droit de vote des immigrés et intégration

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DROIT DE VOTE DES IMMIGRÉS
ET INTÉGRATION
Dans le programme électoral lors de l’élection présidentielle de 1981,
François Mitterrand avait promis le droit de vote pour les étrangers aux élections locales. La question demeure et pose le problème de l’intégration d’une
partie de la population vivant en France.
DE L’INTÉGRATION AU REJET
La crise économique et sociale libère le discours xénophobe selon des règles
immuables : l’hostilité envers les personnes d’origine étrangère se nourrit du même type
de discours quant à leur incapacité à s’intégrer du fait de l’inadaptation de la culture d’origine à la culture française.
q Racisme et antiracisme
La phobie des « Arabes » reste enracinée dans certaines de nos attitudes. Elle puise sa
source dans les conditions de la décolonisation, notamment celle de l’Algérie. Une guerre
de huit années où ont été impliqués tous les jeunes en âge de faire leur service militaire et
qui a laissé des traces profondes pour toute une génération.
De plus, certains sociologues, comme Pierre Bourdieu, ont montré que l’intégration renforçait les attitudes xénophobes, car plus l’ancien dominé devient assimilé, plus le dominateur cherche à créer une distance fondée sur la nature. Le racisme est alors justifié par la
nécessité de préserver l’identité nationale dans le respect de différences inaliénables.
q Les immigrés, quelle intégration ?
Concernant l’immigration, les mots ne sont pas neutres, car ils ont une forte connotation idéologique. Intégration ou assimilation? Que recouvrent ces termes et en quoi s’opposent-ils?
L’assimilation est définie comme
un processus par lequel l’autre,
Porter un prénom maghrébin…
l’étranger, s’immerge dans la culture
Selon une étude réalisée par l’Observatoire
du pays d’accueil en abandonnant sa
des discriminations, à formation égale, à miculture d’origine. Cette définition est
lieu d’origine identique, une personne portant
souvent considérée comme une
un prénom maghrébin a moins de chances de
expression d’une nouvelle forme de
connaître une ascension socioprofessionnelle
colonialisme, car elle nécessite pour
qu’une personne portant un prénom français.
l’immigré la négation de ses origines.
Un garçon maghrébin dont le père exerce une
profession intermédiaire a « cinq fois moins
Au début des années 1980, l’asside chances de devenir cadre » qu’un garçon
milation est remplacée par le terme
français appartenant à la même catégorie so« insertion », qui n’implique pas
cioprofessionnelle et « aucune des filles porl’abandon de son identité. Le multicultant un prénom maghrébin issues du même
turalisme devient une source d’enrimilieu n’est devenue cadre ».
chissement pour les pays d’accueil.
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Mais le slogan « Vivons ensemble avec nos différences » peut être aussi dangereux, car il
évoque l’impossibilité d’une population à vivre dans le milieu d’accueil. Le terme « intégration » permet d’éviter pour certains, et pour la gauche en particulier, les écueils précédents.
Il s’agit d’accepter des obligations définies par le pays d’accueil tout en bénéficiant de
droits respectant les spécificités culturelles. L’expression « intégration » a été consacrée
par la création d’un Haut Conseil à l’intégration en 1989.
LE MODÈLE FRANÇAIS DE L’IMMIGRATION
Pays d’immigration au même titre que les États-Unis, la France fournit un modèle original d’assimilation de sa population d’origine étrangère.
q L’immigration, facteur de constitution de la nation
Alors qu’aux États-Unis, les immigrés ont été considérés comme un facteur constitutif
de la nation américaine, la nation française revendique une origine séculaire et les immigrés ne peuvent qu’être assimilés, car la fonction de l’immigration est d’alimenter le système économique en main-d’œuvre. Le refus du communautarisme explique pourquoi il
est si difficile, dans la culture française, d’accepter le vote des immigrés de peur de voir surgir un vote non-citoyen, c’est-à-dire un vote reposant sur des considérations ethniques.
q Quel droit de vote pour les immigrés ?
La question du droit de vote des immigrés ne se pose que pour ceux qui n’ont pas
adopté la nationalité française et pour les étrangers originaires d’un pays n’appartenant
pas à l’Union européenne. La possibilité pour un étranger d’acquérir la nationalité française
est d’ailleurs un argument pour refuser ce
droit de vote. En outre, les risques d’un
Droit de vote
vote ethnique sont contraires aux principes républicains.
pour quels immigrés ?
Cependant, l’opposition au droit de vote
des étrangers connaît des contradictions.
Le traité de Maastricht, approuvé par
référendum en 1992, prévoit le droit de
Les principes de la République font de tout
vote des citoyens de l’Union européenne
individu un citoyen. Dès lors, il est difficile
aux élections locales. Cette disposition
d’imaginer une intégration des immigrés
implique une discrimination entre les
sans leur reconnaître un droit essentiel
étrangers, fondée sur la distinction,
pour exercer leur citoyenneté.
sans doute contestable, opérée entre
citoyenneté européenne et nationalité.
D’autre part, depuis le traité de
Maastricht, il existe bien, pour les ressortissants de l’Union européenne, un droit de vote pour les élections locales. Cette situation
tend à distinguer deux types d’étrangers et à renforcer la discrimination entre deux types
de population, corroborant l’idée selon laquelle ce sont bien les écarts culturels qui empêchent le processus d’intégration. Pour conclure, il faut souligner que, derrière le débat sur
le droit de vote des immigrés, se cache une autre question, autrement plus sensible, celle
de la réouverture de nos frontières aux immigrés. En effet, la faible fécondité qu’a connue
la France pendant plusieurs décennies, rend indispensable l’appel à de nouveaux immigrés
ayant un niveau de diplôme élevé.
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