Revue Médicale Suisse
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13 août 2014 1523
1 Hiroz P, Gouttenoire J, Viet Loan Dao-Thi VL, et al. Mise
à jour sur l’hépatite E. Rev Med Suisse 2013;9:1594-8.
2 Hewitt PE, Ijaz S, Brailsford SR, et al. Hepatitis E virus in
blood components : A prevalence and transmission study
in southeast England. Lancet 2014 ; epub ahead of print.
pour enrichir notre travail au quotidien. La
«valise à symptômes» illustre à merveille la
créativité de ce mouvement
: une boîte en
plexiglas sous forme d’une valise de docteur,
avec plusieurs plans transparents sur lesquels
on lit «symptômes», «histoire», «signes»…,
l’illustration de la profondeur et de la com-
plexité qui se retrouvent derrière toute ren-
contre avec le patient et sa maladie. L’ abou-
tissement de toute cette démarche se trouve
sans doute dans ses
Thèses sur l’art médi-
cal
, un texte de 77 énon cés, censés trouver
une langue commune pour une pratique tant
diversifiée.
Jean Carpentier n’avait pas besoin de dé-
fendre la médecine générale. Il était méde-
cin généraliste pour défendre ses patients,
pour rendre le monde un peu meilleur par son
action passionnée, médicale et politique. Il a
bous culé des tabous de la médecine et par
ceci défendu une conception singulière et
humaine de ce métier qu’il a aimé sans res-
triction.
«La pratique médicale est un processus
créa tif ; la relation aboutit à une création
réalisée par les deux partenaires.
Elle modifie l’un et l’autre ; c’est la
demande du malade et le risque accepté
du médecin»
Jean Carpentier,
Thèses sur l’art médical
infection active repose sur la PCR.»
Une nouvelle question est aujourd’hui sou-
levée avec la publication d’une étude et d’un
commentaire dérangeant dans The Lancet.2
Cette publication est signée d’un groupe
diri gé par le Pr Richard Tedder (Service na-
tional britannique de transfusion et de trans-
plantation). Quant au commentaire, il est si-
gné du Pr Jean-Michel Pawlotsky (Centre
national de référence français pour les hépa-
tites B, C et D ; Département de virologie de
l’Hôpital Henri Mondor, Créteil).
Le travail du Pr Tedder et de ses collègues
a consisté en une analyse rétrospective de
225 000 dons de sang individuels recueillis
dans le sud-est de l’Angleterre entre octobre
2012 et septembre 2013. Une recherche sys-
tématique de l’ARN viral de l’agent VHE a
été effectuée. Ils ont alors trouvé 79 don-
neurs ayant une virémie positive pour le gé-
notype 3 du VHE (prévalence de 1/2848).
Ces 79 dons ont été utilisés pour préparer
129 composants sanguins, dont 62 ont été
utilisés chez des receveurs. Le suivi de 43
d’entre eux a montré qu’une transmission
virale avait eu lieu dans 18 cas (42%).
«L’infection par le génotype 3 du VHE est
très répandue dans la population anglaise, y
compris chez les donneurs de sang. Nous
estimons qu’entre 80 000 et 100 000 infections
sont susceptibles d’avoir été contractées en
Angleterre au cours de l’année de notre
étude, commente le Pr Richard Tedder. Bien
que se manifestant rarement par une mala-
die aiguë, les infections par le virus de l’hé-
patite E peuvent évoluer ultérieurement chez
les patients immunodéprimés. Ceci les ex-
pose au risque de pathologie hépatique chro-
nique et une politique est nécessaire pour
identifier ces patients infectés de façon per-
sistante et leur fournir un traitement antivi-
ral approprié.»
Pragmatisme aidant, le Pr Tedder précise
que son étude indique que la charge globale
du préjudice collectif résultant d’une infec-
tion post-transfusionnelle par le VHE est lé-
gère. Il ne semble donc pas urgent selon lui
d’instaurer un dépistage systématique chez
les donneurs de sang. Il renvoie toutefois ici
à l’organisation d’un débat plus large centré
sur le rapport bénéfice/risque. «Je partage
l’analyse de Richard Tedder, explique le Pr
Francis Barin, spécialiste de virologie (CHU
– Université François Rabelais de Tours). La
quasi totalité des infections à VHE sont tran-
sitoires, spontanément résolutives. Les con sé-
quences sévères sont une hépatite fulminante
(fort heureusement assez rare) et une infec-
tion chronique (uniquement chez le sujet im-
munodéprimé). Si on franchit le pas du dé-
pistage systématique pour le VHE, il faudrait
se poser la question de la nécessité du scree-
ning pour le génome d’autres virus (parvo-
virus B19…). »
Le point de vue du Pr Jean-Michel Paw-
lotsky est radicalement différent. Dans son
commentaire du Lancet, le spécialiste français
se dit surpris des conclusions que ses col-
lègues anglais tirent des faits qu’ils révèlent
au grand jour. Selon lui, les conséquences
cliniques potentielles de l’infection à VHE
ne doivent pas être minimisées. «Je crois que
le dépistage systématique des composants
san guins pour les marqueurs de l’hépatite E
doit être mis en œuvre dans les zones où le
VHE est endémique, par exemple, dans les
pays de l’Union européenne.»
Le Pr Pawlotsky sait que cette position
sera débattue au sein de la communauté des
experts. Viendra ensuite le temps de la déci-
sion politique. Mais pour lui aucun doute
n’est permis : le dépistage de l’ARN du virus
de l’hépatite E s’ajoutera bientôt à la liste de
tous ceux, obligatoires, qui permettent d’as-
surer une sécurisation maximale de la trans-
fusion sanguine. Restera bien sûr la question
du coût. Mais on sait, depuis les affaires dites
«du sang contaminé» (par le VIH), que la lec-
ture des responsables politiques français dif-
fère sensiblement de celle que peuvent faire
sur le même sujet (et avec les mêmes don-
nées chiffrées) leurs homologues européens.
«L’infection par le VHE est préoccupante
chez les transplantés (de rein, de cœur) chez
lesquels on observe des formes chroniques
que l’on peut traiter. Chez les sujets immuno-
compétents, l’infection est le plus souvent
asymptomatique, précise le Pr Alain Gou-
deau, chef du Service de bactério-virologie
du CHU de Tours. Nous nous sommes pré-
occupés de l’impact des infections à VHE
dans la population des transplantés rénaux
qui ont eu souvent des transfusions itéra-
tives. Nous avons repris les sérums des trans-
plantés en 2013 (126 patients testés sur 131
greffés), 20 sujets avaient des anticorps anti-
VHE (15%) mais parmi eux aucun n’était
virémique. Cela relativise de beaucoup, me
semble-t-il, les propos incitant au dépistage
systématique.»
Jean-Yves Nau
jeanyves.nau@gmail.com
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