MARS 11 Mensuel Surface approx. (cm²) : 2996 N° de page : 62-67 233 BOULEVARD VOLTAIRE 75011 PARIS - 01 43 48 55 48 Page 1/6 Traitement du cancer Dès juin prochain, dans le cadre du Plan cancer, hôpitaux et cliniques privées devront satisfaire à des critères de qualité pour être autorisés à traiter les malades atteints d'un cancer. Objectif: assurer l'équité d'accès aux soins sur tout le territoire. Mais qu'en est-il en pratique? prochain numéro: L'évaluation des établissements de soins Le taux de survie progresse Globalement le nombre de cancers détectes ne cesse d augmenter Une hausse exponentielle qui s'explique principalement par les progrès du dépistage et par l'allongement de l'espérance de vie qui vont de pair avec un risque accru de développer la maladie En effet, un cancer su r deux se déclare en France après 61 ans Mais si Ion détecte aujourd'hui davantage de cancers la bonne nouvelle c est qu'on en meurt moins Même si la bataille contre le cancer est encore loin d'être gagnée d'immenses progrès ont été réalises sur le plan therapeu tique, qu il s agisse de la biologie ou de I imagerie médicale, de la chimie ou de la radiothérapie Si bien qu aujourd hui, le taux de survie a cinq ans tous cancers confondus, est supérieur a 50% Un bon résultat qui ne doit pas occulter les différences entre les cancers Car si certains, de plus en plus nombreux, guérissent, plusieurs conservent un pronostic sombre alors que d'autres évoluent sur le long terme, a l'instar des maladies chroniques CANCER8 2565347200509/RNM/MMC/2 Avons-nous tous es mêmes i C est une révolution » déclare le P Dominique Maranmchi président de I INCa (Institut national du Cancer) Dans le cadre de la mise en œuvre du Plan cancer, les hôpitaux publics et les cliniques privées devront obtenir < un permis de soins » pour être autorisés à pratiquer des actes de can cerologie Les pouvoirs publics entendent ainsi assurer partout en France une égalité d'accès a des soins de qualité Cela rassure et inquiète a la fois Nos hôpitaux, nos médecins, ne seraient-ils pas les meilleurs du monde, comme on nous le répète à l'envi ? Depuis des années, certains établissements n'offriraient donc pas assez de garanties sur le plan de la qualité et de la sécurité des soins7 Certains experts ne sont pas loin de le penser « // existe indéniablement des écarts avec dans certains cas, une réelle perte de chances pour les patients», constate le Dr Etienne Mmvielle, directeur qualité et sécurité des soins à I Institut Gustave Roussy à Villejuif (94) et responsable du projet Compaqh (Coordination pour la mesure de la performance et l'amélioration de la qua lite hospitalière) mené sous l'égide de I Inserm (Institut national de la santé et de la recherche Le cancer en France 357 700 nouveaux cas en 2010 146 500 décès en 2010 Femmes 154600 Colon Rectum 21000 (1033%) Autres 83500 (41 12%) Côlon Rectum 9200 10 89 %) L Autres 45510 (5386%) 34800(5613*1 Eléments de recherche : EFEC ou Ecole de Formation Européenne de Cancerologie à Paris 13ème, toutes citations MARS 11 Mensuel Surface approx. (cm²) : 2996 N° de page : 62-67 233 BOULEVARD VOLTAIRE 75011 PARIS - 01 43 48 55 48 Page 2/6 ^^ Muriel (57 ans) Infirmières débordées chances? médicale) Une inégalité des chances dont les conséquences peuvent être d autant plus dra matiques que la maladie est grave -La rapidité avec laquelle vous franchissez la porte d'entrée d un établissement de t une eroloqie et le fait que ce soit la bonne porte d entrée sont déterminants pour votre espérance de vie », estime Alain Coulomb ancien dnecteur de la Haute Autorité de santé (HAS) Le gouvernement a-t-il place la barre assez haut pour harmoniser la qualité des soins7 Lorsque I on sait la levée de boucliers que provoque la fermeture d'un service ou d'un établissement de santé, force est de constater que la mariJe de manoeuvre était étroite Les petits hôpitaux visés En 2003, le premier Plan cancer, lance par Jacques Chirac avait commence a prendre le taureau par les cornes en fixant des seuils d activité pour pratiquer certains actes de cancérologie Par exemple la prise en charge chaque année d au moins 30 cancers d'un même organe pour pouvoir continuer à traiter des cas de cancers similaires De nombreuses études ont en effet demontre que la qualité et la sécurité des soins sont liées au nombre d interventions «Entre un établissement qui pratique moins de 50 interventions chirurgicales par an et un établissement qui en fait plus de 100, le risque de décès durant H» CANCER8 2565347200509/RNM/MMC/2 on cancer du sein a été détecte en 2005 et traite a l'hopitaldeBlois(41) Sur le plan médical rien a dire en revanche le manque d'écoute était patent Certes, le cancérologue m'a annonce la mauvaise nouvelle en choisissant ses mots Mais après, les choses se sont gâtées les infirmières étaient débordées et n avaient jamais un moment a m'accorder Quand on est fragile, on se sent perdue Les femmes qui comme moi suivaient une chimiothérapie avaient le même ressenti Mon traitement dans le service d oncologie a dure 18 mois, a raison d'une séance de chimio toutes les trois semaines J'avais lu, a propos du Plan cancer qu'il ne suffisait pas de traiter la tumeur mais qu il fallait aussi prendre en compte la personnalité du patient Je n'ai rien constate de tel Jamais on ne m'a propose de voir un psychologue alors que/étais dépressive Ce cancer reste un traumatisme Quand j ai perdu mes cheveux, on m a juste donne la carte d un marchand de perruques Je me suis débrouillée pour maquiller mes sourcils et ce n'est qu'a la fin de ma chimiothérapie, a l'automne 2006, que les patientes ont pu bénéficier des services dunesocio esthéticienne, a condition de se libérer lorsquelle était présente, soit trois heures par semaine1» n Guy (65 ans) Un réconfort salutaire n 2005, on m'a diagnostique un cancer du poumon J'ai été traite (chimiothérapie suivie de I ablation d un lobe et de deux côtes) dans une clinique privée par des praticiens compétents et de grande écoute J ai également apprécie le respect et l'attention portes par la plupart des auxiliaires médicaux Je sais, par des malades croises au moment des soins, que c'est loin d'être toujours le cas, en particulier dans le secteur public Lors d un examen radiologique avec ponction acte pénible et lourd de conséquence, j'ai été apaise par la main de la manipulatrice radio sur mon épaule, me demandant "Ça va bien Monsieur r Ce petit geste m a semble d'une grande humanité » D Eléments de recherche : EFEC ou Ecole de Formation Européenne de Cancerologie à Paris 13ème, toutes citations MARS 11 Mensuel Surface approx. (cm²) : 2996 N° de page : 62-67 233 BOULEVARD VOLTAIRE 75011 PARIS - 01 43 48 55 48 Page 3/6 Marie-Thérèse (67 ans) Très satisfaite des hôpitaux publiics E n 1994 j'ai eu un cancer des ovaires, soigne a l'hôpital Léon Berard, a Lyon L'annonce du diagnostic a été brutale mais il y avait urgence vu la taille de la tumeur L'opération a eu heu trois jours après Et je suis toujours en vie 1 Pourtant, en octobre 2009, je me découvre une grosseur au cou Mais pas de rendez vous pour une échographie avec ponction avant décembre En janvier 2010,le diagnostic tombe, cancer de la thyroïde (ma mère en est morte) Faute de place, l'opération aura lieu deux mois plus tard a Lyon-Sud, suivie par un traitement a base d'iode radioactive en chambre isolée pendant cinq jours Je m'en faisais une montagne Ça s'est très bien passe J'avais emporte mon ordinateur portable, des bouquins Je suis Lucile (25 ans) Je me suis souvent sentie seule m A 19 ans, j'ai decouV i vert que j'avais un cancer a l'occasion d'un examen de routine Je me suis effondrée lorsque le médecin m'a dit froidement «Lucile, tu as un cancer», et m'a explique en cinq minutes le plan de traitement l'hospitalisation pendant un mois pour chaque chimiothérapie, les effets secondaires, la perte des cheveux.. Je me suis souvent sentie seule, sans réel soutien psychologique des médecins Bien qu'ils m'aient assure que j'avais une «bonne» leucémie, j'ai fait plusieurs rechutes et subi deux greffes de moelle osseuse CANCER8 2565347200509/RNM/MMC/2 Les chimios font des ravages, elles ont provo que chez moi une insuffisance cardiaque Une greffe vous oblige a rester plus d'un mois dans une chambre stérile Je voyais mes proches a travers une vitre Quand on sort de la, l'acte le plus banal, prendre une douche par exemple, fait un plaisirmoui On voit la vie différemment On a envie d'être plus attentif aux autres C'est pourquoi j'ai adhère a l'association Laurette Fugain, qui milite pour le don de plaquettes et de moelle osseuse et l'aide a la recherche des maladies du sang. »D très satisfaite des hôpitaux publics Des progrès fantastiques ont été accomplis depuis l'hospi tahsation de ma mère en 1963'Le travail et les décisions sont beaucoup plus collectifs, les proto coles sont plus précis, la sécurité s'est améliorée Mais les hôpitaux sont devenus des usines avec des médecins qui changent trop souvent, des délais parfois éprouvants » n l'opération ou dp ses suites est multiplie par trois et demi, précise le Pr Guy Vallancien auteur d'un rapport qui préconisait la fermeture de 182 blocs opératoires situés en majorité dans les petits hôpi taux Le manque d'expérience du chirurgien n'est pas seul en cause Dans ces petits établissements, tous les risques se conjuguent la structure les hommes, l'anesthésiste qui n'est pas là en permanence, l'organisation, etc * De l'avis de nombreux professionnels, les seuils requis - par exemple, 30 interventions par an pour la chirurgie du sein ou 80 pour la chimio thérapie - restent insuffisants pour garantir une grande expérience en cancérologie Lecrëtage aurait dû être plus sévère Mais il convenait aussi de tenir compte des critères de maillage du territoire et de proximité des centres de traitement Pas très rassurant tout de même Lacunes importantes Si le volume d'interventions est une condition nécessaire pour assurer des soins de qualité elle n'est pas suffisante En mars 2007, on est donc allé plus loin en instaurant un dispositif d autorisation qui s'appuie aussi sur des critères de qualité II s agit à la fois de critères « transversaux » portant sur la prise en charge globale des patients et de critères d'agrément spécifiques à la chirurgie des cancers, à la chimiothérapie et à la radiothérapie Leur mise en œuvre a été prévue par étapes et ces critères deviendront opposables aux établissements a partir de juin 2011 Les Agences régionales de santé (ARS) réalisent actuellement des visites de contrôle Les auton salions seront accordées ou non aux établissements pour cinq ans Pour mesurer les avancées de la réforme, tous les établissements de soins étaient invités, en juin 2010 à pratiquer volontairement et anonymement une autoévaluation Une patiente indique l'intensité de sa douleur sur une échelle d'évaluation. Eléments de recherche : EFEC ou Ecole de Formation Européenne de Cancerologie à Paris 13ème, toutes citations MARS 11 Mensuel Surface approx. (cm²) : 2996 N° de page : 62-67 233 BOULEVARD VOLTAIRE 75011 PARIS - 01 43 48 55 48 Page 4/6 RADIOTHÉRAPIE La sécurité s'améliore Ces dernières années, des accidents graves dus à une surexposition aux rayons ont fait la une des médias. De quoi semer le doute chez les malades. Si les accélérateurs de particules sont efficaces pour détruire les tumeurs, la moindre erreur de paramétrage Service de radiothérapie au centre Alexis-Vautrin (54). peut être dramatique. Ainsi en 2005, à Épinal (88), la mauvaise utilisation d'un logiciel a provoqué une irradiation grave chez plusieurs centaines de patients. Cinq sont décédés. Au CHU de Toulouse (31), 145 patients ont été surexposés d'avril 2006 à avril 2007. Depuis, des mesures ont été prises pour éviter la reproduction de tels accidents. La situation est en train de changer. «La quasitotalité du parc a été renouvelée. Les accélérateurs de particules ont remplacé les vieux appareils à cobalt», assure de leurs services, sur la base d'une check-list établie par l'INCa Nous avons analysé la synthèse de ce point de passage Premier constat les critères d'agrément propres à chacune des trois techniques sont parfois très basiques En chimiothérapie, par exemple, la préparation des anticancéreux doit être réalisée sous la responsabilité d'un pharmacien. On n'ose imaginer que ces règles élémentaires ne soient pas d'ores et déjà appliquées partout Pourtant, en juin 2010, les autoévaluations effectuées dans plus de la moitié des établissements révélaient encore des lacunes importantes Autre point, l'accès à une tumorothèque n'était réalisé qu'à hauteur de 70% des établissements «II est pourtant primordial de pouvoir congeler la tumeur, car en fonction de l'évolution de la maladie ou en cas de rechute, on peut être amené a modifier le traitement", souligne le Pr Marc Espié, cancérologue à l'hôpital Saint-Louis, à Pans Quant à la mise en place d'une démarche qualité visant à analyser les problèmes graves survenus lors des chimiothérapies, elle n'était effective que dans 55 % des cas Un chiffre qui inquiète quand on sait que l'incidence de la mortalité liée aux chimiothérapies varie de 0,5 % à 2, voire 3 % selon les centres et le type de traitement! En radiothérapie, le contrôle du volume de la zone irradiée ou de la dose effectivement délivrée au patient sont évidemment incontournables. Pour le cancer du sein la biopsie des ganglions sentinelles permet d'éviter un curage axillaire chez les patientes qui n'ont pas d'atteinte ganglionnaire Et c'est tant mieux, car les conséquences de ce curage peuvent s'avérer très invalidantes CANCER8 2565347200509/RNM/MMC/2 Jean-Luc Godet, directeur des rayonnements ionisants à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). À partir de juin 2011, tous les centres devront respecter les critères qualité définis par l'INCa (Institut national du cancer) pour avoir l'autorisation d'exercer. Toutefois, les autoévaluations des établissements faites l'an dernier montrent qu'il subsiste des points à corriger. La dosimétrie in vivo (destinée à contrôler la dose de rayons reçue par le patient) n'était ainsi réalisée que dans 78% des cas. Depuis 2007, chaque centre doit noter les dysfonctionnements survenus au cours des séances d'irradiation, afin d'en analyser les causes et d'y remédier. Or les défaillances humaines sont, le plus souvent, à l'origine des accidents. «Depuis la mise en place de la procédure, on note une hausse constante du nombre d'événements indésirables déclarés à l'ASN. Cela prouve que les praticiens sont plus sensibles à la sécurité», relève Jean-Luc Godet, qui regrette toutefois que les professionnels n'aillent pas assez loin En 1998, aux états généraux du cancer organisés par la Ligue contre le cancer, les cancérologues, sous la pression des associations de patients, avaient décidé de se mobiliser pour améliorer l'annonce du diagnostic Même si l'on guérit de plus en plus souvent, apprendre qu'on a un cancer est traumatisant Faite à la va-vite, l'annonce peut décupler la violence du choc et avoir des conséquences irrémédiables sur le parcours thérapeutique. Humaniser l'annonce du diagnostic «Le médecin peut raconter une histoire à laquelle le patient ne comprendra rien, il peut l'assommer avec une vérité brutale ou le conduire à prendre conscience de son état en le respectant Pow le malade, cela change tout», explique Alain Coulomb Le premier Plan cancer a donc instauré un protocole d'annonce qui s'articule autour de quatre grands axes un temps d'annonce et de proposition du traitement, un temps d'accompagnement soignant, un accès à une équipe impliquée dans les soins dits de «support » et une liaison étroite avec le médecin traitant Le plus souvent, le patient commence à s'alerter, au gré des radios et des examens auxquels il est soumis Mais il y a toujours un moment où le cancérologue doit annoncer formellement la mauvaise nouvelle, récapituler l'information et détailler le plan de traitement qui a été défini en réunion de concertation pluridisciplinaire En principe, le temps des annonces brutales, entre deux portes ou par téléphone, est révolu Le médecin dans l'analyse de ces événements. Toujours selon l'ASN, il reste aussi d'importantes marges de progression concernant la diminution des doses délivrées aux malades, sans perte de bénéfice thérapeutique. «Bien employés, les nouveaux équipements permettent de réduire considérablement les doses délivrées aux patients», estime JeanLuc Godet. Manque de personnel Toutefois, ces mesures resteront limitées tant que le principal point noir n'aura pas été traité : la pénurie de personnel qualifié. Même si le plan de formation a permis d'augmenter le nombre de radio-physiciens de plus de 40% en quatre ans. En 2009, l'ASN a dû suspendre les activités de six centres en raison d'un nombre insuffisant de radio-physiciens et de manipulateurs. Seuls quatre d'entre eux ont pu rouvrir. «Lasituation demeure fragile dans moins d'une dizaine de sites», précise Jean-Luc Godet. Les suspensions d'activités sont d'autant plus dommageables pour les patients que les centres de radiothérapie sont tout juste suffisants pour couvrir le territoire. Chaque fermeture se traduit par un surcroît de déplacements et de fatigue pour les malades. Eléments de recherche : EFEC ou Ecole de Formation Européenne de Cancerologie à Paris 13ème, toutes citations MARS 11 Mensuel Surface approx. (cm²) : 2996 N° de page : 62-67 233 BOULEVARD VOLTAIRE 75011 PARIS - 01 43 48 55 48 Page 5/6 INTERVIEW Le Pr Dominique Maraninchi. «Lemaladedoitconnaître son parcours de soins» 100 € par patient. Mais au-delà du bénéfice thérapeutique, prescrire directement le bon traitement est plus économique. Quatre questions au Pr Dominique Maraninchi, président de l'INCa (Institut national du Cancer). M*l Près de 300 services de cancérologie ont dû fermer faute d'activité suffisante. L'éloignement de certains patients des centres de traitement ne risque-t-il pas de compromettre l'égalité d'accès aux soins ? Pr Dominique Maraninchi. Non, car les centres qui ont disparu pratiquaient très peu d'actes de cancérologie. En revanche, le fait que les établissements doivent désormais satisfaire à des procédures d'assurance qualité et sécurité pour être autorisés à pratiquer la cancérologie est une révolution. LS£9 Certains médecins estiment que les réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) leur prennent trop de temps, un temps qui, dans le privé, n'est pas rémunéré. F D. M. Que les professionnels se concertent (enfin !), on doit s'en féliciter. Maintenant, faut-il rémunérer ce travail ? Selon moi, non. Certes, cela représente du temps, mais c'est surtout du temps de gagné, de l'efficacité. Quand on se concerte, on travaille mieux. Et de toute façon, les médecins n'ont plus le choix. 612 000 RCP ont été enregistrées en 2009. Preuve que la procédure est entrée dans les mœurs. En revanche, la remise du PPS (plan personnalisé de soins) au patient est beaucoup moins bien suivie, alors que le Plan cancer fixe des objectifs sur ce point. Cette feuille de route doit être partagée avec l'usager et avec son médecin traitant. Dans le cas contraire, on voit apparaître des tensions, des risques d'erreur qui peuvent se traduire par des pertes de chances pour les patients. CANCER8 2565347200509/RNM/MMC/2 CM Avec le développement des thérapies ciblées, le budget des médicaments augmente énormément. Comment y faire face ? Comment s'assurer que ces médicaments sont correctement prescrits? Pr D. M. D'abord, nous traitons beaucoup plus de malades, et c'est tant mieux. La chimiothérapie a entraîné une baisse de mortalité spectaculaire dans certains cancers. Avec 473 établissements autorisés à la pratiquer, elle est accessible à tous. Autre avancée, la plupart des nouvelles molécules sont délivrées par voie orale, ce qui est beaucoup moins contraignant pour les malades que les traitements sous perfusion intraveineuse et évite les frais d'hospitalisation. Enfin, les thérapies ciblées sont en train de changer les choses. Avant leur arrivée, le traitement était identique pour tous les malades atteints de la même pathologie. En cas d'échec du traitement, on testait la réactivité d'une nouvelle molécule et ainsi de suite. Les thérapies ciblées inversent le processus. On teste d'abord les caractères génétiques de la tumeur pour savoir si elle peut être sensible ou non à une thérapie ciblée. Revers de la médaille, ces molécules sont onéreuses et ne sont efficaces que sur quelques patients. En revanche, pour ceux qui répondent bien, le bénéfice est immense. Cette année, 100000 personnes atteintes d'un cancer du poumon vont bénéficier de ces tests, afin de mieux cibler les moyens thérapeutiques. Cela représente un coût supplémentaire de 10 millions d'euros, soit •> doit prendre le temps d'expliquer toutes les implications du traitement et répondre aux questions du malade. C'est un moment-clé, où doit s'établir une relation de confiance déterminante pour la suite. Une seconde consultation, généralement assurée par une infirmière, doit alors être proposée. «À l'annonce du diagnostic, la personne est souvent en état de sidération. Elle n'est plus capable d'entendre ce qu'on lui dit. Il est important qu'il y ait par la suite des soignants disponibles qui écoutent, reformulent et s'assurent que le patient a bien compris le diagnostic et le parcours de soins qu'on lui propose», précise le Dr Philippe Bergerot, radiothérapeute et vice-président de la Ligue contre le cancer. Trop formel, trop technocratique ce dispositif? Certains le pensent, comme ce patient ulcéré par la consultation de l'infirmière d'annonce: "J'avais l'impression d'être pris pour un imbécile... » Côté médecins, on déplore également la codification à outrance. «L'annonce doit être différente selon les patients. Elle doit s'adapter à ce que la frM L'attente, pour une première consultation, un scanner ou le début de la prise en charge, peut durer des semaines. Comment réduire ces délais qui compromettent les chances des patients? Pr D. M. Le délai d'accès à un examen par IRM est en moyenne de 29 jours - il peut dépasser 45 jours dans quatre régions. Il existe des inégalités de traitement. Ce n'est pas acceptable. Ce n'est pas uniquement un problème de moyens: les centres les mieux équipés en IRM n'offrent pas forcément les délais les plus courts. Il s'agit plutôt d'un problème de logistique, résultat d'une mauvaise organisation qui ne prend pas en compte les besoins prioritaires de certains patients. Les agences régionales de santé (ARS) vont devoir trouver des solutions. D personne peut ou ne peut pas entendre. Sinon on déresponsabilise les médecins car ils appliquent des recettes », regrette le Pr Marc Espié. Même si aucun protocole ne pourra effacer la difficulté qu'il y a à dire et à entendre le cancer, de l'avis général et malgré quelques bémols, la mise en place du dispositif d'annonce marque une avancée positive. À condition que tous les malades puissent en bénéficier. Or en juin 2010, cette mesure, pourtant obligatoire, n'était effective que dans 69 % des établissements. Concertation pluridisciplinaire Face à l'évolution rapide de la recherche et des thérapies, un médecin ne peut plus décider seul d'un traitement. Le Plan cancer prévoit que tout nouveau dossier doit être étudié au cours d'une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) réunissant cancérologue, radiologue, radiothérapeute... Tous les professionnels concernés discutent, évaluent les bénéfices et les risques des traitements, afin de déterminer le meilleur Eléments de recherche : EFEC ou Ecole de Formation Européenne de Cancerologie à Paris 13ème, toutes citations MARS 11 Mensuel Surface approx. (cm²) : 2996 N° de page : 62-67 233 BOULEVARD VOLTAIRE 75011 PARIS - 01 43 48 55 48 Page 6/6 protocole thérapeutique Dans leur principe les RCP sont incontestablement un «plus» pour le patient hncore faut-il qu elles soient réalisées sérieusement Une reunion bâclée, sans préparation, ou manquent des éléments indispensa blés, peut être a l'origine de graves dysfonctionnements «Attention à l'automaticite du système J'ai déjà vu des cas où celle ou celui qui était en charge du dossier n 'était pas présent à la réunion C'étaient les autres qui décidaient Cela n'a pas de sens On ne peut pas défendre un dossier si on napas vu le malade >, s'indigne le Pr Guy Vallancien C est d ailleurs pour éviter ces dérives que la Haute Autorité de santé vient de mettre en place un indicateur permettant d appréhender I exhaustivite et les modalités des RCP lors de la prise en charge initiale d un malade Le personnel soignant doit prendre le relais du médecin pour repondre aux questions du patient, être a son écoute. Un soutien amélioré ÀI issue de la réunion de concertation pluridisciplinaire un programme personnalisé de soins (PPS) qui décrit le plan de traitement doit être remis au patient Celui ci peut I accepter ou le re fuser Dans la pratique rares sont les malades qui osent demander un deuxième avis « On est embarqué, se souvient Véronique P C'est au cours de l'annonce du diagnostic que le chirurgien m'a déclaré que mon opération était programmée dans trois jours Et comme je souhaitais un délai de reflexion, il m'a répondu 'C'est comme si on demandait au pilote d un airbus A320 d'annuler un vol ' "» Autre point névralgique I acces des patients aux essais cliniques demeure insuffisant Toujours selon les autoevaluations effectuées en juin 2010, seuls 69 % des établissements le proposent L'organisation de ces essais thérapeutiques est lourde et réservée aux centres les plus importants Mais rien n empêche les patients de prendre contact a\ ec les structures de recherche qui les organisent (la liste des essais en cours est disponible sur le site de I INCa) «En France, on manque de volontaires beaucoup de patients refusent de peur d être des cobayes C 'est dommage car le fait de prendre part à un essai permet aux malades d'accéder à des traitements de pointe et surtout de bénéficier d'un meilleur suiui » remarque le Dr Catherine Grenier, dircc tnce qualité a la Fédération des centres de lutte contre le cancer Prise en charge de la douleur soutien psychologique, assistance sociale ateliers de nutrition, soins esthétiques CANCER8 2565347200509/RNM/MMC/2 94% des établissements proposent des soins complémentaires au traitement C'est un pro grès considérable Laide d'un onco-psychologue peut éviter a certains de sombrer dans la dépression Pour d autres I assistance sociale est indispensable quand on sait qu une personne sur deux rencontre des difficultés matérielles ou professionnelles dans les six mois suivant l'annonce de sa maladie Concrètement, que valent ces services7 C'est seulement a l'usage que le patient pourra I apprécier Mais le fait qu'ils soient mis en place est déjà de bon augure Enfin, la prise en charge partagée entre l'hôpital et le médecin traitant doit être renforcée C est lui qui connaît le mieux son patient, son entou rage familial et socio-professionnel II est le plus a même d assurer le suivi thérapeutique Pour ce faire il doit être informé du plan de traite ment et recevoir les résultats des actes et des examens pratiqués à l'hôpital Du moins en théorie car, aux dires de certains généralistes la coordination des soins n est pas encore tout a fait au point « Tout dépend des services Mais il faut parfois passer plusieurs dizaines de coups de téléphone avant d obtenir ces informations", regrette le Dr Gourrichon médecin généraliste dans le XXe arrondissement à Paris Le chemin est encore long Le lien entre hôpital et médecin traitant est à renforcer Espace bien-être au CHU de Limoges. En dépit des efforts importants réalisés pour réduire les inégalités entre établissements le chemin nsque donc d'être encore long avant d assurer des soins de qualité pour tous Et I hétérogénéité des niveaux de performances des établissements reste une question angoissante quand on découvre qu'on est atteint d'un cancer Certes, les pouvoirs publics ont mis en place une batterie d indicateurs, mesurant par exemple I implication dans la lutte contre les infections nosocomiales, la tenue du dossier du patient, l'évaluation de la douleur, etc On annonce même la création prochaine d'un < indicateur de satisfaction > (enfin ') a partir d enquêtes que tous les établissements devront mener auprès d'un échantillon de 120 patients Tous ces indicateurs sont consultables sur le site du ministère de la santé (www platines santé gouv fr) mais ils manquent de lisibilité pour les noninities Cette absence de transparence a fait le succès des «palmarès» des hôpitaux qui font régulièrement la une des médias Que valent ces classements, sur quels critères se basent leurs évaluations certains sont-ils plus fiables que d autres 7 Autant de questions auxquelles Que Choisir tentera de repondre dans son prochain numéro D Eléments de recherche : EFEC ou Ecole de Formation Européenne de Cancerologie à Paris 13ème, toutes citations Florence Humbert