Prise en charge des troubles anxieux dans le cadre d`atteintes

Summary
Bruggimann L,Annoni J-M. [Management of anx-
ious disorders in neurological diseases.] Schweiz
Arch Neurol Psychiatr 2004;155:407–13.
Neuropsychiatric sequelae are a significant cause
of morbidity in neurological patients. Current
studies suggest that anxiety is frequent (about
20 to 30%) in all these conditions.Neurobiological,
environmental and dispositional factors may be
implicated in the development of anxiety suggest-
ing that several ways of intervention are worth to
be considered, e.g. pharmacological, socio-educa-
tive or psychotherapeutic interventions. Anxiety
disorders following medical problems are often
undiagnosed or inadequately treated. This may
reflect difficulties with the diagnosis of affective
disorders among people with neurological affec-
tions, but may also reflect uncertainty about the
effectiveness of interventions in this setting.
This review addresses the emergence of anxiety
disorders in three classical neurological conditions,
namely stroke, dementia and multiple sclerosis.
Prevalence of anxiety, characteristics, contributing
factors and associated cerebral lesions are dis-
cussed for each of these neurological condi-
tions. Existing research literature on psychological
and psychotherapeutic interventions to manage
anxiety is then reported. Pharmacological therapy
is not considered.
Any psychotherapeutic treatment is necessarily
limited by the cognitive and the behavioural disor-
ders characterising each neurological condition.
Consequently, usefulness of the intervention
should always be evaluated in the context of a
specific disease. The paucity of research and the
methodological limitations in existing studies pre-
vent a conclusion as any psychological intervention
has empirical support for its effectiveness. How-
ever, different approaches seem to be worthy of
further investigation.
Cognitive behaviour therapy (CBT) is an
appropriate treatment for some anxious or de-
pressed patients with cerebrovascular disease or
multiple sclerosis. This approach includes identifi-
cation and modification of unhelpful thoughts and
beliefs, activity scheduling and graded task assign-
ment. There are very few controlled studies, but
they suggest that this kind of therapy may have the
same effect as pharmacological treatments. Mood,
anxiety,adherence to medications and appraisal of
self-control are susceptible to improvement after
cognitive behaviour therapy. Interesting results
may also be obtained using educative programmes.
Preliminary results indicate that a brief interven-
tion designed to change patients’ illness percep-
tions can result in improved functional outcome
after severe medical affection.Combined with cog-
nitive behaviour therapy, such an approach is
promising.Therapy has to be adapted particularly
in dementia, where cognitive and behavioural dis-
orders are the most pronounced. Group interven-
tions based on verbal or non verbal (e.g. painting)
interactions reveal interesting therapeutic effects
such as the dissolution of anxiety into the group,
the acceptance of aging or the reaffirmation of
oneself through the act of creating.
Keywords: anxiety; stroke; dementia; multiple
sclerosis; rehabilitation; therapy
Introduction
Les troubles émotionnels consécutifs aux atteintes
neurologiques participent largement au handicap
et à la réduction de la qualité de vie des patients.
Leur apparition résulte vraisemblablement d’une
interaction complexe entre des facteurs neurobio-
logiques (modifications structurales du cerveau,
déséquilibre neurochimique lié à la lésion ou iatro-
gène), situationnels (événements de vie stressants
préexistants, impact psychosocial de la maladie)
SCHWEIZER ARCHIV FÜR NEUROLOGIE UND PSYCHIATRIE 155 n8/2004407
Prise en charge des troubles anxieux dans le cadre
d’atteintes neurologiques
nL. Bruggimanna, J.-M. Annonia, b
aService de Neurologie, CHUV, Lausanne
bClinique de Neurologie, HUG, Genève
Correspondance:
Laure Bruggimann
Service de neurologie
CHUV
Rue du Bugnon, 27
CH-1011 Lausanne
e-mail: Laure.Br[email protected]
Travail original
et dispositionnels (facteurs de personnalité). S’il
existe un intérêt théorique à vouloir déterminer la
contribution respective de chacun de ces facteurs
dans l’étiologie du trouble anxieux,leur intrication
semble si étroite qu’une réponse définitive est
improbable. En revanche, selon une perspective
clinique dans laquelle il s’agit de minimiser les
effets débilitants de la maladie, un objectif plus
réaliste peut être celui d’amener quelques éléments
concernant le dépistage, la prédiction et la prise en
charge des troubles anxieux associés à la maladie
neurologique.
L’étude des croyances face à la maladie montre
qu’il peut exister une distance importante entre la
compréhension du patient et son état de santé
objectif tel qu’il est perçu par le médecin.Plus cette
distance est importante, plus elle laisse la place à
des interprétations parfois préjudiciables tant sur
le plan de l’impact psychologique de la maladie
(anxiété, dépression) que sur le plan des compor-
tements de santé (compliance médicamenteuse,
habitudes de vie, etc.). Dans le cadre de la sclérose
en plaques (SEP), Jopson et Moss-Morris [1] mon-
trent qu’une mauvaise compréhension de la mala-
die augmente l’anxiété. Par ailleurs, le fait d’invo-
quer des facteurs psychologiques comme étant à
l’origine de sa maladie est associé à un niveau de
dépression plus élevé. Cela est d’autant plus inté-
ressant à relever lorsque l’on sait qu’une propor-
tion non négligeable (21%) de patients atteints
de sclérose en plaques invoquent le stress comme
première cause de leur maladie [1]. Selon une
récente étude [2], 15% des patients avec différents
troubles neurologiques donnent une explication
médicale congruente de leur maladie, tandis que
plus d’un tiers invoquent une cause psychologique.
Les facteurs étiologiques plus objectifs comme une
mauvaise hygiène de vie pour les pathologies vas-
culaires ne sont en revanche que peu incriminés.
Notamment, seuls 16% des patients admis pour un
accident vasculaire cérébral mettent en cause des
habitudes nuisibles comme le manque d’exercice
ou la consommation de tabac. Il existe donc toutes
sortes de croyances erronées ou excessives à pro-
pos de la maladie et ses facteurs de risque.
Ainsi, le suivi des patients passe bien entendu
par la lutte contre les complications inhérentes à
la maladie, mais il peut aussi nécessiter un accom-
pagnement psychologique du malade et quelques
séances éducatives sur la maladie et ses facteurs
de risque. L’origine multifactorielle de certains
symptômes compatibles avec un trouble anxieux,
comme les troubles du sommeil, les troubles de la
concentration ou encore la fatigabilité, fait que les
différentes voies possibles d’intervention sont à
envisager. De façon générale en médecine soma-
tique, les interventions psychologiques ou psycho-
thérapeutiques peuvent être de quatre types [3].
Premièrement, les thérapies cognitivo-comporte-
mentales (TCC) qui ont comme objectif d’amé-
liorer le bien-être des personnes malades en
modifiant les croyances et les attitudes dysfonc-
tionnelles qui entretiennent l’état anxieux ou dé-
pressif. Deuxièmement,les thérapies de soutien qui
prennent souvent la forme de groupes d’entraide
spontanés ou institutionnalisés.Troisièmement,les
thérapies individuelles psychodynamiques,bien que
celles-ci soient peu utilisées dans le cadre des
maladies cérébrales. L’interprétation du transfert
cède alors le pas à une approche se limitant à allé-
ger les symptômes, à réduire les bénéfices secon-
daires et à favoriser l’adaptation du patient. Fina-
lement, les techniques éducatives qui consistent à
apprendre aux patients certaines stratégies pour
accroître leur contrôle sur la maladie et sur la
douleur ainsi qu’à corriger les fausses idées qu’ils
peuvent se faire sur leur pathologie.Il a été en effet
démontré que les perceptions et les croyances des
patients sont déterminantes dans la récupération
après des pathologies médicales sévères telles que
l’infarctus du myocarde [4].
L’objectif de cet article est de décrire les
troubles anxieux dans certaines pathologies neu-
rologiques et de rapporter des résultats prélimi-
naires sur ces différentes techniques de prise en
charge. Quelle que soit l’approche utilisée, il faut
d’emblée souligner que ces thérapies s’adressent
nécessairement à des patients dont les capacités
cognitives sont suffisamment bien préservées [5].
Par ailleurs, dans la plupart des études actuelle-
ment disponibles, l’intervention cible indistinc-
tement les symptômes anxieux et les symptômes
dépressifs.
Les troubles anxieux après un accident
vasculaire cérébral
Dans les suites d’un accident vasculaire cérébral
(AVC), l’anxiété serait le deuxième trouble psy-
chiatrique en fréquence après la dépression. En
phase aiguë, environ 20 à 30% des patients pré-
sentent un trouble anxieux, avec ou sans symp-
tômes dépressifs associés [6]. La chronicité du
trouble est élevée puisque deux à trois ans après
l’infarctus, leur fréquence reste globalement iden-
tique [7]. En fait, selon ces premières études, les
troubles anxieux régresseraient moins facilement
que la dépression post-AVC.
Les critères les plus souvent employés dans la
littérature pour quantifier les troubles anxieux
après un accident vasculaire cérébral sont les
SCHWEIZER ARCHIV FÜR NEUROLOGIE UND PSYCHIATRIE 155 n8/2004408
critères de l’anxiété généralisée. On a également
rapporté des troubles agoraphobiques après un
accident vasculaire cérébral qui sont décrits comme
une crainte démesurée de présenter une récidive
cérébro-vasculaire dans une situation ou un endroit
dont il pourrait être difficile de s’échapper [8].Plus
récemment, des réactions associées à un état de
stress post-traumatique (ESPT) ont été observées1
dans les suites d’un accident vasculaire cérébral
avec un taux de prévalence variant de 6 à 20%
selon les études [9, 10].
L’anxiété post-AVC est souvent associée à une
dépression post-AVC.Elle est plus fréquente en cas
d’antécédents d’alcoolisme [6,11],chez les femmes
[8, 12] et chez les jeunes patients [12], mais elle
ne serait pas nécessairement liée à la gravité des
séquelles fonctionnelles [6, 11, 13]. Par ailleurs,
l’anxiété comme la dépression, n’est pas incom-
patible avec une anosognosie du trouble neuro-
logique, ce qui suggère que les symptômes anxieux
ne traduisent pas simplement une réaction psy-
chologique face à la maladie.
Concernant les lésions cérébrales associées à
l’anxiété post-AVC, deux études convergent vers
une latéralisation gauche en cas de symptômes
anxieux et dépressifs associés, tandis que la pré-
sence de symptômes anxieux isolés serait plus
souvent relevée après des lésions droites [7, 11].
Cette latéralisation droite n’a toutefois pas tou-
jours été confirmée [6, 13].
Une revue des différentes approches psycho-
thérapeutiques dans le cadre des accidents vascu-
laires cérébraux montre que les études dans le
domaine sont encore peu sophistiquées et que bien
souvent, elles ne respectent pas les critères stan-
dard qui doivent être normalement observés pour
évaluer les effets d’une prise en charge [14]. Parmi
les différentes approches explorées, ce sont les
thérapies cognitivo-comportementales qui ont fait
l’objet des études les plus structurées. Malgré des
résultats contradictoires, celles-ci font preuve
d’une efficacité démontrée chez certains patients.
Par exemple, sur 19 sujets anxieux ou dépressifs,
10 sujets s’améliorent dans l’étude de Lincoln et al.
[15]. Cette efficacité n’est pas retrouvée dans une
étude où l’on compare la thérapie cognitivo-com-
portementale, une prise en charge standard et une
situation placebo [16].
Dans ces études,le type d’intervention est iden-
tique à celui pratiqué avec les patients non neuro-
logiques. Il s’agit d’une approche directive, struc-
turée et limitée dans le temps. Les patients sont en-
couragés à entreprendre des tâches devenues dif-
ficiles depuis la maladie, telles que faire la cuisine
ou marcher, dans le but d’augmenter leur niveau
d’activité et d’améliorer leur humeur. Les stra-
tégies cognitives ciblent les pensées dysfonction-
nelles qui persistent après l’accident vasculaire
cérébral, en ayant d’abord recours à des activités
de distraction avant de développer des techniques
pour identifier, remettre en cause et tester ces
pensées dysfonctionnelles. En effet, certains
patients déprimés après un accident vasculaire
cérébral développent un ensemble d’idées néga-
tives qui maintiennent le trouble psychique. Par
exemple, l’accident vasculaire cérébral peut être
interprété comme une punition pour des erreurs
commises dans le passé ou alors le patient peut
considérer qu’il n’a plus de place dans la société.
La thérapie cognitivo-comportementale considère
que les affects et les comportements sont largement
déterminés par la façon dont l’individu structure
son expérience. Elle envisage donc les problèmes
en termes de cognitions, émotions, motivations,
sensations corporelles et comportements, et les
efforts consistent à modifier chacun de ces diffé-
rents aspects.
Les études menées sur des patients après un
infarctus du myocarde nous informent également
sur l’effet des thérapies cognitivo-comportemen-
tales. Elles montrent que ces thérapies, surtout
lorsqu’elles sont complétées par des approches
éducatives, permettent de diminuer les symptômes
physiques et d’accélérer la récupération fonction-
nelle. Dans une étude contrôlée, Petrie et al. [17]
montrent que des interventions brèves et ciblées
sur les croyances individuelles du patient concer-
nant sa maladie permettent de modifier favorable-
ment et durablement ses perceptions,d’accélérer la
reprise professionnelle et de diminuer les symp-
tômes somatiques. Selon Weinstein [18], les inter-
ventions précoces seraient particulièrement effi-
caces. En effet, ce serait dans les suites immédiates
d’un accident de santé majeur que les risques futurs
seraient perçus de la façon la plus réaliste par les
individus qui seraient ainsi davantage réceptifs aux
interventions visant un changement de comporte-
ment. De leur côté, Miche et al. [19] démontrent
l’efficacité d’un programme éducatif sur les para-
mètres cardio-pulmonaires et sur le sentiment de
bien-être physique des patients, mais pas sur les
mesures de dépression et d’anxiété. L’absence
d’effet constaté sur l’humeur des patients suggère
l’utilité d’associer à l’approche éducative,des tech-
niques cognitives qui ciblent spécifiquement les
pensées négatives.
SCHWEIZER ARCHIV FÜR NEUROLOGIE UND PSYCHIATRIE 155 n8/2004409
1 Certains patients présentent des souvenirs intrusifs sous
forme d’images visuelles ou auditives (reviviscences), ils
tentent d’éviter toute pensée liée à ce souvenir (évitement)
et développent une importante réactivité neurovégétative
(hyperactivation).
Les troubles anxieux dans la démence
Chez le sujet âgé, la présentation clinique des
troubles affectifs est généralement moins évidente
et moins nette que chez l’adulte. Notamment la
symptomatologie anxieuse est souvent indisso-
ciable d’une symptomatologie dépressive. Dans la
maladie d’Alzheimer, il existe tout un registre de
perturbations thymiques allant de la dysphorie à un
état dépressif majeur dont la fréquence varie entre
10 et 50% selon les études, la plupart des cas étant
de forme mixte, anxieuse et dépressive. Moran et
al. [20] montrent que 55,8% de leurs patients avec
une maladie d’Alzheimer de forme légère pré-
sentent des symptômes anxieux, tandis que 42,5%
présentent des signes de dépression. L’anxiété ne
semble pas spécifique à un type particulier de
démence. Elle est fréquente dans la maladie
d’Alzheimer et dans la démence fronto-temporale
mais elle peut également s’observer dans la
maladie à corps de Lewy ou dans les démences non
dégénératives,notamment vasculaires,infectieuses
ou inflammatoires [21].
L’anxiété chez le patient dément serait associée
à une meilleure autocritique et serait plus pro-
noncée en début de maladie [22].En revanche,elle
serait indépendante de l’état cognitif du patient ou
des paramètres démographiques [23]. Toutefois,
compte tenu de la diversité des manifestations
anxieuses chez l’âgé, il semble que tous les cas de
figure puissent être envisagés. Ainsi, il est tout à
fait possible d’observer un état anxieux prononcé
chez un malade anosognosique et se trouvant à un
stade de démence avancé. Selon Ballard et al. [24],
il existerait au moins trois catégories de troubles:
(1) l’anxiété dans le contexte d’une dépression, (2)
l’anxiété situationnelle qui implique une certaine
conscience de la maladie et qui correspond à une
peur de l’échec lors des échanges interpersonnels,
(3) l’anxiété liée à des manifestations psychotiques
qui serait plus fréquente chez la personne atteinte
de troubles cognitifs. Par ailleurs, on observe chez
environ un quart des sujets déments un phénomène
de «coucher du soleil» qui se manifeste par un état
d’agitation et de confusion en fin de journée et qui
est souvent générateur d’anxiété [25].
Dans la démence, les approches psychothéra-
peutiques classiques ne sont pas applicables telles
quelles, en raison essentiellement de l’importance
des atteintes cognitives mais aussi des troubles du
comportement. Il importe de contourner ces défi-
cits, soit en agissant sur l’environnement soit en
faisant appel aux capacités préservées,par exemple
aux souvenirs autobiographiques anciens ou aux
potentiels artistiques de ces patients. Malgré l’idée
de plus en plus acceptée selon laquelle l’âge ne
constitue pas en soi une contre-indication à la
psychothérapie, les travaux dans ce domaine sont
relativement rares et réalisés sur des petits groupes
de patients. Les techniques peuvent être des acti-
vités simples, un aménagement des lieux de vie
avec de la musique relaxante ou des techniques
de renforcement positif. Les résultats sont géné-
ralement controversés et il n’existe pas encore de
règle de prescription dans ce domaine.
L’approche groupale est souvent utilisée dans la
prise en soin des patients âgés avec ou sans troubles
cognitifs.Elle se développe le plus souvent dans des
structures telles que les hôpitaux de jour dont les
effets positifs sur la dépression ont été démontrés
par Bramesfeld et al.[26].Récemment,Canuto [27]
a rapporté une expérience positive d’un hôpital de
jour basé sur le concept de communauté thérapeu-
tique. L’auteur montre comment, dans l’approche
communautaire, l’équipe s’imagine et agit comme
étant la partie thérapeutique du contexte, tout en
réduisant la distance entre soignants et soignés.
La personne âgée, bien souvent en retrait de la
société et cela d’autant plus lorsqu’elle présente
des troubles cognitifs, peut alors faire l’expérience
de partager non seulement un vécu douloureux
mais aussi une complicité affective, plus positive.
L’art-thérapie offre une possibilité intéressante
de communication non verbale qui semble avoir
fait ses preuves chez les âgés avec troubles cogni-
tifs, lorsque les capacités langagières détériorées
limitent l’expression des émotions [28]. Dans cette
approche, basée également sur des interactions
groupales, la production artistique peut être uti-
lisée soit comme un outil de médiation qui facilite
l’élaboration verbale, soit en tant que processus
de création, envisagé comme structurant et organi-
sateur pour la personnalité de celui qui est en train
de créer.
Certains patients avec des troubles du compor-
tement peuvent toutefois s’aggraver lors d’une
intense stimulation [23]. Dans le registre des inter-
ventions personnalisées,on peut alors avoir recours
à des techniques comme la thérapie de la présence
simulée de Woods et Ashley [29] qui a été récem-
ment validée. Il s’agit d’un outil d’intervention
ciblée, spécifiquement élaboré pour la gestion des
troubles du comportement en milieu hospitalier.
La méthode consiste à enregistrer une conversa-
tion avec une personne proche du patient durant
laquelle des souvenirs personnels et agréables sont
évoqués. Le patient dispose d’un magnétophone
qu’il peut enclencher à tout moment. Camberg et
al. [30] rapportent des résultats intéressants chez
des patients se trouvant à un stade modéré ou
avancé de la maladie d’Alzheimer.
SCHWEIZER ARCHIV FÜR NEUROLOGIE UND PSYCHIATRIE 155 n8/2004410
Les troubles anxieux dans la sclérose
en plaques
Dans la sclérose en plaques, la fréquence des
troubles anxieux varie de 19 à 34%, ce qui repré-
senterait selon une étude, une prévalence trois
fois supérieure à celle des troubles dépressifs [31].
Des travaux ayant comparé des patients atteints
de sclérose en plaques avec des patients souffrant
d’une autre déficience dégénérative (arthrite)
n’ont toutefois pas permis d’établir un lien spé-
cifique entre les symptômes anxieux et la sclérose
en plaques [32, 33]. L’anxiété serait influencée par
la sévérité de l’atteinte fonctionnelle, indépen-
damment de la durée de la maladie [34]. Elle est
plus fréquente chez les femmes et elle est d’autant
plus marquée lorsque la première poussée survient
tôt dans la vie de la personne. Par ailleurs, l’anxié-
té est fortement liée à la perception du risque
d’être dépendant d’une chaise roulante dans le
futur proche tandis que le même risque évalué
pour un futur lointain n’a pas d’incidence sur le
niveau d’anxiété actuel2[35]. Jusqu’à présent,
aucune localisation cérébrale n’a été spécifique-
ment associée à l’anxiété dans la sclérose en
plaques, à l’inverse de la dépression qui serait
plus fréquente suite à une atteinte fronto-tempo-
rale droite [36] ou gauche [37].
Mohr et Cox [31] ont évalué différentes inter-
ventions psychologiques dans la sclérose en pla-
ques. Ils rapportent quatre études basées sur la
thérapie cognitivo-comportementale qui ont dé-
montré un effet bénéfique autant sur les symp-
tômes dépressifs que sur les symptômes anxieux
lorsque ceux-ci sont mesurés séparément [38–41].
Dans l’une de ces études [39], les effets positifs de
la thérapie sont maintenus au moins 6 mois après
l’intervention tandis que dans une autre la théra-
pie se répercute non seulement sur l’humeur mais
aussi sur l’adhérence au traitement [41]. La thé-
rapie de groupe orientée vers l’insight possède
également une certaine efficacité sur les troubles
psychiques [42]. La taille de l’effet est toutefois
moins importante qu’avec la thérapie cognitivo-
comportementale et le nombre de séances néces-
saires serait plus élevé. Finalement, une étude a
permis de comparer la thérapie cognitivo-compor-
tementale individuelle, la thérapie de groupe cen-
trée sur l’expression des émotions et un traitement
antidépresseur [43]. Elle montre un avantage de la
thérapie cognitivo-comportementale et de l’anti-
dépresseur sur la thérapie de groupe: 50% des
patients bénéficient de la thérapie cognitivo-com-
portementale, 24% répondent à l’antidépresseur
tandis que seuls 14% des patients en thérapie de
groupe présentent une amélioration de leur état.
Les patients atteints de sclérose en plaques
doivent faire face à un stress intense incluant
l’ambiguïté du diagnostic, la variabilité des symp-
tômes, l’imprévisibilité des poussées et rémissions,
l’absence de traitement curatif et les réactions
des tiers aux symptômes visibles comme la spasti-
cité et l’ataxie. Selon Tesar et al. [5], l’efficacité de
la thérapie cognitivo-comportementale serait liée
à son effet sur le style de coping3. Ils montrent que
les patients après la thérapie ont moins systémati-
quement recours à un coping anxio-dépressif fait
de détresse et de résignation face à la maladie.
Evaluer puis travailler avec les patients sur la
confiance qu’ils ont en leurs propres capacités à
faire face serait un aspect important du processus
psychothérapeutique [44].
Conclusion
La comorbidité psychologique et médicale est
complexe et interagit sur une variété de niveaux.
Outre les traitements pharmacologiques [45–47],
certaines approches psychothérapeutiques,notam-
ment les thérapies cognitivo-comportementales,
semblent donner des résultats intéressants. Il est
toutefois évident que lorsque les symptômes
dépressifs et anxieux se développent dans un
contexte d’affection somatique comportant soit un
risque de récidive soit une évolution chronique,
l’intervention thérapeutique doit envisager l’ajus-
tement psychologique du patient en des termes
spécifiques.Les données de la littérature suggèrent
que l’approche cognitivo-comportementale pour-
rait être plus efficace dans le domaine médical si
elle est combinée avec des interventions éducatives
visant à améliorer les connaissances du patient sur
sa pathologie.
Le lien direct entre les croyances et les com-
portements de santé ainsi que le fait que ces
croyances peuvent être identifiées rapidement
après l’affection médicale est important. Cela in-
dique en effet, que contrairement aux facteurs
de personnalité ou aux facteurs socio-démogra-
phiques sur lesquels il est difficile d’agir, ces liens
SCHWEIZER ARCHIV FÜR NEUROLOGIE UND PSYCHIATRIE 155 n8/2004411
2 On peut alors imaginer que le fait d’informer les patients
sur la faible probabilité de devenir dépendant d’une
chaise roulante dans le court terme pourrait diminuer
leurs sentiments d’anxiété et de dépression. Cela pourrait
être d’autant plus pertinent si l’on tient compte du fait que
dans cette étude, les patients surévaluent la probabilité de
se retrouver en chaise roulante (risque perçu:22,4% contre
un risque réel de 5–10%).
3 La notion de coping se réfère aux actions entreprises
par un individu dans le but de diminuer le stress associé
à une situation aversive. Il sert à modifier le problème ou
à réguler les réactions émotionnelles qu’il cause.
1 / 7 100%

Prise en charge des troubles anxieux dans le cadre d`atteintes

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !