Aux urnes puis en masse dans la rue

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Produit de Russia Beyond the Headlines
Distribué avec
L’objectif, instrument
de torture esthétique
Avant d’exposer à Paris,
Oleg Dou exprime sa vision
de la photographie.
P. 7
Des recettes pour
le Nouvel An
Découvrez les traditions et
quelques bonnes choses au
menu du réveillon russe de
la Saint-Sylvestre.
Publié en coordination avec The Daily Telegraph,
The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux
P. 8
PHOTOXPRESS
Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu
Jeudi 15 décembre 2011
Aux urnes puis en masse dans la rue
ÉCONOMIE
Sanofi-Aventis
renforce son
ancrage russe
Le groupe pharmaceutique
français a pris l’option de produire son insuline sur le sol et
pour le marché russes dans la
région d’Oriol, où il a déjà investi 28 millions d’euros.
PAGE 3
CULTURE
La victoire étriquée de Russie
Unie, le parti de Vladimir Poutine, aux élections législatives
du 4 décembre a été ressentie
comme un coup de semonce
pour le pouvoir. L’opposition
a hurlé à la fraude électorale
massive et réussi à mobiliser
des foules sans précédent depuis la chute de l’URSS. Du
coup, la vie politique russe en
sort revivifiée. Le pouvoir
cherche désormais des solutions pour reprendre le dessus
avant les présidentielles du 4
mars prochain.
VITALI RASKALOV
POUR EN SAVOIR PLUS PAGES 2 ET 6
Vingt ans après l’URSS : visitez l’expo à Paris. Ci-dessus :
l’affiche de Chostia et Kravtchenko, « Vérité sur l’écologie
pour tous ! », 1989.
ONU La Russie préside le Conseil de sécurité en décembre
PHOTO DU MOIS
Niet à un scénario
libyen pour la Syrie
Miss Beauté de Russie 2011
JEAN-LOUIS TURLIN, NORA FITZGERALD
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Pour le dernier mois d’une année
marquée par les révoltes dans le
monde arabe, la Russie assume
la présidence tournante du
Conseil de sécurité des Nations
Unies. Alors que la répression
sanglante des manifestations se
poursuit en Syrie, l’hypothèse
d’une résolution appelant à des
sanctions contre le régime de Bachar Al Assad pourrait être relancée. Mais Vitaly Tchourkine,
Représentant permanent de la
Fédération de Russie depuis cinq
ans auprès de l’ONU, explique
dans un entretien exclusif qu’il
nous a accordé à New York en
SUITE EN PAGE 2
Moscou loin
des clichés
Finale du concours « Beauté
de Russie 2011 » : la gagnante
de l’année 2010, Daria Konova-
lova, félicite Natalia Pereverzeva, étudiante moscovite de
3ème cycle, âgée de 23 ans.
Très haute vitesse
La vie au grand froid
Après le nouvel accord franco-russe, le nombre d’enfants venus de Russie risque
de chuter. Entretien avec
l’ancienne présidente d’une
association spécialisée.
Les chemins de fer russes invitent
les sociétés étrangères à répondre aux appels d’offres pour
la haute et très haute vitesse.
Deux groupes français, Alstom
et la SNCF, sont sur les rangs.
Ou comment les Russes s’accommodent des rigueurs
hivernales (qui font oublier le
réchauffement climatique). Et ils
aiment toujours autant les bains
glacés suivis du bania !
PHOTOXPRESS
Adoptions : le frein
PAGE 2
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LOISIRS
RIA NOVOSTI
Le vote d’une intervention
humanitaire n’est pas un blancseing pour un changement de
régime, explique l’ambasseur de
Russie auprès des Nations
Unies, Vitaly Tchourkine.
quoi la situation syrienne diffère
de celle de la Libye, pour laquelle
la délégation russe avait voté une
première résolution autorisant
une intervention humanitaire,
avant de s’abstenir sur une seconde qui instaurait une zone
d’interdiction de survol.
« Dans nos déclarations après
l’adoption de cette résolution,
nous avons clairement exprimé
nos craintes de la voir conduire
à un usage excessif de la force »,
rappelle V. Tchourkine, avant
d’indiquer que « ce qui s’est passé
en Libye dans la réalité a influencé notre façon de penser sur la
question syrienne ».
SERVICE DE PRESSE
La chute de
l’empire en
images
PAGE 3
La capitale russe ne jouit pas
des mêmes préjugés favorables
que sa rivale Saint-Pétersbourg.
Mais les clichés qui la stigmatisent sont loin de la vérité.
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LORI/LEGION MEDIA
ILIA VARLAMOV
02
Politique & Société
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr
communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA
distribué AVEC LE FIGARO
ONU : l’intervention
en Libye a refroidi
Moscou sur la Syrie
suite de la premiÈre PAGE
Russie Unie
l’emporte dans
la douleur et la
contestation
Le parti du pouvoir a perdu la
majorité absolue pour ne garder
qu’une majorité simple au
Parlement. Restent les doutes
sur la légitimité du scrutin...
Artem zagorodnov
La russie d’aujourd’hui
Priorité au dialogue avec l’Iran
Vitaly Tchourkine maintient que
pour la Russie, opposée à de nouvelles sanctions, la voie diplomatique reste le meilleur moyen
d’empêcher l’Iran d’acquérir des
armes nucléaires. Les inquiétudes
manifestées lors de la publication
du dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique n’y changent rien : « Nous
continuons de l’analyser mais à
première vue, il n’ajoute rien à la
connaissance générale ».L’ambas-
sadeur voit dans les fuites
et les commentaires précédant la sortie du rapport « une
opération de relations publiques » mais se dit encouragé
« qu’après la publication, le
Conseil des gouverneurs de
l’Agence ait adopté une résolution appelant l’Iran à renforcer
sa coopération avec elle et réaffirmé l’intention de la communauté internationale de poursuivre le
dialogue » .
­ embres permanents du Conseil
m
(les États-Unis, la France et le
Royaume-Uni). « Le courageux
peuple syrien voit nettement qui,
dans ce Conseil, soutient son aspiration à la liberté et aux droits
de l’homme, et qui l’ignore », déclara la Représentante américaine, Susan Rice. Son homologue
français Gérard Araud alla plus
loin : « Les appels de la Ligue
Arabe à faire cesser l’effusion de
sang, les déclarations des pays
du voisinage, les souffrances du
peuple syrien montrent bien que
ce veto est à contre-sens de l’histoire qui se déroule en Syrie et
dans toute la région ».
Vitaly Tchourkine a une autre
vision de la situation : « Oui, il
y a eu de grandes manifestations
pacifiques dans certaines parties
du pays, mais il y a eu aussi des
attaques violentes contre les institutions gouvernementales et
cette tendance s’est accentuée.
Ce qu’a fait la Russie, c’est ­­qu’elle
est restée en pourparlers permanents avec les autorités et l’opposition syriennes, et elle a prié
les membres de la communauté
internationale de pousser les Syriens au dialogue, parce que nous
« Si la Syrie plongeait
dans la guerre civile
(...), nulle résolution
de l’ONU ne nous
aiderait... »
pensons fortement que pour instaurer le dialgoue, les gens qui,
en Syrie, veulent vraiment le
changement doivent se dissocier
des extrémistes violents.Nous ne
voulons pas croire que le régime
d’Al Assad ne peut pas changer ».
reuters/vostock-photo
« On a assuré aux membres du
Conseil de sécurité que la résolution 1973 [NDLR : la seconde
résolution sur la Libye] ne signifiait pas ‘changement de régime’,
qu’il s’agissait uniquement de
protéger les populations civiles,
ce qui nécessitait qu’on élimine
quelques installations anti-aériennes mais ce ne serait en
aucun cas une opération militaire majeure , explique l’ambassadeur russe. Puis, très vite, on
nous a dit qu’il fallait en fait
changer le régime et s’attaquer
à Kadhafi pour appliquer la résolution. C’est quelque chose que
nous n’avons pas apprécié, car
nous étions en face d’un cas flagrant de détournement des prérogatives du Conseil de sécurité,
ce qui portait atteinte au prestige du Conseil et à sa capacité
d’agir efficacement à l’avenir ».
Pour la Fédération de Russie, l’un
des cinq membres permanents
du Conseil de sécurité, il n’était
pas question de laisser le scénario libyen se reproduire : « Dans
le cas de la Syrie, nous avons vu
ce projet de résolution, qui ne
contenait pas de sanctions particulièrement sévères, mais qui
entraînait le Conseil de sécurité
et la communauté internatio­nale
sur la voie de l’affrontement avec
la Syrie, et qui attisait aussi l’affrontement à l’intérieur du
pays ». D’où le veto russe, conjugué à celui de la Chine.
Cette position fut vivement critiquée par les trois autres
Vitaly Tchourkine à la sortie d’une séance du Conseil de sécurité.
Tchourkine a beau jeu d’opposer
l’impatience des Occidentaux sur
la Syrie à leur volonté de négocier pendant de nombreux mois
pour obtenir le départ du Président du Yémen, Ali Abdallah
Saleh, et, dans le cas du Barheïn,
aux appels des États-Unis au dialogue, malgré d’interminables manifestations des opposants au régime : « Nous sommes très heureux
de l’accord politique qui vient
d’être signé au Yémen après des
mois de négociations. La communauté internationale a su se montrer patiente et a encouragé les
deux parties à dialoguer, bien qu’il
y ait eu, je pense, plus de sang
versé au Yémen que ces derniers
mois en Syrie. Dans de telles situations, la communauté internationale devrait toujours appuyer la recherche d’une solution
par le dialogue plutôt que d’ajouter à l’agitation intérieure ».
Mais pour l’instant, même les efforts diplomatiques de la Ligue
arabe n’ont guère ébranlé la détermination du régime syrien :
« Si le dialogue échoue, conclut
l’ambassadeur, la Syrie peut
plonger dans la guerre civile, ce
qui aurait de graves consé­
quences pour toute la région et
nulle résolution de l’ONU ne
nous aiderait » à sortir de la
crise.
en ligne
Retrouvez sur notre site Web l’intégralité de l’entretien que l’AmbassadeurVitaly Tchourkine nous
a accordé sur un large éventail
de sujets.
Consultez
larussiedaujourdhui.fr/
13052
Entretien avec Katia Vilarasau
Un frein aux démarches individuelles
D’où viennent vos craintes ?
Les adoptions individuelles ne
seront plus possibles pour les
Français en Russie. Il ne restera
plus que trois agences accréditées (l’AFA et 2 OAA) qui, même
en fonctionnant merveilleusement bien, ne pourront pas faire
face à la demande.
Comment se déroulaient les adoptions jusqu’ici ?
Les Français ont commencé à
accueillir des enfants russes à la
fin des années 1990. Il existait
deux voies au début : indivi­duelle
ou via une agence. Pour la première, il fallait obtenir une autorisation de l’administration française, passer un examen, obtenir
les papiers exigés par les autorités r­usses, venir en Russie pour
une audition au ministère. Ou
dressé une « liste noire » de ­toutes
les organisations qui auraient
omis de présenter ne serait-ce
qu’un seul rapport. Cette liste,
aujourd’hui, interdit l’adoption
en Russie aux familles résidant
dans 53 départements français,
dont Paris, c’est-à-dire plus de la
moitié du pays. Les papiers ont
été perdus par quelqu’un ; résultat : toute la région est punie.
archives personnelles
Après la signature de l’accord
sur les adoptions entre la Russie et la France, le nombre d’enfants venus de Russie risque de
chuter spectaculairement.
Dans le cadre du seizième séminaire intergouvernemental
­France-Russie, qui s’est déroulé
à Moscou au mois de novembre,
un accord bilatéral sur la coopération dans le domaine de
l’adoption d’enfants russes a été
signé par les deux pays.
Cet accord a été reçu avec inquiétude par l’association
APAER, qui rassemble les familles ayant adopté des enfants
de Russie. Son ancienne présidente, Katia Vilarasau, a répondu à nos questions.
Katia Vilarasau, son mari et leur enfant adopté.
alors, on pouvait s’adresser à une
a­gence officielle, basée en Russie, autorisée à accomplir des
adoptions. Mais dans ce cas il
fallait s’armer de patience. Il
n’existe que trois agence de ce
type et chacune ne peut traiter
que 50 à 60 dossiers par an.
de lapart des familles ayant adopté. La Russie en exige quatre. Le
premier,six mois après la décision
du tribunal,puis au bout d’un an,
et pendant trois ans. Dans certaines régions, comme Ekaterinbourg,il faut fournir des rapports
jusqu’à ce que l’enfant ait 18 ans.
Existe-il des problèmes particuliers liés à l’adoption en Russie ?
Chaque pays exige des rapports
Enquoicesdifficultésnuisent-elles
au processus d’adoption ?
En 2009, les autorités russes ont
Combien de familles françaises attendent leur tour aujourd’hui ?
Il y a près de 1 000 familles sur
la liste de l’AFA, mais certainement beaucoup plus en réalité.
Au moins 1 200 à 1 500 familles
seraient heureuses d’adopter un
enfant en Russie.
Pourquoi les Français choisissentils des enfants en Russie ?
Surtout pour le sérieux de la procédure d’adoption en Russie, et
la proximité culturelle et historique des deux pays.
Vous-même l’avez choisie…
Oui, nous avons adopté notre fils
Les adoptions d’enfants russes en France
dans la région d’Irkoutsk. Il fallait faire 26 heures de route depuis Irkoutsk pour arriver dans
sa ville natale, Ust-Ilimsk. Il avait
sept mois. Nous sommes arrivés
dans un petit orphelinat, et avons
été accueillis par un personnel
attentionné, des nourrices qui
s’occupaient très bien des enfants. Nous étions les premiers
étrangers à être allés si loin. La
directrice nous a fait visiter l’orphelinat : la cuisine, le préau, et
des enfants d’une autre section,
un peu plus vieux, de 18 mois à
trois ans. Quand nous sommes
entrés, ils étaient assis en train
de goûter. Ils se sont tous figés
en nous voyant, comprenant que
cela pouvait être papa ou maman.
Ils nous regardaient, sans bouger, comme des statues. Un petit
garçon s’est levé subitement et
nous a tendu son biscuit. Nous
étions bouleversés.
Certaines familles, dit-on, aident
l’enfant à oublier la Russie en identifiant ce pays au malheur ?
Je pense que c’est très rare. Les
familles françaises sont généralement fières de leurs enfants
adoptés en Russie et n’ont aucun
désir de tout détruire. La ­preuve :
quand nous organisons tous les
ans une fête du Nouvel An à
l’ambassade de Russie à Paris,
de plus en plus de familles expriment leur désir de participer,
bien que beaucoup doivent venir
de loin à leurs frais.
Propos recueillis par
Natalia Kopossova
Les résultats des élections législatives maintiennent la position
de leader du parti au pouvoir
Russie Unie au sein de la ­chambre
basse du Parlement russe (49,3%),
la Douma d’État. Un résultat
toutefois beaucoup plus faible
que les 64,3% enregistrés lors des
dernières élections, en 2007. Le
parti ne pourra désormais compter que sur 238 des 450 sièges,
contre 315 actuellement. Les
­sièges restants seront répartis
proportionnellement entre les
trois autres forces parvenues à
franchir le seuil électoral de 7%
des voix. Mais le fait majeur du
scrutin est que le parti de Vladimir Poutine a perdu la majorité
constitutionnelle des deux tiers,
qui lui permettait d’amender la
Constitution russe sans le soutien de tous les autres partis politiques. « Nous devrons con­clure
des accords par le biais de coalitions et de blocs [au sein de la
prochaine Douma d’État]. C’est
la démocratie », a commenté le
Président Dmitri Medvedev, qui
dirigeait la liste de Russie Unie.
Dans l’opposition, on crie à la
fraude électorale. « Nous avons
reçu des milliers d’appels depuis
les bureaux régionaux confirmant des violations et des fraudes massives », a rapporté la
BBC, citant le chef adjoint du
parti communiste Ivan Melnikov.
L’Internet regorge de vidéos de
citoyens filmant des scènes suspectes. De nombreuses villes ont
vu défiler des manfestants réclamant (comme l’ancien chef de
l’État soviétique Mikhaïl Gorbatchev) l’annulation du scrutin
et de nouvelles élections.
Il s’agit de la première Douma
à être élue pour un mandat de
cinq ans (au lieu de quatre),
conformément aux modifications
constitutionnelles adoptées en
2008. Les prochaines élections
auront lieu en 2016.
lire aussi les opinions exprimées
en page 6.
EN BREF
La gratuité des
soins en question
photoxpress
Le Président Dmitri Medvedev
a signé une loi fragilisant le
sacro-saint principe de gratuité des soins. La loi cherche à
mettre un terme aux pots-devin, mais du coup légalise les
services médicaux payants dans
les établissements d’État. Ce
qui, disent les critiques, constitue une étape vers la généralisation des services payants.
­Toutes les Constitutions russes
depuis 1936 jusqu’à l’actuelle
- adoptée en 1993 - men­tionnent
la gratuité des soins comme un
droit inaliénable. Mais il s’agissait d’un droit systématiquement violé, surtout à l’époque
post-soviétique immédiate, lorsque le système de santé était
miné par un financement insuffisant et commençait lentement à s’effondrer.
Économie
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr
communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA
distribué AVEC LE FIGARO
03
Transports Les investisseurs étrangers vont jouer un rôle important dans la modernisation du rail russe, « poumon » du pays
Axes du développement :
la très haute vitesse et le fret
Les chemins de fer russes
(Rossiiskie Jeleznie Dorogui, ou
RJD) se modernisent
rapidement et invitent les
groupes étrangers à participer à
de gros appels d’offres.
Extension du réseau haute et très haute vitesse d’ici à 2018
Paul duvernet
La russie d’aujourd’hui
Dans aucune autre nation, le développement des réseaux ferrés
n’est plus crucial qu’en Russie.
Pas seulement parce que c’est le
pays le plus vaste de la planète,
mais aussi parce que les conditions climatiques extrêmes et sa
position géographique entre
l’Europe et l’Asie octroient au
train un avantage concurrentiel
certain par rapport aux autres
moyens de transport.
Conscients du potentiel fantastique des réseaux ferrés, les pouvoirs publics russes consentent
des efforts croissants pour moderniser l’infrastructure et le matériel roulant de RJD, en invitant les grands groupes industriels
mondiaux du secteur à y participer. RJD n’est pas une société
comme les autres. C’est l’un des
plus gros employeurs au monde
avec 950 000 salariés (1,3% de
la population active). RJD opère
le troisième réseau à l’échelle
mondiale après les États-Unis
et la Chine, avec 85 200 km de
voies utilisées, et transporte 947
millions de passagers par an.
L’entreprise représente aussi
1,9% du PIB russe. Toutes ces
caractéristiques font de cette entreprise 100% publique un actif
stratégique pour le pays.
RJD prévoit de dépenser environ
29 milliards d’euros dans les trois
Le rail est crucial pour
l’économie russe car il
transporte les richesses
du pays : pétrole,
métaux, charbon
EN Chiffres
6
milliards d’euros : c’est
le montant des impôts
versés par la compagnie
ferroviaire au budget russe, qui
en font l’un des plus importants
contribuables du pays.
La grille des partenariats avec les
constructeurs étrangers
9
milliards d’euros : c’est le
total des investissements
réalisés par RJD au cours
de l’année 2011, dont 1,14 milliard
au titre du rénouvellement du
parc roulant.
Industrie L’insuline est désormais fabriquée en Russie
Sanofi-Aventis a
pris l’option de la
production locale
Numéro trois des groupes
pharmaceutiques mondiaux, le
français Sanofi-Aventis avait de
bonnes raisons d’impanter la
production de l’insuline que la
Russie n’importe plus.
d’insuline par an. « Nous avons
apporté tout notre savoir-faire
et la maîtrise des nouvelles tech­
nologies en matière de fabrica­
tion d’insuline. Nous sommes les
seuls sur le marché en Russie »,
affirme Galkova.
La Russie compte 3,1 millions
de patients atteints de diabète
mais les experts estiment que le
chiffre est en fait trois à quatre
fois plus élevé. « Les capacités
de production de l’usine sont suf­
fisantes pour répondre au besoin
du marché russe tant en insu­
line analogue, qu’en insuline hu­
maine », assure Galkova.
Jusqu’à maintenant, produire
l’insuline en Russie n’était pas
rentable. En 1989, le ministère
Vladimir rouvinski
de la Santé de l’URSS avait interdit la production d’insuline,
car celle-ci était de mauvaise
qualité (extraite du pancréas de
porc), et décrété l’importation
depuis l’étranger d’une insuline
fabriquée à partir de micro-organismes saprophytes. Depuis,
la production d’insuline avait été
abandonnée.
Ouvrir une usine en Russie ne
présentait aucun intérêt ni pour
les sociétés russes, ni pour les
étrangères : l’insuline était considérée comme un produit stratégique, exonéré des taxes douanières et son achat était financé
par l’État.
Le regain d’intérêt de la part de
Sanofi pour la production sur le
territoire russe est lié au programme fédéral d’aide complémentaire en médicaments pour
les plus démunis, qui couvre un
tiers du marché pharmaceutique
et représente 2 milliards de dollars. Et 70% de cette somme est
destinée exclusivement à des producteurs nationaux. Un producteur d’insuline implanté sur le
territoire russe obtient ainsi, d’office, un marché garanti.
itar-tass
La russie d’aujourd’hui
L’usine de production d’insuline
« Sanofi-AventisVostok », ac­quise
par le groupe dans la région
d’Oriol en 2010 pour près de 28
millions d’euros, selon les experts, fonctionnera au maximum
de sa capacité dès 2012.
« C’est la première et la seule fa­
brique d’insuline de dernière gé­
nération en Russie. Et la qua­
trième plateforme mondiale pour
le groupe, après l’Allemagne, les
États-Unis et la Chine », affirme
Tatiana Galkova, directrice de
la communication de Sanofi Russie. Selon elle, cette usine est capitale pour le groupe.
Présente en Russie depuis déjà
1970, Sanofi est devenue le leader du marché pharmaceutique
sur la gamme de médicaments
contre le diabète, le cancer, les
maladies cardio-vasculaires et
du système nerveux central.
Au début 2011, l’usine lança la
production de stylos injecteurs
d’insuline permettant aux diabétiques de faire leurs injections
eux-mêmes sans aide médicale.
L’usine était capable de pro­duire
de 15 à 30 millions cartouches
prochaines années et 300 milliards d’euros d’ici à 2030 afin de
moderniser ses lignes et son matériel roulant, se hissant ainsi au
niveau européen. Il s’agit de
construire 20 000 km de nou­velles
voies, remplacer 20 000 locomotives et 30 000 wagons de passagers. La densité du réseau doit
augmenter de 24% d’ici à 2030.
L’un des principaux efforts de la
modernisation vise à développer
la haute vitesse ferroviaire.
L’exemple européen, et français
en particulier, a démontré les bénéfices économiques apportés par
le TGV, qui a stimulé la crois­sance
économique, créé des emplois et
grandement aidé le secteur industriel des transports.
À l’usine Sanofi-Aventis Vostok dans la région d’Oriol.
Première ligne du projet, celle qui
reliera sur 660 km et en 2h30 la
capitale Moscou à Saint-Pétersbourg. Ce projet de 16,8 milliards
d’euros verra un train circuler
jusqu’à 400 km/h et transporter
à partir de 2018 jusqu’à 10 millions de passagers par an. La
construction doit commencer dès
2013. Les groupes français SNCF
et Alstom ont déjà annoncé leur
candidature, ainsi que l’allemand
Siemens. Les entreprises de Corée
du Sud et de Chine vont probablement se joindre au concours.
Le ou les vainqueurs devront en
partie financer le projet et seront
chargés de la conception comme
de la construction et de la maintenance sur 30 ans. Le PDG de
la SNCF, Guillaume Pépy, est enthousiaste : « La Russie est en
droit d’avoir des ambitions dans
le développement de la haute vi­
tesse ferroviaire ». Il estime que
la construction de la voie à très
haute vitesse Moscou-Saint-Pé-
Urbanisme Un projet digne du Grand Paris
Main tendue à
l’étranger pour le
« Grand Moscou »
Le maire de la capitale russe va
faire appel à l’expertise internationale pour le projet de doubler
la superficie de la ville, réduire
les problèmes de circulation et
attirer les investissements.
paul duvernet
La russie d’aujourd’hui
« Nous allons lancer cette année
un appel d’offres pour créer un
concept de développement vi­
sant à intégrer Moscou et sa ré­
gion dans une agglomération »,
a déclaré Sergueï Sobianine,
maire de la capitale russe depuis
un an et demi. La mairie s’est
récemment ouverte à l’expertise
internationale et recherche des
architectes et des urbanistes de
toutes origines pour la gigan­
tesque expansion de Moscou prévue dans les toutes prochaines
années. Sergueï Sobianine s’exprimait à l’occasion du premier
« Moscow Urban Forum » organisé les 7, 8 et 9 décembre dernier dans la capitale. De nombreux invités internationaux se
sont déplacés, dont le ministre
français de la Ville Maurice
Leroy, accompagné d’une délégation représentant le projet du
Grand Paris. Le ministre a dit
voir « beaucoup de similitudes
entre le ‘Grand Moscou’ et le
Grand Paris, tant en termes de
transports que de création de lo­
gements et de développement
économique. Nos capitales sont
en définitive confrontées aux
mêmes problèmes ».
Plus grande ville d’Europe avec
11,5 millions d’habitants (auxquels il faut ajouter entre deux
et trois millions de résidents non
enregistrés), Moscou s’apprête à
doubler sa superficie afin de décongestionner le centre-ville. De
nombreuses administrations vont
déménager en périphérie. La
mairie va consacrer environ 35
milliards d’euros aux transports
au cours des cinq prochaines années, donnant la priorité aux
transports en commun. La capitale russe souffre plus qu’aucune autre métropole occidentale
de problèmes de bouchons en
raison d’une mauvaise planification. Le métro va con­naître un
développement rapide avec la
construction de 30 stations sur
les cinq prochaines années, pour
un investissement de 12 milliards
d’euros. Tous ces travaux donneront lieu à des appels d’offres
internationaux, a indiqué le
maire de Moscou.
Au sein de la délégation française, une source émet quelques
réserves : « ce sont des groupes
russes qui vont remporter les ap­
pels d’offres, mais nous espérons
nous associer à certains projets.
Nous sommes venus ici pour
montrer l’exemple réussi du
Grand Paris et faire valoir notre
expertise par rapport aux concur­
rents anglo-saxons ».
tersbourg est un projet « très sti­
mulant et d’une importance
­énorme, qui va ouvrir une nou­
velle ère ».
En outre, RJD veut parallèlement
construire une deuxième ligne
reliant la capitale à l’Oural, c’està-dire passant par Vladimir, Nijni-Novgorod, Kazan et Ekaterinbourg. Au total, 1 600 km en
huit heures de trajet avec des
pointes à 400 km/h et un calendrier similaire, soit un début
d’exploitation pour 2018. L’objectif étant clair : il s’agit d’être
prêt pour la Coupe de monde de
football, qui sera organisée dans
les villes traversées par le futur
train à haute vitesse. Le coût de
cette deuxième ligne est estimé
à 31,6 milliards d’euros.
L’autre grand axe du développement de RJD concerne le transport de fret. Un rôle crucial pour
l’économie russe puisque le rail
transporte toutes les richesses du
pays : pétrole, métaux, charbon.
RJD voit plus loin et souhaite
élargir sa fonction à celle de corridor entre l’Europe et l’Asie (axe
transsibérien), mais aussi vers le
sud (axe transcaspien jusqu’au
golfe Persique). La route ferroviaire vers la Chine est deux fois
plus courte en temps que la voie
maritime. Selon Guillaume Pépy,
« il existe un marché (…) pour le
transport de fret entre l’Eu­rope
et l’Asie par la voie transsibé­
rienne », un trajet qui durera
« entre une et deux semaines ».
Selon lui, « RJD, Deutsche Bahn
et la SNCF travaillent déjà » sur
un projet de livraison de vêtements fabriqués en Chine destinés au marché européen. Dans le
sens inverse, il existe déjà un train
qui transporte des pièces automobiles de Vesoul vers Kalouga
(200 km au sud de Moscou). Nul
doute que le transsibérien va cesser d’évoquer simplement un
voyage romantique vers Pékin :
il ouvrira des perspec­tives économiques pour des milliers de
PME européennes.
EN BREF
Distribution : la
Russie attractive
La Russie se classe au troisième rang mondial des pays les
plus attractifs pour les chaînes
internationales de distribution,
d’après un récent sondage effectué par le cabinet d’étude
CBRE. L’Italie, l’Allemagne, la
Russie, l’Espagne et la France
se partagent les cinq premières
places. Un tiers des sociétés interrogées souhaitent investir
dans ces cinq pays, où les investissements étrangers depuis
janvier s’élèvent à 764 millions
d’euros.
affaires
à suivre
colloque au sénat :
rencontres ubifrance russie 2011
15 et 16 décembre, paris, sénat
palais du luxembourg
Pour ce rendez-vous annuel du
monde des affaires franco-russe, UBIFRANCE a rassemblé les
meilleurs experts, les acteurs
ayant une expérience de terrain
et une présence permanente en
Russie. Juristes, fiscalistes, experts-comptables, sociétés de
commerce international seront
là pour vous aider à définir votre
stratégie gagnante en Russie.
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04
Économie
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr
communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA
distribué AVEC LE FIGARO
Innovation La coopération avec les grands groupes industriels internationaux dans différents secteurs de pointe est en route
La technopole de Skolkovo
doit faire ses preuves
Objectif affiché : devenir la
locomotive de l’économie russe.
Rome ne s’est pas faite en un
jour, et les moyens engagés
devront correspondre aux
ambitions.
EN Chiffres
29
milliards d’euros ont
été investis par l’État
russe dans les différents projets d’innovation au cours
de l’année 2011, d’après Olga Ouskova, la présidente du NAIRIT.
Alexandre vostrov
spécialement pour
La russie d’aujourd’hui
Les Allemands attentifs
Avec Siemens, par exemple. Le
contrat prévoit un développe­
ment échelonné et compte, vers
2015, employer environ 150 per­
sonnes. Certains projets seront
23%
des projets
d’innovations sont
le fait de jeunes. 9% des diplômés
russes veulent devenir chercheurs.
28%
dmitry astakhov/ria novosti
Le projet de la « Silicon Valley »
russe est de créer au sein de la
technopole des centres de re­
cherche et d’attirer les grosses
sociétés internationales dès le
stade préliminaire d’un projet.
Roman Romanovski, directeur
du département des partenaires
clés de la Fondation Skolkovo,
explique : « Notre objectif premier est la création d’un espace
et de conditions optimales pour
interagir. Skolkovo ne s’inté­resse
pas exclusivement aux jeunes
pousses. Mais ne se limite pas
non plus aux projets de grandes
entreprises Nous voulons assurer au sein de Skolkovo un flux
continu d’idées novatrices, pour
que chacun y trouve son ­compte.
Les grosses entreprises, trouveront leurs jeunes spécialistes, les
start-ups, leurs investisseurs, les
investisseurs, de nouveaux projets intéressants, etc ».
Cette approche a porté ses fruits :
plusieurs sociétés de renommée
internationale ont évoqué leur
intention d’ouvrir des centres de
recherche à Skolkovo. La plu­
part se sont limitées, pour le mo­
ment, à des mémorandums d’en­
tente mais des accords ont
également été signés.
des projets
sont liés à
l’efficacité
énergétique, 26% concernent le
domaine de la médecine, 22% vont
aux technologies de l’information,
5% portent sur les technologies de
télécommunication et spatiales, 4%
sur le nucléaire et 13% sur le reste.
Le Président Medvedev et le
patron du Fonds Vekselberg au
lancement du projet Skolkovo.
sard que le PDG de Siemens AG,
Peter Löscher, fait partie du
Conseil d’administration de la
Fondation Skolkovo. La coopération scientifique touche à plusieurs domaines, dont la médecine nucléaire ». Bien que les
détails du projet ne soient pas
dévoilés, il sera sûrement ques­
tion de la détection radio-isoto­
pique, Siemens étant le princi­
pal fabricant de matériel pour
cette méthode d’investigation
médicale. Une bourse de plus de
3 millions d’euros a déjà été ac­
cordée pour ce projet.
Siemens et le finlandais
Nokia annoncent des
investissements par
dizaines de millions
d’euros
financés exclusivement par la so­
ciété allemande. Le montant total
des investissements s’élèvera à
60 millions d’euros. Siemens
fournira 40 millions, les 20 mil­
lions restants proviendront de la
Fondation Skolkovo.
Alexandre Averianov, respon­
sable chez Siemens du projet
Skolkovo, précise : « La technopole nous intéresse particulièrement car elle risque d’avoir une
sérieuse influence sur l’avenir de
la Russie. Ce n’est pas par ha-
L’expérience finlandaise
Avec Nokia, le contrat s’est axé
sur la création et la commercia­
lisation de nouvelles applications
pour téléphones portables. « Nous
avons signé avec Vekselberg un
protocole d’accord précisant les
étapes du développement du
­centre de recherche, affirme Ta­
tiana Oberemova. Ce centre sera
chargé du développement des
systèmes d’exploitation mobiles
et de l’utilisation des nanotechnologies. Les investissements de
Nokia se chiffrent en dizaines de
millions d’euros, budget standard
pour les centres de recherche et
innovation de Nokia ».
Dès le début, un rythme stakha­
noviste était prévu : le permis
de construire signé en juin 2011,
le centre devait être prêt pour
décembre. Trop court peut-être,
mais cela donne une idée du
rythme attendu de la coopéra­
tion entre la technopole et le
géant finlandais. Première étape :
Igor Belov / RFI
ilya pitalev/ria novosti
La présentation du plan-masse. Les bâtiments du technoparc de
Skolkovo s’étendront sur environ 145 000 mètres carrés.
Les représentants de EADS s’apprêtent à signer le contrat avec le
Fonds Skolkovo.
L’Avis d’un expert
Enjeu : la transformation de la culture entrepreneuriale
Steven
Geiger
Spécialement pour
la russie d’aujourd’hui
On me demande souvent de ré­
sumer la mission fondamen­tale
de Skolkovo. Cela tient en trois
mots : changer la culture.
Skolkovo modifie la culture
universitaire russe par la
construction d’un nouvel ins­
titut scientifique, en collabo­
ration avec le Massachusetts
Institute of Technology. Nous
pensons qu’il s’agit du premier
institut du genre au monde in­
tégrant enseignement, re­
cherche, innovation et entre­
preneuriat.
Skolkovo modifie la culture
d’entreprise. Nous expliquons
aux grandes sociétés russes la
valeur des contrats de recherche
dans ce nouvel institut, comment
réaliser une interface et un par­
tenariat avec la communauté du
capital-risque, et comment em­
brasser l’innovation en tant
qu’élément central du succès,
voire de la survie.
Skolkovo transforme la culture
entrepreneuriale. On peut aisé­
ment oublier qu’il y a peu, l’en­
treprise privée en Russie était
soit illégale, soit fortement dé­
conseillée. Il faudra du temps
pour surmonter cet héritage et
laisser l’esprit foncièrement créa­
tif des Russes s’épanouir. Skol­
kovo se veut être un accéléra­
teur de cette transformation. En
offrant un soutien, un finance­
ment et des préférences pour les
start-ups, nous espérons niveler
un peu le terrain en faveur d’ac­
teurs plus modestes. Notre rôle
est également de fournir un
« soutien moral » aux jeunes en­
trepreneurs dynamiques.
Appliquer la puissance
scientifique et intellectuelle russe à des
produits compétitifs
sur le marché mondial
Enfin, nous avons pour objectif
clair de transformer la compré­
hension culturelle de la création
de richesse.
La Russie est un pays qui a long­
temps été dominé par la produc­
tion physique : pétrole, gaz, mé­
taux, bois, etc. La focalisation
exclusive sur la production ma­
térielle a dominé à l’époque so­
viétique avec ses fameux plans
quinquennaux. Logiquement, la
plupart des Russes considèrent
la création de richesse en termes
physiques.
Mais pour que la Russie rivalise
dans l’économie mondiale, il faut
passer à la vitesse supérieure, et
Skolkovo est une nouvelle trans­
mission. Nous nous y efforçons
en mettant en valeur la proprié­
té intellectuelle.
Notre tâche est de créer des mé­
canismes efficaces pour appli­
quer la puissance scientifique et
intellectuelle de la Russie à des
produits basés sur la connais­
sance et à des services compéti­
tifs sur le marché mondial.
EADS sera présent
à Skolkovo
Le directeur technique d’EADS,
Jean Botti, et le président exécutif de la Fondation Skolkovo, Viktor Vekselberg, ont signé un accord de collaboration définissant
la ­mise en œuvre, d’ici à la fin
de l’année prochaine, d’une unité
de recherche de la société européenne aéronatique et spatiale
à Skolkovo. Signé en juin dans le
­cadre du salon Paris Airshow 2011,
l’accord porte sur un centre de recherche et de développement au
programme duquel figureront les
défis industriels et technologiques
d’Airbus, Eurocopter, Astrium et
Cassidian, toutes filiales du groupe. La collaboration concerne les
sys­tèmes de communication, les
d­rones, les moteurs de pointe et
le traitement de l’énergie. EADS
va également lancer un appel aux
étudiants et aux chercheurs de
Skolkovo pour qu’ils participent à
l’activité de recherche menée par
le groupe européen.
Ericsson voit en Skolkovo la pierre angulaire
de la réalisation de
son objectif : créer un
véritable écosystème
Changer une culture et une men­
talité est extrêmement difficile.
Le côté positif, cependant, est
que si vous réussissez, votre im­
pact sera significatif. Les grands
pays sont comme de gros na­
vires : ils ne tournent pas à 90°.
Mais faites-les pivoter ne seraitce que de quelques degrés dans
la bonne direction, et vous leur
aurez fait changer de cap.
Skolkovo jouit d’un certain
­nombre d’atouts à cet égard. Le
premier, c’est la richesse de ses
ressources scientifiques et tech­
niques. Par contraste, mon af­
fectation précédente consistait
à construire une ville d’innova­
tion similaire pour le petit émi­
rat d’Abu Dhabi, qui ne compte
que 400 000 citoyens et est pra­
tiquement dépourvu de res­
sources scientifiques.
Deuxièmement, nous avons ap­
pris des autres. En prenant le
départ plus tard, la Russie a
l’avantage de sa maturité.
définir la politique de recherche.
Il sera sûrement question de nou­
veaux systèmes sensitifs pour les
principales plateformes Nokia
et de l’application des nanotech­
nologies pour des appareils des­
tinés à la grande consommation.
La seconde étape consistera à
ouvrir les laboratoires de re­
cherche, puis viendra l’étape de
réalisation, avec d’importants
projets internationaux et leur
commercialisation.
Les voisins Suédois
Pour Ericsson, Skolkovo est une
excellente plateforme pour les
travaux de recherche dans le do­
maine des télécommunications,
comme l’informatique en nuage
(cloud computing) et la téléma­
tique. Mais en tout premier lieu,
les travaux porteront essentiel­
lement sur les réseaux intelli­
gents, dans le but de faire d’im­
portantes économies d’énergie.
En effet, installés chez l’utilisa­
teur, des compteurs évolués iden­
tifieront en temps réel la consom­
mation d’un foyer et transmettront
cette information au gestion­
naire, ce qui permettra un contrô­
le accru de la consommation.
Mikhaïl Podoprygalov, vice-pré­
sident d’Ericsson pour la coopé­
ration avec le gouvernement, af­
firme : « Cela fait longtemps qu’il
est question de développer une
économie qui ne serait pas basée
sur l’exportation de matières premières. Skolkovo est justement
la pierre angulaire qui devra permettre d’atteindre cet objectif,
un véritable écosystème. Bien
sûr, beaucoup diront qu’il aurait
fallu s’y prendre autrement. Mais
il faut bien comprendre que,
compte tenu des objectifs visés,
et des paramètres à mettre en
œuvre pour les réaliser, il est difficile au stade actuel de déterminer la réussite ou l’échec du
projet ».
« Et c’est bien là le problème majeur, rejoint Podoprygalov, l’ana­
lyste financier de RosBusiness­
Consulting (RBC), Timofeï
Chatskikh. Tant qu’un premier
projet abouti ne verra pas le jour,
les Russes, d’autant plus les investisseurs, considéreront la
technopole comme une utopie
gouvernementale de plus.
La plupart ne voient pas en
Skolkovo un projet scientifique
mais plutôt une démarche politique visant à donner une image
positive de l’État. Et même la
coopération avec différentes compagnies internationales de renommée ne suffit pas à les faire
changer d’avis. Et il en sera ainsi
tant qu’un projet scientifique né
entre les murs de la technopole
ne sera pas présenté. Toutefois,
la création de ces centres de recherche, englobant tous les
­cycles, de la phase préliminaire
à la réalisation, va arranger la
situation en promettant d’assurer au moins un flux continu
d’idées novatrices ».
Troisièmement, et en rupture
avec la tradition russe, Skolko­
vo est une plateforme entière­
ment ouverte à la coopération
mondiale en recherche et déve­
loppement. Les cités des ­sciences
fermées du passé ont atteint leur
but, mais la vitesse et l’échelle
de l’interconnectivité mondiale
exigent ouverture et collabora­
tion. Le monde n’est peut être
pas plat, mais il est sans aucun
doute de plus en plus allongé.
Alors, pourquoi faisons-nous ce
que nous faisons ? Je pourrais
vous donner de multiples raisons,
mais c’est peut-être Steve Jobs
qui a le mieux formulé la répon­
se : « Ce monde appartient aux
fous. Parce que les gens qui sont
assez fous pour penser qu’ils peuvent changer le monde sont généralement ceux qui le font ».
Steven Geiger est Directeur
opérationnel de la Fondation
Skolkovo.
Régions
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr
communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA
distribué AVEC LE FIGARO
05
L’hiver en Russie Dans des régions marquées par les extrêmes de températures, hommes et bêtes s’adaptent aux rigueurs climatiques
Parés pour les froids sibériens
Les températures de janvier
Vie sauvage
Oïmiakon est un village situé dans le
nord-est de la république de Sakha (à 3
000 km du pôle Nord). Officiellement,
c’est l’endroit habité le plus froid du
monde, mais en été, la température peut
y monter jusqu’à 30 degrés.
Sotchi est une ville située dans
la région de Krasnodar sur la
mer Noire. La station balnéaire a
été édifiée à la fin du XIXe siècle, et elle est devenue populaire
après que Staline y fit construire
une datcha. En 2014, la ville accueillera les Jeux Olympiques
d’hiver.
Transports L’hiver russe exige des services techniques publics une riposte bien réglée
En France, des chutes de neige
de 5 cm créent parfois un
véritable chaos. En Russie, les
choses sérieuses commencent
au-delà de 40 cm.
photoxpress
L’envahisseur
blanc pose un
défi permanent
L’armada des chasseneiges moscovites se
déploie.
tout en effectuant une autre
tâche indispensable : relever les
crevasses sur la chaussée et
transmettre l’information aux
services d’entretien de la voierie.
Les chasse-neiges repoussent la
masse vers le bord de la route,
les monceaux sont ensuite chargés sur des camions-bennes et
convoyés vers l’un des 200
points de fonte de neige. Cha-
n’est pas un problème pour nous,
c’est la routine », dit Piotr Birioukov, le chef des services municipaux qui organise le travail
hivernal. Les difficultés ne surgissent que lors de grosses ­chutes
sur une période prolongée.
Toutes les dix minutes, une colonne de chasse-neiges apparaît
sur les routes. Un véhicule peut
déblayer jusqu’à douze kilo­
mètres de route en une heure,
Alexeï knelz
La russie d’aujourd’hui
C’est bien connu, le Général
Hiver est russe, et il a mis en
déroute Hitler et Napoléon. En
novembre 2010, il est arrivé que
la température chute en 24
heures de +1 à -20°. L’hiver 2009
fut encore plus rude. Le thermomètre est tombé à -28°, ce
qui n’était pas arrivé depuis 60
ans.
L’hiver dure près de quatre mois
à Moscou, dont 50 jours de
­chutes de neige. En une seule
nuit il peut tomber jusqu’à
40 cm de poudre blanche.
Le déblayage exige de gros efforts de la part des services techniques publics. Avec la pre­mière
neige apparaissent les chasseneiges. « Trois à cinq centi­mètres
de neige viennent de tomber. Ce
Avec 150 mètres de tirant d’eau et
75 000 chevaux, ce type de bateau fait partie des plus grands et
des plus puissants bâtiments au
monde. Depuis 1957, les brise-glaces atomiques russes percent le
passage Nord-Est pour les navires
depuis l’Europe vers le Japon. En
1977, le brise-glace « Arktika » est
devenu le premier à atteindre le
pôle Nord.
itar-tass
Les brise-glaces géants de l’Arctique
cune de ces installations peut
transformer en eau près de 300
tonnes de neige par jour. L’entretien de l’armada des outils
de déneigement coûte 12 millions d’euros par an à la ville
de Moscou.
L’hiver oblige les automobi­listes
russes à casser leur tirelire eux
aussi (comme en fin de compte
les contribuables qu’ils sont par
ailleurs). « As-tu « Webasto » ? »
C’est la question que les gardiens de parking posent aux
conducteurs quand ces derniers
s’apprêtent à laisser leur voi­
ture à ciel ouvert pendant la
nuit. Il s’agit d’un appareil de
chauf­fage qui fonctionne à moteur éteint et sans lequel il est
impossible de démarrer quand
il fait -35°.
Les pneus d’hiver sont assortis
de clous. Ajoutez à cela le li­
quide dégivrant. L’hiver, on en
con­somme jusqu’à 5 litres par
jour. De nombreux conducteurs
installent des réservoirs spéciaux dans leur voiture.
Le tigre sibérien, connu
aussi sous le nom de ­tigre
de l’Amour, n’est pas seulement le plus grand de
ses congénères, mais le
seul dont l’espace de vie est
lié à la neige et la glace. Les
températures peuvent chuter
jusqu’à -45° sur le fleuve Amour,
en Extrême-Orient. Le tigre est
protégé du froid par un poil long
et épais, et une couche de ­graisse
de 5 cm. Ce qui le rend totalement vulnérable à l’homme. Pendant les troubles qui ont suivi la
révolution d’Octobre, l’espèce a
failli disparaître. Aujourd’hui, on
recense 500 tigres blancs dans les
régions frontalières entre la Russie, la Chine et la Corée du Nord,
mais leur espace de vie est de
plus en plus réduit et l’espèce est
toujours menacée d’extinction.
Encore plus menacé : le léopard
caucasien, qu’on a longtemps cru
disparu avant d’en redécouvrir
un spécimen en 2003. Depuis, le
WWF, avec le soutien du gouvernement russe, cherche à rétablir
la population de ces félins. Nombreux sont les Russes qui n’ont
entendu parler du léopard caucasien pour la première fois que
l’année dernière, quand il a été
reuters/vostock-photo
Tigre et léopard tous climats
choisi comme mascotte des JO
d’hiver de Sotchi en 2014. À l’instar du tigre de l’Amour, il se distingue par sa grande adaptabilité,
car les hivers dans les montagnes
du Caucase sont très froids et neigeux, tandis que les étés y sont
chauds et secs.
Mode de vie
Du bania au chauffage central
« Je m’en vais au bania, fais
chauffer la petchka et bouillir le
samovar ». Ainsi parlait un Russe
ordinaire à son épouse il y a encore 50 ans. « Bania », c’est le sauna
russe. « Petchka », c’est un grand
four en briques qui se trouvait jadis dans chaque isba. Le samovar
est un gros chaudron réservé à la
préparation du thé, et le symbole
de l’hospitalité russe.
L’urbanisation a eu raison de ces
traditions. Dans la Russie contemporaine, le chauffage est central,
réglé par un thermostat unique
pour tous les appartements. ­Seule
solution s’il fait trop chaud : ouvrir
la fenêtre. Un air sec dans des pièces surchauffées, c’est aussi une
mine d’or pour les fabricants et
marchands d’humidificateurs. Les
dpa/vostock-photo
Le mot « Russie » est souvent
associé au « froid sibérien ». C’est
vrai qu’il peut faire très froid en
Russie, même si le climat varie
de polaire à subtropical sur les
bords de la mer Noire, où la température moyenne en janvier est
de 15 degrés, comme à Sotchi,
qui se trouve sur la même latitude que Nice. Les Russes des
autres régions envient les habitants du sud. Les plus jaloux doivent être les 470 habitants de la
petite ville d’Oïmiakon, en Iakoutie, où la température, l’année
dernière, est tombée jusqu’à
-72° ! Bien sûr, l’hiver conditionne tous les aspects de la vie, mais
les Russes y sont habitués.
Quelques exemples de la réalité
russe pendant la saison des
grands froids.
expériences menées par les entreprises allemandes en Russie ont
montré que l’utilisation de technologies modernes de chauffage et
d’isolation permettrait d’économiser jusqu’à 80% sur les coûts. Mais
le chauffage central traditionnel
n’en continue pas moins d’être
omniprésent...
Divertissement Les Russes se battent contre la neige et la glace, mais ils savent aussi y trouver du plaisir
Tentés par un plongeon dans l’eau
par 20 degrés au dessous de zéro ?
La russie d’aujourd’hui
Le jour de l’année le plus important pour un vrai « morse »,
c’est le 19 janvier. Les morses
sont ceux qui sont convaincus
qu’un bain régulier dans un trou
de glace endurcit le corps. Quant
à la nuit du 19 janvier, elle est
particulière : pour les ortho­doxes,
c’est le jour du baptême du
Christ.
Tous les ans, aux alentours de
minuit, quelques dizaines de
morses, voire quelques milliers
à Moscou, attendent que le ­prêtre
ou le pope bénisse les eaux des
fleuves et des lacs, puis ils se
j­ettent dedans. Malgré les craintes, même l’hiver dernier, quand
la température est tombée à -20°,
aucun événement grave n’a été
signalé. Au cas où, des sauveteurs et des infirmiers sont toujours présents.
L’immersion sous la glace fait
rarement « congeler » son homme.
Il suffit de respecter certaines
r­ ègles : s’immerger trois fois, se
frotter le corps énergiquement
puis se rhabiller chaudement, ou,
mieux, aller au bania.
Les particularités du bania russe
consistent dans l’alliance de températures très éleves (80-100
­degrés) et de l’humidité de l’air.
Et même si l’on peut y aller toute
l’année, rien n’est comparable
aux sensations que procure l’immersion dans l’eau glacée entre
les séances de sauna. À essayer
absolument !
Pendant que les enfants font de
la luge et du patin à glace, les
adultes sillonnent la forêt à ski
de fond. Et si un nouveau riche
peut dépasser sur sa Lamborghini un retraité russe dans sa
Lada, sur les pistes de ski, tout
le monde est à égalité : il n’est
pas rare de voir un retraité sur
de vieux skis « soviétiques » en
bois laisser loin derrière les
­jeunes sur des skis dernier cri.
Pour aller dans la forêt, on prend
d’habitude avec soi une bouteille
thermos de thé chaud ou une
gourde de liquide... plus fort, qui
réchauffe aussi très bien.
Certains cherchent à échapper
Mode : n’oubliez pas vos « valenki »
Les gants et les mitaines ont été
importés en Russie par les Varègues, d’où ils tirent leur nom
russe. Les mitaines conservent la
chaleur et les grand-mères les tricotent volontiers pour leurs petits-enfants.
Les valenki sont fabriqués à par-
tir de feutre de laine de mouton.
Ils protègent de températures en
dessous de -30°. Mais les valenki
ne sont pas étanches et n’ont pas
de semelle : c’est pourquoi on les
porte avec des caoutchoucs. Tous
les ans, on continue à produire
4,5 millions de bottes de feutre.
getty images/fotobank
Mauritz Gatman
reuters/vostock-photo
« L’extrême à la russe »
s’observe en hiver. Aucun
danger pour la santé à condition
de respecter certaines règles.
au tumulte du monde moderne
sur les lacs gelés : armés de brise-glaces spéciaux, ils se ­creusent
un accès à l’eau. Chaudement
emmitouflés, parfois même protégés par des tentes, ils passent
des heures assis devant un trou
de 20 cm de diamètre dans le
froid et la neige, en espérant
qu’un poisson sortira de sa léthargie. On peut risquer de les
interroger avec précaution :
« Alors, ça mord ? » Mais en
Russie non plus, on ne dé­
range pas les vrais pêcheurs
sans s’attirer un regard maussade pour toute réponse...
06
Opinions
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr
communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA
distribué AVEC LE FIGARO
le coup de semonce des législatives
Des leçons à
tirer au Kremlin
Konstantin von
Eggert
La russie d’Aujourd’hui
Q
uand le Président Dmitri Medvedev et le Premier ministre Vladimir
Poutine sont apparus
sur les écrans de télévision russe
la nuit après élections à la Douma,
leurs visages disaient tout. Les
sourires tendus ne pouvaient cacher la déception. Russie Unie,
leur parti, a été massivement
boudé par les Russes. Sa part du
vote national a chuté d’environ
64% à 49%. Cela, en dépit des
fraudes massives perpétrées à travers le pays. Les gouverneurs de
région, les autorités locales et la
police mènent la charge portée
contre les partis d’opposition, les
observateurs électoraux et les
journalistes. En vain. Encore plus
gênant, Moscou, Saint-Pétersbourg et d’autres grandes villes
ont valu à Russie Unie ses résultats les plus faibles. Sans les
­fraudes massives, le parti aurait
parfaitement pu terminer troisième dans les deux capitales. Il y a
plusieurs conclusions à en tirer.
Premièrement, cette élection était
un référendum de facto sur les
dix années de Russie Unie au
pouvoir. Un signe que la population est fatiguée du monopole
politique et de la corruption qui
y sont associés.
Deuxièmement, de nombreux
Russes croient que Russie Unie
est une bande de « mauvais
boyards » à la cour du « bon
tsar » Poutine. Mais il est aussi
clair que pour beaucoup, ce fut
une chance d’exprimer leur mécontentement envers Poutine. À
cet égard, le vote de décembre
peut être vu comme une sorte de
« point de départ » de l’élection
présidentielle russe, prévue pour
mars 2012. Si, au printemps, Poutine se lance dans le semblant
de campagne qu’on a observé lors
des élections précédentes, il perdra encore plus de crédibilité.
Troisièmement, ce fut la pre­mière
élection russe au cours de laquelle la classe moyenne naissante
de Russie, des trentenaires, et virtuoses de l’iPad, sont vraiment
allés voter. C’est la génération
qui a le plus bénéficié de la « décennie grasse » - les deux pre-
miers mandats de la présidence
de Vladimir Poutine en 20002008. Ce sont les années du boum
pétrolier, une manne pour ces
nantis qui ne s’intéressaient pas
du tout à la politique ou qui soutenaient Poutine et Russie Unie.
La crise écono­mique, la stagnation politique et la corruption
les en ont détournés - c’est le
quatrième facteur.
Cinquième et dernier point, plus
les autorités feront les gros bras,
plus elles produiront de l’opposition. Pour l’instant, les Russes
ne voient pas encore d’alternative. Il n’y a pas de forces politiques crédibles de centre-droit,
et personne à acclamer pour environ 30% de l’électorat nationaliste. D’où un terrain fertile
Plus les autorités
joueront les gros bras,
plus elles apporteront
de l’eau au moulin de
l’opposition
pour les populistes en tout genre.
Le plus grand danger pour la
Russie est maintenant ce vide inquiétant si des mesures de modernisation et de libéralisation
ne sont pas prises rapidement.
Konstantin von Eggert est
politologue.
voter « contre », et puis ?
Gueorgui
Bovt
La russie d’Aujourd’hui
L
e pouvoir doit d’urgence
réagir à la montée du mécontentement social et
instaurer le dialogue.
Contrairement à ce qu’on ap­pelle
la « Russie de la télé », une grande partie de la « Russie de l’Internet » est restée frustrée par
les résultats des élections. Cette
catégorie d’électeurs cultivés,
bien informés, progressistes, a
été scandalisée par les innombrables fraudes révélées sur la
Toile russe le jour même des élections. Les autorités ont nié en
bloc en affirmant que toutes ces
accusations étaient erronées et
les vidéos truquées. Il est évident
que les images, divulguées en
partie par les observateurs chargés de veiller au bon déroulement du scrutin, méritaient au
moins une enquête.
Le cas de Moscou et de Saint-
Pétersbourg est en particulier révoltant. Contrairement aux
autres régions, où la différence
était moins flagrante, dans ces
deux villes les plus importantes,
les sondages de sortie des urnes
La Russie est un pays
« vieux ». Rien à voir
avec les soulèvements
de jeunes lors du
printemps arabe
divergeaient de plus de 15% avec
les résultats officiels, en faveur
de Russie Unie.
L’opposition a surtout bénéficié
des voix exprimées contre Russie
Unie. Or, la révolution ne se fait
pas en votant « contre ». Ni sur
la base d’une foule hétéroclite de
nationalistes, d’anar­chistes et de
jeunes dont les manifestations ne
peuvent engendrer qu’une contestation au coup par coup, vite es-
soufflée. Cette opposition ne repose sur aucun système et manque
d’un chef de file capable de coordonner l’action des insatisfaits.
Un tel vide est un facteur démotivant de plus pour une société
civile depuis longtemps caractérisée par une apathie politique et
l’incapacité de se rassembler pour
faire front commun.
Encore un détail, de nature purement démographique : comparée aux pays arabes qui ont
fait souffler un vent de révolte
avec leur « printemps arabe »,
la Russie est un pays « vieux »,
avec un âge moyen de près de
40 ans, contre 20 en Égypte. Avec
l’âge, on est moins tenté de descendre dans la rue. Et puis, la
jeune génération russe a beaucoup plus de perspectives d’avenir que la jeunesse du ProcheOrient dans des pays comme
l’Égypte, la Syrie ou le Yémen.
tous
vainqueurs
Vitali
Ivanov
C
Izvestia
’était certainement la première élection de l’his­toire
récente dont tous les participants sont sortis vainqueurs. Russie Unie reste le parti
dominant, détenteur de la majorité absolue à la Douma. Avec tout
ce que cela implique. Le Parti
communiste (KPRF) est lui aussi
gagnant. Il y a, bien sûr, quelque
chose de pervers dans le fait que
le successeur du PCUS (Parti
communiste soviétique, ndlr), qui
a alimenté pendant deux décennies la nostalgie du régime soviétique, recycle désormais avec succès le mécontentement contre le
parti au pouvoir. La même chose
s’applique au Parti libéral-démocrate (LDPR) et à Russie Juste.
Ils ont également gagné. Et eux
aussi, principalement grâce à
l’augmentation globale du vote
protestataire, non pas en vertu de
leur propre rayonnement. Eux non
plus ne conserveraient pas leurs
gains si de nouveaux acteurs se
manifestaient.
Depuis que la Commission électorale a annoncé les résultats du
scrutin législatif, dimanche 4 décembre, une vague de mécontement secoue la Russie. Une partie grandissante de la population
conteste la victoire du parti du
pouvoir, Russie Unie, arrivé en
­tête avec une majorité affaiblie.
Les observateurs dénoncent des
fraudes, alors qu’un appel à un
rassemblement massif, samedi 10
décembre dans les rues de la capitale, a été largement entendu.
Préparé par
Veronika Dorman
torat protestataire augmente,
même fortement : elle ne sera
pas canalisée par quelqu’un, mais
par le système, par le Parti communiste prévisible et absolument
contrôlable. Ce qui reste, grosso
modo, est divisé entre Russie
Juste et le LDPR. Iabloko et les
autres ramassent les miettes.
Le système est bien plus ro­buste
qu’il ne puisse y paraître de
prime abord.
Vitali Ivanov est politologue.
Article publié dans
Izvestia
La nouvelle configuration du Parlement
les résultats des élections législatives du 4 décembre 2011 donnent au parti Russie Unie de Vladimir poutine
une majorité simple à la chambre basse du parlement (Douma) : 238 sièges sur 450. trois partis n’ont pas
réussi à passer la barre des 7% des voix et ne seront pas représentés au parlement.
Gueorgui Bovt, correspondant
politique basé à Moscou.
Ruban blanc
la surdité du pouvoir
un possible dialogue
vedomosti
gazeta.ru
kommersant
Il existe un moyen simple de ma­
nifester son indignation : atta­
cher un ruban blanc à son bras,
son sac ou sa voiture. Ensuite aller
à la manif, ou pas. Ceux qui por­
tent des rubans peuvent se recon­
naître. La question essentielle
pour les mécontents est « com­
bien sommes-nous ? ». Ils veulent
le comprendre pour eux-mêmes
et le montrer à ce pouvoir qui a
perdu leur confiance. C’est ­entre
autres pour cela qu’ils étaient
nombreux à compter aller à la ma­
nifestaion du 10 décembre. Et le
ruban ne remplacera pas cela. Une
voiture anonyme dans un bouchon
avec un bout de tissu blanc, et un
homme vivant, debout à côté de
toi, ce n’est pas la même chose.
Russie Unie explique : les pro­
testations de masse contre les
­fraudes, c’est une tentative de la
minorité d’imposer sa volonté à
la majorité. Le pouvoir refuse de
voir et d’entendre qu’une majorité
des citoyens se sentent offensés
par des manipulations éhontées.
L’affirmation selon laquelle ce qui
se passe n’est que temporaire et
financé de l’extérieur n’amènera
rien de bon. Les leaders de l’op­
position doivent veiller à ce que
les manifestations ne débordent
pas du cadre légal. Mais le plus
grand danger reste la surdité et
l’inflexibilité du pouvoir qui s’ap­
puie sur l’appareil répressif. Sauf
que le pouvoir ne peut pas se sui­
cider seul, sans entraîner le pays.
Les élections contestées par l’op­
position ont modifié le rapport du
tandem dirigeant à leurs adver­
saires politiques. Vladimir Pou­
tine comme Dmitri Medvedev ont
convenu qu’il fallait entamer un
dialogue avec ceux qui ne sont
pas d’accord. Les opposants ac­
quiescent, mais ne sont pas sûrs
de comprendre qui le pouvoir dé­
signe en tant qu’opposition et
quel sera le format du dialogue.
Les experts sont convaincus que
stratégiquement ces discussions
doivent déboucher sur une ré­
forme politique. Mais d’abord il
faut rétablir entre la société et le
pouvoir une relation de confiance,
qui a été sévèrement endomma­
gée par les résultats des élections.
Tatiana Lysova
Le vote protestataire
est tranquillement
absorbé par le système
politique et réparti
entre les partis
En chiffres
lu dans
la presse
éléctions
contestées et
manifestations
Passons à ceux qui n’ont pas
franchi la barre des 7%. Depuis
2003, Iabloko mène une exis­tence
posthume. Celle-ci devrait se
poursuivre pendant cinq nou­
velles années. Trois pour cent des
voix, conformément à la loi,
donnent droit à un financement
public. Que faut-il de plus à un
homme mort ? Iabloko y gagne
donc lui aussi. Les Patriotes de
Russie et Juste Cause sortiraientils eux aussi gagnants ? Bien sûr.
Pour eux, une présence sur le
bulletin est déjà une victoire. Un
parti, en principe, est obligé de
participer aux élections, sans
quoi se pose la question de sa liquidation.
En général, l’opposition est gagnante. Le parti au pouvoir a été
poussé dans ses retranchements,
et ce succès peut être attribué
tant à ses bénéficiaires directs les commu­nistes, Jirinovski et
Russie Juste - qu’à la communauté des défenseurs de la démocratie, qui a mené une campagne acharnée contre le « parti
des escrocs et de voleurs ».
Et, bien sûr, le pouvoir a gagné.
Les élections ont démontré la
fiabilité du système politique mis
en place ces dernières années.
On cherche à le réduire à Russie Unie et à la verticale du pouvoir. Mais en réalité, il est beaucoup plus large. Il embrasse les
partis minoritaires de la Douma,
qui sont répartis de telle sorte
que les oscillations ne peuvent
pas sérieusement endommager
le système. Que la part de l’élec-
Éditorial
Le courrier des lecteurs, les opinions ou dessins de
la rubrique “Opinions” publiés dans ce supplément
représentent divers points de vue et ne reflètent pas
nécessairement la position de la rédaction de La Russie
d’Aujourd’hui ou de Rossiyskaya Gazeta.
merci d’envoyer vos commentaires par courriel :
[email protected].
Viktor Khamraev
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communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA
distribué AVEC LE FIGARO
Photographie Le jeune Russe Oleg Dou revient à Paris pour exposer ses portraits de personnages énigmatiques
L’objectif comme
instrument de
torture esthétique
Oleg Dou est l’étoile montante
de la nouvelle génération de
photographes russes. Il revient à
Paris pour la cinquième fois
présenter sa nouvelle série de
portraits : Another Face.
« Mon travail était une
expérimentation, une
recherche. Puis, une
thérapie pour vaincre
mes complexes »
Pauline Narychkina
oleg dou
La russie d’aujourd’hui
Un tirage issu de l’exposition
Another Face.
monter à la surface la quintessence de l’âme.
La force de ses images dérange
et interpelle. Les regards transluscides, hypnotiques de ces personnages rendus intemporels, assexués, inexpressifs grâce à une
haute maîtrise de la retouche numérique, vous fixent avec une indifférence douloureuse. Son travail est toujours sur le fil du
rasoir, à la limite du beau et du
laid, de l’innocence et de la perversion, de l’aliénation. D’ailleurs,
il n’est pas anodin que ses photos soient exposées au Musée de
archives personnelles
Né en 1983 à Moscou dans une
famille d’artistes, Oleg Dou
(Douriaguine) a le génie mo­deste.
Il est charmant, discret, un peu
« geek » comme il est de mise
pour un garçon de sa génération.
À l’ère de l’image omniprésente,
il fait partie de ceux qui n’aiment
pas se faire photographier : « Je
me souviens de ce sentiment
d’angoisse face au calvaire des
clichés de famille ou des photos
de classe. Et je me trouvais toujours mal à l’aise derrière le masque du sourire ». Pour lui, la
meilleure défense, c’est l’attaque
et il se met à la photo pour exorciser ses peurs enfantines.
Ses portraits dévoilent sa fragilité, un perfectionnisme torturé,
une exigence esthétique qui place
la barre très haut. Un questionnement constant sur l’identité,
le gouffre entre l’être et le paraître.
Oleg fait beaucoup référence à
son enfance - l’enfant a d’ailleurs
une grande place dans son œuvre.
« Mon tout premier souvenir remonte à l’âge de deux ans quand
je me suis électrocuté ». Cette
réminescence a-t-elle eu une influence sur son travail ? Le déclic de son appareil devient
l’étincelle électrique qui illu­mine
ses modèles jusqu’à les surexposer, les « cramer », effaçant tous
traits d’expression et laissant re-
Russie peu prometteur pour ne
pas dire défavorable pour les jeunes artistes débutants, il connaît
une ascension rapide. L’ histoire
d’un succès aux airs de conte de
fées, dû principalement à sa rencontre, dès ses débuts, avec la
galeriste russe Liza Fetissova
(Galerie RussianTeaRoom). Cette
passionnée de photographie pleine d’ambition s’attèle, depuis
quelques années, et avec un franc
succès, à promouvoir de jeunes
artistes russes à Paris. À la recherche de nouveaux talents, elle
a déniché les photos d’Oleg Dou
sur Internet. Tout a été très vite.
« Dès le début, j’ai vu un jeune
artiste responsable, concentré sur
son travail, honnête. On a « gran-
Oleg Dou.
la psychiatrie à Gent, en Bel­
gique. « Depuis toujours, j’étais
attiré par le morbide mais avec
des critères rendant cette morbidité attrayante », révèle Oleg.
Contre toute attente, dans un
contexte du marché de l’art en
di » ensemble, et Oleg m’a fait
confiance. Cela fait plus de cinq
ans que ça dure...», confie Liza.
Aujourd’hui, sa réussite saute
aux yeux : récompensé par des
prix photographiques, Oleg Dou
fait régulièrement l’objet de parutions dans les journaux et ses
travaux sont présents dans plusieures galeries à travers le
monde. Liza nous révèle qu’à
chaque exposition « entre ­quatre
et cinq photos sont vendues à
des prix variant entre 6 000 et
16 000 euros ». D’ailleurs, en
2011, la société Artprice, leader
de l’information sur le marché
de l’art, a classé Oleg Dou parmi
les trois photographes de moins
de 30 ans les mieux vendus en
salle de vente publique.
Toutefois, cette réussite n’est pas
seulement le fruit de la chance
mais aussi du travail persévérant d’un autodidacte conscient
de son talent. Son œuvre cohérente et profonde laisse transparaître la quête d’identité d’un
artiste de génie en devenir. « Tout
d’abord, mon travail était une
expérimentation esthètique, une
recherche. Puis, une véritable
thérapie pour vaincre mes complexes. Je suis maintenant dans
une phase plus agressive, sa­dique
si l’on peut dire, où je cherche à
me jouer de mes modèles, les torturer esthétiquement ».
La série de portraits Another
Face, présentée ici pour la première fois, révèle des person­nages
toujours aussi lunaires, résignés
et même consentants. Leurs visages portent les symptômes
morbides d’épidémies extraterrestres et les stigmates de la torture graphique. La peau subit
des transformations, sa texture
mue, elle devient surface organique sur laquelle l’artiste laisse
libre cours à ses fantasmes. Oleg
avoue : « Dans mon enfance, je
m’amusais toujours à tracer ces
lignes sur les photos des magazines pour les embellir ou les enlaidir ».
« Une œuvre étrange et captivante » : c’est ainsi que Liza Fetissova définit le travail de son
protégé. En tout cas, si vous croisez ces regards fixes,vous avez
peu de chances de rester indifférent.
En étant très optimiste, on aimerait croire que l’histoire d’Oleg
Dou ne restera pas un cas isolé
et que sa réussite marque les prémices de jours radieux pour une
myriade de jeunes talents ­russes.
Pour le moment, force est de
constater que les artistes locaux
restent cloisonnés dans un marché de l’art qui, malgré un essor
certain ces dernières années,
manque de structure, de stabilté et d’initiatives.
À L’AFFICHE
Another Face. Esposition personnelle du 5 janvier au 2 mars 2012.
Le vernissage en présence de l’artiste aura lieu le 19 janvier 2012.
Galerie Russian TeaRoom
42, rue Volta 75003 Paris
›› www.rtrgallery.com
Dangereusement jeune : Enfant
en danger, enfant dangereux.
Exposition collective depuis le
1er octobre 2011 jusqu’au 20 mai
2012. Musée de la psychiatrie du
Dr Guislain, Gent, Belgique
›› www.museumdrguislain.be
Histoire Une exposition parisienne permet de revivre la révolution pacifique qui a mis fin à l’ère soviétique
La chute de l’empire en images
L’exposition « URSS : Fin de
Parti(e) » du Musée d’Histoire
contemporaine de Paris, à
l’Hôtel des Invalides, revient sur
les dernières heures de l’Union
soviétique.
guillaume marchall
Il y a exactement vingt ans,
l’Union soviétique cessait
d’exister après une dernière tentative de réforme (la perestroïka) censée relancer un système
économique à l’agonie. L’Hôtel
national des Invalides présente
actuellement une exposition retraçant, à travers six années
d’archives, cette période décisive de l’histoire de la Russie,
de l’arrivée de Mikhaïl Gorbatchev en 1985 à l’implosion de
l’URSS en 1991.
L’ambition de l’exposition des
Invalides est justement, selon
l’historien Jean-Robert Raviot,
« de présenter, à travers les plus
de deux cents pièces d’archives
réunies, non pas la perception
de l’Occident mais celle des Soviétiques, qui ont vécu la perestroïka comme un grand bouleversement ». Parallèlement à la
perestroïka, dont la vocation
première était de refaire tourner les usines à plein régime,
une politique de liberté d’expression (la « glasnost ») devait
« démocratiser » la dictature du
service de presse (3)
La russie d’aujourd’hui
Un micro-ordinateur se substitue au marteau, symbole de l’industrie soviétique.
Concours de beautéà Moscou. Le style américain tranche avec la
beauté traditionnelle de la Kolkhozienne forte et travailleuse. Coll.
BDIC, Fonds France-URSS © Tass, 1988.
« Plus jamais ça ! » : affiche reflétant le rejet de la figure de
Staline durant la perestroïka.
prolétariat, avec plus de transparence – en particulier au moment de la catastrophe de Tchernobyl – et l’ouverture à la
culture occidentale.
« L’exposition est l’occasion de
commémorer l’anniversaire du
démantèlement de l’URSS qui,
curieusement, fait l’objet de
beaucoup moins de manifestations que celui de la chute du
mur de Berlin », explique Valérie Tesnière, directrice de la bibliothèque de documentation
internationale dont sont issues
les archives présentées.
Sous-estimé en Europe, l’effondrement de l’empire soviétique
fut pourtant un événement cer-
tainement plus traumatisant,
pour les Russes, que ne le fut
la réunification pour les Allemands. Citoyens d’une superpuissance, ils durent soudainement accepter une réalité que
plus aucune propagande ne
pouvait masquer : celle d’un
pays en ruine appelant l’Occident au secours.
Organisée autour des trois
temps de la perestroïka (ré­
formes, révélations, révolutions),
l’exposition des Invalides in­vite
à un voyage au cœur des années 80 russes, à travers photos
officielles, affiches de propa­
gande, unes de journaux et vidéos. Ces documents reflètent
une volonté aussi bien de modernisation – avec les débuts de
la micro-informatique et les
premiers concours de beauté –
que d’introspection. Sur les affiches de Memorial, organisat i o n r u s s e d e s d ro i t s d e
l’homme créée pendant la perestroïka, Staline prend les
traits d’un tyran sanguinaire,
et la glasnost entraîne une prise
de conscience collective : l’URSS
n’est pas un paradis, et en dépit
de la propagande des décennies
précédentes, les maux attribués
au monde capitaliste (pauvreté,
criminalité, individualisme, épidémies…) n’épargnent pas
moins la société soviétique.
À L’AFFICHE
URSS : Fin de Parti(e). Les années
Perestroïka. Du 2 décembre 2011
au 26 février 2012 au Musée d’Histoire contemporaine de l’Hôtel national des Invalides, Paris 7ème.
Ouvert tous les jours (sauf le premier lundi du mois et les jours fériés) de 10 h à 17 h.
›› urssfindepartie.wordpress.com
07
Chronique
LitTÉraire
Le paria
intouchable
titre : Boris Pasternak
Auteur : Dmitri Bykov
Éditions Fayard
Traduit par Hélène Henri
En 1958, au faîte de sa g­loire,
Boris Pasternak se voit attribuer le prix Nobel qu’il doit refuser. Curieusement, lui qui a
tutoyé le pouvoir, qui a osé intercéder en faveur de ses amis
persécutés sans jamais prêter
allégeance, est devenu paria
dans son pays. Il n’a que deux
craintes : être déchu de sa nationalité, contraint à s’expatrier,
et voir réquisitionner la datcha
de Pérédelkino où il vit depuis
1936 dans une sorte d’ascèse
tolstoïenne, entre la plume et la
bêche, le bureau et le potager.
Pasternak avait accueilli la Révolution favorablement, puis
l’ordre stalinien comme un remède salutaire au chaos. Il faudra la guerre pour qu’il déchante et se tourne vers les valeurs
slavophiles : la foi, l’amour pour
le peuple et pour sa terre. Par
quel miracle Pasternak, qui a
vu arrêter et persécuter ses amis
poètes (Mandelstam mort en
camp, Akhmatova bâillonnée,
atteinte à travers son époux et
son fils, Tsvetaeva qui choisit de
se donner la mort), a-t-il pu traverser sans dommage l’époque
stalinienne ? Pendant toutes ces
années, il n’a pas joui d’autre
privilège que celui d’être laissé
en vie. Ses vers ne sont pas publiés, il vit de traductions, mais
il se permet des prises de position et des propos que peu
s’autorisent même en pensée.
« Nous ne toucherons pas à cet
habitant des cieux », aurait déclaré le maître du Kremlin. Staline, dit le biographe Dmitri
Bykov, accordait à la poésie une
puissance égale à celle du pouvoir. Il a­joute : « Qui se sait vulnérable est condamné ». Pasternak, lui, avait foi en sa bonne
étoile, en son talent, en la force
de son travail ; il avait peu de
choses à perdre et n’était pas la
proie de la peur qui dévorait
ses contemporains.
La biographie que Dmitri
Bykov lui consacre est un monument : par la personnalité de
Pasternak et de ses contemporains que l’on retrouve dans ces
« regards croisés » : Blok, Tsvetaeva, Maïakovski, Mandelstam,
Staline, Akhmatova ; par la
taille - quelque mille pages ;
par l’ampleur du travail d’investigation et d’analyse ; par la
virtuosité de l’auteur et de la
traductrice, aussi. Bykov a utilisé tous ses talents de poète,
de romancier, de critique et de
journaliste pour élaborer un
ouvrage mêlant éléments factuels et points de vue cri­tiques
sur l’œuvre, sur l’homme et sur
son temps. Hélène Henry a permis l’impossible : nous faire entendre, à travers le vacarme de
l’époque, le chant du poète. Le
résultat est un ouvrage passionnant, vibrant d’intelligence, indispensable.
Christine Mestre
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chroniques sur
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08
Loisirs
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR
COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA
DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
RECETTE
Micro-trottoir Des expatriés et des touristes démentent les préjugés sur la capitale russe
Au menu pour un
réveillon à la russe
La capitale est plus conviviale que ne le dit sa réputation surannée.
Retrouvez la vidéo sur
larussiedaujourdhui.fr
Irakli Iosebashvili
SPÉCIALEMENT POUR
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
INNA LEONOVA
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Les stéréotypes, on ne s’en débarrasse pas comme ça. Si l’on
veut comprendre ce que pensent
les étrangers de Moscou, il suffit de le leur demander. C’est justement ce que nous avons fait
en sondant une vingtaine d’expatriés et de touristes entre 22
et 50 ans.
ELLES L’ONT DIT
Chloé
Eléonore
ANCIENNE ÉTUDIANTE DE MGU
ÉTUDIANTE
"
Un numéro vert à votre service
Pour les touristes anglophones et
russophones, il existe dorénavant
à Moscou un centre d’appel où
des conseillers sont prêts 24 heures sur 24 à répondre à toutes les
questions concernant la ville, les
transports, le choix d’un itinéraire
ou une urgence (appeler la police
ou vous mettre en communication
avec l’ambassade de votre pays).
Téléphonez au 8-800-220-00-01
ou 8-800-220-00-02. L’appel est
gratuit.
tout », assure le Californien Cole
Margen.Les recommandations
données aux nouveaux venus par
les agences touristiques, les voyageurs habitués ainsi que par les
expats convergent et sont valables pour toute grande ville :
ne pas traîner dans les quartiers
louches la nuit et éviter les
groupes d’inconnus.
« Je n’ai jamais eu de problèmes.
Il suffit d’appliquer les mêmes
règles que partout ailleurs : réfléchir à ce que tu fais, savoir où
tu vas et prévoir les choses à
l’avance », affirme l’Américain
Nick Blixt.
Les statistiques ne sont d’ailleurs
pas si effrayantes : seulement 24
agressions contre des touristes
ont été enregistrées en 2010.
Demander son chemin à une belle
Russe
« Il est assez facile de s’orienter
dans le métro moscovite. Au premier abord vous pouvez être déconcerté par la foule, mais il est
simple de trouver son chemin. À
l’extérieur, c’est plus dur : le nom
des rues n’est pas toujours visible et n’est pas toujours transcrit en lettres latines », avoue Elliott Estebo.
Toutefois, dans le centre, chaque
mois apparaissent de nouveaux
panneaux et de nouvelles plaques
en lettres latines : en ne parlant
que de cet automne,135 nouvelles
plaques signalétiques ont été installées, ainsi que 73 panneaux
avec des plans de la ville bilingues.
Et puis, il est toujours possible
de demander son chemin à un
passant ; plus il est jeune, plus
il y a de chances qu’il parle anglais. Et pourquoi pas une belle
passante russe, messsieurs ?
« À Moscou, les femmes sont vraiment très attrayantes. Les Américaines ne s’habilleraient jamais
comme ça. Une Russe peut sortir acheter le pain dans une tenue
qu’une Américaine porterait
pour une soirée », plaisante Tessy
MacKey.
BALLET «CASSE-NOISETTE»
FESTIVAL «RUSSENKO»
DU 7 AU 31 DÉCEMBRE
LE TRIANON, PARIS
DU 13 AU 31 DÉCEMBRE
OPÉRA NATIONAL, BORDEAUX
LES 27- 29 JANVIER
KREMLIN-BICÊTRE, PARIS
SLAVA’S SNOWSHOW est une
épopée dans l’univers absurde et
surréaliste d’un « commando » de
clowns au nez rouge, un spectacle
où chaque scène est un tableau.
Le célèbre ballet de Tchaïkovski
d’après Casse-Noisette et le Roi
des rats, de Hoffman est présenté
dans la version de Charles Jude
au Grand-Théâtre de Bordeaux.
RussenKo invite à explorer sans
exhaustivité la richesse de la
culture russe : cinéma, théâtre,
danse, art, musique. La littérature
ne sera pas en reste avec les troisièmes Journées du livre russe qui
inaugureront l’année croisée France-Russie « langues et littératures » et accueilleront Oulitskaïa et
Prilepine. Le 6ème Prix russophonie 2012 sera remis en présence
d’Agnès Desarthe, Andrei Kourkov
et Bernard Werber.
› www.fnac.fr
› www.opera-bordeaux.com
› www.russenko.fr
SERVICE DE PRESSE
SLAVA’S SNOWSHOW
SERVICE DE PRESSE
LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR
J’ai découvert que Moscou
avait beaucoup à offrir,
non seulement du point de
vue architectural avec ses églises
traditionnelles, mais aussi en ce
qui concerne les gens."
À NOTER
À L'AFFICHE
TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITE
"
Je m’imaginais plutôt une
Russie révolue, celle de la
littérature. Lorsque je suis
arrivée à Moscou dans les années
2000, j’ai découvert des gens finalement pas si éloignés de nous."
PHOTOXPRESS
Combien ça coûte ?
« Moscou peut paraître chère,
mais il y a tellement de moyens
d’économiser. Par exemple, choisir d’aller dans les cafétérias,
genre « Moumou », c’est vraiment pas cher », nous fait part
de ses bons plans Brandon, jeune
Américain de 22 ans.
Il est vrai que 300 roubles (7
euros) en moyenne pour une formule déjeuner et un ticket de
métro à 28 roubles (60 centimes),
ce n’est pas exessif. C’est surtout le logement qui pèse sur le
portefeuille du touriste. Une
étude réalisée par le portail d’information www.hotel.info a
montré que cet automne, le prix
moyen d’une chambre d’hôtel à
Moscou était de 140 euros la
nuit, ce qui place la capitale
russe en deuxième position des
hôtels les plus chers d’Europe
après Oslo. Or, en fait, la différence de prix n’est pas si flagrante. Par exemple, si l’on compare Moscou à Londres (137
euros la nuit) qui est quatrième
du classement, il n’y a que 4
euros de différence.
Ces prix élevés sont en partie
dus à la pénurie d’hôtels dans
la capitale : officiellement, on
n’en dénombre que 215. Heureusement, la situation change
littéralement à vue d’ œil. En
2011, trois nouveaux hôtels ont
Les dangers à tous les coins de rue
« Moscou n’est pas plus dangereuse que les autres grandes mégapoles. Au début, je faisais très
attention, on m’avait mis en
garde contre les pikpockets, témoigne Tessy MacKey, professeur d’anglais de Louisiane. Mais
pour l’instant rien à signaler, et
je ne connais aucun touriste qui
se soit fait agresser ». Le site The
Village révèle que 15% des expats interrogés craignent surtout
les nationalistes russes. « J’ai entendu des insultes proférées à
l’encontre d’Africains, de Chinois
ou de Caucasiens. Mais il ne faut
pas en rester là, la plupart des
Russes que je connais sont très
tolérants et sympathiques, même
si, bien sûr, on rencontre de
ouvert leur portes et on en attend encore quatre pour le Nouvel An. Quatorze autres sont prévus pour 2012. La Mairie de
Moscou prévoit, pour 2020, un
parc de 535 hôtels pouvant accuillir jusqu’à 150 000 touristes.
En attendant, pour économiser,
il est conseillé de bien choisir
ses dates de séjour. Un autre
moyen de faire des économies :
chercher une auberge de jeunesse, un « hostel » à petit budget. Ils poussent comme des
champignons et commencent à
constituer une sérieuse concurrence pour les hôtels. Officiellement, on compte à ce jour 55
« hostels » à Moscou, dont 20
ont ouvert en 2011.
La salade « Olivier » (macédoine)
C’est une salade connue dans
le monde entier, appelée aussi
Salade russe. L’Olivier est un
must de toutes les tables festives russes. La différence principale entre les recettes tient
au choix de la viande : volaille,
veau, bœuf ou saucisses.
Ingrédients :
LORI/LEGION MEDIA
La vie y est chère, les rues sont
sales, les gens bourrus, la mafia
est omniprésente, les panneaux
sont en cyrillique, par contre
des « Miss Monde » défilent sur
les trottoirs. C’est ça, Moscou ?
dent présente ses vœux au pays.
Il faut alors écrire son propre
vœu sur un bout de papier puis
le brûler en laissant tomber les
cendres dans une flûte de champagne. C’est un moyen sûr d’obtenir ce qu’on veut dans l’année à
venir. Le reste de la nuit ne sera
plus qu’un souvenir brouillé : tout
le monde est sorti pour tirer des
feux d’artifice, chanter, lancer des
boules de neige, faire la fête… La
bonne nouvelle pour le mal de
crâne, c’est qu’on n’a pas besoin
de se presser nulle part le lendemain matin. Le pays entier a la
gueule de bois, comme vous !
Voici quelques recettes des incontournables mets du Nouvel An
russe. Essayez-les et vous nous
en direz des nouvelles !
5 pommes de terre • 3 carottes
• 4 œufs • 500 g de viande
bouillie • 250 g de petits pois
en conserve • 3 gros cornichons
malossols • 250 g de mayonnaise • sel.
viande. Coupez les pommes de
terre, carottes, œufs, viande et
cornichons en petits cubes.
3. Ajoutez les petits pois, puis la
mayonnaise selon la quantité du
mélange que vous allez consommer : la salade se conserve mieux
sans mayonnaise.
4. Réfrigérez. Pour alléger l’assaisonnement, vous pouvez couper
la mayonnaise avec de la crème
fraîche.
Préparation :
1. Faites cuire les pommes de
terre et les carottes avec la
peau, puis refroidissez et pelez.
2. Faites cuire les œufs et la
Le hareng « dans son manteau
de fourrure »
Ingrédients :
2 filets de hareng • 2 betteraves • 2 pommes de terre • 2 carottes • 1 oignon • 3 œufs • 1,5
verre de mayonnaise • sel et
poivre noir.
Préparation :
1. Faites bouillir œufs, pommes
de terre, carottes et betteraves.
2. Pelez les oignons et plongez
dans l’eau bouillante 5 minutes, puis égouttez et placez les
oignons sous un jet d’eau froide
pendant 1 minute. Laissez refroidir les légumes bouillis.
3. Pelez et râpez pommes de
terre et carottes séparément.
4. Émiettez les œufs durs.
5. Découpez le hareng en petits morceaux et poivrez. Dans
un plat, étalez une couche de
pommes de terre, salez, et recouvrez de mayonnaise. Ajoutez une couche de hareng, les
oignons, les carottes et les
LORI/LEGION MEDIA
ALAMY/LEGION MEDIA
Histoire de tordre le cou
aux clichés sur Moscou...
Le Nouvel An arrive et il est
temps de penser au menu.
Pourquoi pas un réveillon à la
russe ? Ci-dessous, des recettes
et des règles pour une SaintSylvestre vraiment russe.
Dès que les invités arrivent,
on sort les vins mousseux, la
vodka et on commence à porter des toasts. Le toast russe
est spontané et informel, mais
il faut respecter les traditions.
On boit à la vieille année, en
espérant que toutes les bonnes choses qui sont advenues
continueront à l’avenir, tandis que tout le mauvais restera dans le passé. Déjà, on
voit l’horloge du Kremlin à la
télévision qui sonne les douze coups de minuit et le prési-
œufs, en salant chaque couche,
recouvrez de mayonnaise.
6. Répétez l’opération sans le hareng, pour obtenir au moins deux
couches. Recouvrez le tout d’une
couche de betteraves râpées puis
de mayonnaise. Saupoudrez de
jaune d’œufs durs émietté.
7. Réfrigérez pendant 5 heures et
servez en parts, comme un gâteau.
Autres recettes sur
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