sa vie est encore menacée quad il traverse la Kabylie avant qu’il
regagne enfin la France en 1809.
L’Institut, frappé de tant de courage, d’intelligence et de dévouement lui
ouvre immédiatement ses portes. Le 18 septembre de la même année, il est élu en
section d’astronomie à 23 ans ; il en deviendra le Secrétaire perpétuel en 1830.
Quoi de plus logique après ses travaux de mesure du méridien de Paris, qu’il
devienne également, en 1834, directeur des observations du Bureau des longitudes,
un recrutement d’une ampleur nouvelle dans un site rénové devenant une véritable
« fabrique de savants ». Ce méridien fascine encore comme l’a montré le projet de
l'architecte Paul Chemetov d’une « Méridienne Verte » pour les cérémonies de l'an
2000 en France. Le méridien de Paris est matérialisé en plantant des arbres tout
au long de son tracé. Le 14 juillet 2000, un pique-nique géant se déroule le long de
cette Méridienne Verte qui, dans les Pyrénées-Orientales, traverse Caudiès-deFenouillèdes, Fuilla, Mosset, Conat, Rabouillet, Villefranche-de-Conflent, Serdinya,
Escaro, Sahorre, Py et Prats-de-Mollo-la-Preste.
Polytechnique, de l’éloge à la critique
Entré au sixième rang à Polytechnique à 17 ans en 1803 (le concours étant, à
l’époque, décentralisé, il fut major parmi ceux se présentant à Toulouse) il y fut
nommé professeur en astronomie par Napoléon en 1810 et il y professa jusqu’en
1830.
La plupart des hommages à François Arago le place sur un piédestal aussi bien
comme homme politique que comme savant. Jean-Paul Poirier, membre de l’Académie
des sciences, dans son hommage « Arago, un savant et un homme généreux » rendu
le 10 juin 2003 à l’occasion du cent cinquantième anniversaire de sa mort écrit :
« Je voudrais m’attacher également à l’homme Arago, esprit indépendant et curieux
touchant à tous les domaines de la science, mais aussi enthousiaste et généreux ».
Il souligne aussi que, dans l’introduction de l’édition posthume de ses œuvres
complètes, son ami de quarante-quatre ans, Alexander von Humboldt, grand savant
et voyageur prussien, admire « Le soin critique qu’il apporte à la recherche des
faits, l’impartialité des jugements, la lucidité des expositions scientifiques, une
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François Arago, l’océanographe
chaleur qui grandit à mesure que le sujet s’éveille. Ces qualités imprègnent les
discours qu’il a prononcés dans les assemblées politiques, où il occupait un rang si
éminent par la noblesse et la pureté de ses convictions ». Beaucoup indiquent
également qu’il fut un « passeur d’idées ». Lorsqu’il devient à son tour
« mandarin », Arago utilise avec générosité son influence pour mettre en avant les
jeunes scientifiques dont les travaux l’enthousiasment. Certains furent ses amis,
comme Augustin Fresnel. D’autres, moins proches, bénéficient de ses idées, de ses
conseils, de son soutien : André-Marie Ampère où encore Hippolyte Fizeau qu’il
pousse à s’intéresser à la vitesse de la lumière et Léon Foucault dont il présente le
pendule à l’Observatoire. C’est également Arago qui, en 1845, lance Urbain le
Verrier à la recherche des anomalies du mouvement de la « troublante Uranus »
découverte par William Herschel le 13 mars 1781. Cette recherche le conduit à la
découverte de Neptune. Petit à petit Urbain Le Verrier devient son pire
ennemi…sans doute marri que cette nouvelle planète ne porte pas son nom.
Figure 5 - Arago donnant un cours à
l’Observatoire et quelques médaillons
sauvegardés de cet amphi : horloge,
lunette méridienne, cercle vertical,
télescope Herschel.
Aussi, ai-je été surpris par le ton de l’article « François Arago et l’École
polytechnique » publié en 1989 par Émmanuel Grison, professeur honoraire à cette
école (Sabix :http://sabix.org). Cet auteur paraît peu complaisant à l’égard de celui
dont il rappelle d’emblée les louanges de ses panégyristes : « Enfant chéri de l’École
polytechnique », « peut-être la plus grande gloire de l’École », etc. Contentons-nous
de citer le paragraphe Un « mythe » Arago ? : « Mémoire fidèle donc, mais de plus
en plus floue, les années passant ; dès qu’on veut y regarder d’un peu plus près,
surgissent des contradictions multiples. Arago grand physicien et illustre
professeur à l’École polytechnique ? Mais c’est la géométrie et les mathématiques
appliquées qu’il y enseigna, et jamais la physique. Arago, grand savant ? Mais il y a
bien des physiciens et même des astronomes plus célèbres que lui et, dès son
temps, l’Académie des sciences comptait parmi ses membres des savants, anciens
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François Arago, l’océanographe
polytechniciens comme lui, dont l’œuvre et le rayonnement scientifique furent plus
illustres. Sa célébrité n’est-elle pas bien tardive, puisqu’il n’y a guère qu’une
soixantaine d’années, lorsque la mode se répandit de baptiser bâtiments et locaux,
qu’on lui dédia ‘l’amphi Arago’ ? Un peu plus loin, Frison indique : « Autre abus dans
le culte polytechnicien : on fera d’Arago une sorte d’archétype des polytechniciens,
un abrégé des vertus supposées de ceux-ci ». C’est Michel Chevalier, économiste,
qui lance l’idée lors de la cérémonie de 1865 : « L’ascendant qui lui a appartenu
pendant toute sa vie venait de ce qu’il offrait la variété la meilleure du type
polytechnicien ». Comme s’il y avait un « type », un « produit » de l’École
polytechnique, dont Arago serait le modèle vivant….Lorsqu’il débute en politique, en
1830, il a en mains pendant quelques semaines la direction de l’École et prône une
réforme assez importante. Mais, presque toutes les mesures sont peu après
rapportées et, de fait, elles n’étaient pas toutes des plus heureuses. En 1848,
ministre puis chef de l’exécutif de la Seconde République, il n’intervient en rien
dans la marche de l’École : bien au contraire, celle-ci lui tourne le dos au début du
Second Empire sous l’influence hostile d’ Urbain Le Verrier (figure 6).
Figure 6 – Urbain Jean Joseph Le Verrier (1811-1877), astronome et
mathématicien français spécialisé en mécanique céleste.
Il ne pardonna pas à Arago de n’avoir pas tenu sa promesse que son nom soit donné à la
planète qu’il estime avoir découvert et qui devint « Neptune ». Basse vengeance ? Le
Verrier fit détruire la « salle Arago » après sa mort pour y installer ses appartements !
Personne ne nie par contre qu’Arago, redoutable orateur capable de défaire
les plus brillants contradicteurs, est aussi un grand pédagogue-vulgarisateur. Il
donne aussi, de 1813 à 1846, un cours public d'astronomie qui remporte un
immense succès. Après sa mort, son assistant, Jean-Augustin Barral, publie
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François Arago, l’océanographe
d’ailleurs Astronomie populaire, le cours qu’Arago professa pendant dix-huit
années. Moins célèbre sans doute que celui de son épigone Camille Flammarion, le
traité d’Arago est bien plus pédagogique. Rappelons ce qu’Arago écrivait à ce
sujet : « Je me suis décidé pour des leçons que tout le monde puisse comprendre.
J’ai pensé, moi, au plus grand nombre et je me suis décidé pour le parti le plus
radical. Je ferai donc le cours sans supposer à mes auditeurs aucune
connaissance mathématique quelconque. Le cours sera complet quand au fond et
élémentaire seulement par sa forme ». Un de ses élèves indique : « À l’École
polytechnique, Arago avait professé tour à tour la géodésie, la géométrie, la
théorie des machines, l’astronomie et la physique en s’astreignant, sans
sécheresse et sans vaine subtilité, à la savante et solide rigueur que le jeune
auditoire peut supporter et qu’il attend de ses maîtres. Le cours d’astronomie
professé à l’Observatoire, au nom du Bureau des longitudes, demandait des
qualités bien différentes. Au lieu d’approfondir, il fallait effleurer. L’entrée
était libre ; et si le public mérite toujours d’être instruit, il rend souvent la
tâche difficile à ceux qui osent l’entreprendre : les auditeurs, pour la plupart
incapables d’une étude lente et profonde, voulaient sans fatigue, sans ennui,
occuper leurs loisirs pendant une heure ou deux. Il fallait leur mesurer en
quelque sorte les vérités, sans exiger d’eux un temps qu’ils ne pouvaient donner
et une patience qui leu eût bien vite échappée. L’esprit flexible d’Arago,
également capable de descendre et de s’élever, savait éclairer les auditeurs les
moins préparés sans cesser de satisfaire les plus doctes. C’est en se faisant
toujours comprendre qu’il se faisait toujours admirer, et son enseignement net
et lumineux sans être dogmatique, en habituant les gens du monde aux grandes
idées scientifiques, a puissamment contribué à leur imprimer le goût des vérités
abstraites et sérieuses ».
« À la différence de ces orateurs qui parlent sur tout et qui ne savent, les
trois-quarts du temps, ce qu’ils disent, Arago ne parle que sur les questions
préparées qui joignent à l’attrait de la science l’intérêt de la circonstance. Ses
discours ont ainsi de la généralité et de l’actualité, et ils s’adressent en même
temps à la raison et aux passions de son auditoire. Aussi ne tarde-t-il pas à le
maîtriser. À peine est-il entré en matière, il attire et concentre sur lui tous les
regards. Le voilà qui prend, pour ainsi dire, la science entre ses mains ! Il la
dépouille de ses aspérités et de ses formules techniques, et il la rend si
perceptible, que les ignorants sont aussi étonnés que charmés de le comprendre.
Sa pantomime expressive anime tout l’orateur. Il y a quelque chose de lumineux
dans ses démonstrations, et des jets de clarté semblent sortir de ses yeux, de
sa bouche et de ses doigts. Il coupe son discours par des interpellations
mordantes, qui défient la réponse, ou par quelques piquantes anecdotes qui se
lient à son thème et qui l’ornent sans le surcharger. Lorsqu’il se borne à narrer
les faits, son élocution n’a que les grâces naturelles de la simplicité. Mais si, face
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François Arago, l’océanographe
à face de la science, il la contemple avec profondeur pour en visiter les secrets
et pour en étaler les merveilles, alors son admiration commence à prendre un
magnifique langage, sa voix s’échauffe, sa parole se colore, et son éloquence
devient grande comme son sujet ».
Arago et Humboldt
Une longue amitié
Dans une note publiée en 1999, Davis associe Arago et Alexandre de
Humboldt (1769-1859) dans la découverte des lois régissant la température des
nappes phréatiques et des puits artésiens. Les liens entre ces deux savants sont
très étroits et portent sur des thèmes bien plus divers. C’est sous l’impulsion
d’Humboldt, grand voyageur s’il en fût, qu’Arago s’intéresse de près aux océans
et rédige en quinze jours ses Instructions pour la Physique du globe (1835) pour
préparer la mission autour du monde de La Bonite en 1836-37 qui n’était en rien
un navire océanographique. On doit même parler d’amitié puisque, sachant Arago
malade, Humboldt prie Achille Valenciennes, naturaliste et ichtyologiste, de
solliciter Lucie Laugier, nièce d’Arago et femme de l’astronome Paul Auguste
Ernest Laugier (qui est l’élève d’Arago en astronomie), « De me donner quelques
nouvelles consolantes sur Arago » et il souligne aussi : « Tant de manuscrits
d’Arago resteront-ils perdus. Daignez m’écrire ce que Lucie ne voudra pas me
dire, si l’on dicte encore, si vous croyez à une publication ». C’est encore à
Humboldt qu’Arago narre en 1840 les attaques dont il est l’objet en tant que
secrétaire de l’Académie des sciences avec cette magnifique phrase « Calomniez,
calomniez toujours, il n’en restera rien ».
À cette époque, les liens entre les savants du monde et leurs voyages
lointains sont monnaie courante. En 1804, à son retour de cinq années
d’expédition en Amérique du Sud (Cuba, Équateur, Mexique, Pérou), Humboldt
côtoie, à Paris, Berthollet, Laplace et Gay-Lussac avec qui il effectue un voyage
en Italie où il rencontre Simon Bolivar. Polyvalent, comme nombre de savants
d’alors, Humboldt (botanique, géologie, géophysique, électricité, astronomie,
géographie, ethnologie) croise la route d’Arago en 1809 lors de son retour à Paris
après quatre années passées comme Chancelier du roi à Berlin. Il avait déjà vécu
dans la capitale de 1796 à juin 1799, date de son départ pour une expédition en
Amérique du Sud en compagnie du naturaliste Aimé Bonpland, son compagnon et
secrétaire. Humboldt et Bonpland sont les premiers à effectuer une exploration
scientifique digne de ce nom avec l’ambition de découvrir l'interaction des forces
de la nature et des influences qu'exerce l'environnement géographique sur la vie
végétale et animale. Même si son retour à Paris en 1809 a pour but de faire
baisser les indemnités de guerre de son pays, il reprend son œuvre scientifique,
Paris étant alors la capitale intellectuelle du monde. Son amitié avec Humboldt
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François Arago, l’océanographe
n’empêche pas Arago, déjà républicain quand il était à Polytechnique, de ne pas
mettre son drapeau dans sa poche comme le montre la conduite qu’il tint en 1814
face au roi de Prusse. Quel rapport direz-vous avec Alexander von Humboldt ? Il
ne faut pas oublier que le baron Alexander von Humboldt, frère cadet du
linguiste et ministre de Prusse Wilhelm von Humboldt, est Chambellan du roi à
Berlin et qu’en 1827, il sera nommé Conseiller du roi de Prusse. Un jour,
Humboldt informe Arago que le roi aimerait qu’il lui fasse visiter l’Observatoire,
ce qu’il refuse n’ayant nul désir de rencontrer un roi qui avait envahi la France.
Quelques jours plus tard, Humboldt arrive à l’Observatoire en compagnie d’un
ami en habit de voyage pour faire ses adieux à Arago avant de partir pour
Londres. Il en profite pour demander à Arago de faire faire un tour de
l’Observatoire à son ami. Arago accepte et, au bout d’un moment, la conversation
étant arrivée sur le terrain de la politique, Arago ne fait pas mystère de son
opinion sur les souverains étrangers. Fort mal à l’aise, Humboldt prend Arago à
part et lui demande de modérer son langage : « Vous parlez au roi », dit il. « C’est
bien ce que je pensais » rétorque Arago. « C’est pourquoi j’ai été si franc ! ».
Cette liberté de ton est la marque d’Arago qui en fit souvent preuve à la
Chambre, notamment pour défendre la recherche. Le 5 juin 1837, s’élevant
contre l’antipathie contre la science d’une partie de l’administration de la Marine
(Ndlr : il fut lui-même ministre de la Guerre et de la marine après la révolution
de 1848) : « J’ai entendu de mes oreilles un ministre de la marine dire, dans une
occasion solennelle : ’La marine est empestée de science et cela quoiqu’il fut lui
même une preuve éclatante du contraire’ ».
Température des eaux souterraines
Davis (1999) dans son article Humboldt, Arago, and the temperature of
groundwater estime insuffisante la reconnaissance internationale pour leur
travail commun sur les nappes phréatiques, avec l’appui de Jean Baptiste Joseph
Fourier (1768-1830) qui établit les bases mathématiques de la conduction de
chaleur. Nous pouvons d’ailleurs admirer ce passage de son mémoire de 1824 avec
une introduction limpide à la question de la température de a Terre : « La chaleur
du globe terrestre dérive de trois sources qu’il est d’abord nécessaire de
distinguer. 1° La terre est échauffée par les rayons solaires, dont l’inégale
distribution produit la diversité des climats. 2° Elle participe à la température
commune des espaces planétaires étant exposée à l’irradiation des astres
innombrables qui environnent de toutes parts le système solaire. 3° La terre a
conservé dans l’intérieur de sa masse une partie de la chaleur primitive, qu’elle
contenait lorsque les planètes ont été formées ».
Avant eux, des hypothèses conflictuelles tentent d’expliquer la
température des eaux souterraines. Beaucoup d’intellectuels avancent une
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François Arago, l’océanographe
grande variabilité de ces températures à toutes les profondeurs et estiment que
leurs variations sont inversement liées à la température de surface de la terre,
alors que Pierre Perrault (1611-1680) a montré la constance de la température de
la cave de l’Observatoire royal de Paris. La chaleur dégagée par certaines
sources chaudes fait l’objet d’autres théories, avec une idée populaire :
l’existence d’un « feu » universel à faible profondeur. Ce serait de l’eau de mer
qui fluerait à l’intérieur de la terre et serait vaporisée par ce feu, la vapeur se
condensant pour former les sources chaudes. Perrault réfute cette hypothèse
incapable d’expliquer les sources froides et, surtout, l’absence d’accumulation de
sel. Deux illustres savants contemporains, Siméon Denis Poisson (1781-1840) et
Charles Lyell (1797-1875), ne croient pas que la terre elle-même constitue une
source profonde de chaleur ce que suggèrent les premières mesures d’Arago et
de Humboldt. En septembre 1799, Humboldt visite, au Venezuela, une grotte
habitée par des milliers d’oiseaux presque aveugles. S’il s’intéresse à ces
oiseaux, il n’oublie cependant pas de mesurer la température de l’eau souterraine
plusieurs degrés plus froide que la température annuelle moyenne locale ; c’est le
contraire des observations conduites en Europe où la température croît avec la
profondeur. Il avance qu’une part de l’eau qui circule dans la grotte provient
d’horizons supérieurs et qu’elle n’a pas eu le temps de s’ajuster. Il mesure
également la température de sources chaudes à l’ouest de Caracas : 90,3 °C pour
de l’eau circulant dans du granite loin de tout volcanisme. Il conclut que cette eau
atteint cette température élevée en circulant en profondeur. En se basant sur
des gradients mesurés en Europe (32,8 m pour 1 °C) il calcule que cette eau
provient de 2 176 m. Humboldt et Arago multiplient les mesures dans des mines
profondes et dans des puits artésiens. Ils établissent en 1821 le gradient
géothermique à 29,4 m pour 1 °C. Arago continue les mesures dans le puits de
Grenelle au centre de Paris ; il calcule qu’à 500 m de profondeur, la température
devrait être de 29,4 °C soit 18,8 °C au-dessus de la température moyenne de
surface (Arago, 1835). Secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences depuis
1830, il a tout loisir d’informer régulièrement de l’avancement du forage de
Grenelle et des découvertes sur les eaux souterraines et les sources chaudes en
Europe. Avec ces données, Joseph Fourier sait maintenant calculer de façon
irréfutable le « flux de chaleur », pour parler en termes modernes, provenant de
l’intérieur de la Terre à partir de l’augmentation de la température quand on
s’enfonce dans le sol et d’une estimation de la conductivité thermique du sol.
Avec un accroissement de 1 °C par 30 à 40 m, comme l’ont mesuré Arago et
Humboldt, Fourier estime que « l’excès de température que la surface terrestre
a présentement en vertu de cette source intérieure est très petit [par rapport à
la température qui résulte de l’échauffement par le Soleil] ; il est
vraisemblablement au-dessous d’un trentième de degré centésimal ». Fourier,
Arago et Humboldt arrivent à la même conclusion : la chaleur interne de la Terre
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François Arago, l’océanographe
ne joue aujourd’hui qu’un rôle négligeable dans le bilan thermique de la surface.
Rappelons qu’au XVIIIe siècle, on pensait qu’il s’agissait de l’effet dominant.
Arago en dit ceci : « Mairan, Buffon, Bailly évaluent, pour la France, la chaleur
qui s’échappe de l’intérieur de la Terre, à 29 fois en été, et à 400 fois en hiver,
celle qui nous vient du Soleil »…..
Arago et Humboldt ont mis fin à de fausses conceptions. Ils ont prouvé que
les variations saisonnières des eaux souterraines ne se répercutaient pas en
profondeur. Ils montrent que les gradients géothermiques, reflétés par la
température des eaux, sont similaires, au minimum, dans toute l’Europe de
l’Ouest. Par contre, ils ne résolvent pas le problème du flux de chaleur total. Pour
beaucoup, la Terre est une masse molle se refroidissant progressivement, d’où le
gradient observé. Cette hypothèse, qui ne résiste pas à une analyse du temps
géologique depuis la création de notre planète sera démentie seulement avec la
découverte de la radioactivité qui fournit assez de chaleur pour maintenir en
permanence le gradient géothermique constaté. La valeur du travail d’Arago et
de Humboldt tient à la multiplication des mesures de terrain, à la puissance de
leur raisonnement et à l’audience dont ils disposent, notamment pour Humboldt,
sans doute le savant le plus connu par le public averti en Europe durant la
seconde moitié du XIXe siècle.
Climatologue plutôt que météorologiste
Je choisis ce titre en raison de cette déclaration on ne peut plus claire
d’Arago : « Jamais une parole, sortie de ma bouche, ni dans l’intimité, ni dans les
cours que j’ai professés pendant quarante années, jamais une ligne publiée avec
mon assentiment, n’ont autorisé personne à me prêter la pensée qu’il serait
possible, dans l’état de nos connaissances, d’annoncer avec quelque certitude le
temps qu’il fera une année, un mois, une semaine, je dirai même un seul jour
d’avance ». Cependant la situation évolue rapidement quand le successeur d’Arago
à la tête de l’Observatoire de Paris, Urbain Le Verrier, se voit confier la mission
de déterminer si la tempête qui a détruit quarante et un navires à Sébastopol le
14 novembre 1851 aurait pu être prévue. S’il ne croit guère aux prévisions
météorologiques, Arago a quelques arguments solides car il milite pour la
répétition d’observations de qualité ce qui n’était pas alors le cas. Rappelons que
les commissaires de l’Académie des sciences avaient alors pu comparer la
température de l’hiver 1776 à Paris à celle de l’hiver 1709 grâce à un
thermomètre non gradué conservé à l’Observatoire sur lequel le minimum atteint
en 1709 avait été marqué d’un trait !
Humboldt et Arago sont les premiers à militer pour une approche
synoptique du climat sur toute l’étendue du globe terrestre (figure 7) avec une
12
François Arago, l’océanographe
invitation à l’égard des navigateurs pour réaliser, en mer et dans les ports, des
relevés météorologiques fréquents et avec des équipements bien réglés. Ce souci
constant de l’amélioration des observations s’exprime dans cette déclaration :
« Il n’est presque pas de contrée où, maintenant, on ne trouve des
météorologistes ; mais, il faut l’avouer, ils observent ordinairement à des heures
choisies sans discernement et avec des instruments inexacts ou mal placés ».
Figure 7 – Isothermes d’une
partie du globe d’après Humboldt
et Arago (moyennes annuelles en
degrés Celsius). Même si, dans
Astronomie populaire, cette carte
porte l’indication « d’après la
projection de M. Arago », elle est
bien due à Humboldt.
Bien sur, on peut également relever chez Arago des visions erronées,
comme chez tous ces touche-à-tout du XIXe siècle. S’appuyant sur des relevés
météorologiques à Paris, Metz et Marseille, Arago constate une liaison entre les
vents de différents secteurs et la pression atmosphérique : « Ainsi, tandis qu’à
Paris le vent de sud-ouest maintient le baromètre notablement en dessous de la
moyenne, à Marseille, son influence est positive ». Il se trompe : c’est la
différence de pression atmosphérique entre deux régions qui génère le vent et
non l’inverse. Les météorologues actuels, même s’ils connaissent ce contexte,
tendent à avaliser la vision d’Arago quand ils indiquent « mistral et tramontane
chasseront les nuages ». Mais non, comme Jacques Kessler (2007) le rappelle à
ses collègues, c'est la sécheresse de l'atmosphère, liée à une élévation de la
pression atmosphérique qui provoque la résorption des nuages. Quand la
dépression se situe sur le golfe de Gènes, la pression atmosphérique monte sur
les rivages du golfe du Lion donnant un ciel de plus en plus clair. La différence de
pression entre le continent et la Méditerranée engendre secondairement mistral
et tramontane.
Souvent, dans la consultation des œuvres d’Arago, j’ai du vérifier les dates
de certaines découvertes. Dans un premier temps, je me suis enthousiasmé à la
13
François Arago, l’océanographe
lecture du passage qu’il consacre aux alizés : « D’après les explications des vents
alizés le plus généralement adoptées, il doit y avoir constamment, entre les
tropiques, un vent supérieur dirigé en sens contraire de celui qui souffle à la
surface du globe ». J’allais oublier que George Hadley, avocat et météorologue
amateur anglais, avait expliqué dès 1735 par la rotation de la Terre l’existence
des alizés et la présence d’une cellule de circulation atmosphérique avec un vent
d’altitude dirigé vers l’est. Finalement, c’est plutôt un sentiment de déception qui
prédomine à la fin de la lecture des deux pages consacrées par Arago aux alizés,
notamment de ce passage : « Ainsi il n’est point vrai, quoi qu’on en ait dit, qu’au
nord de l’équateur ces vents soufflent constamment du nord-est ; qu’au sud ils
soufflent constamment du sud-est. Les phénomènes ne sont pas les mêmes dans
les deux hémisphères. En chaque lieu ils changent d’ailleurs avec les saisons ». À
l’inverse de nous, même s’il cite les travaux de Hadley, Arago ne bénéficiait ni du
recul ni de la critique internationale. Il recommande aux marins de La Bonite de
profiter d’une escale à Hawaï pour gravir les 4 200 m du volcan Mauna Loa en
mesurant, au cours de l’ascension, la direction du vent pour constater
éventuellement le « vent supérieur » qui serait dirigé en sens contraire des vents
de basse altitude « d’après l’explication des vents alisés le plus généralement
adopté ». Ce contrevent d’altitude, qui boucle la cellule de circulation de Hadley,
a d’ailleurs été mis en évidence, selon Arago, par le déplacement de nuages très
élevés, par la chute, à la Barbade, de poussières émises par le volcan de l’île
Saint-Vincent située à 200 kilomètres à l’ouest et par des observations directes
du capitaine Basil et de Humboldt au sommet du pic de Ténériffe.
Donnons un autre exemple de la clairvoyance d’Arago à propos de la
répartition de la température en fonction de la latitude, qu’il aborde dans le
chapitre Observations destinées à caractériser l’état actuel du globe sur le
rapport de la température. À cette époque les discussions sont vives sur la
relation entre rayonnement solaire et latitude, certains météorologues avançant
que le soleil échauffe plus fortement dans les hautes que dans les basses
latitudes…Arago conseille tout d’abord de mesurer la température au-dessus de
la mer loin des côtes pour éviter toute action de l’environnement (montagne nue
ou boisée, lac, etc.). Il fait également preuve d’une idée juste du rôle d’écran
refroidissant des nuages : « Un écran placé entre des corps solides quelconques
et le ciel, empêche qu’ils ne se refroidissent, parce que cet écran intercepte
leurs communications rayonnantes avec les régions glacées du firmament. Les
nuages agissent de la même manière : ils tiennent lieu d’écran ». Remarquable et
il serait trop facile de sourire de termes comme ‘les communications
rayonnantes’.
14
François Arago, l’océanographe
Arago, le premier océanographe français ?
L’importance des « phénomènes de la mer » dans l’œuvre d’Arago mérite que
la question soit posée. Il faut pourtant préciser, qu’à la différence d’autres
champs scientifiques, Arago n’apporte pas de mesures nouvelles en
océanographie. Il discute les données et les concepts d’autrui, ce qui cadre avec
son rôle de secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences. La formation
d’Arago explique pourquoi l’essentiel de ses réflexions touche à l’océanographie
physique et chimique, la biologie étant presque absente. Une exception
cependant, sa discussion autour de la « Mer de Varec » ou mer des Sargasses (le
varech se nomme sargazzo en espagnol). Pour expliquer l’immobilité apparente
des fucus, il milite pour une des trois solutions avancées : « À mesure que les
courants (Ndlr : le Gulf Stream) entraînent les fucus flottants hors des limites
ordinaires de la mer Herbeuse, des fucus détachés du fond vont les remplacer à
la surface ». Si l’explication de la concentration de ces algues flottantes par les
courants est exacte (de nombreux déchets s’y concentrent également, emportés
par la circulation à partir des côtes européennes et américaines), il ne s’agit pas
d’algues arrachées au fond mais de véritables algues flottantes, d’où les
appellations « floating jungle » ou « floating désert » données à la mer des
Sargasses.
Dissolution des gaz dans l’eau de mer
Tout océanographe, tout chimiste connaît la « loi de Henry » formulée en
1803 par William Henry (figure 8) qui définit la solubilité d'un gaz dans un
solvant avec lequel ce gaz est en contact. À température constante et à
saturation, la quantité de gaz dissous dans un liquide est proportionnelle à la
pression partielle qu’exerce ce gaz sur le liquide. Ainsi, dans une eau située à dix
mètres de profondeur, la pression étant le double de la pression atmosphérique,
chaque gaz de l’air pourrait se dissoudre deux fois mieux qu’en surface. Ceci
explique le problème des plongeurs : en profondeur, l’azote de l’air que le
plongeur stocke, puisque ces cellules utilisent seulement l’oxygène, tend à se
dissoudre dans le sang. S’il remontre trop rapidement, l ‘azote dissous se dilate
rapidement, ce qui peur créer des bulles dans les vaisseaux et une mort par
embolie gazeuse.
Arago connaissait-il les travaux de Henry ? Il est délicat de répondre à
cette question car, aujourd’hui, les articles sont diffusés sur la toile parfois
avant même leur parution…. D’autre part, le temps fait œuvre de tri et rien ne
permet de savoir si la « loi de Henry » faisait alors autorité. Examinons donc
les propos d’Arago à l’aune de nos connaissances.
15
François Arago, l’océanographe
Figure 8 – William Henry (1775-1836),
chimiste anglais qui énonce en 1803 la loi de
dissolution des gaz, dite « loi de Henry » :
CG = K . PG
CG étant la concentration du gaz dissous, PG la
pression partielle dans la phase gazeuse en
équilibre avec le liquide et K la constante de
Henry.
À propos de la solubilité des gaz, ce que dit Arago, dans un langage classique
du XIXe siècle est exact. « Cette absorption s'opère par une véritable affinité
chimique qui s'exerce sur les différents gaz… » s’exprimerait de cette manière,
dans un langage moderne : l'oxygène présente un coefficient de solubilité plus
élevé (1,67 mmol • kg–1 • atm–1 à 0 °C) que celui de l'azote (0,794 mmol • kg–
1
• atm–1 à 0 °C) et que, de ce fait, l'eau en équilibre avec l'atmosphère se trouve
enrichie en oxygène en valeur relative par rapport à l'azote : 350 µmol • kg–1
d'eau pour l'oxygène contre 619 µmol • kg–1 d'eau pour l'azote. En effet, la
solubilité d'un gaz dans un liquide est le résultat du produit du coefficient de
solubilité de ce gaz par la valeur de la pression partielle de ce gaz au dessus du
liquide (environ 0,21 atmosphère pour l'oxygène et 0,78 atmosphère pour
l'azote). En faisant le rapport 350/(350 + 619) on trouve 36 % dans l'eau contre
21 % dans l'air. Prendre les valeurs de solubilité pour l'eau de mer, comme nous
venons de le faire, et non pour l'eau douce et pour une température de 0 °C
modifie très peu les résultats. On ne peut donc en aucun cas expliquer la
différence avec la fourchette de 29 à 32 % d'oxygène observée par MM.
Humboldt et Gay-Lussac dans les eaux naturelles. Rappelons les propos d’Arago :
« En effet, des expériences très-exactes, faites par MM. De Humboldt et GayLussac, ont prouvé que l’eau de pluie, l’eau de Seine, et l’eau de neige, renferment
un mélange d’oxygène et d’azote qui, pour 100 parties de son volume, contient
depuis 29 jusqu’à 32 parties d’oxygène tandis que, dans l’air atmosphérique, en
tous temps et en tous climats, la proportion d’oxygène est constamment égale à
21 parties. MM. de Humboldt et Provençal ont, en outre, déterminé le volume
absolu du mélange gazeux contenu dans l’eau, près de la surface ; et ils ont
trouvé qu’il était 1/36e du volume de l’eau ». Cette différence correspond sans
doute en grande partie à ce que les hydrologues nomment « l'UAO » ou
16
François Arago, l’océanographe
utilisation apparente de l’oxygène. Il s’agit de la différence entre la solubilité de
l’oxygène déduite de la température et de la salinité de l’échantillon et la
concentration réelle ; l’UAO représente la consommation biologique d’oxygène,
phénomène particulièrement marqué dans les eaux de la Seine !
Le chimiste d’aujourd’hui s’étonne aussi quand il lit sous la plume d’Arago :
« Des expériences directes nous apprennent que l'eau, mise en contact avec des
gaz comprimés en absorbe le même volume que s'ils étaient soumis à la simple
pression d'une seule atmosphère de sorte que le poids absorbé en devient
proportionnellement plus fort ». Ne dit-il pas dans cette phrase une chose et son
contraire ? Probablement non, car dans son esprit, il s'agit de volumes de gaz
« déjà » comprimés. Voilà encore un bel exemple de confusion quand on utilise les
volumes au lieu des masses. Il faudrait réécrire cette phrase ainsi : « Des
expériences directes nous apprennent que l'eau mise en contact avec des gaz
comprimés en absorbe le même volume que s'ils étaient soumis à la simple
pression d'une seule atmosphère, mais ce volume se trouve soumis, non pas à la
pression d’une atmosphère, mais à la pression de l'expérience, de sorte que le
poids de gaz absorbé en devient proportionnellement plus fort : dix fois plus
fort pour dix atmosphères que pour une, cent fois plus pour cent atmosphères ».
Finalement, peu importe finalement car la suite du raisonnement est farfelue !
L'équilibre entre l'océan et l'atmosphère se fait à l'interface air-mer, c'est-àdire à la pression atmosphérique. Imaginer que le gradient de pression existant
au sein de l'océan puisse faire « aspiration pour les gaz » est une idée sans
fondement. Des sursaturations locales apparaissent certes dans certaines
conditions. Ainsi, par mauvais temps, si les vagues emprisonnent des paquets de
mer et propulsent des bulles d'air à 1 m de profondeur (pression in situ de 1,1
atm) et que ces bulles s'équilibrent avec les eaux environnantes, cela provoque
une sursaturation de 10 % en oxygène comme en azote. Si des émanations de
fluides chargés en espèces dites gazeuses (parce qu'elles seraient
effectivement gazeuses à la pression atmosphérique) entrent en contact avec les
eaux de mer dans les fonds marins, là il y aura bien équilibre à la pression in situ
et possibilité d'énormes sursaturations. Et c'est tout ! Et tant pis pour
l'ingénieuse bouteille de prélèvement d'Arago. Aurait-elle jamais marché ? Elle
rappelle la bouteille sous pression utilisée il y a peu par un microbiologiste
marseillais pour préserver ses précieuses bactéries profondes des ravages de la
décompression : un leurre…
Couleur de la mer
Dans un ouvrage que je viens de publier, Les puits de carbone, j’écris
ceci : « En dehors d’aires côtières influencées par les fleuves et le lessivage
continental, qui couvrent seulement un centième de la surface océanique, la couleur
17
François Arago, l’océanographe
de la mer dépend uniquement de sa teneur en chlorophylle : une eau pauvre en
phytoplancton est bleue, voire violette pour les plus oligotrophes comme au large de
l’île de Pâques, une eau eutrophe est verte ». Je me suis donc précipité sur les
quelques pages du paragraphe ‘Couleur de la mer’ ». Après avoir rappelé les termes
utilisés par les navigateurs pour qualifier la couleur de la mer (bleu outre-mer pour
les mers polaires, du plus bel indigo au bleu céleste pour la Méditerranée, azur vif
pour l’Atlantique tropical), Arago pose cette question : « Le bleu céleste plus ou
moins foncé semblerait devoir être toujours la teinte de l’Océan. Pourquoi n’en estil pas ainsi ? » Il avance l’idée que la présence d’animaux explique les anomalies de
coloration : eaux vertes, rouges, couleur de lait. S’il pointe les méduses pour les
bandes vertes des eaux polaires, il indique une remarque du physicien et chimiste
britannique Sir Humphry Davy (1778-1829) à propos des eaux des lacs suisses :
« Quand la teinte d’un lac passe du bleu au vert, c’est que ses eaux se sont
imprégnées de matières végétales ».
On s’étonne par contre de la fascination d’Arago pour les hauts-fonds dans
différents chapitres. Dans celui consacré à la couleur de la mer, Arago écrit : « La
teinte bleu céleste de la mer se trouve modifiée, ou même quelquefois totalement
changée, dans les parages où l’eau est peu profonde. C’est qu’alors la lumière
réfléchie par le fond, arrive à l’œil confondue avec la lumière naturelle de l’eau ».
Quand il s’aventure de manière pus intime sur la couleur de la mer, il s’engage sur
des voies erronées. Il écrit ainsi : « L’eau se trouve dans les conditions de tous les
corps que les physiciens, les chimistes et les minéralogistes ont tant étudiés, et qui
possèdent deux sortes de couleur : une certaine couleur transmise, et une couleur
réfléchie totalement différente de la première. L’eau paraît bleu par réflexion ».
Interrogé à ce sujet, André Morel, un des meilleures spécialistes d’optique marine,
rappelle que rien de consistant n’a été écrit sur l’optique marine avant 1923, le
début des travaux des deux collègues indiens Raman Chandrashekhara Venkata,
l’homme de « l’effet Raman » (diffusion inélastique d'un photon, phénomène
physique par lequel un milieu peut diffuser de la lumière en modifiant légèrement sa
fréquence) et Ramanathan Kalpathi Ramakrishna sur la diffusion moléculaire de la
lumière dans l’eau. Cette faiblesse des travaux antérieurs s’applique aux réflexions
d’Arago sur la couleur de la mer.
Pour comprendre les erreurs commises à cette époque, il faut rappeler
qu’aucune distinction n’était alors faite entre la lumière transmise et la lumière
rétrodiffusée (partie de l'onde incidente retournée dans la direction d'où elle a
été émise). Or, dans les eaux océaniques transparentes, qu’Arago qualifie de
« diaphanes », l’une et l’autre sont bleues mais la lumière rétrodiffusée, qui est à
l’origine de la couleur que nous percevons est « encore plus bleue puisqu’elle
rediffuse cette longueur d’onde d’une façon très hautement sélective. C’est
tellement simple….lorsque l’on sait que les photons ont d’autant moins de chances
18
François Arago, l’océanographe
d’être rétrodiffusés qu’ils ont de chances d’être absorbés : autrement dit, les
photons aisément absorbés, comme les rouges, les jaunes (les mois absorbés étant
les bleus et les violets) ont donc moins de chance d’être rétrodiffusés. Parfois
perspicace, Arago n’a pas vu clair dans ce problème ; cependant, même avec de
l’intuition, l’état des connaissances ne permettait pas de trouver la bonne
explication à cette époque.
Dans un autre écrit, Arago affirme qu’une grande différence d’absorption de
la chaleur existe entre les eaux diaphanes et celles chargées de particules ou
colorées. Ce n’est pas faux même si cet effet est léger. Approximativement 55 %
de l’énergie solaire se situe dans le domaine infrarouge, 45 % dans le visible. La
partie infrarouge est absorbée dans les deux premiers mètres, quelle que soit la
turbidité de l’eau. La partie visible se transforme elle aussi tôt ou tard en chaleur :
comme 1 % seulement de la lumière visible arrivant en surface atteint le bas de la
couche euphotique qui varie…entre 1 et 130 m c’est que 99 % a été absorbé. Une
eau chargée en particules organiques ou minérales ou mortes absorbera beaucoup
plus rapidement cette partie visible du spectre et atteindra donc une température
légèrement plus élevée qu’une eau transparente.
Distribution verticale des température et plongées d’eau
Arago se réfère aux données du navire Predpriyatiye entre 1823 et 1826.
Entreprise pour renforcer la présence russe en Kamchatka, l’expédition visite
également les îles de la Société, la Californie, Hawaii, les Mariannes et les
Philippines et découvre Bikini. Lenz, médecin-naturaliste de l’expédition, s’intéresse
à la température de l’eau de mer, ses données étant analysées par l’un de ses
collègues, le physicien estonien Georg Friedrich Parrot (1767-1852). Un profil
réalisé à 32,6° de latitude nord dans le Pacifique indique une température de
21,4 °C en surface, de 13,3 à 175 m, de 6,5 à 417 m, de 3,7 à 877 m et de 2,2 °C à
1 155 m. Parrot croit que le fond solide de la mer est à 0 °C, ce qui explique le
gradient vertical constaté. Le naturaliste français François Péron (1775-1810)
partage ce point de vue (« les abîmes des mers sont recouvertes de glaces
éternelles »), ce qui irrite Arago qui fait confiance aux mesures d’Horace Bénédict
de Saussure (1740-1799), alpiniste et naturaliste suisse montrant que « Dans
toutes les saisons de l’année, la température du fond des lacs est, sinon
parfaitement, du moins à très-peu près celle où l’eau acquiert son maximum de
densité » et, plus loin : « De là paraît résulter la conséquence que les eaux froides
des régions tropicales sont amenée aux petites latitudes de l’Océan par des
courants sous-marins venant des pôles ». « La température des couches inférieures
de l’Océan entre les tropiques, est de 22° à 25° centigrades au-dessus du plus bas
point auquel les navigateurs aient observé le thermomètre à la surface ». On peut
même ajouter que nulle part cette température du fond de la mer Méditerranée ne
19
François Arago, l’océanographe
paraît devoir descendre au-dessous de la température moyenne du lieu. Si cette
dernière circonstance vient à se confirmer, il en résultera qu’aucune partie du flux
glacial venant des pôles, ne franchit le seuil du détroit de Gibraltar ». Cette vision
d’Arago à propos de la température des eaux de fond est pertinente alors que les
premières mesures systématiques en profondeur datent seulement du « tour du
monde » du Challenger entre 1872 et 1876. Cela conduit Arago à recommander au
Ministre de la Marine de demander au commandant Bérard, chargé de
l’hydrographie des côtes du Maroc, de déterminer la température de la mer à
toutes les profondeurs.
D’autres écrits du Voyage de La Vénus autour du monde (1836-1839), navire
commandé par Abel Aubert Du Petit Thouars avec, à son bord, l’ingénieur
hydrographe Urbain Dortet de Tessan, soulignent même qu’Arago comprend une
part essentielle de ce que l’on appelle maintenant le « tapis roulant océanique » ! Il
s’emporte d’abord contre ceux qui estiment que nulle part, les eaux profondes ne
peuvent atteindre de températures inférieures à 4,1 °C : « Il faut donc espérer que
le fameux nombre + 4°.1, si étourdiment emprunté aux observations comparatives
faites à la surface et au fond des lacs d’eau douce de Suisse, cessera de paraitre
dans des dissertations ex professo, comme la limite au-dessous de laquelle la
température du fond des mers ne saurait jamais descendre ». S’il attache tant
d’importance à ce que les températures les plus basses puissent atteindre 2 °C en
profondeur dans la zone intertropicale c’est parce qu’il est persuadé que ces eaux
ne se forment pas sur place mais que des courants sous-marins transportent jusqu’à
l’équateur les « eaux inférieures des mers glaciales ». C’est ce qu’il indique en
écrivant : « Ces quelques degrés peuvent porter le dernier coup à la théorie suivant
laquelle les eaux froides du fond des mers, même sous l’équateur, ne seraient autre
chose que les eaux correspondantes de la surface, refroidies d’abord par voie de
rayonnement ou d’évaporation, et précipitées ensuite à raison de leur excès de
pesanteur spécifique ».
Densité de l’eau de mer et point de congélation
Au passage, Arago s’intéresse à la densité de l’eau de mer et à sa congélation
qui constituent des propriétés capitales pour la circulation et les plongées d’eau. La
solution expérimentale à ces questions peut nous sembler facile mais il ne faut pas
oublier combien l’eau est une molécule étonnante, moins dense solide que liquide
(c’est pourquoi la glace flotte sur l’eau) et présentant un maximum de densité à 4 °C
alors que, généralement, la densité diminue quand la température augmente. Ce
maximum de densité de l’eau douce vers 4 °C explique l’observation précitée d’une
température systématique de 4,1 °C au fond des lacs. La densité maximale de l’eau
douce superficielle à cette température la conduit à gagner par gravité les
profondeurs. Arago a donc raison quand il avance qu’il n’en est pas de même pour
20
François Arago, l’océanographe
l’eau de mer qui doit atteindre des températures plus basses en profondeur. Si des
températures superficielles de —1,7 °C, très proches du point de congélation, sont
observées en surface dans les mers polaires, le mélange des eaux de surface qui
plongent avec les eaux sous-jacentes moins froides conduisent à des températures
des eaux de fond océaniques supérieures à cette limite théorique. L’eau de fond de
la mer de Weddell, une des composantes de la future eau de fond antarctique, sans
doute la plus froide de l’océan mondial présente une température de —0,88 °C.
Arago écrit : « On a vu précédemment que sir Charles Blagden (1748-1820) a
cru reconnaître que la dissolution d’une certaine quantité de chlorure de sodium
dans l’eau abaisse également le point de congélation et celui du maximum de
densité : en sorte que le dernier est toujours de 4 degrés centigrades au-dessous
du précédent ». Je me suis donc retourné vers les recherches de ce médecin et
chimiste anglais, secrétaire de la Royal Society et son article Sur le
Refroidissement de l’eau au-dessous du terme de la congellation publié dans les
‘Annales de Chimie, ou Recueil de Mémoires concernant la Chimie et les Arts qui en
dépendent’ où il aborde la question du point de congélation. Quand il dissout à
saturation du sel marin, ou muriate de soude, la congélation intervient à —1,8 °C. On
sait aujourd’hui qu’une eau de mer de salinité 35, moyenne pour l’océan, commence à
geler à —1,91 °C.
Figure 9 – Maximum
densité et température
congélation
de
l’eau
fonction de sa salinité.
de
de
en
Les courbes rouges, graduées
de 0 à 30, représentent la
densité.
Deux faits incontestables sont connus à cette époque : la densité de l’eau de
mer dépend de la salinité et de la température et plus une eau est salée, plus elle
est dense. Une remarque de Blagden est également exacte : la présence de sels
abaisse à la fois la température de congélation et celle du maximum de densité.
Mais si les températures de congélation et du maximum de densité s’abaissent
toutes les deux avec une augmentation de la salinité, elles ne le font pas
« également » comme il l’avance. Les deux courbes se croisent pour une salinité de
21
François Arago, l’océanographe
25. À la salinité moyenne de l’océan, soit 35, le maximum de densité de l’eau de mer
se situe à une température inférieure au point de congélation (figure 9). Dans les
‘Annales de Chimie et de Physique’ éditées par Gay-Lussac et Arago en 1839, on lit
dans Recherches sur le Maximum de Densité des Dissolutions aqueuses : « On
connaissait déjà un mémoire de Blagden, dans lequel ce savant anglais prétendait
que le maximum baisse comme le point de congélation, en restant à une distance
égale à celle qui, dans l’eau pure, le sépare de ce dernier point (Ndlr : du maximum
de densité). On ne se rend pas bien compte de la manière dont Blagden a été
conduit à cette conséquence, qui est en opposition avec toutes les expériences
faites, dont aucune n’indique pour l’eau de mer un maximum de densité au dessus de
la congélation. S’il nous est permis de dire notre pensée, le savant anglais a plutôt
exprimé une opinion qu’un fait ». Ah, l’amitié franco-anglaise !
La formation en mer d’une banquise est bien plus difficile que dans un lac. Sur
un lac, les eaux proches du point de congélation, plus légères que celles un peu plus
chaudes (maximum de densité à 4 °C) restent en surface et gèlent donc dès que la
température devient négative. En mer, la densité maximale de la phase liquide est
atteinte au point de congélation ; il faut donc un refroidissement très rapide pour
que la banquise se forme.
Circulation superficielle
« Les courants les plus remarquables étudiés par les navigateurs sont, dans
l’Atlantique :
- le courant dit équinoxial2, qui coule invariablement de l’est à l’ouest, des deux
côtés de l’équateur, entre l’Afrique et l’Amérique.
- le courant qui, après avoir débouché du golfe du Mexique par le détroit de
Bahama, coule à une certaine distance de la côte des États-Unis, dans la direction
du nord-est, jusqu’au banc de Nantucket, où il s’infléchit.
Ces courants, quelle en est la cause » ?
Arago est fasciné par les grands courants océaniques superficiels, au premier
rang desquels le Gulf Stream sur lequel nous allons revenir. En fonction de la date
des articles qu’il publie, leur nombre s’étoffe. Dans Le voyage de la Vénus, il
reconnaît d’abord les moyens limités pour les décrire et en mesurer la vitesse
(essentiellement l’écart entre le point estimé et le point réel qui indique la dérive
due au courant). Puis il indique avoir probablement découvert un quatrième courant
superficiel majeur aux côtés du Gulf-Stream, du courant chaud qui longe le banc
des Agullas (appelé maintenant courant des Aiguilles) près du cap de BonneEspérance et du courant froid qui, provenant de l’Antarctique, longe les côtes du
Chili en direction du nord (courant de Humboldt du nom de celui qui le découvrit en
1800). Il écrit : « La Vénus n’aurait-elle pas découvert un quatrième de ces
2
On dirait aujourd’hui « équatorial »
22
François Arago, l’océanographe
courants, à température chaude, dans le sud-sud-est de la terre de Van-Diemen ?
Cette rivière a-t-elle la permanence des trois courants que nous avons déjà cités ?
Ce sera aux navigateurs futurs à le décider ». Il décrit en fait le courant estaustralien qui boucle, à l’ouest du Pacifique, la circulation anticyclonique,
prolongeant le courant sud-équatorial et longe la Tasmanie, anciennement nommée
terre de Van-Dienen.
Le courant de Humboldt
Figure 10 – Le courant de Humboldt fascine encore…
…à en croire ces deux ouvrages d’Aaron Sachs, l’un paru en 2006 chez Viking (New York)
avec le sous-titre « Exploration au XIXe siècle et les racines de l’environementalisme
américain » l’autre, en 2007, édité par les presses de l’Université d’Oxford, avec le soustitre « Un explorateur européen et ses disciples américains ».
À propos du courant de Humboldt (figure 10), Arago montre son sens aigu de la
vulgarisation puis de la réflexion, en indiquant : « Par exemple, il a été souvent
question dans cette enceinte de l’immense courant d’eau froide qui venant de
l’océan Antarctique, rencontre la côte occidentale de l’Amérique vers le parallèle de
Chiloé, remonte ensuite le long des côtes du Chili et du Pérou avec l’empreinte
tellement manifeste d’une basse température empruntée aux régions polaires, que
dans le port de Lima (au Callao), les Espagnols, peu de temps après la conquête de
l’Amérique, reconnurent déjà que pour rafraîchir leurs boissons, il fallait les
plonger dans l’eau de la mer ». Un peu plus loin, on peut lire : « Un courant d’eau
froide ne semble pas pouvoir être dans les mers tempérées, un courant superficiel.
Si l’eau froide n’existait qu’à la surface, elle se serait précipitée au fond en vertu
23
François Arago, l’océanographe
de son excès de pesanteur spécifique ». Constatant qu’une ligne de sonde de
1 100 brasses (Ndlr : 2 012 m) est restée verticale en dépit du fort courant de
surface, il en conclut que la veine d’eau froide est épaisse : « Le courant chilien ne
peut donc plus être considérée comme une simple rivière superficielle d’eau froide.
Il est produit par une section considérable des mers polaires, marchant
majestueusement du sud au nord. La masse liquide qui s’avance ainsi à la rencontre
de la ligne équatoriale, n’a pas moins de 1 780 mètres de profondeur ». Arago
montre à nouveau qu’il néglige l’influence des vents. En effet, les eaux froides qui
baignent les côtes du Chili et du Pérou sont dues à des remontées d’eaux
« profondes » donc froides sous l’influence des alizés même si ces eaux se sont
formées des centaines d’années auparavant dans l’Antarctique. Dans ses écrits,
Arago a conscience de ce que les océanographes appelleront pus tard les
« propriétés conservatives » de l’eau de mer, sa salinité et sa température puisqu’il
écrit cette phrase remarquable : « Les eaux d’une certaine région, quand elles sont
transportées par un courant dans une région plus ou moins voisine de l’équateur, ne
perdent dans le trajet qu’une partie de leur température primitive ».
Le Gulf Stream
Figure 11 – Version française de la carte du Gulf Stream par Benjamin Franklin et
Timothy Folger édité en 1783 à Paris par Georges-Louis Le Rouge.
Pour le Gulf Stream, il n’y a pas à s’étonner de la précision de cette description
car Arago écrit ses lignes (rappelons qu’elles ont été publiées de manière posthume)
entre les années 1820 et 1830 alors que Timothy Folger, baleinier de Nantucket,
et Benjamin Franklin dessinent la première carte d’ensemble du Gulf Stream en
1769-70 (figure 11) remarquablement semblable à la vision que nous en donne
aujourd’hui les satellites. Benjamin Franklin avait été « obligé » de s’intéresser à ce
courant en raison des plaintes qu’il recevait en temps que ministre des Postes de la
24
François Arago, l’océanographe
part de nombreux clients américains qui comprenaient mal que les lettres qu’ils
recevaient de leurs collègues européens mettent une quinzaine de jours de plus que
des États-Unis vers l’Europe ! Bien avant cette carte, quelques explorateurs surent
utiliser ce courant, comme Herman Cortez (1485-1547) et Juan Ponce de Léon
(1474-1521). En 1513, ce dernier quitte Porto-Rico avec trois navires en direction
du nord-ouest. Ses navires sont entraînés par le Gulf Stream et Ponce découvre
alors la route la plus rapide pour rejoindre l'Europe depuis les Amériques.
Dans la recherche des causes des courants, Arago prend conscience d’un
phénomène que je ne croyais pas si tôt découvert, l’accumulation d’eau (chaude) à
l’ouest des océans tropicaux. Examinons comment Arago raconte ce phénomène :
« Les alizés, nous dit-on, en soufflant constamment dans l’océan Indien, de l’est à
l’ouest, doivent produire près de l’équateur, une intumescence liquide sur la côte
orientale d’Afrique. Cette eau accumulée se déverse sans cesse du nord au sud par
le détroit de Mozambique ». Si l’exemple de l’océan Indien n’est pas idéal puisqu’il
se caractérise par l’alternance de moussons, ce phénomène, net dans l’Atlantique
et, surtout, dans le Pacifique nous paraît maintenant évident avec la mise en lumière
de la hauteur de la mer par les satellites (altimétrie satellitaire). Mais poursuivons
la lecture d’Arago à propos du Gulf Stream : « Le courant atlantique équinoxial doit
produire une grande accumulation de liquide le long de la première côte qui se
présente à lui comme une barrière ; cette côte est celle d’Amérique. De là un
mouvement général de la mer des Caraïbes vers le détroit qui sépare la pointe
orientale du Yucatan de la pointe occidentale de Cuba ; de là une élévation du niveau
de la mer dans le golfe du Mexique ; de là enfin cette sorte de cascade que forme
le liquide accumulé dans le golfe, lorsqu’il s’échappe par le détroit de Bahama, et
dont le prolongement est le Gulf-Stream ».
S’il décrit le phénomène, il ne rejoint pas les explications de Benjamin Franklin
et de James Rennell (1742-1830), le « père » de l’océanographie pour certains :
« Je vais entreprendre de prouver qu’aucune observation, qu’aucune mesure,
qu’aucune expérience ne les justifie assez complètement pour que les doutes ne
soient pas légitimes ». Il base son argumentaire sur une minoration du rôle des
alizés : « Les alizés sont des vents constants, mais leur force est très médiocre.
Ainsi les dénivellations qu’ils peuvent occasionner doivent être faibles. Or, il semble
difficile de croire qu’une chute verticale d’un mètre, par exemple, et même de deux
mètres, puisse produire des courants qui ne seraient pas amortis après un trajet de
plusieurs centaines de lieues »… « J’irai plus loin maintenant : je prouverai, en point
de fait, que les mers d’où les courants paraissent émaner, sont exactement, ou à
peu près, au niveau de celles que ces courants vont sillonner ». Arago serait
probablement sidéré par l’observation de la hauteur de la mer par les capteurs
Topex-Poséidon (lancé en 1992), Jason 1 (2001) et Jason 2 (2008) qui démontre que
25
François Arago, l’océanographe
des différences de hauteurs de quelques dizaines de centimètres d’un bord à
l’autre d’un océan suffisent à engendrer la circulation générale (figure 12).
Arago confond quelque peu les dénivellations d’un bord à l’autre d’un océan
dues aux vents avec la marée. Il est vrai qu’alors l’estimation des hauteurs
comparées des mers paraissait une gageure. Arago cite des ingénieurs « qui
traversèrent l’Amérique dans sa moindre largeur afin de savoir définitivement ce
qu’il fallait croire de la position relative des deux océans ».
Figure 12 – Hauteur de la mer.
Les satellites Topex-Poséidon et Jason
mesurent la hauteur de la mer. Des
différences de quelques dizaines de
centimètres d’un bord à l’autre du
Pacifique (à gauche) suffisent à engendrer
des courants majeurs. Les tourbillons
cycloniques et anticycloniques du Gulf
Stream sont parfaitement visibles (figure
du haut) comme ils le seraient sur une
carte des températures superficielles.
26
François Arago, l’océanographe
Les hauts-fonds
Je ne m’attarderai pas sur les digressions d’Arago sur les Températures sur
les hauts-fonds et dans les atterrages à une époque où domine une hypothèse dont
on perçoit mal les fondements. Arago indique ainsi : « La remarque ayant été depuis
confirmée par MM. De Humboldt et John Davy, les physiciens ont cru pouvoir la
généraliser. Maintenant ils tiennent pour complètement acquis que, sans aucune
exception, l’eau est sensiblement plus froide sur un haut-fond qu’en pleine mer ».
Plus perspicace que ses collègues, il conclut : « Ces quelques chiffres sont la
condamnation définitive des théories d’où résulte la conséquence que l’eau doit
toujours être plus froide sur un banc qu’en pleine mer », mais il termine cependant
ce passage en indiquant : « Ils ne laissent de place qu’aux explications plus
modestes : à celles qui prétendent seulement établir qu’un refroidissement est la
conséquence ordinaire du voisinage d’un banc, et que certaines causes peuvent
masquer ce premier effet ». On pourra s’étonner qu’un physicien ne prenne pas
conscience qu’en été, le phénomène inverse dominera : la température sera souvent
plus élevée par petit fonds en raison du moindre volant thermique. Il est cependant
probable que la température est un peu plus souvent plus basse sur les hauts-fonds
qu’en mer ouverte pour une raison différente : les courants profonds,
nécessairement froids, tendent à remonter le long de la pente de monts sousmarins amenant ainsi des eaux froides près de la surface. Voici ce que
l’encyclopédie libre Wikipedia dit à propos des monts sous-marins : « En plus de
fournir simplement une présence physique dans cette zone, le mont sous-marin lui
même peut détourner des courants profonds et créer de l'upwelling ».
La Méditerranée
Arago s’intéresse aux échanges entre Méditerranée et Atlantique par le
détroit de Gibraltar. Il souligne que le courant sortant se traduit par une
modification de la structure thermique à l’ouest immédiate de Gibraltar, ce fait
étant connu dès le début du XVIIIe siècle. Dans les observations qu’il prescrit à
Dumont d’Urville à l’occasion du premier voyage de L’Astrolabe, il indique : « Le
courant polaire se trouve complètement refoulé par le courant sous-marin dirigé
de la Méditerranée vers l’Océan et dont l’existence est appuyée sur divers
événements de mer ». Il n’ignore pas non plus l’entrée d’eau atlantique vers la
Méditerranée : « Passons à la Méditerranée. Ici l’abaissement prétendu du
niveau de cette mer, cause présumée du courant qui de l’Océan se dirige vers le
détroit de Gibraltar, est, dit-on, le résultat d’une énorme évaporation annuelle
que ne compensent pas les masses d’eau apportées par le Nil, par le Rhône, par le
Pô, etc. Des preuves directes et démonstratives de cette absence de
27
François Arago, l’océanographe
compensation, manquent, il est vrai, complètement ». Ces propos ne dénotent pas
une adhésion franche à cette hypothèse et Arago revient sur son hypothèse de
la nécessité d’une grande différence de niveau entre les deux entités : « Cela
doit suffire, en effet, si la cause indiquée (Ndlr : une évaporation marquée en
Méditerranée) engendre entre les niveaux des deux mers une différence trèssensible ». Il s’agit là d’une vision quelque peu statique mais cette tendance à une
différence de niveau entre Méditerranée et Atlantique induit bien l’entrée de
l’eau superficielle atlantique avec un débit d’un million de mètres cubes par
seconde (le Gulf Stream présente un flux trente fois supérieur !). Par
triangulations successives l’ingénieur Jean-Baptiste Corabœuf mesure les
dénivellations respectives entre le pic Crabère, dans les Pyrénées centrales et,
respectivement, l’Atlantique et la Méditerranée ; il confirme le niveau plus bas
de la Méditerranée…. pour 73 cm. Cette valeur est proche de la réalité mesurée
aujourd’hui par les satellites mais c’est un hasard, d’autant que le niveau de la
Méditerranée varie assez fortement d’une saison à l’autre. La cartographie de
l’anomalie du niveau de la mer met en évidence une amplitude de variation
saisonnière de l’ordre de 20 cm avec un maximum du niveau en
octobre/novembre, une descente rapide en janvier/février avec un minimum en
mars ; la moitié de ce signal est due aux effets stériques de dilatation et de
contraction des eaux de surface sous l’action du flux de chaleur à l’interface
océan-atmosphère.
Le détroit de Gibraltar, les « colonnes d’Hercule » de l’Antiquité, minuscule
porte de communication (large au minimum de 14 km et profonde de 300 m) laisse
entrer de l’eau atlantique peu salée (36,2) et sortir de l’eau méditerranéenne
très salée (37,9), qui représente 1,4 % du volume total du bassin. La veine
entrante atteint une vingtaine de mètres d’épaisseur tout comme la veine
méditerranéenne sous-jacente, car ces flux doivent équilibrer simultanément les
budgets en eau, en énergie thermique et mécanique. Si le détroit de Gibraltar
était fermé, le niveau de la mer s’abaisserait, chaque année, de 0,5 à 1 m. Un
travail de Ross et al. (2000) montre la pertinence des vues avancées par Arago
sur la différence de niveau entre la Méditerranée occidentale et l’Atlantique
proche de Gibraltar. Le niveau de la Méditerranée occidentale est, en moyenne,
une quinzaine de centimètres en dessous de celui de l’Atlantique nord-est. Les
échanges par le détroit sont bien pilotés par un excès d‘évaporation et un certain
refroidissement en Méditerranée entraînant la sortie d’eau dense et salée sous
l’eau atlantique entrante. Cet écart s’est atténué de 40 % entre 1994 et 1997 en
raison notamment d’une élévation assez rapide du niveau de la Méditerranée
occidentale de 10 mm par an, d’où une diminution des échanges. Ces données
confirment aussi qu’une dizaine de centimètres de différence altimétrique suffit
à des modifications importantes des courants et des flux d’échange.
28
François Arago, l’océanographe
Épilogue
J’espère que cette histoire, une partie de la vie de François Arago, vous aura
intéressés. Elle rappelle d’abord qu’un savant du début du XIXe siècle était, pour
certains aspects, l’opposé de ce qu’il est à notre époque d’hyperspécialisation : un
touche-à-tout. De juger et de rapporter les travaux d’autrui comme Secrétaire
de l’Académie des sciences a poussé à l’extrême ce trait chez Arago à tel point
que dans la masse de ses écrits, il est difficile de juger ce qui tient à des
recherches qu’il a effectué (sans doute assez peu), à ses propres réflexions et
raisonnements et à ce qu’il puise chez ses collègues.
Quant à l’aspect océanographique, au cœur de notre propos, il doit beaucoup à
son collègue et ami Humboldt. Lui jeter la pierre pour certaines erreurs, parfois
même grossières, serait oublié l’état embryonnaire des connaissances à son
époque dans certains domaines ; nous l’avons souligné à propos de l’optique
marine. C’est probablement par son rappel permanent et sans équivoque de la
nécessité de la qualité et de la répétitivité des mesures qu’il a le plus servi les
sciences de l’univers qui lui doivent aussi sa vision pionnière de l’intérêt
d’observations synoptiques qu’illustre parfaitement sa carte mondiale des
isothermes.
Mais dans le cadre d’une conférence publique, je me dois également indiquer
que le premier vulgarisateur de France est certainement Arago, ce que bien peu
savent. Il fut un « passeur de savoir » précurseur, un pionnier de la vulgarisation
que quelques scientifiques d’aujourd’hui, heureusement de moins en moins
nombreux, remisent au second plan. Je souhaite aussi que cette conférence
incite des collègues à se lancer sur les traces d’Arago dans d’autres domaines
scientifiques.
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François Arago, l’océanographe
Références bibliographiques
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de l’Académie des sciences, 1 : 501-502.
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des sciences, 2 : 501-502.
Daumas M (1987). Arago. La jeunesse de la science. Belin : 304 p.
Davis, SN (1999). Humboldt, Arago, and the temperature of groundwater. Hydrogeology
Journal, 7 : 501-503.
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Gauthier-Villard et fils.
Grison E (1989). François Arago et l’école Polytechnique. Bulletin de la Société des amis de
la bibliothèque de l’École Polytechnique, 4 : 1-28.
Hahn R (1970). Arago Dominique François Jean. In Gillispie CC éd. Dictionary of scientific
biography, vol. 1. Charles Scribner’s Sons, New York : 200-203.
Kessler J (2007). Les secrets du temps. Guide France Info, 116 p.
Lequeux J (2008). François Arago, un savant généreux. EDP Sciences, L’Observatoire de
Paris.
Marty N, Lange C (2008). Les Arago, acteurs de leur temps. Colloque de Perpignan et
Estagel, 2003
Poirier JP (2003). Arago, un savant et un homme généreux. Académie des sciences.
Ross T, Garrett C, Le Traon PY (2000). Western Mediterranean sea-level rise: changing
exchange flow through the Strait of Gibraltar. Geophysical Research Letters, 27 (18) :
2949-2952.
Théodoridès J (1965). Une amitié de savants au siècle dernier : Alexander von Humboldt
et Achille Valenciennes. Biologie médicale, Hors série : cxxix p.
30
François Arago, l’océanographe
Annexe 1
Contenu des Œuvres complètes de François Arago
Les « Œuvres complètes de François Arago », secrétaire perpétuel de l’Académie des
Sciences publiées d’après son ordre sous la direction de M. J.-A. Barral » ont été
imprimées entre 1854 et 1858 par les éditeurs Gide et J. Baudry à Paris (Tomes 1 à 6),
Gide (à partir du Tome 7) et T. O. Weigel à Leipzig.
Ces dix-sept volumes se décomposent ainsi :
trois volumes (tomes 1 à 3) constituant les "Notices biographiques" sur les vies et les
œuvres d'Augustin-Jean Fresnel, Alexandre Volta, Thomas Young, Joseph Fourier,
James Watt, Lazare Carnot, André-Marie Ampère, Caritat de Condorcet, Jean-Sylvain
Bailly, Gaspard Monge, Siméon-Denis Poisson, Joseph-Louis Gay-Lussac, Étienne-Louis
Malus. Elles sont suivies de notices sur les 29 « principaux astronomes » de l'histoire
(d’Hipparque à Laplace), puis de notices sur Pierre de Fermat, Niels Henrik Abel, JeanBaptiste Lislet-Geoffroy et Molière, de discours funéraires, et précédées d'une
introduction d'Alexandre de Humboldt rédigée 1853 sur l'œuvre d'Arago et d'une
première partie autobiographique de ce dernier ;
cinq "Notices scientifiques" (tomes de 4 à 8) sur la météorologie, le magnétisme, les
machines à vapeur, les chemins de fer, la navigation, les phares, les fortifications, les
puits forés, la scintillation, le soleil et les étoiles, les éclipses, la lumière, le
daguerréotype, la prédiction du temps, l’influence de la lune, le rayonnement de la
chaleur, la formation de la glace, l’état thermométrique de la terre, etc. ;
un volume (tome 9) "Voyages scientifiques" où sont abordés des questions de
météorologie et de physique du globe, les voyages de L'Uranie, de La Coquille, de La
Chevrette, de La Bonite, de La Vénus, les tableaux des régions arctiques, d'une partie
de l'Abyssinie, d'une partie de l'Afrique, des Terres Australes, les voyages
aéronautiques, les phénomènes de la mer ;
deux volumes (tomes 10 et 11) "Mémoires scientifiques" traitant de la lumière, de
l’optique, de la photométrie, de l’astronomie, des phénomènes d'optique, etc. ;
un volume (tome 12) "Mélanges" s’intéressant à la météorologie et à des rapports
divers ;
un volume (tome 13) "Tables analytiques" comportant le discours de Flourens aux
funérailles d'Arago (1853), la Notice chronologique sur les œuvres d'Arago par J.-A.
Barral, l’index des auteurs et personnages cités dans les œuvres d'Arago, un index
géographique et un index thématique.
Enfin, quatre volumes composent l’ouvrage de vulgarisation « Astronomie populaire »
(tomes 14 à 17).
Pour le travail qui m’intéressait, examiner la validité des affirmations scientifiques de
François Arago soit à titre personnel soit comme rapporteur des travaux d’autrui devant
l’Académie des Sciences, mes recherches se sont limitées aux cinq « Notices
scientifiques », au tome 9 consacré aux « Voyages scientifiques », aux deux « Mémoires
scientifiques » et, enfin au tome 12 « Mélanges ».
31
François Arago, l’océanographe
Je ne porte pas de jugement sur le bien-fondé et les limites du travail de numérisation
de travaux anciens que commence à effectuer Google. J’indique seulement que dans le
Journal du CNRS de septembre 2005, Jean-Michel Salaün, responsable du réseau CNRS
« Documents et contenus : création, indexation, navigation », tout en reconnaissant
l’hégémonie américaine prône de s’allier et négocier pour développer la numérisation des
fonds européens. Quoi qu’il en soit, sans la disponibilité et le téléchargement aisé des
œuvres complètes d’Arago, je n’aurai jamais entrepris ce travail…
Examinons le sommaire des volumes intéressantnotre propos :
Tome quatrième publié en 1854 : Le tonnerre (54 chapitres), Électro-magnétisme (8),
Électricité animale (3), Magnétisme terrestre (22) et Aurores boréales (16).
Tome cinquième publié en 1855 : Notice historique sur les machines à vapeur (7
chapitres), Explosions des machines à vapeur (19), Les chemins de fer (8), Sur les
chaux, les mortiers et le ciment hydraulique (8), Navigation (16).
Tome sixième publié en 1856. Les phares (8 chapitres), Les fortifications (37), Les
puis forés (22) mais également des notes sur les établissement publics, les brevets
d’invention, etc.
Tome septième publié en 1858 : De la scintillation (20 chapitres), Constitution physique
du soleil et des étoiles, Notice sur les éclipses (23), Sur la polarisation de la lumière
(14), Le Daguerréotype (15), Sur l’action calorique et l’action chimique de la lumière (4),
Sur les théories de l’émission des ondes (10).
Tome huitième publié en 1857 : Sur la prédiction du temps (5 chapitres), De l’influence
de la Lune sur les phénomènes terrestres (13), Sur le rayonnement de la chaleur à
travers l’atmosphère (14), Sur la formation de la glace (8), Sur l’état thermométrique
du globe terrestre (41).
Tome neuvième publié en 1857 : Questions à résoudre concernant la météorologie, la
physique du globe, l’hydrographie et l’art nautique avec 9 chapitres dont ceux qui
suivent m’ont particulièrement intéressé :
Chapitre II
– Phénomènes météorologiques
Chapitre V
- Des vents et particulièrement des vents alizés
Chapitre VI
- Phénomènes de la mer
Chapitre VIII
- Appendice relatif à diverses questions de la physique terrestre
§ 6 Courants sous-marins
Voyage de l’Uranie
VI
VII Voyage de La Coquille VII VIII –
Voyage de la Vénus
IV
V
VI
–
VII –
VIII –
IX
–
Sur les phénomènes de ma mer
Hydrographie
Météorologie
Météorologie
Marées
Hydrographie
Marées
Observations météorologiques
Météorologie optique
Courants
Observations détachées
32
François Arago, l’océanographe
Tome dixième publié en 1858 avec de courts articles sur des sujets variés d’optique.
Tome douzième publié en 1859 comprenant une série de rapports sur des sujets divers
touchant aux météores : les hygromètres, les vents, ouragans et trombes, la pression
atmosphérique, la pluie, la grêle, etc.
33
François Arago, l’océanographe
Annexe 2
Florilège de titres de chapitres des œuvres d’Arago
Mesure de la distance du bord inférieur de la bande supérieure de Jupiter au bord
supérieur de la planète (apparences).
Sur une prétendue jeune fille électrique.
Tonne-t-il jamais par un temps parfaitement serein ?
Mémoire sur un moyen très-simple de s’affranchir des ERREURS PERSONNELLES dans les
observations des passages des astres au méridien.
Remarques sur les effets que le fluide qui humecte la cornée peut produire sur les
observations astronomiques.
De la visibilité des images dont les positions relatives doivent conduire à la solution de la
question posée.
Les corps des hommes et des animaux frappés par la foudre se putréfient-ils lentement ?
Nécessité d’empêcher les compagnies de relever leurs tarifs immédiatement après les
avoir abaissés.
Juste après le discours funéraire de Gay-Lussac…De l’utilité des pensions accordées aux
savants, aux littérateurs, aux artistes.
Sur l’état de l’atmosphère près des cascades.
Est-on frappé de la foudre avant de voir l’éclair ?
Sur les inconvénients de l’établissement de deux chemins de fer de Paris à Versailles.
Les dépenses exigées par les fortifications ne sont-elles pas supérieures aux résultats
qu’on peut en attendre ?
Fusils à vapeur.
Recherches sur la fabrication des essieux de l’artillerie.
Ventilation des cellules de prison.
La température moyenne de la Palestine ne paraît pas avoir changé depuis Moïse.
De la pêche à la baleine.
Instrument propre à faire voir les écueils.
Sur l’utilité des nattes dont les jardiniers couvrent les plantes durant la nuit.
Sur le transport des poussières à de grandes distances par le vent.
De l’influence du déboisement sur les climats.
Sur les prétendues pluies de crapaud.
Y a-t-il quelque moyen de découvrir depuis combien de siècles la Terre se refroidit ?
De la pluie, en tant qu’elle est modifiée par la distance de la Lune à la Terre.
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