02 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR
COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA
DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Politique & Société
EN BREF
Le Président Dmitri Medvedev
a signé une loi fragilisant le
sacro-saint principe de gratui-
té des soins. La loi cherche à
mettre un terme aux pots-de-
vin, mais du coup légalise les
services médicaux payants dans
les établissements d’État. Ce
qui, disent les critiques, consti-
tue une étape vers la générali-
sation des services payants.
Toutes les Constitutions russes
depuis 1936 jusqu’à l’actuelle
- adoptée en 1993 - men tionnent
la gratuité des soins comme un
droit inaliénable. Mais il s’agis-
sait d’un droit systématique-
ment violé, surtout à l’époque
post-soviétique immédiate, lors-
que le système de santé était
miné par un nancement in-
suffisant et commençait lente-
ment à s’effondrer.
La gratuité des
soins en question
ONU : l’intervention
en Libye a refroidi
Moscou sur la Syrie
membres permanents du Conseil
(les États-Unis, la France et le
Royaume-Uni). « Le courageux
peuple syrien voit nettement qui,
dans ce Conseil, soutient son as-
piration à la liberté et aux droits
de l’homme, et qui l’ignore », dé-
clara la Représentante américai-
ne, Susan Rice. Son homologue
français Gérard Araud alla plus
loin : « Les appels de la Ligue
Arabe à faire cesser l’effusion de
sang, les déclarations des pays
du voisinage, les souffrances du
peuple syrien montrent bien que
ce veto est à contre-sens de l’his-
toire qui se déroule en Syrie et
dans toute la région ».
Vitaly Tchourkine a une autre
vision de la situation : « Oui, il
y a eu de grandes manifestations
paciques dans certaines parties
du pays, mais il y a eu aussi des
attaques violentes contre les ins-
titutions gouvernementales et
« On a assuré aux membres du
Conseil de sécurité que la réso-
lution 1973 [NDLR : la seconde
résolution sur la Libye] ne signi-
ait pas ‘changement de régime’,
qu’il s’agissait uniquement de
protéger les populations civiles,
ce qui nécessitait qu’on élimine
quelques installations anti-aé-
riennes mais ce ne serait en
aucun cas une opération mili-
taire majeure , explique l’ambas-
sadeur russe. Puis, très vite, on
nous a dit qu’il fallait en fait
changer le régime et s’attaquer
à Kadha pour appliquer la ré-
solution. C’est quelque chose que
nous n’avons pas apprécié, car
nous étions en face d’un cas a-
grant de détournement des pré-
rogatives du Conseil de sécurité,
ce qui portait atteinte au pres-
tige du Conseil et à sa capacité
d’agir efficacement à l’avenir ».
Pour la Fédération de Russie, l’un
des cinq membres permanents
du Conseil de sécurité, il n’était
pas question de laisser le scéna-
rio libyen se reproduire : « Dans
le cas de la Syrie, nous avons vu
ce projet de résolution, qui ne
contenait pas de sanctions par-
ticulièrement sévères, mais qui
entraînait le Conseil de sécurité
et la communauté internatio nale
sur la voie de l’affrontement avec
la Syrie, et qui attisait aussi l’af-
frontement à l’intérieur du
pays ». D’où le veto russe, conju-
gué à celui de la Chine.
Cette position fut vivement cri-
tiquée par les trois autres
cette tendance s’est accentuée.
Ce qu’a fait la Russie, c’est qu’elle
est restée en pourparlers perma-
nents avec les autorités et l’op-
position syriennes, et elle a prié
les membres de la communauté
internationale de pousser les Sy-
riens au dialogue, parce que nous
pensons fortement que pour ins-
taurer le dialgoue, les gens qui,
en Syrie, veulent vraiment le
changement doivent se dissocier
des extrémistes violents.Nous ne
voulons pas croire que le régime
d’Al Assad ne peut pas chan-
ger ».
Vitaly Tchourkine à la sortie d’une séance du Conseil de sécurité.
SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE Priorité au dialogue avec l’Iran
Vitaly Tchourkine maintient que
pour la Russie, opposée à de nou-
velles sanctions, la voie diplo-
matique reste le meilleur moyen
d’empêcher l’Iran d’acquérir des
armes nucléaires. Les inquiétudes
manifestées lors de la publication
du dernier rapport de l’Agence in-
ternationale de l’énergie atomi-
que n’y changent rien :
« Nous
continuons de l’analyser mais à
première vue, il n’ajoute rien à la
connaissance générale »
.L’ambas-
sadeur voit dans les fuites
et les commentaires précé-
dant la sortie du rapport
« une
opération de relations publi-
ques »
mais se dit encouragé
« qu’après la publication, le
Conseil des gouverneurs de
l’Agence ait adopté une réso-
lution appelant l’Iran à renforcer
sa coopération avec elle et réaf-
firmé l’intention de la communau-
té internationale de poursuivre le
dialogue » .
Tchourkine a beau jeu d’opposer
l’impatience des Occidentaux sur
la Syrie à leur volonté de négo-
cier pendant de nombreux mois
pour obtenir le départ du Prési-
dent du Yémen, Ali Abdallah
Saleh, et, dans le cas du Barheïn,
aux appels des États-Unis au dia-
logue, malgré d’interminables ma-
nifestations des opposants au ré-
gime : « Nous sommes très heureux
de l’accord politique qui vient
d’être signé au Yémen après des
mois de négociations. La commu-
nauté internationale a su se mon-
trer patiente et a encouragé les
deux parties à dialoguer, bien qu’il
y ait eu, je pense, plus de sang
versé au Yémen que ces derniers
mois en Syrie. Dans de telles si-
tuations, la communauté inter-
nationale devrait toujours ap-
puyer la recherche d’une solution
par le dialogue plutôt que d’ajou-
ter à l’agitation intérieure ».
Mais pour l’instant, même les ef-
forts diplomatiques de la Ligue
arabe n’ont guère ébranlé la dé-
termination du régime syrien :
« Si le dialogue échoue, conclut
l’ambassadeur, la Syrie peut
plonger dans la guerre civile, ce
qui aurait de graves consé-
quences pour toute la région et
nulle résolution de l’ONU ne
nous aiderait » à sortir de la
crise.
Un frein aux démarches individuelles
ENTRETIEN AVEC KATIA VILARASAU
Après la signature de l’accord
sur les adoptions entre la Rus-
sie et la France, le nombre d’en-
fants venus de Russie risque de
chuter spectaculairement.
Dans le cadre du seizième sémi-
naire intergouvernemental
France-Russie, qui s’est déroulé
à Moscou au mois de novembre,
un accord bilatéral sur la coo-
pération dans le domaine de
l’adoption d’enfants russes a été
signé par les deux pays.
Cet accord a été reçu avec in-
quiétude par l’association
APAER, qui rassemble les fa-
milles ayant adopté des enfants
de Russie. Son ancienne prési-
dente, Katia Vilarasau, a répon-
du à nos questions.
D’où viennent vos craintes ?
Les adoptions individuelles ne
seront plus possibles pour les
Français en Russie. Il ne restera
plus que trois agences accrédi-
tées (l’AFA et 2 OAA) qui, même
en fonctionnant merveilleuse-
ment bien, ne pourront pas faire
face à la demande.
Comment se déroulaient les adop-
tions jusqu’ici ?
Les Français ont commencé à
accueillir des enfants russes à la
n des années 1990. Il existait
deux voies au début : indivi duelle
ou via une agence. Pour la pre-
mière, il fallait obtenir une auto-
risation de l’administration fran-
çaise, passer un examen, obtenir
les papiers exigés par les auto-
rités r usses, venir en Russie pour
une audition au ministère. Ou
alors, on pouvait s’adresser à une
a gence officielle, basée en Rus-
sie, autorisée à accomplir des
adoptions. Mais dans ce cas il
fallait s’armer de patience. Il
n’existe que trois agence de ce
type et chacune ne peut traiter
que 50 à 60 dossiers par an.
Existe-il des problèmes particu-
liers liés à l’adoption en Russie ?
Chaque pays exige des rapports
de lapart des familles ayant adop-
té. La Russie en exige quatre. Le
premier, six mois après la décision
du tribunal, puis au bout d’un an,
et pendant trois ans. Dans cer-
taines régions, comme Ekaterin-
bourg, il faut fournir des rapports
jusqu’à ce que l’enfant ait 18 ans.
En quoi ces difficultés nuisent-elles
au processus d’adoption ?
En 2009, les autorités russes ont
dans la région d’Irkoutsk. Il fal-
lait faire 26 heures de route de-
puis Irkoutsk pour arriver dans
sa ville natale, Ust-Ilimsk. Il avait
sept mois. Nous sommes arrivés
dans un petit orphelinat, et avons
été accueillis par un personnel
attentionné, des nourrices qui
s’occupaient très bien des en-
fants. Nous étions les premiers
étrangers à être allés si loin. La
directrice nous a fait visiter l’or-
phelinat : la cuisine, le préau, et
des enfants d’une autre section,
un peu plus vieux, de 18 mois à
trois ans. Quand nous sommes
entrés, ils étaient assis en train
de goûter. Ils se sont tous gés
en nous voyant, comprenant que
cela pouvait être papa ou maman.
Ils nous regardaient, sans bou-
ger, comme des statues. Un petit
garçon s’est levé subitement et
nous a tendu son biscuit. Nous
étions bouleversés.
Certaines familles, dit-on, aident
l’enfant à oublier la Russie en iden-
tifiant ce pays au malheur ?
Je pense que c’est très rare. Les
familles françaises sont généra-
lement fières de leurs enfants
adoptés en Russie et n’ont aucun
désir de tout détruire. La preuve :
quand nous organisons tous les
ans une fête du Nouvel An à
l’ambassade de Russie à Paris,
de plus en plus de familles ex-
priment leur désir de participer,
bien que beaucoup doivent venir
de loin à leurs frais.
Katia Vilarasau, son mari et leur enfant adopté.
Les adoptions d’enfants russes en France
« Si la Syrie plongeait
dans la guerre civile
(...), nulle résolution
de l’ONU ne nous
aiderait... »
Propos recueillis par
Natalia Kopossova
dressé une « liste noire » de toutes
les organisations qui auraient
omis de présenter ne serait-ce
qu’un seul rapport. Cette liste,
aujourd’hui, interdit l’adoption
en Russie aux familles résidant
dans 53 départements français,
dont Paris, c’est-à-dire plus de la
moitié du pays. Les papiers ont
été perdus par quelqu’un ; résul-
tat : toute la région est punie.
Combien de familles françaises at-
tendent leur tour aujourd’hui ?
Il y a près de 1 000 familles sur
la liste de l’AFA, mais certaine-
ment beaucoup plus en réalité.
Au moins 1 200 à 1 500 familles
seraient heureuses d’adopter un
enfant en Russie.
Pourquoi les Français choisissent-
ils des enfants en Russie ?
Surtout pour le sérieux de la pro-
cédure d’adoption en Russie, et
la proximité culturelle et histo-
rique des deux pays.
Vous-même l’avez choisie…
Oui, nous avons adopté notre ls
EN LIGNE
Consultez
larussiedaujourdhui.fr/
13052
Retrouvez sur notre site Web l’in-
tégralité de l’entretien que l’Am-
bassadeur Vitaly Tchourkine nous
a accordé sur un large éventail
de sujets.
REUTERS/VOSTOCK-PHOTO
ARCHIVES PERSONNELLES
Le parti du pouvoir a perdu la
majorité absolue pour ne garder
qu’une majorité simple au
Parlement. Restent les doutes
sur la légitimité du scrutin...
Russie Unie
l’emporte dans
la douleur et la
contestation
Les résultats des élections légis-
latives maintiennent la position
de leader du parti au pouvoir
Russie Unie au sein de la chambre
basse du Parlement russe (49,3%),
la Douma d’État. Un résultat
toutefois beaucoup plus faible
que les 64,3% enregistrés lors des
dernières élections, en 2007. Le
parti ne pourra désormais comp-
ter que sur 238 des 450 sièges,
contre 315 actuellement. Les
sièges restants seront répartis
proportionnellement entre les
trois autres forces parvenues à
franchir le seuil électoral de 7%
des voix. Mais le fait majeur du
scrutin est que le parti de Vladi-
mir Poutine a perdu la majorité
constitutionnelle des deux tiers,
qui lui permettait d’amender la
Constitution russe sans le sou-
tien de tous les autres partis po-
litiques. « Nous devrons con clure
des accords par le biais de coa-
litions et de blocs [au sein de la
prochaine Douma d’État]. C’est
la démocratie », a commenté le
Président Dmitri Medvedev, qui
dirigeait la liste de Russie Unie.
Dans l’opposition, on crie à la
fraude électorale. « Nous avons
reçu des milliers d’appels depuis
les bureaux régionaux confir-
mant des violations et des frau-
des massives », a rapporté la
BBC, citant le chef adjoint du
parti communiste Ivan Melnikov.
L’Internet regorge de vidéos de
citoyens lmant des scènes sus-
pectes. De nombreuses villes ont
vu déler des manfestants récla-
mant (comme l’ancien chef de
l’État soviétique Mikhaïl Gor-
batchev) l’annulation du scrutin
et de nouvelles élections.
Il s’agit de la première Douma
à être élue pour un mandat de
cinq ans (au lieu de quatre),
conformément aux modications
constitutionnelles adoptées en
2008. Les prochaines élections
auront lieu en 2016.
ARTEM ZAGORODNOV
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
LIRE AUSSI LES OPINIONS EXPRIMÉES
EN PAGE 6.
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