NMG/TVA sociale Page 1 sur 11 « TVA sociale » le gouvernement

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« TVA sociale »
le gouvernement dit oui à une
vieille revendication patronale
Après quelques tergiversations, Nicolas Sarkozy s’est finalement prononcé en faveur de
la « TVA sociale ». La CGT qualifie cette mesure d’antisociale. Pourquoi ?
Il faut rappeler que le président de la République reprend une idée qui était déjà présente dans
la campagne présidentielle de 2007.
Dans le paysage syndical, c’est surtout la CGC qui la défend depuis longtemps.
La CGT s’y oppose parce qu’il s’agit d’une mesure qui pénalise particulièrement le monde du
travail, salariés, retraités et privés d’emploi.
L’instauration de la « TVA sociale » est une régression importante dans le mode de
financement de la protection sociale : on passerait encore plus d’un financement assis sur le
travail à une fiscalisation du système : on passerait d’une mode de financement assis sur le
travail à un autre mode dit de solidarité.
Le Medef propose de « compléter » la « TVA sociale » par une hausse de la CSG. Ca serait
un pas supplémentaire vers la fiscalisation du financement de la protection sociale et une
ponction supplémentaire sur le pouvoir d’achat des salariés au profit des employeurs.
De plus, la « TVA sociale » n’apporte aucune réponse aux problèmes de l’emploi, des
délocalisations, de la hausse des importations et du creusement du déficit du commerce
extérieur du pays.
Il y a une illusion dangereuse à croire que l’on peut faire payer les contributions à la
protection sociale par les producteurs étrangers.
Ce sont en fait les consommateurs et les salariés français qui seront une nouvelle fois priés de
passer à la caisse, alors que la contribution des entreprises à la Sécurité sociale sera allégée
davantage.
Quels sont les arguments des partisans de la « TVA sociale » ? En quoi sont-ils
fallacieux ?
Le premier ministre François Fillon a repris à son compte, le 6 janvier 2012 lors d’un colloque
tenu à Bercy, le raisonnement patronal pour défendre la « TVA sociale ».
Tant pour le gouvernement que pour le patronat, la TVA sociale viserait à diminuer le « coût
du travail » en modifiant les modalités du financement de la protection sociale. « Le coût du
travail est trop élevé dans notre pays, en particulier parce que les charges qui pèsent sur les
salaires sont trop lourdes », dit François Fillon. Selon lui, l’instauration de la « TVA
sociale » permettrait à la France de « rester une terre de production ».
Une autre version de ce même raisonnement justifie la « TVA sociale » au nom de
l’amélioration de la compétitivité de l’économie française. C’est ce qui ressort, entre autres,
du rapport de la Conférence nationale pour l’industrie (CNI) sur la compétitivité.
Ces raisonnements sont totalement fallacieux.
Tout d’abord, le fameux « coût du travail » n’est pas plus élevé en France que dans un pays
comme l’Allemagne. En particulier dans l’industrie manufacturière, le coût de l’heure de
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travail est presque identique en France et en Allemagne : 33,16 euros en France, 33,37 euros
en Allemagne (chiffres 2008) ; 35,1 euros en Allemagne, 35,4 euros en France (chiffres
provisoires 2011).
En tenant compte de la productivité du travail, le coût du travail est plus faible en France
qu’en Allemagne ou par rapport à la moyenne des pays de l’Union européenne.
Ensuite, la compétitivité n’est pas seulement une question de coûts et singulièrement du
« coût du travail ». Par exemple, l’Allemagne est surtout compétitive pour la qualité de ses
produits, ce que les spécialistes appellent « compétitivité hors coûts ».
Prétendre que la France perd de l’activité et de l’emploi à cause des coûts prétendument trop
élevés du travail en France est donc une supercherie.
Mais n’y a-t-il pas un lien entre la compétitivité et la protection sociale ?
Le patronat et le gouvernement entretiennent une confusion dans le rapport entre la
compétitivité et la protection sociale.
Les deux sujets sont liés, mais totalement distincts.
Les cotisations sociales ne couvrent pas la même chose dans différents pays.
Pour reprendre les exemples français et allemand, il est vrai que le taux de cotisation sociale
est plus faible en Allemagne ; mais en revanche, les Allemands paient beaucoup plus d’impôt
sur le revenu.
Une partie de ce qui est couvert en France par les cotisations sociales, est couverte en
Allemagne par les impôts.
La CSG a introduit une part de fiscalisation de la protection sociale. Malgré cela, le système
français reste différent du système allemand.
En faisant l’amalgame entre la compétitivité et la protection sociale, le patronat et le
gouvernement veulent transférer aux salariés (sous forme d’impôt et singulièrement de « TVA
sociale ») une partie des cotisations payées par les employeurs.
Pourtant certains disent que l’instauration d’une « TVA sociale » en Allemagne a
permis à ce pays d’améliorer sa compétitivité ; est-ce vrai ?
La « TVA sociale » a été utilisée pour renflouer les caisses de l’Etat en Allemagne. En
revanche, elle a eu un impact négatif sur le pouvoir d’achat des Allemands.
En janvier 2007, au nom de l’amélioration de la compétitivité, le gouvernement allemand a
augmenté la TVA de 3 points (de 16 % à 19 %).
Initialement, les recettes de la hausse de la TVA devaient être affectées à une baisse de deux
points du taux de cotisation chômage (de 6,5 % à 4,5 %). Au final, deux tiers de cette hausse
ont été affectés à la réduction du déficit budgétaire de l’Etat.
Il faut rappeler que la « TVA sociale » en Allemagne, de même que les « réformes du marché
du travail » (lois Hartz) et l’absence de salaire minimum ont conduit en Allemagne à la
création d’emplois de services (distribution, services aux particuliers) à des niveaux de salaire
très faibles, ce qui a augmenté la pauvreté dans le pays.
Les lois Hartz ont conduit, entre autres, au développement des emplois précaires, y compris
dans l’industrie. Ainsi, chez Mercedes le taux de précarité est de 25 %.
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Conscients des effets néfastes de la modération salariale et du développement de la précarité,
les syndicats allemands revendiquent hausse de salaire et arrêt de la précarité et obtiennent
gain de cause.
Comment expliquer alors la meilleure compétitivité de l’Allemagne ?
La meilleure compétitivité de l’Allemagne ne s’explique ni par le mode de financement de
son système de couverture sociale ni par la « TVA sociale » ; elle repose sur d’autres
facteurs :
1. une structure productive plus cohérente :
i. place plus importante de l’industrie dans l’économie nationale.
L’industrie représente un quart de la valeur ajoutée globale en Allemagne,
soit deux fois plus qu’en France ;
ii. un pourcentage plus important de main-d’œuvre qualifiée et notamment
d’ingénieurs dans les entreprises allemandes ;
iii. une sensibilité plus importante pour préserver les compétences dans
l’entreprise.
Pendant la récession de 2008-2009, les entreprises allemandes ont instauré un
mécanisme de mutualisation pour éviter des licenciements des salariés
auxquels elles devaient faire appel avec le retour de la croissance ;
iv. des efforts plus intenses en matière de recherche-développement (R & D) et
d’innovation.
L’Allemagne consacre 2,6 % de son PIB à la R &D , la France 2 %
seulement.
Les entreprises françaises profitent d’un crédit impôt recherche, mais leurs
efforts en R&D est très faible par rapport aux entreprises allemandes qui ne
profitent pas d’un tel crédit impôt.
v. des relations plus équilibrées entre les grandes entreprises et les entreprises
de tailles petite et moyenne ;
vi. maintien des sites industriels en dépit des externalisations vers les pays de
l’Est ;
2. des relations plus équilibrées entre les entreprises en générale, et particulièrement les
entreprises industrielles, et les banques et institutions financières
Que signifie la « TVA sociale » du point de vue du travail ?
La « TVA sociale » consiste en fait à réduire la rémunération de la force de travail au profit
du capital.
L’opération vise deux objectifs :
- réduire les cotisations sociales dites patronales (une vautre variante est de réduire aussi
les cotisations sociales payées par les salariés).
- augmenter la TVA payée par les consommateurs à due concurrence.
Sous la pression patronale, le rapport de la CNI sur la compétitivité préconise de :
- réduire de 5,4points les prestations familiales des employeurs (pertes de recettes pour
la Sécurité sociale= 22 mds€ par an),
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- réduire de 5 points (sur 13,1 points existant) des cotisations maladie (pertes de recettes
pour la Sécurité sociale= 20 mds€ par an).
Au total, les préconisations du rapport de la CNI conduiraient à une perte de 42 mds€ de
recettes pour la Sécurité sociale.
Par ailleurs, ce rapport préconise la baisse du taux d’impôt sur les sociétés à 20 voire à
15 % (le taux affiché est actuellement à 33,3 %), ce qui conduirait à une perte de 13 mds€
de recettes pour le budget de l’Etat.
Les salariés seront doublement pénalisés. Ils vont perdre en pouvoir d’achat et ils doivent
supporter la dégradation des prestations à cause de la baisse des recettes de la Sécurité sociale.
Les partisans de la « TVA sociale » prétendent que cette opération est neutre en termes
de prix à la consommation. Est-ce vrai ?
Leur raisonnement, qui est totalement contestable, est le suivant : les cotisations sociales
patronales entrent dans les coûts de production ; elles sont récupérées dans les prix. Si ces
cotisations diminuent, les coûts de production, et par conséquent les prix, vont diminuer. Cela
permettrait de neutraliser la hausse des prix du fait de l’augmentation de la TVA.
Ce raisonnement est infondé.
Le gouvernement n’a pas encore précisé son projet. Comme nous l’avons vu plus haut, le
patronat veut réduire la part des employeurs de 42 mds € par an.
Du point de vue de l’économie prise dans l’ensemble, chaque point de TVA au taux normal
rapporte 5,8 € par an. Si la « TVA sociale » devait compenser intégralement les pertes de
recettes de la Sécurité sociale (42 mds €, comme le préconise le rapport de la CNI), il faudrait
alors augmenter la TVA de 7 points, pour le porter pratiquement à 27 %. Il s’agit d’une forte
ponction sur le pouvoir d’achat qui est inadmissible et contreproductive surtout dans les
conditions actuelles.
Il faut rappeler qu’aujourd’hui le taux le plus élevé de la TVA dans l’Union européenne est à
25 %, pratiqué au Danemark et en Suède.
Qu’en est-il alors au niveau des produits ?
La hausse du prix à la consommation et donc la perte du pouvoir d’achat dépendent du poids
des cotisations sociales dans le prix de chaque produit.
Prenons l’exemple d’une Peugeot 107 qui vaut 10 000 euros. Le « coût du travail » (salaire
plus cotisations sociales, part salarié et part employeur confondues) représente environ 12 %
de ce prix. Réduire les cotisations sociales dites patronales de 10 points, comme le propose le
rapport précité du CNI, permettrait de baisser le coût de production de 75 euros par voiture.
Ça sera autant d’argent qui sera mis du côté au profit des actionnaires.
S’agissant de l’impact sur le prix, tout dépend bien sûr du taux qui sera appliqué. Selon le
quotidien d’affaires Les Echos (18 janvier 2012) il pourrait s’agir d’une hausse de 2 points.
Dans un tel cas de figure, le prix de vente va augmenter de 200 euros.
Les actionnaires et propriétaires des entreprises seront donc des principaux gagnants, car les
bénéfices des entreprises vont augmenter du fait de la baisse des coûts de production.
Les consommateurs, particulièrement les salariés, les retraités et les privés d’emploi seront les
perdants, car ils verront leur pouvoir d’achat diminué.
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A l’instar du ministre du Travail, certains disent qu’il faut aussi réduire la part salariale
des cotisations, ce qui permettrait, selon eux, d’augmenter le salaire net et donc de
préserver le pouvoir d’achat des salariés.
Ce raisonnement est aussi fallacieux.
Il faut d’abord souligner qu’il s’agisse de la part des salariés ou des employeurs, les
cotisations sociales font parties intégrantes de la rémunération de la force de travail. Réduire
les cotisations est synonyme de la baisse de cette rémunération.
Rien ne garantit que la hausse du salaire net compense la hausse des prix suite à la hausse de
la TVA. Autrement dit, rien ne garantit que le pouvoir d’achat des salariés sera préservé. En
revanche, il est certain qu’une telle mesure va obérer le pouvoir d’achat des retraités qui ne
seraient pas concernés directement par la baisse des cotisations, mais qui seront concernés
directement par la hausse des prix.
Quels problèmes pour la protection sociale ?
La « TVA sociale » pose surtout un problème pour le financement de la protection sociale.
Plus précisément, la baisse des cotisations va réduire les ressources de la Sécurité sociale.
Sans nul doute, le gouvernement va utiliser ce prétexte pour réduire les prestations.
Si éventuellement, les salariés perdaient moins de pouvoir d’achat par le biais de la baisse de
leur part de cotisations, ils devraient payer plus en termes de couverture sociale : la baisse des
ressources de la Sécurité sociale conduira à la restriction des services (moindre prise en
charge des soins de santé, etc.), autrement dit à une hausse des dépenses santé pour les
ménages et donc, au bout du compte, à la baisse de leur pouvoir d’achat.
L’argument selon lequel la « TVA sociale » compenserait les pertes de recettes de la Sécurité
sociale ne tient pas la route.
L’exemple de prise en charge par l’Etat des exonérations de cotisations sociales montre que
rien ne garantit que la compensation soit intégrale. Tout laisse à penser que le gouvernement
va affecter les recettes supplémentaires à la réduction du déficit budgétaire pour satisfaire les
exigences européennes et des marchés financiers.
Il faut rappeler que les cotisations sociales, ce sont des salaires socialisés qui servent à
financer la protection sociale. En voulant réduire les cotisations sociales, le gouvernement et
le patronat veulent en fait réduire le salaire, la rémunération de la force de travail.
Le monde du travail sera donc doublement pénalisé : baisse du pouvoir d’achat et baisse des
recettes de la Sécurité sociale avec ses conséquences négatives sur la qualité de la protection
sociale.
Les actionnaires et les propriétaires seront les seuls gagnants : les taux de marges, les
bénéfices, vont augmenter.
De plus, les entreprises vont continuer de bénéficier des exonérations de cotisations sociales
qui coûtent chaque année 30 milliards d’euros au budget de l’Etat, donc aux contribuables.
Quel impact sur le partage des richesses ?
L’instauration d’une « TVA sociale » conduit automatiquement à une nouvelle baisse de la
part des salaires dans les richesses créées par les travailleurs, dans la valeur ajoutée, au profit
du capital.
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