ressources mobilisées, des dynamiques sociales et des trajectoires, des liens développés avec la
recherche, des modalités de gouvernance, des productions qui leurs sont singulières...
La troisième étape s’est centrée principalement sur l’approche transversale des études de terrain à
partir de 3 axes de réflexions complémentaires. Le premier centré sur l’analyse des trajectoires
mobilise principalement la sociologie de la traduction et la théorie de l’acteur réseau développées par
M. Callon et B. Latour (1988, 1991) pour mettre en exergue les grammaires singulières des
innovations étudiées. Le deuxième chapitre, en s’interrogeant sur les sources et les dynamiques de la
capacité d’innovation sociale, est conduit à mettre en exergue l’intérêt d’appréhender les innovations
comme des processus, soulignant ainsi la diversité des formes de réflexivité, y compris collective, à
l’œuvre dans les dynamiques novatrices. Ce déplacement dans l’analyse de la notion de savoirs vers
celle de réflexivité critique introduit dans le troisième chapitre la problématique de la reconnaissance
par les institutions des propositions mais aussi de l’activité critique développées par les acteurs
novateurs. Il met en évidence ainsi les tensions dans lesquelles sont prises sur les territoires ces
micro-espaces publics de coopération : développant tout à la fois une activité critique, qui les met à
distance des institutions et des collectivités territoriales, mais souhaitant inscrire et justifier leurs
orientations en les mettant à l’épreuve dans des rapports de proximité, les promotteurs des
innovations sociales sont conduits à s’inscire dans des niveaux multi-scalaires et à priviligier la figure
du réseau pour penser la pérennisation des alternatives qu’ils portent.
Cette dernière étape s’est aussi attachée à diversifier les formes de valorisation sociale du travail
entrepris (2
ème
partie du rapport). Elle travaille ainsi à la confrontation-appropriation des principaux
élements de discussion qui se sont dessinés dans le cadre de ces trois années de recherches. Elle
s’est organisée centralement autour de 3 formats :
- la création et l’alimentation d’un site internet pérenne qui a permis la visibilité, la publicisation
et la mise en réseau d’acteurs mais aussi de chercheurs intéressés à développer et réfléchir
ce type de démarche (http://www.lafabriquedusocial.fr/) ;
- celui de la confrontation-mise en débat avec la sphère académique dans le cadre de
l’organisation d’un séminaire et de journées d’études mais aussi par la participation des
membres de l’équipe à des manifestations scientifiques ;
- celui de l’organisation d’un forum de réflexions partagées qui met en débat la place de la
réflexivité dans les mobilisations citoyennes reconnaissant ainsi la fonction de laboratoire
social des innovations.
Soutenir la réflexivité des acteurs et favoriser l’agir en société de la recherche
A l’issue de ce travail de recherche, engagé dans une réflexion à plusieurs voix, quelques réflexions
s’imposent à nous :
- l’approche de l’innovation sociale apparaît complexe, entachée par les effets de rhétorique et
la logique de l’urgence sociale qui enjoint à la mobilisation de la société civile. Or il apparaît
essentiel de ne pas réduire l’innovation sociale à une approche normative définie par des
politiques publiques soucieuses d’une logique de produits (pour ne pas dire de productivité).
Trop souvent elles ignorent ou minimisent le fait que la réelle marque de fabrique des
innovations se niche dans la singularité des processus sociaux qui les traversent et qui, s’ils
restent ignorés ou minorés, entacheront durablement leur reconnaissance. Aussi avons-nous
été amenés dans le cadre de ce travail à redéfinir, à partir de l’étude fine de différentes
expériences, ce que l’innovation sociale peut vouloir dire et les diversités de configuration et
de signification sociologique qu’elle peut recouvrir ;
- cette réflexion n’est pas dissociée de la question des savoirs tant ceux-ci constituent au final
le ressort de ces initiatives. La recherche souligne ainsi leur imbrication avec les dynamiques
novatrices, sans pour autant les réduire, comme c’est trop souvent le cas à des savoirs
d’action, des savoirs expérientiels hybridés ou fertilisés avec des savoirs acamédiques
(Galvani, 1999). A contrario, la mise en exergue de la réflexivité individuelle et collective qui
portent ces acteurs vers des démarches novatrices ouvre la voie à des ruptures
épistémologiques plus radicales. Nous considérons en effet à la suite de ce travail que les
acteurs rencontrés développent eux aussi une activité de recherche, certes différente de celle
de la recherche institutionnelle, mais qui doit être pleinement considérée pour penser
autrement un espace de mutualité entre recherche et action (Audoux, Gillet, 2011). Aussi la
recherche coopérative et impliquée, à travers l’expérimentation de laboratoires sociaux