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Inde : Le retour du tigre ?
Résumé
L’Inde bénéficie d’une importante réserve de main d’œuvre, plus de la moitié de la
population ayant moins de 25 ans. Mais, l’Inde est une économie spécialisée dans le secteur
des services « sophistiqués » qui créé beaucoup de valeur ajoutée sans avoir recours à
beaucoup de travail.
Son économie dispose d’un fort potentiel de croissance avec l’émergence d’une nouvelle
classe moyenne urbaine. Cependant, elle est encore très largement rurale et près de 30% de
la population vit sous le seuil de pauvreté.
L’économie indienne reste peu ouverte aux échanges extérieurs, le climat des affaires et
l’état de la gouvernance sont assez médiocres. Les ménages et les entreprises ont retrouvé
confiance après l’élection du Premier Ministre Modi en 2014, pensant qu’il arrivera à
libéraliser l’économie.
Mots clés : Inde, Modi, Manmohan Singh, BRICS, pauvreté, services sophistiqués, industrialisation,
make in india, inflation, surendettement extérieur
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Deuxième pays le plus peuplé au monde avec 1,25 Md d’habitants dont la majorité a moins de 20
ans, l’Inde présente un marché domestique de taille considérable et bénéficie également d’une
importante réserve de main d’œuvre. Outre son atout démographique, l’Inde a aussi connu un
décollage économique important à partir des années 2000, faisant émerger une classe moyenne
urbaine parlant couramment anglais et aspirant à un mode de vie moderne.
Cependant, les inégalités restent fortes dans le pays en raison de la tradition des castes encore très
présente dans la culture indienne. Par ailleurs, le secteur agricole est encore sous-développé et ne
contribue que faiblement à la croissance économique. Le manque accru d’infrastructures et la
lourdeur des procédures administratives rendent l’environnement des affaires peu favorable aux
investissements étrangers.
L’Inde, une économie émergente avec un modèle de développement bien
spécifique
1. Une économie spécialisée dans les services « sophistiqués »
Le modèle de développement de l’économie indienne se distingue de tous les autres pays
émergents. En effet, l’économie est spécialisée dans les services dits « sophistiqués ». Ce sont des
secteurs à forte valeur ajoutée tels que l’assurance, l’informatique, la téléphonie ou encore la
comptabilité. Ces secteurs nécessitent généralement une main d’œuvre peu nombreuse mais très
qualifiée. Parallèlement à cela, le secteur industriel, généralement plus intensif en facteur travail que
celui des services, reste encore peu développé et ne contribue que modérément à la croissance du
PIB. Un choix de développement qui semble paradoxal au vu de la réserve de main d’œuvre
considérable dont dispose le pays, la population indienne étant composée en majorité des jeunes de
moins de 25 ans et peu éduqués (seuls 25% des jeunes suivant des études secondaires continuent en
enseignement supérieur alors que la moyenne mondiale est à 33%1).
1Source : Banque mondiale
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2. Une économie encore faiblement ouverte aux échanges extérieurs
Ainsi, grâce à son modèle de développement basé non pas sur le commerce extérieur de biens (taux
d’ouverture de l’économie indienne : 24% du PIB2) mais axé sur les services, l’Inde fait état d’un taux
de croissance vigoureux depuis 2000,
atteignant en moyenne 7% d’une année sur
l’autre. De plus, les exportations de services
« sophistiqués » étant moins sensibles à
l’évolution du commerce mondial, l’économie
indienne a su résister à la crise mondiale de
2009.
Mais, l’effet de rattrapage dont le pays a pu
bénéficier à partir des années 2000, grâce à
une hausse rapide de la population active et
l’émergence d’une classe moyenne (le PIB par
habitant en parité de pouvoir d’achat a triplé
en dix ans), s’est peu à peu dissipé. Ce qui a
conduit à un net ralentissement de la
croissance à partir de 2011. Ce ralentissement
a aussi été le résultat d’une paralysie
parlementaire qui a considérablement affectée la mise en œuvre effective de « grandes » réformes
économiques dont l’Inde a besoin pour diversifier son économie et stabiliser sa trajectoire de
croissance.
L’ « effet Modi »
1. Une situation économique pré-électorale morose
a) un fort immobilisme politique et des scandales de corruption à répétition
L’arrivée au pouvoir d’une deuxième coalition the United Progressive Alliance (UPA) en 2009 sera
marquée par un fort ralentissement de l’économie indienne. Au cours de son mandat, le Premier
ministre, Manmohan Singh, a tenté de mettre en œuvre des réformes favorisant l’ouverture de
l’économie aux capitaux étrangers. Cependant, il a été confronté à une opposition forte à plusieurs
reprises, en raison de la position minoritaire de son camp au Parlement qui a de plus eu du mal à
fixer une position commune. A ce titre, on peut citer la réforme sur l’ouverture du secteur de la
grande distribution aux multimarques étrangères. Votée en 2012, cette dernière semble ne pas avoir
2 Le taux d’ouverture d’une économie étant mesuré par les exportations de biens et de services en
pourcentage du PIB (source : Banque mondiale)
-10
-5
0
5
10
15
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
BRICS: taux de croissance du PIB
Afrique du Sud
Brésil
Chine
Inde
Russie
%, a/a
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eu les effets escomptés. En 2014, compte tenu des conditions strictes3 imposées aux investisseurs
étrangers, le groupe Carrefour a décidé de fermer ses cinq magasins. Ces incertitudes quant à la
capacité du gouvernement à mettre en place des politiques économiques claires ont conduit les
investisseurs étrangers à se détourner du marché indien au profit d’autres marchés émergents. Par
ailleurs, les entreprises et les ménages domestiques ont peu à peu perdu confiance envers la sphère
politique à mesure de multiples révélations de scandales de corruption au sein du parti historique du
Congrès. La corruption n’est effectivement pas anodine en Inde. D’après les indicateurs de
gouvernance de la Banque Mondiale, l’Inde se situe à la 119ème place sur 181 et aucune amélioration
n’a été observée depuis ces vingt dernières années. Ce qui entrave considérablement le
développement du secteur privé.
b) Une résurgence des tensions inflationnistes
Outre cet immobilisme politique, l’économie indienne a également connu une forte hausse de
l’inflation dès 2009. Elle atteignait en moyenne plus de 10% entre 2009 et 2012. Cela est
essentiellement lié aux prix élevés des matières premières au cours de cette période. Pour contenir
ce surcroît d’inflation, la Banque centrale indienne (RBI) a mené une politique monétaire restrictive
entraînant un tarissement du crédit et conduisant à une baisse de la confiance chez les entreprises et
les ménages.
c) le risque de perte de l’Investment Grade
L’Inde étant un pays très dépendant énergétiquement, la forte hausse du prix des hydrocarbures
après la crise de 2009 a considérablement dégradé le déficit courant. Ce dernier avait atteint un
niveau historiquement élevé en 2012 à près de 5% du PIB. Ainsi, le risque de perte de statut
d’Invesment Grade est envisagé par les marchés compte tenu de l’aggravation des déséquilibres
macro-économiques, du regain des tensions inflationnistes et des grandes incertitudes quant à la
capacité du gouvernement à mettre en œuvre des réformes. Ces sources d’incertitudes ont été
exacerbées à l’approche des élections présidentielles de mai 2014.
2. Le succès du discours électoral « pro-business » de Modi
a) Le « miracle »4 économique du Gujarat et les promesses de réformes « pro
business » de Modi
Elu ministre en chef du Gujarat en 2002, Modi transforme la région en un véritable tissu industriel
grâce au lancement d’un vaste programme de modernisation des infrastructures. Ce qui a attiré de
nombreux investisseurs étrangers. Ainsi, le taux de croissance de la région est devenu bien supérieur
à la moyenne nationale.
3Obligation pour les investisseurs étrangers de réaliser une joint venture avec des partenaires indiens,
d’obtenir de l’autorisation de l’état indien, etc.
4 Ce modèle de réussite a été vivement contesté par des économistes tels qu’Amartya Sen du fait
des mauvais résultats de la région en matière de développement humain.
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Lors de sa campagne électorale, Modi a fait la promesse qu’il reproduirait ce « succès » à l’échelle
nationale. Il a également séduit les investisseurs en insistant sur la nécessité d’enrayer la corruption
au sein de l’administration centrale. Enfin, il a bénéficié d’une importante médiation pré-électorale.
b) Des résultats obtenus dépassant toutes les espérances
Le parti du Bharatiya Janata Party (BJP, parti de droite nationaliste en opposition au parti historique
du Congrès) de Modi et ses partis d’alliance ont obtenu 316 sièges à la Chambre basse du Parlement
(Lok Sabha) contre 50 pour le principal parti d’opposition, le parti du Congrès. Modi a donc obtenu la
majorité à l’Assemblée. Un signal fort pour les marchés financiers qui ont accueilli favorablement
cette nouvelle : la roupie indienne s’est légèrement appréciée après le résultat des élections.
Un contexte économique plus favorable
1. La levée de la contrainte extérieure
Dans un contexte économique mondial marqué par la chute des prix du pétrole, l’Inde a pu
bénéficier d’un léger rebond de sa croissance à +7,3% en 2014/2015. Ce rebond a été en parti
attribuable à un changement d’année de base dans l’estimation de la croissance du PIB. La reprise
devrait se poursuivre en 2015/2016 : l’Inde devrait dépasser la Chine et atteindre une croissance de
7,5% du PIB (croissance chinoise estimée à 6,8% pour 2015 d’après le FMI, même si ce chiffre devrait
s’avérer encore inférieur). Cette croissance sera principalement tirée par une hausse des dépenses
d’investissement en infrastructures et par la reprise des exportations de biens et de services.
Au niveau des comptes extérieurs, l’Inde exporte majoritairement des matières premières (huile,
pétrole, diamants et produits agricoles) ainsi que des biens manufacturiers à destination de l’Europe
(16% des exportations totales du pays), des Etats-Unis (12%) et de l’ASEAN (11%).Le pays étant
dépendant énergétiquement, il importe principalement du pétrole raffiné et de l’or. Sa balance
commerciale de marchandises est structurellement déficitaire, elle s’est établie à 4,9% du PIB en
2014. Bien que les services représentent 30% des exportations totales, ils ne permettent pas de
couvrir ce déficit commercial. Ainsi, le déficit courant s’est établi à 2,7% du PIB entre 2007 et 2013.
Compte tenu d’une ouverture restreinte aux capitaux étrangers, ce déficit courant a été financé en
large partie par l’endettement extérieur. La dette extérieure totale a quasiment doublé en l’espace
de cinq ans, passant de 254 Mds à 436 Mds d’USD en 2013, soit près de 100% de ses exportations
totales.
Néanmoins, ce déficit courant a fortement diminué en 2014, atteignant seulement 1% du PIB. Cela
tient essentiellement à la chute des cours mondiaux du brut. Par ailleurs, les réserves de change sont
restées quasi-stables en 2014, à un peu plus de cinq mois d’importation. La Banque centrale indienne
(RBI) a donc les capacités d’intervenir à court terme en cas de choc externe. Le risque lié à l’évolution
de la balance des paiements a fortement diminué avec la levée de la contrainte exrieure. Toutefois,
la prudence reste de mise quant à l’évolution rapide de la trajectoire de la dette extérieure totale.
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