Le système politique démocratique

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Séquence 1
Le système politique
démocratique
« Democracy is the worst form of Government except all those other forms that have been
tried from time to time ».
Winston Churchill, devant la Chambre des communes, le 11 novembre 1947.
La démocratie comme type de système politique s’est progressivement imposée dans les sociétés occidentales. Loin d’être parfaite, comme le rappelait W. Churchill en 1947, elle est le
régime politique qui semble respecter le mieux les libertés collectives et individuelles. Cela
dit, pour qu’elle fonctionne vraiment et atteigne son but – donner le pouvoir au peuple –, un
certain nombre de conditions doivent être réunies. Elle nécessite une vie politique des plus actives, des institutions en phase avec le changement social et des citoyens investis, sous peine
de quoi les groupes particuliers risquent de reprendre le pouvoir. Après avoir étudié les différentes formes institutionnelles possibles dans une démocratie, nous aborderons longuement
la question de l’organisation de la compétition pour le pouvoir. Enfin, nous reviendrons plus
précisément sur la contribution des organisations dans le fonctionnement de la démocratie.
Sommaire
1. Quelles sont les composantes institutionnelles
des régimes politiques démocratiques ?
2. Comment s’organise la compétition
politique en démocratie ?
3. Contribution des organisations politiques
au fonctionnement de la démocratie
Séquence 1 – SE02
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1
Quelles sont les composantes
institutionnelles des régimes
politiques démocratiques ?
En démocratie, tout pouvoir est censé être équilibré pour ne pas en
abuser. Cela implique que les institutions chargées d’exercer le pouvoir puissent se contrôler mutuellement. Nous allons voir qu’il n’y a pas
qu’un modèle d’organisation de ces pouvoirs pour garantir leur exercice
démocratique.
Notions à acquérir
Régime parlementaire, régime semi-présidentiel,
régime présidentiel (État de droit).
Sensibilisation
Document n° 1
Aux origines de la séparation des pouvoirs
Il y a, dans chaque État, trois sortes de pouvoirs. (…) Par la première, le
prince ou le magistrat fait des lois pour un temps ou pour toujours, et corrige
ou abroge celles qui sont faites. Par la seconde, il fait la paix ou la guerre,
envoie ou reçoit des ambassades, établit la sûreté, prévient les invasions.
Par la troisième, il punit les crimes, ou juge les différends des particuliers.
La liberté politique, pour un citoyen, est cette tranquillité d’esprit qui
provient de l’opinion que chacun a de sa sûreté ; et, pour qu’on ait cette
liberté, il faut que le gouvernement soit tel qu’un citoyen ne puisse pas
craindre un autre citoyen.
Lorsque, dans la même personne ou dans le même corps de magistrature,
la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point
de liberté ; parce qu’on peut craindre que le même monarque ou le même
sénat ne fasse des lois tyranniques, pour les exécuter tyranniquement.
Montesquieu, De l’esprit des lois, 1748.
Retrouvez dans le texte les phrases qui décrivent le pouvoir législatif,
le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.
Pourquoi est-il important que les trois pouvoirs ne soient pas concen-
trés dans une seule institution ?
Séquence 1 – SE02
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En démocratie, on retrouve toujours trois formes de pouvoir : le pouvoir
de décider de la loi, le pouvoir de la faire appliquer et le pouvoir de juger
les personnes qui ne la respecteraient pas. Le pouvoir de décider la loi
est nommé pouvoir « législatif » : il s’agit le plus souvent du pouvoir du
Parlement. Le pouvoir de faire appliquer et respecter la loi revient au
pouvoir « exécutif » ; c’est le gouvernement qui dispose des moyens de
l’État pour le faire. Enfin, le pouvoir « judiciaire » revient à la justice qui a
le pouvoir de condamner les individus qui tenteraient d’enfreindre la loi.
Pour qu’il y ait démocratie, il faut que l’équilibre entre ces trois pouvoirs soit respecté. Cet équilibre est nécessaire pour constituer un
État de droit, c’est-à-dire une situation dans laquelle tout le monde
est soumis de la même manière au droit, de l’individu à la puissance
publique. Un État de droit signifie donc que le pouvoir politique et
les représentants de ce pouvoir doivent respecter la Constitution.
En France, celle-ci date de 1958, il s’agit de la Ve République. En
France, le pouvoir exécutif, et notamment le président de la République, est garant du fait que les lois issues du pouvoir législatif
sont conformes à la Constitution.
À partir de cet équilibre indispensable à l’établissement de la démocratie, on peut concevoir plusieurs formes d’organisation politique, plusieurs types de régime politique. Un régime politique est l’organisation
des pouvoirs mis en place par
l’État. C’est ainsi que, pour des raiRappel
sons historiques, des démocraties
telles que le Royaume-Uni, les
États-Unis et la France, se sont
La démocratie est un régime politique où le poudotées de systèmes institutionvoir est donné au peuple. Pour reprendre la formule
nels très différents mais qui sont
d’Abraham Lincoln : « La démocratie c’est le gouvertous censés garantir l’exercice de
nement du peuple, par le peuple et pour le peuple. »
la démocratie. C’est ce que nous
Il s’oppose à d’autres régimes comme l’aristocratie, la
allons observer tout au long de ce
dictature, la ploutocratie…
chapitre.
A
Le cas du Royaume-Uni :
une monarchie parlementaire
Dans un régime parlementaire, la séparation entre le pouvoir exécutif
(celui qui exécute les lois, le gouvernement) et le pouvoir législatif (celui
qui fait la loi, le Parlement) est dite « souple ».
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Séquence 1 – SE02
Document n° 2
Le régime parlementaire britannique
Chef de l’État :
La Reine
Gouvernement
Chef du gouvernement : le Premier Ministre
les Ministres
Pouvoir exécutif
Pouvoir législatif
Parlement
Chambre
des Communes
Chambre des Lords
ÉLECTEURS
Le pouvoir exécutif est issu du pouvoir législatif. Les sujets britanniques
ne votent pas pour élire le chef du gouvernement mais uniquement pour
élire leurs députés (1). Ce sont les parlementaires qui choisissent parmi
eux celui qui sera chargé de conduire la politique du pays (3). Il devra
s’entourer d’un gouvernement (4).
Le gouvernement (exécutif) a le pouvoir de dissoudre le Parlement (législatif) (5). Mais il est en même temps « responsable » devant le Parlement : c’est-à-dire qu’il doit rendre des comptes devant les parlementaires qui peuvent alors « censurer » le gouvernement. Mais ce n’est pas
pour autant que les régimes parlementaires sont plus enclins à des renversements politiques que les autres régimes, car pouvoirs exécutif et
législatif sont dépendants l’un de l’autre.
Séquence 1 – SE02
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B
Le cas américain :
un régime présidentiel
La séparation « rigide » des pouvoirs du régime présidentiel implique
l’impossibilité pour le Président de dissoudre le Parlement et, réciproquement, l’impossibilité pour le Parlement de censurer le Président. Aux
États-Unis, les électeurs désignent les membres du Congrès (1 et 2) (qui
réunit le Sénat et la Chambre des représentants), mais également le chef
de l’État fédéral, président des États-Unis d’Amérique. Celui-ci désigne
les membres de son cabinet (ministres et secrétaires d’État) (4) mais ils
n’ont pas d’autonomie : les décisions prises par la Maison Blanche (lieu
où réside le Président) n’appartiennent qu’au Président.
Document n° 3
Le régime présidentiel américain
Chef de l’État et du Gouvernement
Le Président :
4
les Secrétaires d’État
Pouvoir exécutif
Pouvoir législatif
Parlement
3
Chambre
des Représentants
Sénat
2
1
ÉLECTEURS
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Séquence 1 – SE02
Aussi rigide que soit la séparation entre exécutif et législatif, celle-ci
n’est jamais complètement parfaite, et il y a toujours un moyen pour l’un
de faire pression sur l’autre, et donc d’éviter la paralysie. Dans l’exemple
américain, le Président dispose d’un droit de veto sur certaines initiatives parlementaires, et les parlementaires peuvent déclencher une
procédure d’impeachment, qui peut conduire jusqu’à la démission du
Président. Mais cette mise en accusation n’est possible que dans des
cas extrêmes : trahison, corruption, crime et certains délits. En fait, l’impeachment est valable pour tout haut fonctionnaire du gouvernement, et
pas uniquement le Président. Dans tous les cas, le fait que le Président
soit élu au suffrage universel, et qu’il ne soit pas responsable devant le
Parlement, ne fait pas de lui une personne toute-puissante. En effet, il
est finalement relativement rare que la majorité des parlementaires soit
du même bord politique que le Président. De ce fait, il lui est souvent
difficile de faire adopter des lois ou de voter le budget de l’État fédéral.
C
Le cas français : une république
semi-présidentielle
La Ve République en France est qualifiée de régime semi-présidentiel.
D’un côté il est parlementaire parce que le gouvernement est responsable devant le Parlement et que l’exécutif peut dissoudre le Parlement.
Mais il est aussi présidentiel parce que le président de la République
est élu au suffrage universel, qu’il a des compétences importantes, et
il n’est pas directement responsable devant le Parlement (c’est le Premier ministre qui peut faire l’objet d’une motion de censure). Alors que
la IVe République, régime très parlementaire, était réputée pour son instabilité ministérielle (parfois le gouvernement changeait tous les trois
mois), la Ve République corrige cela en instituant un chef de l’État élu et
un chef de gouvernement issu de la majorité parlementaire. La collaboration entre les deux permet de résoudre les conflits internes à la majorité
sans remettre en cause le travail gouvernemental.
Ce régime a pour avantage de réussir la synthèse entre un pouvoir législatif, qui reflète le pluralisme des idées et des partis, et un pouvoir exécutif incarné par le Président, lié à la nation par le suffrage universel direct.
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Document n° 4
Le régime semi-présidentiel français
Le Président :
le 1er Ministre
4
Pouvoir exécutif
5
Pouvoir législatif
6
1
Parlement
Assemblée
Nationale
2
Sénat
3
Élus locaux
ÉLECTEURS
En France, les électeurs désignent au suffrage universel direct le président de la République (1) ainsi que les députés qui siègent à l’Assemblée nationale (2). Les sénateurs sont élus lors d’un scrutin indirect : ce
sont les « grands électeurs » qui élisent les sénateurs (3) ; ces grands
électeurs sont en fait des élus locaux (conseillers municipaux, généraux,
régionaux).
Une fois élu, le Président nomme un Premier ministre issu de la même
famille politique que la majorité qui se dégage à l’Assemblée nationale.
La séparation entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif est plus
souple que dans un régime présidentiel puisque le président de la République a le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale (5). Il use de ce
pouvoir pour jouer son rôle d’arbitre en cas de confrontation entre le
gouvernement et les parlementaires. En effet, comme le gouvernement
est responsable devant le Parlement (celui-ci peut voter une motion de
censure à l’encontre du Premier ministre (6)), il appartient au Président
de dissoudre un Parlement qui empêcherait les pouvoirs publics de fonctionner normalement. Le Président est quant à lui quasiment « irresponsable » : rien ne peut le destituer au cours de son mandat, sauf s’il porte
atteinte à la fonction même de président de la République de par son
comportement.
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Séquence 1 – SE02
Conclusion
Comme nous avons pu le constater, l’organisation politique mise en
place par l’État peut revêtir des formes très diverses qui dépendent le
plus souvent de facteurs historiques. Un pouvoir exécutif plus ou moins
responsable devant le pouvoir législatif, un pouvoir législatif plus ou
moins dépendant de l’exécutif ; de cette organisation institutionnelle
découlent les modalités selon lesquelles s’exerce la compétition politique.
Séquence 1 – SE02
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Comment s’organise
la compétition politique
en démocratie ?
Dès les premiers articles de notre Constitution, les partis et groupements politiques sont décrits comme des groupes participant pleinement à l’expression des suffrages des citoyens. Dès lors, la compétition
politique n’est plus une affaire de notables ou d’associations professionnelles, comme par le passé, mais bien l’affaire de groupes visant à
recueillir les votes de citoyens en vue de conquérir le pouvoir, objet de
la compétition politique.
Notions à acquérir
Pluralisme politique, modes de scrutin, parité,
démocratie délibérative (démocratie participative,
représentative).
Sensibilisation
Document n° 5
Une définition des partis politiques
On doit entendre par partis des [associations] reposant sur l’engagement libre d’individus, ayant pour but de procurer à leurs chefs le pouvoir au sein d’un groupement. Ils peuvent constituer des associations
éphémères ou permanentes, se présenter dans des groupements de
tout genre, et former des groupements de toute sorte. Ils peuvent être
orientés vers des intérêts personnels ou des buts objectifs. En pratique
ils peuvent se borner à l’obtention du pouvoir pour leurs chefs et l’occupation des postes de la direction administrative par leur appareil. Ils
peuvent surtout s’orienter consciemment, dans l’intérêt d’ordres ou de
classes, vers des buts matériels concrets ou vers des principes.
D’après Max Weber, Économie et société, Plon, 1995 (1re édition 1922).
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Séquence 1 – SE02
Document n° 6
Nicolas Sarkozy, en meeting de l’UMP pendant une campagne électorale
© Dominique Faget/AFP.
Document n° 7
François Hollande, en meeting du PS pendant une campagne électorale
© François Guillot/AFP.
Cherchez dans un dictionnaire le sens du mot « appareil » tel qu’il est
employé par Max Weber.
En quoi les deux photographies illustrent-elles la définition du terme
parti politique donnée par Max Weber ?
Séquence 1 – SE02
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A
Les partis politiques : rôles,
création et fonctionnement
La France connaît le pluralisme politique, c’est-à-dire une organisation politique qui tolère la coexistence d’opinions diverses et de partis
concurrents, depuis la toute fin du XIXe siècle. Il faut attendre 1884 pour
que la loi autorise à nouveau le regroupement d’individus dans des organisations. En effet, la loi Le Chapelier de 1791 interdisait la coalition,
c’est-à-dire le droit pour les individus de se regrouper pour mener des
actions. Les syndicats et les partis politiques ont donc été interdits en
France pendant la quasi-totalité du XIXe siècle. Les élus étaient surtout
des notables, la politique était fortement individualisée.
Pourtant dès qu’une société se dote d’une forme de pouvoir politique
centralisée, d’un gouvernement, les individus se regroupent en vue de
conquérir ce pouvoir. C’est surtout dans les sociétés où l’accession au
pouvoir passe par le vote que la création de partis est la plus importante. Les partis politiques sont donc, dans une définition restreinte, des
organisations généralement durables dans le temps, présentes sur l’ensemble du territoire sur lequel s’exerce le pouvoir politique qu’elles cherchent à conquérir. La plupart des partis politiques cherchent à conquérir
le pouvoir par les processus prévus pour cela (les élections notamment),
mais ce n’est pas le cas de tous. Les partis dits « révolutionnaires » ne
renoncent pas à utiliser la violence et la protestation pour atteindre leurs
buts. Il existe également des groupements éphémères, ou localisés,
mais qui ont vocation a influé sur la vie politique.
En France, la vie des partis politiques est très structurée autour d’un
« clivage gauche/droite ». L’utilisation de ces termes vient du fait que,
juste avant la Révolution française de 1789, lors de la réunion des états
généraux à Versailles, les députés du tiers état ont pris place à gauche
du roi, laissant les places d’honneur au clergé et à la noblesse, à droite.
Par la suite, lors des réunions de l’Assemblée nationale, les députés ont
continué à se regrouper, cette fois-ci en fonction de leurs idées, à droite
ou à gauche de la salle, et cette expression est restée dans le vocabulaire politique. Elle s’est même diffusée dans la plupart des pays qui ont
adopté un système politique d’assemblée.
Document n° 8
La gauche et la droite
À gauche, le goût de l’égalité, de la liberté des mœurs, de la laïcité, de la
défense des plus faibles, fussent-ils coupables, de l’internationalisme,
des loisirs, du repos (les congés payés, la retraite à 60 ans, la semaine
de 35 heures...), de la compassion, de la solidarité...
À droite celui de la réussite individuelle, de la liberté d’entreprendre, de
la religion, de la hiérarchie, de la sécurité, de la patrie, de la famille, du
travail, de l’effort, de l’émulation, de la responsabilité...
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Séquence 1 – SE02
La justice ? Ils peuvent s’en réclamer les uns et les autres. Mais ils n’en
ont pas la même conception. À gauche, la justice est d’abord équité : elle
veut les hommes égaux, non seulement en droits mais en fait. Aussi se
fait-elle volontiers réparatrice et égalitariste. Sa maxime serait : « À chacun selon ses besoins. » Celui qui a déjà la chance d’être plus intelligent
ou plus cultivé, de faire un travail plus intéressant ou plus prestigieux,
pourquoi faudrait-il en outre qu’il soit plus riche ? Il l’est pourtant, en
tout pays, et il n’y a plus que l’extrême gauche qui s’en étonne. Le reste
de la gauche, toutefois, ne s’y résigne pas sans un peu de mauvaise
conscience. Toute inégalité lui semble suspecte ou regrettable : elle ne
la tolère qu’à regret, faute de pouvoir ou de vouloir tout à fait l’empêcher.
À droite, la justice est plutôt conçue comme une sanction ou une récompense. L’égalité des droits suffit, qui ne saurait annuler l’inégalité des
talents et des performances. Pourquoi les plus doués ou les plus travailleurs ne seraient-ils pas plus riches que les autres ? Pourquoi ne
feraient-ils pas fortune ? Pourquoi leurs enfants ne pourraient-ils profiter
de ce que leurs parents ont amassé ? La justice, pour eux, est moins
dans l’égalité que dans la proportion. Aussi se fait-elle volontiers élitiste
ou sélective. Sa maxime serait : « À chacun selon ses mérites. » Protéger
les plus faibles ? Soit. Mais pas au point d’encourager la faiblesse, ni
de décourager les plus entreprenants, les plus talentueux ou les plus
riches !
André Comte-Sponville, Dictionnaire de philosophie politique, PUF, 2001.
Résumer très sommairement les différences entre droite et gauche.
Document n° 9
Une simplification de la réalité
L’histoire politique de la France et une bonne part de son histoire sociale
et culturelle s’inscrivent depuis environ deux siècles dans le couple
droite-gauche, deux termes spécifiquement français, qui ont fait le tour
du monde, mais restent une donnée particulière de l’histoire nationale.
Cette donnée simplifie à l’évidence la réalité. Elle la simplifie d’abord
parce qu’il n’existe pas seulement une droite et une gauche, mais des
droites et des gauches, de même que, bien que l’on puisse parfois en
douter, il existe aussi un, voire plusieurs centres.
Jean-Jacques Becker et Gilles Candar, Introduction de Histoire des gauches
en France, La Découverte, 2005.
Pourquoi le clivage gauche/droite est-il une simplification de la réalité ?
Séquence 1 – SE02
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a. Une brève histoire des principaux
partis politiques français
Plutôt à gauche de l’échiquier politique, le premier parti politique français est le Parti radical, fondé en 1901. Il sera suivi en 1905 par la SFIO,
la Section française de l’Internationale ouvrière, à l’origine des actuels
Partis socialiste et communiste.
Le Parti radical est au départ un rassemblement de personnes d’origines
très diverses mais qui se retrouvent autour de la notion de laïcité. Il va
rassembler à la fois la petite-bourgeoisie et les milieux paysans du sud
de la France, pour devenir progressivement la principale force politique
du pays. Bon nombre de gouvernements de la IIIe et de la IVe République
intégreront des « radicaux », très utiles pour dégager des majorités dans
la mesure où ils occupent l’espace central de l’échiquier politique. Le
principe organisateur de la Ve République qui a tendance à polariser la
vie politique autour de deux « pôles », la gauche et la droite, va conduire
le Parti radical à l’affaiblissement, puisque trop central. De fait, en 1972,
le Parti radical connaît une scission. Le Parti radical de gauche se rapprochera des deux grands partis de gauche, le Parti socialiste et le Parti
communiste. Le Parti radical « valoisien » (ses bureaux se situent rue de
Valois à Paris) rejoindra quant à lui la droite et le centre. Au centre, un
parti actuel comme le Modem (et avant lui l’UDF) trouve ses racines dans
ce Parti radical.
La SFIO est créée en 1905. Il s’agit de traduire dans une forme politique le
mouvement ouvrier français, d’unifier et d’institutionnaliser les groupes
se réclamant du socialisme. L’unité et le rapide développement de ce
parti doivent beaucoup à la personnalité de son dirigeant historique,
Jean Jaurès. Il meurt assassiné par un nationaliste en 1914 en raison de
ses idées pacifistes ; il était résolument opposé à l’entrée en guerre de
la France. En 1920, une large partie des militants quittent la SFIO pour
fonder le Parti communiste Français (PCF). En 1935, le Parti radical, le
Parti communiste et la SFIO parviennent à se mettre d’accord sur un
programme commun qui verra leur victoire aux élections de 1936. Cette
union, emmenée par Léon Blum, est très connue sous la dénomination
de « Front populaire ». La Deuxième Guerre mondiale marque le début
de l’affaiblissement de la SFIO. En 1945, le PCF est la première force
politique de gauche, devant les socialistes. Commencent alors vingtcinq années de recomposition des divers courants socialistes, jusqu’à
un congrès unificateur en 1971, à Épinay, où François Mitterrand prend
la place de premier secrétaire.
À droite, il faut attendre longtemps avant de voir de grands partis politiques se constituer. En effet, pendant toute la première moitié du
XXe siècle, la droite est morcelée en de nombreux petits partis. Ils étaient
proches des milieux d’affaires et des intérêts économiques pour la
droite dite « libérale », proches des valeurs de la morale catholique pour
la droite conservatrice, mais ils étaient surtout des machines électorales
qui n’existaient qu’au moment des scrutins. La droite extrême, largement antiparlementaire, a pris plutôt la forme de ligues (par exemple :
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Séquence 1 – SE02
l’Action française) avant que celles-ci ne soient dissoutes dans les
années 1930. C’est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que
va naître le Rassemblement du peuple français (RPF), parti du général
de Gaulle, qui sera à l’origine d’une longue lignée de partis gaullistes,
jusqu’au Rassemblement pour la République (RPR) de Jacques Chirac.
Celui-ci disparaîtra lors de la fondation, en 2002, de l’actuelle Union
pour un mouvement populaire (UMP) qui rassemble plusieurs partis de
droite dont le Parti radical valoisien, et une grande partie des membres
de l’ancienne UDF.
b. Le rôle des partis dans la compétition politique
Comme nous venons de le voir, l’existence de partis politiques est très
liée à la démocratie représentative, c’est-à-dire le fait que, par l’élection
de représentants, chaque électeur délègue aux députés le pouvoir de
faire les lois à sa place. Encore faut-il sélectionner ceux qui pourront se
présenter devant le suffrage des électeurs. En droit, selon la Constitution,
tout électeur est éligible. Dans les faits, les partis politiques organisent
la sélection, parmi les prétendants, de celui ou celle qui pourra représenter les couleurs du parti dans une circonscription électorale donnée.
On pourrait penser que ce rôle de sélection limite l’exercice de la démocratie dans la mesure où il empêche sérieusement des citoyens n’appartenant pas à un parti politique de se présenter. Mais en réalité il a permis
de remplacer un personnel politique par un autre. Le personnel politique
(députés, ministres, sénateurs, maires, etc.) du début du XXe siècle était
quasiment intégralement composé de notables, c’est-à-dire de personnes
appartenant aux classes supérieures souvent très connues et reconnues
localement. Ils étaient par exemple médecins, notaires, grands propriétaires terriens ou immobiliers, grands entrepreneurs, etc. Leurs ressources
personnelles leur permettaient de se consacrer à leurs mandats.
Les partis politiques, en contribuant à une sélection et à une certaine
professionnalisation du personnel politique, ont permis de faire émerger
des leaders et des personnalités politiques qui ne sont pas forcément
issus de l’élite sociale. Ainsi des militants, reconnus par l’appareil du
parti, ont pu accéder à des mandats électifs. C’est ainsi que, sous les
IIIe et IVe Républiques, la part des députés ayant exercé des professions
d’employés, d’ouvriers, de petits fonctionnaires a été multipliée par 13.
La sociologie des représentants s’est donc largement diversifiée grâce
aux partis politiques. Les partis de masse ont permis à des personnes
issues de diverses classes sociales d’avoir les ressources nécessaires
pour se consacrer, elles aussi, aux affaires publiques.
Par ailleurs les organisations participent à la formation technique des
candidats et des élus, formation devenue indispensable tant les activités politiques se sont complexifiées. L’exercice du métier de politique requiert en effet des connaissances avancées dans les domaines
juridiques et économiques. C’est cette spécialisation de plus en plus
grande, couplée avec le cumul de mandats nationaux et locaux, qui a
conduit certains observateurs à voir dans cette professionnalisation poli-
Séquence 1 – SE02
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tique une certaine forme de dessaisissement de la souveraineté populaire au profit d’une catégorie particulière, les politiciens. Mais il faut
relativiser cela. En effet, l’immense majorité des élus en France (ils sont
plus de 500 000) ne cumule pas les mandats politiques, et exerce une
autre profession à côté de ses responsabilités publiques.
c. La place des femmes : les lois sur la parité
en politique
Ne pas confondre représentation et représentativité
La représentation est le fait que le peuple élise des représentants pour leur
donner le pouvoir de faire les lois. La représentativité est le caractère plus
ou moins ressemblant des représentants à l’égard de ceux qu’ils représentent. Pendant longtemps, le personnel politique était quasiment exclusivement masculin puisque les femmes ne faisaient pas partie du corps
électoral et n’étaient pas éligibles. Les représentants de la nation étaient
donc peu représentatifs de celle-ci, oubliant les femmes qui représentent
pourtant 52 % de la population française.
Document n° 10
La représentation des femmes en politique
Part des femmes
(en %)
Assemblée nationale
Sénat
Représentation française au Parlement européen
Conseillers régionaux
Présidence de conseils régionaux
Conseillers généraux
Présidence de conseils généraux
Conseillers municipaux
Maires
18,5
22,1
44,5
48,0
7,7
13,9
5,0
35,0
13,8
D’après Observatoire de la parité, 2011.
Quels sont les assemblées où les femmes sont le moins bien représen-
tées ? les mieux représentées ?
Comment peut-on expliquer cette différence ?
De 1944, qui a vu l’accession des femmes au droit de vote, aux années
1990, la part des femmes dans la représentation politique était très
faible. Des associations féministes ont donc milité pour voir reconnaître
la nécessité d’instaurer la parité politique. Partant du principe que la
seule bonne volonté des organisations politiques ne suffirait jamais à
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Séquence 1 – SE02
atteindre l’égale représentation des deux sexes dans les assemblées
élues, elles ont milité en faveur d’une loi contraignante, imposant la
parité aux partis politiques. Jacques Chirac, alors président de la République, crée l’Observatoire de la parité en 1995, et c’est lors du changement de majorité, en 1997, que la gauche prépare la loi qui sera votée
deux ans plus tard.
Des débats importants vont alors se dérouler, opposant notamment
les républicains les plus « universalistes » aux « paritaristes ». Pour les
premiers, la citoyenneté doit dépasser toutes les différences : la République rend les citoyens égaux. Si certains font l’objet d’un traitement
différencié, alors l’idéal républicain n’est pas respecté. Les paritaristes
argumentent, quant à eux, que si la République consacre une égalité des
droits, elle ne parvient pas à concrétiser cette égalité dans les faits. Il
faut donc intervenir dans la législation. C’est ce qui sera décidé en 2000
avec une loi en deux parties, l’une concernant les scrutins où les candidats se présentent par liste, et l’autre pour les scrutins uninominaux
(notamment les législatives).
On a ainsi pu observer depuis l’instauration de la loi une quasi-parité
dans un certain nombre d’assemblées composées grâce à des scrutins de listes comme les conseils municipaux des villes supérieures à
3 500 habitants et les conseils régionaux. En revanche l’accès aux postes
de maire et de président de conseil régional reste très largement masculin. Pour ce qui est des scrutins uninominaux, où la loi prévoit de pénaliser financièrement les partis ne présentant pas 50 % de femmes parmi
les candidats, la progression de la parité est très lente. L’incitation est
moins efficace que la contrainte. Les partis continuent de présenter plus
d’hommes que de femmes aux élections, quitte à voir leurs subventions
publiques se réduire. Par ailleurs, pour limiter la sanction financière, les
partis peuvent certes présenter plus de femmes, mais dans des circonscriptions jugées difficilement gagnables.
La France, avec 18,9 % de députées et 21,9 % de sénatrices, se situent
en 60e position dans le classement mondial de la représentation des
femmes dans les parlements, juste après le Tadjikistan et devant le Bengladesh.
B
Les consultations électorales :
modes de scrutin et calendrier
électoral
À partir de recherches personnelles, complétez le tableau suivant. Vous
pouvez vous aider de : www.vie-publique.fr, www.interieur.gouv.fr,
fr.wikipedia.org.
Séquence 1 – SE02
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Document n° 11
Type d’élection
Tableau récapitulatif des différents scrutins politiques en France
Qui
élit-on ?
Circonscription
électorale
Type de
scrutin
Mode de
scrutin
Conditions pour
être au second tour
Élections
présidentielles
Élections
législatives
Élections
municipales
(– de 3 500 hab.)
Élections
municipales
(+ de 3 500 hab.)
Élections
cantonales
Élections
régionales
Élections
européennes
a. Les effets du type et du mode de scrutin
Le terme scrutin vient du latin scrutinium qui signifie « action de fouiller ».
Il désigne l’ensemble des opérations qui constituent une élection. En
France, tous les scrutins se déroulent dans la commune, sont secrets et ont
lieu le dimanche.
Il y a plusieurs moyens pour interpréter le suffrage des électeurs. Il existe
en effet plusieurs types et modes de scrutins qui ne sont pas sans conséquence lorsqu’il s’agit de traduire des résultats électoraux en sièges de
représentants. Si bon nombre de scrutins impliquent de dégager une
majorité, ce n’est pas forcément le cas de tous. On peut également voter
pour un candidat ou pour une liste de candidats en fonction des élections. Enfin le nombre de tours de vote a aussi des conséquences très
concrètes sur la sélection des représentants.
La première distinction possible est celle du type de scrutin. Il peut être
uninominal ou de liste. Le scrutin uninominal consiste, pour chaque
organisation politique, à présenter un candidat pour l’accès à un poste.
C’est le cas notamment des élections présidentielles, des élections
législatives ou encore des élections cantonales.
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Séquence 1 – SE02
Le scrutin de liste consiste quant à lui à présenter une liste de candidats,
et à déterminer le nombre d’élus sur cette liste en fonction du nombre de
voix recueillies par la liste.
Le mode de scrutin peut être distingué entre le scrutin majoritaire et
le scrutin proportionnel. Le scrutin majoritaire permet de désigner la
personne (ou la liste) qui va pourvoir un ou plusieurs sièges à partir du
moment où elle arrive en tête. Dans le cas où la majorité absolue des voix
(50 % des voix plus une) est atteinte par un candidat dès le premier tour,
alors l’élection est terminée : ce candidat est élu. Dans le cas contraire,
un second tour est organisé soit avec les deux candidats les mieux placés, ou bien, selon les élections, avec les candidats ayant dépassé un
certain pourcentage des suffrages exprimés.
Le scrutin proportionnel consiste à attribuer un certain nombre de sièges
aux différentes listes en fonction du total des suffrages exprimés. Cela
permet d’assurer une répartition des sièges proche de celle des votes,
c’est-à-dire qui prend mieux en compte la diversité des votes exprimés.
Ainsi les petits partis ont plus de chances de se voir représenter dans
les scrutins proportionnels que dans les scrutins majoritaires. L’inconvénient réside dans le fait que, pour la liste arrivée en tête, il est difficile de
gouverner car elle doit parvenir à réunir une majorité de voix auprès de
formations politiques différentes. Le vote des minorités peut donc s’avérer relativement important pour faire et défaire les majorités.
Il existe un mode de scrutin mixte, qui emprunte à la fois au scrutin majoritaire et au scrutin proportionnel, pour justement éviter l’inconvénient
qui vient d’être mentionné. Dans les faits il s’agit de donner à la liste
majoritaire un nombre suffisamment important de sièges pour pouvoir
gouverner, tout en conservant une dose de proportionnelle permettant
la représentation des petits partis. C’est cette configuration qui prévaut
en France pour les élections municipales dans les communes de plus de
3 500 habitants.
Enfin le nombre de tours peut également avoir une influence sur l’élection. En effet, dans une élection majoritaire à un tour, c’est le candidat
qui a récolté le plus de voix qui est élu. C’est simple mais cela défavorise
largement les autres forces politiques : le parti arrivé en deuxième place
est sous-représenté, les autres n’ont quasiment aucune chance d’avoir
des élus. Cela dépend donc largement de l’implantation locale des
forces politiques, et cela polarise la vie politique autour de deux partis.
C’est notamment le cas de l’élection des parlementaires au RoyaumeUni (« the first past the post »).
Séquence 1 – SE02
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Document n° 12
Résultats des élections législatives en Grande-Bretagne, en 2010
Partis politiques
Nombre
de sièges
% des sièges
% des votes
Conservateurs
306
47,1
36,1
Travaillistes
258
39,7
29,0
Libéraux-démocrates
57
8,8
23,0
Autres
36
4,4
11,9
Total
650
100
100
On observe qu’en 2010 les conservateurs n’ont réuni que 36,1% des
suffrages exprimés mais que le scrutin à un tour leur permet de remporter quasiment la moitié des sièges de la Chambre des communes.
À l’inverse, les libéraux-démocrates ont réuni près d’un quart des votes,
pour finalement avoir moins de 1/10e des sièges.
Les élections à deux tours permettent aux petits partis de nouer des
alliances avec les grands partis, afin d’assurer quand même leur représentation. En se désistant au profit d’un grand parti, les petits peuvent
se voir réserver des circonscriptions. Ainsi les élections à deux tours permettent quand même d’assurer une plus grande représentativité. Cela
dit, les élections à deux tours ont tendance à renforcer le clivage gauche/
droite au détriment du centre. En effet, pour être présent au second tour,
les candidats ont intérêt à mener une campagne qui permet de rassembler le plus grand nombre d’électeurs de leur camp politique. Généralement, il y a plus d’électeurs de droite et de gauche que d’électeurs
du centre, ce qui conduit les deux premiers cités à être au second tour,
laissant le centre sur la troisième marche. Ce n’est qu’au second tour que
les candidats restants vont chercher à séduire les électeurs centristes
ou indécis, ceux qui vont permettre de dégager une majorité. C’est la
théorie de l’électeur médian. Celui-ci est recherché dès le premier
tour lorsqu’une élection ne comporte qu’un seul tour, et seulement au
deuxième dans les élections à deux tours. Les conséquences politiques
sont un renforcement du bipartisme et une convergence des discours et
des programmes des partis à vocation majoritaire.
b. Les effets du calendrier électoral
Outre le type et le mode de scrutin, d’autres éléments viennent influencer la compétition électorale, comme notamment le calendrier électoral.
En France se succèdent les élections nationales, locales, européennes,
selon des rythmes propres à chaque durée de mandat. Voici la frise chronologique de ces dernières années.
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Séquence 1 – SE02
– Municipales
– Cantonales
– Européennes
– Régionales
– Cantonales
– Présidentielles
– Législatives
Calendrier électoral depuis 2007
– Présidentielles
– Législatives
Document n° 13
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Lorsque des élections locales viennent s’intercaler entre deux rendezvous nationaux, les partis d’opposition ont toujours intérêt à nationaliser l’enjeu du scrutin pour pouvoir, en cas de victoire, affirmer que c’est
le bilan de la majorité qui est sanctionné.
Document n° 14
Ce que disent majorité et opposition des élections cantonales
Ségolène Royal, présidente socialiste de la Région Poitou-Charentes, a
exhorté les électeurs ce jeudi à Rochefort, à être bien conscients que les
cantonales de dimanche seront « le dernier vote » avant la présidentielle
de 2012 et à se rendre aux urnes pour faire de ce scrutin « une élection
de sanction contre Nicolas Sarkozy ».
De son côté l’UMP n’a présenté des candidats que dans 56 % des cantons renouvelables. « De nombreux candidats de l’UMP préfèrent se
présenter sous une étiquette de proximité. Ce sont des élections “très
locales” et il est logique qu’ils ne mettent pas en avant leur parti », a
plaidé le Premier ministre François Fillon.
D’après des dépêches AFP des 19 et 24 mars 2011.
Expliquez l’expression « élection de sanction ».
Comment la majorité (UMP) et l’opposition (Parti socialiste) présen-
tent-elles les élections cantonales de 2011 ?
Comme nous l’avons vu dans le premier chapitre de cette séquence,
les Français sont amenés à élire au suffrage universel direct à la fois
leurs représentants à l’Assemblée nationale et le président de la République. Pour que l’exécutif puisse gouverner pleinement, il a besoin
d’une majorité à l’Assemblée nationale qui valide ses projets de lois.
Comme le mandat des députés était plus court que celui du Président,
il est arrivé à trois reprises, sous la Ve République, que la majorité parlementaire ne soit pas de la même couleur politique que le Président. En
1986, suite aux élections législatives, Jacques Chirac (RPR) est nommé
Premier ministre de François Mitterand (PS). Il le restera jusqu’en 1988 :
François Mitterand réélu Président en profite pour dissoudre l’Assemblée
Séquence 1 – SE02
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nationale pour se reconstituer une majorité de gauche. La deuxième
cohabitation a également duré deux ans. Elle commence lorsque la
droite remporte les élections législatives de 1993 – Édouard Balladur
(RPR) devient alors Premier ministre de François Mitterrand – et se termine lorsque Jacques Chirac remporte l’élection présidentielle de 1995.
Enfin, la troisième cohabitation est due à la dissolution de l’Assemblée
nationale prononcée en 1997 par Jacques Chirac. L’opposition remporte
les élections législatives, il y a donc alternance, et Jacques Chirac est
contraint de nommé Lionel Jospin (PS) comme Premier ministre. Celui-ci
le restera pendant toute la durée de la législature (c’est-à-dire la durée
du mandat des députés : cinq ans), donc jusqu’en 2002.
Les cohabitations sont des situations délicates qui peuvent donner lieu à
des conflits à la tête de l’exécutif entre le Président et le Premier ministre
qui ne partagent pas les mêmes orientations politiques. Même si le Président conserve des prérogatives particulières (il reste le chef des armées,
il nomme les ambassadeurs et il représente la France à l’étranger), ses
pouvoirs sont limités en période de cohabitation. C’est pourquoi, en
2000, il a été proposé de ramener la durée du mandat présidentiel de
7 à 5 ans, pour coïncider avec la durée de mandat des députés, limitant
alors le risque de cohabitions futures. De plus, les élections législatives
de 2002 ont été repoussées de quelques mois, de manière qu’elles se
déroulent non plus avant mais après les élections présidentielles. La
conséquence directe de cet aménagement qui peut paraître secondaire
est importante : elles font des élections législatives une simple confirmation des élections présidentielles, assurant au Président qui vient d’être
élu une confortable majorité (il n’y a aucune raison pour que les électeurs changent d’avis dans les quelques semaines qui séparent désormais les deux élections). Auparavant, le fait d’élire les députés avant le
Président pouvait donner plus d’importance à l’élection d’une majorité
parlementaire. Ce changement a donc accentué la présidentialisation du
régime, au détriment des parlementaires.
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Séquence 1 – SE02
C
Quelles évolutions
pour la démocratie ?
Rappels de première
Démocratie représentative/participative
La démocratie représentative est un système politique dans lequel on reconnaît à un organisme le
droit de représenter une nation ou une communauté.
La volonté des citoyens s’exprime au travers de leurs
représentants élus qui incarnent la volonté générale,
votent la loi et contrôlent éventuellement le gouvernement.
Pour certains politologues, la
démocratie telle que nous la
connaissons en Europe serait sur
le déclin. Un décalage toujours
plus grand entre les populations et
leurs représentants se creuse, les
électeurs se sentant déconnectés
des élites qui les gouvernent. Mais
le système perdure, faute d’alternative.
La démocratie participative est une forme de partage
et d’exercice du pouvoir, fondée sur le renforcement
de la participation des citoyens à la prise de décision
politique.
Document n° 15
L’hiver de la démocratie
Abandonnant à ses mythes le carré des intellectuels, le Peuple n’adhère
plus guère à la fiction du gouvernement de tous et pour tous dont se
réclame de plus en plus mollement notre démocratie. Naguère, c’étaient
les élus du suffrage universel qui faisaient à tout le moins semblant de
dépasser les intérêts particuliers pour servir l’intérêt de tous. À présent,
c’est la majorité des électeurs ou des abstentionnistes qui, faute d’imaginer une autre option politique pourtant proche, se donne l’air de vivre
dans un État de la démocratie tardive dont ils soupçonnent pourtant qu’il
ne répond plus à ses prétentions.
Guy Hermet, L’Hiver de la démocratie ou le nouveau régime,
Paris, Armand Colin, 2007.
a. Vers plus de participation
Une relative progression de l’abstentionnisme ces dernières décennies
et le fait qu’un nombre toujours plus important d’électeurs se tournent
vers des partis politiques contestataires vis-à-vis du système ont été
traduits comme une forme de désintérêt pour la démocratie représentative, voire de rejet des représentants. De nouvelles formes de dispositifs
démocratiques ont vu le jour, permettant une participation accrue de la
population dans les débats publics, pour faire des citoyens autre chose
que de simples électeurs qui ne participent qu’au moment de renouveler
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les mandats des représentants. On cite souvent en exemple une des premières expériences de démocratie participative de grande ampleur, le
budget participatif de la ville de Porto Alegre, au Brésil.
Document n° 16
Les défis de la démocratie participative
En moins de dix ans, des milliers de villes à travers le monde ont transformé leurs pratiques démocratiques. Symbole de ce mouvement, le
budget participatif, inventé à Porto Alegre en 1989, est aujourd’hui utilisé par 15 300 communes sur tous les continents. Il s’agit de répondre
aux préoccupations des populations, notamment les plus défavorisées,
souvent exclues de la gestion municipale. Ce que les politologues français Loïc Blondiaux et Yves Sintomer nomment « l’impératif délibératif »
de la modernité s’impose progressivement aux administrateurs et dirigeants de la planète.
Concrètement, il s’agit d’ouvrir les lieux de pouvoir au dialogue, tant
politique que social. On organise donc des espaces (…) qui contribuent
à l’intensification de l’échange entre, d’une part, associations, citoyens,
mouvements et organisations syndicales et, d’autre part, les forces
politiques et les représentants institutionnels. Le plus souvent, ces initiatives sont prises au sein de structures de proximité (municipalités,
arrondissements, unions intercommunales), plus rarement aux niveaux
supra-locaux (régions ou provinces, comme par exemple à Málaga ou
dans les régions italiennes de Toscane et du Latium). (…)
Ces [échanges] ne sont pas stériles, car ils doivent permettre de faire
émerger l’intérêt général de la communauté. La « participation » des
populations s’oppose ainsi à l’inertie de ce que le sociologue Antonio
Tosi appelle la « théorie administrative des besoins ». C’est-à-dire l’incapacité, dans laquelle se trouvent souvent les institutions, de connaître
intimement l’ensemble de leurs territoires, et d’en percevoir les nécessités non exprimées.
Giovanni Allegretti, « Une refondation politique et culturelle »,
Le Monde Diplomatique, octobre 2011.
Selon cet article, quels sont les avantages de ce type de dispositif ?
En France, la démocratie participative est également synonyme de proximité. Une loi adoptée en 2002 a par exemple instauré les conseils de
quartiers dans les grandes villes. L’idée est toujours de rapprocher les
habitants de leurs élus, pour leur permettre de prendre les meilleures
décisions qui soient, dans la poursuite de l’intérêt général.
Il ne faut pas oublier par ailleurs que bien souvent les Constitutions des
pays démocratiques incluent une part relative de démocratie participative par le biais du référendum, forme actuelle de la démocratie directe.
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Séquence 1 – SE02
En France par exemple, il existe plusieurs types de référendums prévus
par la Constitution de la Ve République. Le référendum législatif permet
de faire valider une loi ordinaire par la population. Le référendum constituant est la procédure normale pour faire valider des modifications de la
Constitution. Depuis 2003, les collectivités locales (communes, Départements, Régions) peuvent être à l’initiative de référendum sur leur territoire. Enfin les traités européens ont prévu la possibilité pour un État
membre de l’Union de consulter sa population par référendum pour valider l’adhésion d’un nouveau pays à l’UE.
Toujours au niveau de l’Europe, depuis le 1er avril 2012, une nouveauté
introduite dans le traité de Lisbonne permet aux citoyens européens de
saisir la Commission européenne. Il faut pour cela réunir un million de
signatures (soit 0,2 % de la population de l’UE) en provenance d’un quart
des pays membres (soit sept pays dans l’actuelle UE à 27).
b. Le développement de la démocratie délibérative
La démocratie participative connaît cependant des limites importantes.
En effet, les instances participatives sont le plus souvent réduites à
l’échelle du quartier ou de la ville. Elles servent plus à faire remonter
aux instances élues les problèmes de vie quotidienne que des questions
vraiment politiques. Cette dépolitisation produit deux types d’effet,
selon le sociologue Loïc Blondiaux.
En premier lieu, les espaces participatifs sont souvent réduits à un
théâtre dans lequel s’expriment les intérêts particuliers de ceux qui y
participent. Comment prendre en compte la parole des absents, des
populations qui restent à l’écart car se considérant incompétentes, alors
qu’elles seront affectées si des décisions sont prises ? La somme des
intérêts particuliers correspond-elle forcément à l’intérêt général que
doivent défendre les institutions démocratiques ?
Le second point réside dans le fait que bien souvent les instances participatives restent déconnectées des instances représentatives qui, seules,
prennent des décisions. De plus cet espace de décision se situe souvent
à un échelon géographique supérieur à celui du quartier, limitant l’impact des conseils de quartier sur la prise de décision véritable.
On peut donc préférer à la démocratie participative une autre conception
de la démocratie, la démocratie délibérative.
Document n° 17
Vers une démocratie plus délibérative
Pour permettre aux citoyens de donner leur avis, des conseils de quartier
ont été créés dans les communes de plus de 80 000 habitants, mais ils
ne sont pas satisfaisants en l’état. La participation spontanée y est très
faible et la parole souvent accaparée par les groupes les plus organisés.
Autoriser les gens à parler ne suffit pas. Il ne suffit pas d’appartenir au
monde des « vraies gens » pour avoir un avis informé et être capable de
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l’exprimer en public. Pour que la participation politique ne soit pas que
théâtre, un apprentissage est nécessaire. Des solutions sont à inventer.
Un exemple de telles solutions est fourni par des expériences menées
en Espagne, en Allemagne et au Canada. Des jurys de citoyens, tirés au
sort, sont invités à se prononcer sur une question précise. Ils reçoivent
pendant plusieurs jours des informations sur le dossier qui leur est soumis, puis débattent. Ils rendent enfin un avis, sous forme d’un rapport
rendu public. Les élus doivent y répondre, et justifier leurs décisions. En
Allemagne, des centaines de jurys ont été ainsi mobilisés depuis une
trentaine d’années pour répondre aux questions de gestion locale (relatives aux transports, à la gestion des déchets, à l’animation culturelle ou
aux loisirs…).
Karine Van der Straeten, « De nouvelles pistes
pour revitaliser la démocratie », Le Monde, 11 mars 2010.
La démocratie délibérative cherche à rendre les décisions publiques plus
rationnelles et plus justes. En tirant au sort des citoyens ordinaires, en
les formant pour qu’ils s’expriment sur une question en ayant connaissance d’un maximum d’éléments, on parviendrait à faire émerger un avis
impartial, détaché de l’influence des groupes d’intérêts. Les défenseurs
de ce mode de la délibération citoyenne affirment que celle-ci peut être
mise en œuvre à d’autres échelons que celui des collectivités territoriales : au Parlement, dans les partis politiques, dans les médias, etc.
c. Quelle place pour ces nouvelles formes
auprès de la démocratie représentative ?
La principale limite de ces nouvelles formes de démocratie réside quand
même dans le fait qu’elles restent très liées à la volonté politique des
représentants élus.
Document n° 18
Liens entre démocratie participative et démocratie représentative
Il y a un peu plus de vingt ans, en 1989, Porto Alegre inaugurait son budget participatif ou orçamento participativo (OP). Cette initiative allait inspirer les altermondialistes, réunis dans la capitale de l’État brésilien du
Rio Grande do Sul lors du premier Forum social mondial (FSM), en 2001.
Engagés dans la lutte contre le néolibéralisme, ces derniers estimaient
qu’une telle conception de la démocratie permettrait de redéfinir le rôle
politique et social des citoyens : peu à peu, le budget participatif allait
faire école dans le monde.
Dans le contexte de la démocratisation du Brésil, à la fin des années 1980,
après des décennies de dictature, les associations de quartier s’organisent sous l’égide de l’Union des associations de résidents de Porto
Alegre. De concert avec le Parti des travailleurs — qui remporte l’élection
municipale en 1988 avec M. Olívio Dutra —, elles conçoivent un dispositif de contrôle populaire du budget municipal. Depuis, chaque année,
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Séquence 1 – SE02
les citoyens des dix-sept régions de Porto Alegre (une population totale
d’environ un million et demi d’habitants) participent aux assemblées
plénières régionales et thématiques au cours desquelles ils contribuent
à déterminer les grandes priorités d’investissement qui les concernent.
Ils élisent des représentants, sur la base d’un délégué pour dix citoyens,
pour une période d’un an. Les mandataires déterminent les besoins précis des quartiers et élaborent les projets à mettre en œuvre. En outre,
sont élus quatre conseillers par région et par forum thématique. Ils siègent au conseil du budget participatif. In fine, la démocratie représentative classique parachève le processus : la Chambre des représentants de
Porto Alegre valide l’OP.
Simon Langelier, « Que reste-t-il de l’expérience pionnière de Porte Alegre ? »,
Le Monde Diplomatique, octobre 2011.
Repérer dans ce texte tous les éléments qui montrent que la démocratie
participative a besoin de la démocratie représentative pour fonctionner.
Conclusion
La compétition électorale voit s’affronter des organisations partisanes,
selon des modalités qui ne sont pas sans effet sur la sélection des dirigeants. Si ces derniers semblent s’éloigner des aspirations des citoyens
qu’ils représentent, de nouvelles formes de démocratie se font jour afin
de la revitaliser.
Séquence 1 – SE02
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Contribution des organisations
politiques au fonctionnement
de la démocratie
Nous allons voir dans ce chapitre que les partis ne sont pas seulement
des machines à préparer et présenter des candidats aux postes de
représentants politiques, mais qu’ils contribuent pleinement aux autres
aspects de la vie démocratique, aux côtés d’autres organisations.
Notions à acquérir
Mobilisation électorale, société civile organisée,
(groupes d’intérêts).
Sensibilisation
Document n° 19
Des bénévoles de la campagne de Barack Obama
rappellent ses sympathisants la veille de l’élection
© David McNew/Getty Images North America/AFP.
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Séquence 1 – SE02
Document n° 20
The Movement, une organisation de mobilisation électorale
Le Mouvement est le nom donné à la gigantesque organisation de Barack
Obama qui implique des dizaines de milliers de bénévoles et de professionnels au service du candidat démocrate. Jamais campagne électorale n’avait réussi à mêler aussi bien les nouvelles technologies et les
méthodes traditionnelles des campagnes électorales. The Movement,
c’est la complémentarité entre un gros travail de terrain et l’utilisation
des outils en ligne pour tisser un vaste réseau de soutiens.
L’arme absolue du Mouvement est la collecte de données internet et
téléphoniques. Sur le terrain, le porte-à-porte permet d’enrichir une
immense base de données de coordonnées. Sur Internet, les coordonnées sont également collectées par État mais aussi par origine ethnique.
Ainsi, lors des primaires, l’équipe d’Obama utilisait cette immense base
de données pour envoyer des SMS ou téléphoner aux sympathisants,
en anglais, mais aussi en espagnol pour ceux qui appartenaient à la
communauté hispanique. La publicité à la télévision a aussi été mise à
contribution pour compléter la base de données de soutiens : des publicités demandaient aux téléspectateurs de soutenir Obama en envoyant
« Hope » au 62-262. Aussitôt, les numéros de téléphone portable étaient
enregistrés dans la base de données, celle-ci devenant encore plus complète que les panels des instituts de sondage qui n’ont souvent accès
qu’aux téléphones fixes.
Depuis, « The Movement » a renforcé sa structure en organisant des
stages de formation à destination des bénévoles qui ne s’étaient jamais
engagés dans un parti politique et une campagne électorale : distribution de tracts, apprentissage de la construction d’argumentaire, collecte
de données, organisation des manifestations, « The Movement » a effectué un véritable travail d’éducation civique.
« The Movement : la campagne online et offline très efficace
de Barack Obama », mis en ligne le dimanche 29 juin 2008,
par Anne-Sophie Demonchy.
Expliquer le titre du document 20. En quoi peut-on parler de mobilisation
électorale ?
Séquence 1 – SE02
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A
La mobilisation électorale
par les partis politiques
Les partis contribuent à la formation de l’opinion publique en participant au débat sur les grandes questions qui se posent dans nos
sociétés contemporaines. En proposant des valeurs, des idées et des
programmes, ils permettent aux citoyens de former leur opinion et de
l’exprimer à travers le vote, l’élection de représentants. La mobilisation
électorale peut être définie comme l’ensemble des actions mises en
œuvre par des acteurs divers pour diffuser une « offre politique » et
persuader les électeurs de s’y rallier en apportant leur soutien et leur
vote.
Il ne faut pas confondre mobilisation électorale et campagne électorale.
Le temps de la campagne électorale est plus limité, concentré autour
d’une échéance, d’une date de scrutin. La mobilisation électorale est
certes plus intense pendant les campagnes, mais elle est bien présente
tout le temps. Cela dit, les vraies campagnes électorales telles que nous
les connaissons aujourd’hui, qui mobilisent des militants cherchant à
faire élire un candidat, datent du milieu du XIXe siècle. En effet, avant
cette date, les élections ne se faisaient pas au suffrage universel, mais
au suffrage censitaire (pour être électeur, il fallait être suffisamment
riche pour payer un certain montant d’impôt, le cens). Le corps électoral était donc réduit, les circonscriptions dépassaient très rarement les
800 électeurs : il fallait donc connaître 400 personnes et s’assurer de
leur vote pour être élu. Nul besoin de convaincre sur le fond, les notables
de l’époque achetaient les votes contre certaines ressources (emplois,
logements, terrains, etc.).
C’est avec le suffrage universel masculin (1848) que le corps électoral
passe de quelques dizaines de milliers à plusieurs millions. Les candidats doivent donc mobiliser massivement pour espérer être élus. Mais le
vrai basculement dans la mobilisation de masse s’opère dès lors que la
scène politique connaît de nouveaux acteurs. Aux côtés des notables on
voit apparaître des radicaux, des socialistes, des républicains qui viennent leur contester leur pouvoir. Pour concurrencer ces notables, ils vont
s’appuyer sur des mobilisations collectives qui rendront alors possible le
développement des partis.
Les premières campagnes sont relativement courtes, basées sur des
meetings qui couvrent le territoire et le repérage de la base électorale,
des sympathisants qui seront remobilisés à quelques jours de scrutin pour s’assurer qu’ils iront voter. Ensuite l’apparition des moyens
modernes de communication, et notamment de la télévision, va allonger
les durées de campagne, utiliser les sondages d’opinion pour affiner la
communication politique des candidats. Enfin les campagnes se professionnalisent encore plus dans la période récente, faisant appel, en plus
des sondeurs et des publicitaires, aux professionnels de la communica-
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Séquence 1 – SE02
tion sur Internet, et à l’utilisation de données fines pour cibler au maximum les électeurs potentiels.
Le travail de « terrain » des militants politiques n’a pas pour autant disparu. Les technologies récentes de communication permettent de contacter précisément les électeurs potentiels. Mais les techniques anciennes
comme le porte-à-porte perdurent. Outre l’effet marginal mais reconnu
d’une bonne campagne de terrain sur le résultat de l’élection, celle-ci
permet également pour l’organisation partisane de consolider les liens
qui la rattachent à ses militants. Les campagnes sont des événements
forts qui participent à la construction des représentations que se font les
militants et les soutiens d’une organisation.
B
Le rôle des autres organisations
Il ne faut pas confondre partis politiques d’un côté et groupes d’intérêt
et syndicats de l’autre. En effet, ces derniers ne cherchent pas à conquérir le pouvoir politique comme les partis politiques, mais à influencer
les dirigeants, au profit d’intérêts propres à un groupe social plus ou
moins grand. Cela n’empêche qu’ils participent également à la mobilisation des citoyens, qu’il s’agisse de scrutins à enjeu ou de mobilisation à
propos d’une nouvelle loi ou d’une réforme. Deux exemples permettent
d’illustrer cela.
a. L’exemple du référendum sur le traité établissant
une Constitution pour l’Europe (2005)
Alors que les directions des principaux partis politiques français se sont
prononcées en faveur du traité soumis à référendum, on a vu naître une
mobilisation importante des citoyens qui s’est concrétisée par un taux
de participation très important le jour du scrutin.
Dépassant largement le cadre des seuls partis politiques, de nombreuses
organisations ont participé à la campagne, notamment pour influencer
les électeurs à se prononcer en faveur du Non au référendum. On a ainsi
pu voir des associations, des syndicats et des partis politiques faire des
meetings communs dans toute la France. La participation de la société
civile organisée a donc joué un rôle très important dans la mobilisation
des électeurs. On entend par « société civile organisée » l’ensemble des
organisations qui, d’une certaine manière, représentent des citoyens,
sans pour autant faire partie de l’État, des partis politiques qui visent à
le diriger, ou des entreprises. On retrouve donc derrière ce terme les syndicats, les associations, les organisations non gouvernementales, etc.
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b. L’exemple des mobilisations contre le Contrat
première embauche (2006)
Touchant directement à la question du travail et des législations qui l’entourent, il est relativement logique de voir les syndicats de travailleurs se
mobiliser lorsqu’il a été question d’instaurer un nouveau contrat, dérogatoire au droit du travail, pour les jeunes de moins de 26 ans.
Ainsi la contestation de cette loi a pris des formes diverses tout au long du
processus législatif, de la présentation du projet par le Premier ministre
de l’époque jusqu’à sa promulgation par le président de la République.
En provoquant des manifestations dans tout le pays, les organisations
étudiantes vont sensibiliser l’opinion sur cette question du travail des
jeunes. Les syndicats professionnels vont déposer des préavis de grève,
mobiliser les citoyens et encadrer les contestations aux projets de loi.
Les partis politiques d’opposition vont tenter de ralentir le travail législatif en proposant de modifier au maximum le texte originel. Finalement
le président de la République va quand même promulguer la loi, et le
Conseil constitutionnel la valider. Mais face aux manifestations grandissantes, le Premier ministre a déclaré que « les conditions ne sont pas
réunies pour que le Contrat première embauche s’applique ». Son projet
sera abandonné.
Conclusion
Les partis politiques ne sont pas les seules organisations à faire participer les citoyens aux affaires publiques. En effet, comme nous avons pu le
voir avec ces exemples, les associations, les syndicats, la société civile
peuvent également sensibiliser et mobiliser les individus en vue d’influer sur les décisions que les représentants élus sont amenés à prendre.
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Séquence 1 – SE02
Autoévaluation
Questions à choix multiples
De l’esprit des lois, ouvrage dans lequel est expliquée la théorie de la
séparation des pouvoirs, a été rédigé par :
¨ Winston Churchill
¨ Voltaire
¨ Montesquieu
C’est le gouvernement qui dispose du pouvoir :
¨ législatif
¨ exécutif
¨ judiciaire
Le régime politique des États-Unis d’Amérique est :
¨ parlementaire
¨ présidentiel
¨ ni l’un ni l’autre
En France, c’est le corps électoral au complet qui élit les sénateurs.
¨ vrai
¨ faux
L’Union pour un mouvement populaire est un parti :
¨ de gauche
¨ du centre
¨ de droite
Les premiers partis politiques français de grande ampleur datent du :
¨ XVIIIe siècle
¨ XIXe siècle
¨ XXe siècle
La création du Parti communiste français remonte à :
¨ 1905
¨ 1920
¨ 1972
La part des femmes à l’assemblée nationale est environ de :
¨ 1/5
¨ 1/4
¨ 1/3
La loi instaurant le vote de femmes en France date de :
¨ 1905
¨ 1944
¨ 1978
La loi sur la parité en politique en France date de :
¨ 1978
¨ 1986
¨ 2000
Les élections législatives sont un :
¨ scrutin de liste
¨ scrutin uninominal
¨ scrutin proportionnel ¨ scrutin majoritaire
Séquence 1 – SE02
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Le scrutin à la proportionnelle :
¨ renforce le poids des grands partis
¨ renforce le poids des petits partis
¨ n’a pas d’effet particulier
Un système politique dans lequel on reconnaît à un organisme le droit
de représenter une nation ou une communauté, c’est la définition de :
¨ la démocratie délibérative
¨ la démocratie représentative
¨ la démocratie participative
Les premiers représentants politiques dans les démocraties modernes
étaient des :
¨ notaires
¨ nobles
¨ notables
La mobilisation électorale :
¨ ne dure que le temps des campagnes électorales
¨ est permanente
¨ se fait le jour qui précède une élection
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Corrigés des questions
Document n° 1
Pouvoir législatif : « le prince ou le magistrat fait des lois pour un
temps ou pour toujours, et corrige ou abroge celles qui sont faites » ;
pouvoir exécutif : « il fait la paix ou la guerre, envoie ou reçoit des ambassades, établit la sûreté, prévient les invasions » ; pouvoir judiciaire : « il
punit les crimes, ou juge les différends des particuliers ».
Il est important que les trois pouvoirs s’équilibrent mutuellement pour
garantir la liberté des citoyens. Si la même personne (ou la même institution) concentre toutes les formes de pouvoir, alors elle peut potentiellement restreindre complètement la liberté des autres.
Documents
nos 5, 6 et 7
Un « appareil » est ici à comprendre au sens d’appareil politique. Cela
désigne, pour un parti politique ou un État, l’ensemble des instances de
direction et les personnes qui y participent.
On observe sur les illustrations que des personnes libres se regrou-
pent autour d’une personne, un leader, pour la porter au pouvoir. La
présence de slogan peut parfois renvoyer à des principes, des valeurs,
suivis par le parti en question.
Document n° 8
La gauche accorde une importance première aux valeurs d’égalité et de
solidarité, la droite préfère la liberté et la responsabilité. La justice est
perçue par les premiers comme réparatrice des inégalités, par les
seconds comme protectrice de l’effort individuel.
Document n° 9
Le clivage gauche/droite est une simplification de la réalité dans la
mesure où il s’agit d’une construction sociale. Il n’y a pas deux catégories politiques, mais une multitude de catégories : plusieurs gauches,
plusieurs droites, plusieurs centres, avec des idées qui peuvent parfois
dépasser la séparation gauche/droite.
Document n° 10
Les femmes sont moins bien représentées à l’Assemblée nationale et
dans les conseils généraux. Elles sont mieux représentées dans les
conseils régionaux et au Parlement européen.
Les députés et les conseils généraux sont élus sur leur nom, siège
par siège. Et ce sont plus souvent des hommes qui se présentent. Les
conseillers régionaux et les députés européens sont élus sur des listes,
où la loi oblige les partis politiques à présenter alternativement le même
nombre d’hommes que de femmes.
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Document n° 11 Type
d’élection
Qui
élit-on ?
Élections
Président de
présidentielles la république
Élections
législatives
Élections
municipales
(– de 3500
habitants)
Élections
municipales
(+ de 3500
habitants)
Élections
cantonales
Députés
Conseillers
municipaux
Circonscription
électorale
Type
de scrutin
Mode
de scrutin
Conditions pour
être au second tour
France
Uninominal
Majoritaire
à 2 tours
Les deux candidats
en tête au 1er tour
Uninominal
Majoritaire
à 2 tours
Avoir obtenu
au 1er tour les
suffrages d’au
moins 12,5 % des
électeurs inscrits
Liste
Majoritaire
à 2 tours,
avec panachage
577 circonscriptions en France
Commune
Commune
Conseillers (arrondissement
municipaux pour Paris, Lyon,
Marseille)
Conseillers
généraux
Canton
Liste
Uninominal
Élections
régionales
Conseillers
régionaux
Région
Liste
Élections
européennes
Députés
européens
8 circonscriptions en France
Liste
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Mixte :
à l’issue du
2nd tour, 50 %
des sièges
Listes ayant
attribués à la
obtenu au 1er tour
liste arrivée
au moins 10 % des
en tête,
suffrages exprimés
proportionnelle pour
les sièges
restants
Majoritaire
à 2 tours
Avoir obtenu au
1er tour au moins
10 % des suffrages
exprimés
Mixte :
à l’issue du
2nd tour, 25 %
des sièges
Avoir obtenu au
attribués à la
1er tour au moins
liste arrivée
10 % des suffrages
en tête,
exprimés
proportionnelle pour
les sièges
restants
Proportionnelle
Document n° 14 Dans une élection de sanction (ou vote sanction), on perçoit le résul-
tat du scrutin davantage comme une opposition à la politique effectuée
jusqu’à maintenant par le vaincu plutôt qu’une validation du programme
du vainqueur. Ici, Ségolène Royal, socialiste, appelle les électeurs à
voter pour les candidats de son parti aux cantonales pour « sanctionner » le président de la République, étant donné qu’elle n’est pas de la
même couleur politique.
La majorité, par la voix de François Fillon, affirme que les élections
cantonales sont des élections « très locales », qui n’ont pas grand-chose
à voir avec la politique du gouvernement. Cela justifie pour lui le fait que
des candidats de son bord politique ne se présentent pas avec l’étiquette
de son parti. Pour l’opposition, Ségolène Royal « nationalise » l’enjeu du
scrutin en appelant les électeurs à se prononcer contre la politique du
gouvernement au travers d’élections locales.
Document n° 16
Les avantages de la démocratie participative résident dans le fait qu’elle
est censée permettre de rapprocher de la politique les populations qui
en sont généralement les plus éloignées. Elle permet également d’intensifier les échanges entre les représentants de la société civile (associations, syndicats, etc.) et les élus issus de la démocratie représentative.
Enfin, elle permet de faire émerger l’intérêt général, ce que l’administration a du mal à faire, faute de connaître parfaitement les territoires sur
lesquels elle exerce son pouvoir.
Document n° 18
Dans un premier temps, les associations qui portaient le projet de budget participatif ont eu besoin que le Parti des travailleurs emporte les
élections et adopte cette idée. Ensuite, on observe une dose de représentation dans le dispositif participatif dans la mesure où les citoyens
doivent élire des mandataires, des délégués pour les représenter. Enfin,
c’est la « démocratie représentative classique qui parachève le processus », puisque la décision finale revient aux élus de la commune de Porto
Alegre.
Document n° 20
On peut parler de mobilisation électorale dans la mesure où The Movement, l’association de bénévoles et de professionnels pour faire élire
Barcak Obama en 2008, est chargé de récolter des informations sur les
électeurs potentiels du candidat démocrate, de les mobiliser dans sa
campagne électorale et de s’assurer qu’ils se déplacent le jour du scrutin
pour voter pour lui.
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Corrigé de l’autoévaluation
Montesquieu
Exécutif
Présidentiel
Faux
De droite
Du XXe siècle
1920
1/5
1944
2000
Scrutin uninominal majoritaire
Renforce le poids des petits partis
Démocratie représentative
Notables
Est permanente
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