ERGONOMIE 13 20 FÉVRIER 2010 - DENTAL TRIBUNE - N°08 Par le Pr Oene Hokwerda, le Dr Rolf de Ruijter et le Dr Sandra Shaw Adopter une position de travail correcte 65 % des praticiens sont confrontés à des troubles squeletto-musculaires. Une position de travail correcte, une position droite et symétrique permettent pourtant d’y remédier. Solutions en images. es principes fondamentaux, pour une position de travail stable et propice à l’action sont les suivants : 1. Adopter une position assise détendue, droite et symétrique, les bras contre le haut du corps, ce qui amoindrit la charge statique dans le haut des bras et dans les épaules. En outre, les gestes latéraux et vers l’avant doivent être réduits au minimum : pas plus de 15-20° vers l’extérieur et 25° vers l’avant. Le buste peut être courbé vers l’avant de 10° au maximum par une rotation de la hanche, mais les flexions latérales ainsi que les rotations doivent être évitées. La tête ne doit pas être fléchie audelà de 25° vers l’avant. 2. Pour obtenir une position de travail dynamique : le chirurgien-dentiste doit intégrer le plus de mouvement possible dans sa méthode de travail lors du traitement d’un patient afin d’alterner dans la charge et de détendre les muscles et la colonne vertébrale. 3. Entretenir des muscles fermes (abdomen et dos) par le sport et/ou des mouvements en dehors du temps de travail : il s’agit de reconstituer et de renforcer les muscles porteurs, pour pouvoir plus facilement se tenir dans une position correcte. L 1 - Conditions pour un positionnement de travail optimal Les conditions pour un positionnement de travail optimal et stable sont les suivantes : 1. Adopter une position de travail assise stable, aussi droite que possible. 2. Positionner le champ opératoire de la bouche du patient en face du haut du corps du chirurgien-dentiste sur le plan symétrique (= plan médio-sagitttal, qui partage le corps en deux parties égales). 3. Regarder le champ opératoire de manière aussi perpendiculaire que possible. Sans cela, les globes oculaires vont automatiquement se diriger sur le champ opératoire, forçant le corps à adopter une position dans laquelle les yeux ont la meilleure position de perception, c'est-à-dire un angle de vue aussi perpendiculaire que possible. Le corps adopte alors un positionnement courbé et asymétrique, dès que le champ opératoire n’est pas positionné sur un plan symétrique. Le positionnement du champ opératoire dans la bouche du patient est comparable à la position d’une pomme que l’on pèle ou bien d’une aiguille avant de passer le fil dans le chas : vous les tenez juste devant votre buste sans pencher la tête. Lorsque vous lisez assis sur une chaise, la position oblique du livre (la lampe à côté ou derrière vous) vous donne une idée de la manière dont le champ opératoire doit être positionné, de sorte que vous puissiez l’observer perpendiculairement. Il est possible de positionner le champ opératoire dans le plan symétrique de l’opérateur en faisant pivoter la tête du patient selon trois axes et la surface de la dent traitée doit être orientée vers la direction de la vue. Autrement dit : la surface en question doit être parallèle au devant de la tête du chirurgien-dentiste. 2 - Caractéristiques d’un positionnement correct et optimal • S’asseoir aussi loin que possible sur l’assise du siège, de manière aussi droite et symétrique que possible. • Le haut des bras le long du buste, pour soutenir les bras lors du traitement. • L’angle entre le haut et le bas des jambes est d’environ 110° ou un peu plus, les jambes légèrement inclinées. • Ajuster la hauteur de travail, pour que les avant-bras forment un angle entre 10° et 25° par rapport au champ opératoire. • La distance entre le champ opératoire dans la bouche du patient et les yeux ou les lunettes doit normalement se situer entre 35 et 40 cm. • Le dos est soutenu au niveau du haut bassin, afin d’assurer un positionnement droit correct, même en cas de fatigue musculaire dorsale. Ce maintien doit être effectif, sans exercer de pression sur les muscles situés audessus et au-dessous de ce point. Sinon, le positionnement est mauvais et entrave la liberté de mouvement du Pour adopter une position assise de travail stable et active, favorisant le mouvement, l’opérateur doit s’asseoir dans une position symétrique et droite, la poitrine légèrement vers l’avant et le haut, les muscles abdominaux sont légèrement tendus. Les épaules sont positionnées au-dessus de l’articulation coxo-fémorale et la ligne de gravité suit les vertèbres lombaires et le bassin en direction du siège. Ce positionnement est idéal pour une bonne respiration. Position de travail de face Le champ opératoire est juste devant le buste du praticien, sur le plan symétrique. Travailler dans une position droite et symétrique, permet de ne pas surcharger les structures squeletto-musculaires praticien. • Les instruments sont manipulés comme un stylo : les trois premiers doigts sont recourbés autour de l’instrument tandis que les deux derniers doigts reposent de manière stable dans / à l’extérieur de la bouche. 3 - Alterner entre une position assise avec et sans dossier L’un des principes fondamentaux est d’adopter une position assise dynamique. Cela se peut en alternant avec un siège opérateur qui permet un débattement suffisamment important de l’avant vers l’arrière afin, soit de bloquer le dos (img.x), soit d’être neutralisé. Commencer par une position assise droite et dynamique, la poitrine vers l’avant et le haut, les muscles abdominaux légèrement tendus et, si nécessaire, le buste incliné vers l’avant de 10° au maximum : aussi longtemps qu’il lui est possible de conserver cette position, ce qui dépend également de Regarder perpendiculairement le champ opératoire/miroir = livre. Hauteur du champ opératoire : la place des instruments dans la bouche. Avantbras relevés entre 10 et 25°. l’entretien de ses muscles, le praticien peut travailler sans support lombaire. Cela offre l’avantage d’une plus grande liberté de mouvement. Mais ce positionnement nécessite une certaine force musculaire, et entraîne tôt ou tard une fatigue physiologique naturelle, en raison de laquelle on ne peut maintenir plus longtemps la position correcte. Dès que la fatigue se fait sentir et que l’on commence, par consé- quent à courber le dos – en forme de C – un support lombaire devient nécessaire pour éviter toute mauvaise position assise. Il est important que seule la courbure du bas du dos (lordose) soit en appui sur le support lombaire et que le reste du dos ainsi que les muscles audessus et au-dessous, ne soient pas en contact avec le dossier. En outre, il est nécessaire que le support lombaire soit fixé de sorte que la lordose soit cor- Le corps s'adapte même aux mauvaises postures Ce qu’il faut faire : La tête inclinée vers l’avant : le plan occlusif du maxillaire inférieur est quasiment en position horizontale lorsque le dentiste travaille à 9 h - 10 h de la mandibule. Le dos est positionné de manière légèrement oblique, la têtière vers l’arrière et le menton est dirigé vers la poitrine. Ce Premier mouvement : vers l’avant, de manière à ce que les plans occlusaux du maxillaire inférieur soient positionnés de 0° par rapport au plan horizontal ou vers l’arrière, le plan occlusif du maxillaire supérieur tourné de 20-25° vers l’arrière par rapport au plan vertical. Deuxième mouvement : autour de l’axe longitudinal de la tête du patient, vers la gauche ou vers la droite, de 45˚ au maximum. qu’il ne faut pas faire : Si le plan occlusif n’est pas positionné de manière quasi-horizontale lors du traitement dans la région du maxillaire inférieur, le dentiste doit lever le bras droit pour placer l’instrument à main ou de détartrage dans la bonne position et pencher la tête de côté pour obtenir un angle de vue correct. 14 ERGONOMIE DENTAL TRIBUNE - N°08 - 20 FÉVRIER 2010 40-45 ° 35-40 ° Le plan occlusal du maxillaire inférieur est légèrement incliné en arrière pour le traitement des secteurs 3 et 4, les dents inférieures sont placées dans l’axe de la direction de la vue. 40 ° Le plan occlusal de la mandibule est tourné d’environ 40° vers l’arrière, pour le traitement de la région prémolaire. Le plan occlusal est tourné d’environ 45° vers l’arrière, ce qui permet au dentiste d’observer les molaires sans devoir courber le buste. S’il n’est pas possible d’orienter la tête du patient de sorte d’avoir le plan occlusal du maxillaire en position suffisamment arrière, après avoir positionné le torse et la tête du patient horizontalement, la tête pourra être orientée dans la position désirée par pression, avec un doigt, derrière les incisives supérieures. Même principe pour travailler en vision indirecte avec un miroir en position oblique de sorte d'être capable d’y regarder plus ou moins perpendiculairement, avec le faisceau lumineux parallèle à l’axe de la vision. Postures selon le secteur traité Il Positionnement du scialytique pour un dentiste droitier assis derrière le patient, légèrement au-dessus. Au À rectement maintenue et qu’il ne soit pas possible de courber le dos. Enfin, la garniture du dossier doit être suffisamment flexible. 12 h 30, avec les jambes sous le dossier du fauteuil ; pour le praticien gaucher, c’est de 3 h 30 à 11 h 30. Le but est de pouvoir se déplacer le plus aisément possible ou de modifier la position assise de sorte d’acquérir une pratique efficace. 2. Pour que l’assistante puisse être assise, proche du chirurgien-dentiste, face à lui, elle doit être assise avec sa cuisse gauche sous le dossier du fauteuil. 3. Pour ne pas positionner la zone opératoire trop près du praticien, spécialement pour ceux de petite taille et pour présenter l’ouverture buccale le plus possible face au chirurgien-dentiste. De cette façon, l’opérateur évite de se courber en direction de la bouche. Uniquement quand il n’est pas possible d’obtenir une vision correcte des incisive et prémolaires en baissant le menton sur la poitrine ou en soulevant la têtière, le dossier du fauteuil dentaire sera légèrement incliné. tête de sorte que cette position soit confortable. Une position allongée confortable permet d’avoir un patient détendu et une position correcte de la tête. Le type de traitement exécuté en position 11 h comprend l’examen, le charting et l’examen parodontal complet, le détartrage et polissage, les soins des faces occlusales des dents maxillaires et mandibulaires, les traitements de racines et les préparations vestibulaires du côté gauche. Positionner le faisceau lumineux du scialytique parallèlement à la direction de la vue maxillaire gauche, préparation de couronne, en vision directe. La surface occlusale de la mâchoire inférieure est orientée de 40-45 ° vers l’arrière. Inclinaison et rotation de la tête vers la droite. Le faisceau lumineux du scialytique est parallèle à l’axe de vision. Il s’agit de positionner le faisceau lumineux du scialytique parallèle à la direction de la vue, afin d’éviter les ombres et d’obtenir une bonne harmonie lumineuse entre l’éclairage du champ opératoire et celui de la bouche. En effet, la présence d’ombres, qui se forment sur les mains, les dents, les lèvres et les joues, sur et autour du champ opératoire, provoquent la fatigue du praticien. Pour cela, le scialytique doit disposer de trois axes (orthogonaux) de rotation, axes qui permettent d’orienter la lampe dans toutes les directions et de la positionner de manière optimale à côté de la tête du chirurgiendentiste, en évitant un positionnement oblique du rectangle lumineux La position du praticien sur le visage du patient, ce qui est in- En utilisant la position 12 h, le praticien confortable pour ce dernier. peut travailler, le dos droit, les bras le long du corps. Dès l’instant où le Positionnement du patient champ opératoire est situé hors de Le patient doit être positionné hori- l’axe de la colonne vertébrale du chizontalement, tant au niveau de la tête rurgien-dentiste, celui-ci doit lever les que du buste, que ce soit pour des trai- bras, se pencher sur le côté, tordre la tements, au maxillaire ou à la mandi- tête et la colonne et génère une posture pathogène. La tête et le buste du patient bule et ce, pour trois raisons : 1. Pour permettre au praticien de se doivent former une ligne plus ou moins mouvoir, sans encombre, de 8 h 30 à droite en fonction de l’inclinaison de la est aujourd’hui avéré que l’on peut travailler en position 12 h sur l’ensemble des cadrans et sur chaque face. Pour cela il est important de pouvoir disposer d’un fauteuil permettant une élévation suffisante ainsi que d’une têtière qui donne la possibilité de mobiliser la tête du patient. Cette position est souvent délaissée car elle nécessite de travailler sous aspiration et souvent en vision indirecte avec un miroir. Pour le travail en solo, il faudra donc utiliser un miroir avec aspiration intégrée (pompe à salive). Pour le travail en duo, il est préférable que le praticien se décale à 11 h 30 ouvrant ainsi l’angle pour un meilleur accès de l’assistante sans changer grandement sa posture. la mandibule, en lingual : détartrage et polissage.La surface occlusale de la mâchoire inférieure est orientée de 40-45 ° vers l’arrière. Inclinaison et rotation de la tête vers la droite. Le faisceau lumineux du scialytique est parallèle à l’axe de vision. Nos recommandations Le praticien doit satisfaire à deux conditions pour travailler de manière saine. Il doit être assis, le dos droit, et faire le minimum de mouvements pendant le traitement. Le chirurgiendentiste doit changer son mode opératoire statique en changeant, en permanence, de position assise. Il doit aussi éviter de pencher la tête et le torse, de lever les bras, etc. Travailler dans une posture de travail correcte en faisant des déplacements et en positionnant la tête du patient est un préambule. Dès qu’il doit changer de position pour commencer d’autre soins, s’il n’a plus le dos droit, s’il a besoin d’une meilleure visibilité, s’il commence à lever les bras, etc., l’opérateur doit se déplacer autour du patient pour changer de position au lieu de pencher la tête et le tronc. Cela signifie que le praticien doit apprendre à se déplacer et à chan- ger la position de la tête du patient. En bougeant, il alterne contraction et relaxation des muscles, nécessaires à son bon équilibre postural. En traitement ou examinant les surfaces dentaires orientées vers la gauche, l’opérateur se déplace en position midi pendant que la tête du patient est tournée vers la droite. En traitement ou examinant les surfaces dentaires orientées vers la droite, il se déplace en position 9 h ou 10 h pendant que la tête du patient est tournée vers la gauche. À midi, il traite les surfaces occlusales. Et rappelons-nous : les mouvements remplacent les inclinaisons de la tête et du thorax et préviennent des positions statiques. DT CONSEIL D’EXPERT Zone de réserve Plan de travail latéral Zone de vision correspondant aux différents mouvements de classes 1 à 3 Plan de travail central Robert Maccario Consultant Efficience Il est évident que les postures de travail des chirurgiens-dentistes français ont nettement besoin d’être améliorées, mais cela ne servirait à rien si l’on ne prenait en même temps en compte deux autres paramètres : l’assistante et la gestion de la zone active. • Nombre de mauvais comportements posturaux viennent du fait que les praticiens ont tout leur matériel sous la main ou devrais-je dire dans leur dos, dans des tiroirs ou placards qui leur imposent des postures extrêmes afin d’attraper tel ou tel produit. • La zone active couvre l’ensemble du matériel et mobilier absolument nécessaire durant la séance de soins. Tout autre matériel ou produit pouvant être utilisés de manière accessoire doit être stocké dans la zone proximale. L’usage des bacs et cassettes (Ba-Ca) permet ce minimalisme et ainsi, réduit de manière importante les risques de contamination croisée.