A l’heure actuelle, on exige toujours plus souvent
que les diagnostics s’appuient sur des preuves tan-
gibles anatomiques, structurelles, fonctionnelles,
ou sur des examens complémentaires. Ce faisant,
on passe outre le fait que les méthodes employées
ont une limite: en effet, il n’est pas rare que des
troubles neurologiques occasionnés par la polio
ne puissent pas être détectés par une méthode
objective. En outre, du fait du manque de connais-
sances au sujet des suites tardives de la polio-
myélite, on exige parfois des tests complémen-
taires inadéquats, avec au final des résultats
normaux. Ainsi, on passe rapidement de «résul-
tats négatifs» ou «normaux» à «en bonne santé»
ou «d’origine psychique», ce qui, pour les patients,
a des conséquences thérapeutiques souvent désas-
treuses. Une affection neurologique se convertit
alors en maladie psychiatrique, et cela à l’encontre
de la classification de l’OMS (CIM 10, G 14: syn-
drome post-poliomyélite), source de gravissimes
erreurs de traitement. Or, les maladies qui ont le
plus tendances à être «psychiatrisées» sont les fa-
meux «diagnostics d’exclusion», dont fait partie,
entre autres, le syndrome post-polio, terme qui
englobe une constellation de suites tardives de la
poliomyélite, de la plus bénigne à la plus com-
plexe. En outre, la définition de «diagnostic d’ex-
clusion» est souvent mal comprise: on pense qu’il
est nécessaire d’exclure au préalable, telle une
liste à biffer, toutes les autres causes pouvant ex-
pliquer les symptômes du patient, alors qu’il est
tout à fait possible que deux affections coexistent
en parallèle.
Ce qu’il faut comprendre:
«Exclure un diagnostic d’exclusion» tel que le syn-
drome post-polio est un non-sens: par essence, les
diagnostics d’exclusion n’ont pas de cause prouvée,
donc pas de cause à exclure. Le statut de diagnostic
d’exclusion sert uniquement à assurer que d’autres
maladies pouvant être traitées soient prises en consi-
dération et soignées. Les traitements spécifiques à
chaque affection seront menés en parallèle, cela afin
de ne pas perdre de vue les conséquences de chacun
d’entre eux. En effet, les symptômes ne démontrent
pas l’existence d’une maladie, mais constituent des
indices de celle-ci en présence de certaines caractéris-
tiques de base, qu’il faut aborder sans idées pré-
conçues.
Le syndrome post-polio peut se présenter sous de
multiples formes: il peut apparaître une plainte
isolée ou un groupe de symptômes survenant si-
multanément. La pathogénèse de cette affection a
été démontrée du point de vue virologique, anato-
mo-pathologique, immunologique et moléculaire.
Le nombre de symptômes décrits, ainsi que leurs
conséquences fonctionnelles, serait supérieur à la
centaine. Cet ordre de grandeur se justifie par le
fait que l’infection par poliovirus touche le sys-
tème nerveux central, c’est-à-dire le cerveau, la
moelle épinière et les ganglions rachidiens. Le
cerveau est systématiquement touché, et la moelle
épinière dans la plupart des cas. (BODIAN in BRU-
NO) Cela implique une perte aléatoire de neu-
rones, qui peut être compensée jusqu’à 50% du
point de vue structurel et fonctionnel pour une
zone cérébrale déterminée. En comparaison avec
la moelle épinière, le cerveau possède une plasti-
cité bien supérieure. La plupart du temps, il est
impossible de déterminer la localisation précise
des lésions – symptomatiques ou subcliniques –
occasionnées par la polio, en raison de la densité
des réseaux structurels et fonctionnels au sein du
système nerveux central.
Dans le système nerveux, il peut se produire un
échange de signaux entre deux aires saines, mais
aussi entre une aire saine et une aire touchée par
la polio, avec pour conséquence une déformation
de l’information transmise. Les aires saines, par
ailleurs, cessent de fonctionner parfaitement si
elles reçoivent des signaux erronés. Et cela ne vaut
pas uniquement pour les interactions à l’intérieur
Le syndrome post-polio
est-il démontrable?
Il ne viendrait à
l’esprit de personne
de diagnostiquer
une schizophrénie
sur la base d’une
analyse de sang ou
d’une radiographie.
Mais pour le syndrome
post-polio, on exige
toujours que le
diagnostic s’appuie
sur des examens
complémentaires.
Dr méd. Peter Brauer
Communauté suisse d’Intérêts
du Syndrome Post-Polio CISP
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Faire Face 2/2016