actualité, info avancée thérapeutique tout dans le monde mais sa prévalence est la plus élevée en Asie de l’Est et du Sud. La Chine a produit et homologué le premier vac­ cin, qui n’est pas encore disponible partout dans le monde.» Le VHE se transmet donc principalement par la voie féco-orale (contamination fécale génotypes infectant l’humain. Ce­pendant, de l’eau de boisson) ainsi que par voies de nouvelles souches virales spéci­fiques à alimen­taire (ingestion de produits dérivés certains animaux ont été récemment identi­ d’ani­maux infectés) et transfusionnelle. «Des fiées (lapin, rat et oiseau) et viennent agran­ quatre génotypes connus, le génotype 3 est dir cette famille, pouvait-on lire l’an dernier responsable d’infections autochtones dans les dans ces colonnes.1 Les auteurs ajou­taient pays développés, avec une séroprévalence que ce virus est transmis par voie féco-orale en Suisse estimée jusqu’à 22%, précisent les auteurs de la Revue Médicale Suisse. La majorité des pa­ … les conséquences cliniques de l’infection tients infectés sont asympto­ à VHE ne doivent pas être minimisées … matiques mais une minorité ou par l’intermédiaire de produits anima­ d’entre eux, notam­ment des hommes de plus liers carnés insuffisamment cuits. de 50 ans ou avec une hépatopathie préexis­ «On estime chaque année à vingt millions tante, peuvent pré­senter une hépatite aiguë le nombre d’infections par le VHE, à plus de sévère. Une évolution chronique de l’infec­ trois millions de cas aigus et à 56 000 le nom­ tion par le VHE de génotype 3 est possible bre de décès liés à la maladie, indique pour chez des patients im­munosupprimés, no­ sa part l’OMS. L’hépatite E régresse généra­ tamment des patients transplantés. La séro­ lement spontanément mais peut évoluer en logie n’offrant pas une sensibilité suffisante, hépatite fulminante. L’hépatite E sévit par­ surtout chez ces patients, le diagnostic d’une Virus de l’hépatite E : faut-il désormais le dépister systématiquement dans le sang ? carte blanche Pr Thomas Bischoff Médecine interne FMH 1030 Bussigny Directeur de l’Institut universi­ taire de médecine générale PMU, Lausanne cobiri@@bluewin.ch Jean Carpentier Nous l’avons un peu oublié ces dernières an­ nées. Puis tombe cette nouvelle, au cœur de l’été, de son décès. Tout ressurgit alors : les lectures, les discussions, les conférences, tout ce qui me rappelle à quel point ce médecin généraliste, engagé et humaniste, m’a accom­ pagné et m’a influencé durant toutes les an­ nées de mon activité. D’abord et surtout, il y avait son message politique. Avec son livre Médecine générale et les textes engagés dans la revue Tantkona­ lasanté, j’ai appris que nos actes ont aussi une portée politique et que cette action fait partie de notre engagement pour soigner nos patients et préserver leur santé. C’était bien sûr dans l’air du temps de développer une ap­ proche critique des relations entre la société et la médecine, mais il aura fallu la personna­ lité de Jean Carpentier pour l’incarner, pour 1522 42_45.indd 1 provoquer des débats et des actions qui lui ont valu de nombreux et divers procès et mise à l’index. Ensuite il y a eu l’engagement social, pour beaucoup de groupes défavorisés, en parti­ culier pour les patients toxicomanes. Grâce à la politique plutôt avant-gardiste appliquée en Suisse dans les années 90, nous avons vécu une situation favora­ ble à la prise en charge adéquate des patients dépendants. Dans ce contexte, nous observions les ef­ forts déployés en France par Jean Carpentier et ses collègues con­tre un système politique con­serva­teur et réactionnaire, avec le plus grand respect et notre admiration émue. Dans cet engagement très per­ son­nel, on trouve encore des ac­ tes très concrets comme la pres­ cription contestée de Temgesic (qui lui vaudra de nouveaux pro­ cès), de pair avec de nombreux ar­ ti­cles, jusqu’à la reconnaissan­ce de ses efforts pion­niers et la publi­ cation du livre La toxicomanie à l’héroïne en médecine générale. Plus tard, j’ai aussi découvert tout l’univers de son approche conceptuelle, plus réflexive de la médecine générale. Comme ini­ tiateur de la création de l’Ecole dispersée de santé européenne, il a su réunir des collègues de nom­breux pays pour une réflexion sur notre métier, partant du serment d’Hippocrate. Mes amis sont revenus d’une rencontre avec une centaine de soignants à Kos, en 1992, les yeux brillants et pleins d’idées et d’initiatives D.R. Pendant longtemps on ne parla, faute de mieux, que des «hépatites». Puis vint la vi­ ro­logie et, avec elle, le démembrement de cette entité. On découvrit alors, l’un après l’autre, les agents pathogènes qui avançaient jus­qu’alors masqués. D’abord, le virus de l’hé­patite B et celui de l’hépatite A. Avec le mystère du «non-A non B». Puis, le virus responsable de l’hépatite C – dont les nou­ veaux et dispendieux traitements font aujour­ d’hui couler beaucoup d’encre. Et, enfin, celui de l’hépatite E (VHE). Les virologues ont cloné et caractérisé son génome, il y a près d’un quart de siècle. On sait désormais que le VHE est un virus non enveloppé à génome ARN brin positif classé dans la famille des Hepeviridae (dont il est le seul membre). «Si un seul sérotype est con­nu, ce virus présente une diversité génétique im­ portante, actuellement représentée par qua­tre Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 13 août 2014 11.08.14 11:22 pour enrichir notre travail au quotidien. La «valise à symptômes» illustre à merveille la créativité de ce mouvement : une boîte en plexiglas sous forme d’une valise de docteur, avec plusieurs plans transparents sur lesquels on lit «symptômes», «histoire», «signes»…, l’illustration de la profondeur et de la com­ plexité qui se retrouvent derrière toute ren­ contre avec le patient et sa maladie. L’ abou­ tissement de toute cette démarche se trouve sans doute dans ses Thèses sur l’art médi­ cal, un texte de 77 énon­cés, censés trouver une langue commune pour une pratique tant diversifiée. Jean Carpentier n’avait pas besoin de dé­ fendre la médecine générale. Il était méde­ cin généraliste pour défendre ses patients, pour rendre le monde un peu meilleur par son action passionnée, médicale et politique. Il a bous­culé des tabous de la médecine et par ceci défendu une conception singulière et humaine de ce métier qu’il a aimé sans res­ triction. «La pratique médicale est un processus créa­tif ; la relation aboutit à une création réalisée par les deux partenaires. Elle modifie l’un et l’autre ; c’est la demande du malade et le risque accepté du médecin» Jean Carpentier, Thèses sur l’art médical LDD infection active repose sur la PCR.» Une nouvelle question est aujourd’hui sou­ levée avec la publication d’une étude et d’un commentaire dérangeant dans The Lancet.2 Cette publication est signée d’un groupe diri­gé par le Pr Richard Tedder (Service na­ tional britannique de transfusion et de trans­ plantation). Quant au commentaire, il est si­ gné du Pr Jean-Michel Pawlotsky (Centre national de référence français pour les hépa­ tites B, C et D ; Département de virologie de l’Hôpital Henri Mondor, Créteil). Le travail du Pr Tedder et de ses collègues a consisté en une analyse rétrospective de 225 000 dons de sang individuels recueillis dans le sud-est de l’Angleterre entre octobre 2012 et septembre 2013. Une recherche sys­ tématique de l’ARN viral de l’agent VHE a été effectuée. Ils ont alors trouvé 79 don­ neurs ayant une virémie positive pour le gé­ notype 3 du VHE (prévalence de 1/2848). Ces 79 dons ont été utilisés pour préparer 129 composants sanguins, dont 62 ont été utilisés chez des receveurs. Le suivi de 43 d’entre eux a montré qu’une transmission virale avait eu lieu dans 18 cas (42%). «L’infection par le génotype 3 du VHE est très répandue dans la population anglaise, y compris chez les donneurs de sang. Nous estimons qu’entre 80 000 et 100 000 infections sont susceptibles d’avoir été contractées en Angleterre au cours de l’année de notre étude, commente le Pr Richard Tedder. Bien que se manifestant rarement par une mala­ die aiguë, les infections par le virus de l’hé­ patite E peuvent évoluer ultérieurement chez les patients immunodéprimés. Ceci les ex­ pose au risque de pathologie hépatique chro­ nique et une politique est nécessaire pour identifier ces patients infectés de façon per­ sistante et leur fournir un traitement antivi­ ral approprié.» Pragmatisme aidant, le Pr Tedder précise que son étude indique que la charge globale du préjudice collectif résultant d’une infec­ tion post-transfusionnelle par le VHE est lé­ gère. Il ne semble donc pas urgent selon lui d’instaurer un dépistage systématique chez les donneurs de sang. Il renvoie toutefois ici à l’organisation d’un débat plus large centré sur le rapport bénéfice/risque. «Je partage l’analyse de Richard Tedder, explique le Pr Francis Barin, spécialiste de virologie (CHU – Université François Rabelais de Tours). La quasi totalité des infections à VHE sont tran­ sitoires, spontanément résolutives. Les con­sé­ quences sévères sont une hépatite fulminante (fort heureusement assez rare) et une infec­ tion chronique (uniquement chez le sujet im­ munodéprimé). Si on franchit le pas du dé­ pistage systématique pour le VHE, il faudrait se poser la question de la nécessité du screening pour le génome d’autres virus (parvo­ virus B19…). » Le point de vue du Pr Jean-Michel Paw­ lotsky est radicalement différent. Dans son commentaire du Lancet, le spécialiste français se dit surpris des conclusions que ses col­ lègues anglais tirent des faits qu’ils révèlent au grand jour. Selon lui, les conséquences cliniques potentielles de l’infection à VHE ne doivent pas être minimisées. «Je crois que le dépistage systématique des composants san­guins pour les marqueurs de l’hépatite E doit être mis en œuvre dans les zones où le VHE est endémique, par exemple, dans les pays de l’Union européenne.» Le Pr Pawlotsky sait que cette position sera débattue au sein de la communauté des experts. Viendra ensuite le temps de la déci­ sion politique. Mais pour lui aucun doute n’est permis : le dépistage de l’ARN du virus de l’hépatite E s’ajoutera bientôt à la liste de tous ceux, obligatoires, qui permettent d’as­ surer une sécurisation maximale de la trans­ fusion sanguine. Restera bien sûr la question du coût. Mais on sait, depuis les affaires dites «du sang contaminé» (par le VIH), que la lec­ ture des responsables politiques français dif­ fère sensiblement de celle que peuvent faire sur le même sujet (et avec les mêmes don­ nées chiffrées) leurs homologues européens. «L’infection par le VHE est préoccupante chez les transplantés (de rein, de cœur) chez lesquels on observe des formes chroniques que l’on peut traiter. Chez les sujets immuno­ compétents, l’infection est le plus souvent asymptomatique, précise le Pr Alain Gou­ deau, chef du Service de bactério-virologie du CHU de Tours. Nous nous sommes pré­ occupés de l’impact des infections à VHE dans la population des transplantés rénaux qui ont eu souvent des transfusions itéra­ tives. Nous avons repris les sérums des trans­ plantés en 2013 (126 patients testés sur 131 greffés), 20 sujets avaient des anticorps antiVHE (15%) mais parmi eux aucun n’était virémique. Cela relativise de beaucoup, me semble-t-il, les propos incitant au dépistage systématique.» Jean-Yves Nau [email protected] 1 Hiroz P, Gouttenoire J, Viet Loan Dao-Thi VL, et al. Mise à jour sur l’hépatite E. Rev Med Suisse 2013;9:1594-8. 2 Hewitt PE, Ijaz S, Brailsford SR, et al. Hepatitis E virus in blood components : A prevalence and transmission study in southeast England. Lancet 2014 ; epub ahead of print. Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 13 août 2014 42_45.indd 2 1523 11.08.14 11:22