Le syndrome otite- conjonctivite en 2007

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Dossier
Le syndrome otiteconjonctivite en 2007
Robert Cohen
Service de microbiologie, CHI de Créteil, 40 avenue de Verdun, 94010 Créteil Cedex
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L’association otite-conjonctivite est très suggestive d’une infection à Hæmophilus
influenzae (75 à 85 % des cas). Les enfants présentant ce syndrome sont rarement
fébriles, l’otalgie est peu intense, et c’est l’examen systématique des tympans
devant une conjonctivite purulente qui conduit au diagnostic. L’intérêt essentiel
de ce syndrome est de guider l’antibiothérapie vers les molécules les plus actives
contre Hi.
Mots clés : conjonctivite purulente, otite moyenne aiguë, Hæmophilus influenzae
L’
Tirés à part : R. Cohen
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conjonctivites purulentes et l’une des
deux bactéries les plus importantes
(avec Sp) dans l’étiologie bactérienne
des otites, son importance relative
dans ces deux infections est bien inférieure à son rôle dans le SOC : ce
syndrome signe pratiquement une infection à Hi. Depuis, plusieurs études
sont venues confirmer la place de Hi
dans ce syndrome.
Clinique du SOC
L’ensemble de ces publications
permettent de caractériser les aspects
du SOC : il touche essentiellement des
nourrissons âgés de 6 à 30 mois, fréquentant volontiers les crèches. Le
syndrome s’installe généralement de
façon insidieuse et débute par une
rhinorrhée purulente et une toux, pouvant s’accompagner d’une fièvre modérée (< 38,5 °C), qui peut cependant
être absente. La conjonctive, le plus
souvent bilatérale, et l’otite apparaissent dans un second temps.
La conjonctive purulente est généralement le principal motif de la
consultation en raison de l’absence de
symptomatologie douloureuse et de
fièvre élevée. Cette atteinte oculaire
doi: 10.1684/mtp.2007.0105
mtp
association d’une otite moyenne
aiguë (OMA) à une conjonctivite
purulente, toutes deux dues à Hæmophilus influenzae (Hi) est décrite depuis 1966, dans une étude bactériologique publiée par Coffey où il retrouve
18 fois cette association sur 276 cas
d’OMA [1]. Dès 1970, Howie [2] distingue parmi les otites le tableau clinique de l’otite fébrile et douloureuse
qui évoque une infection à S. pneumoniae (Sp), et celui, moins sévère,
qui suggère une infection à Hi. En
1981, chez 99 enfants présentant une
conjonctivite aiguë, Gigliotti [3] note
19 fois l’association d’une otite chez
99 enfants présentant une conjonctivite et retrouve Hi dans le prélèvement oculaire dans 14 de ces cas. Le
terme
de
« syndrome
otiteconjonctivite » (SOC) est proposé en
1982 par Bodor, qui a isolé Hi 55 fois
sur une série de 75 patients [4]. En
1988, Cohen et al. [5] caractérisent les
aspects cliniques et bactériologiques
du SOC sur 81 observations, et retrouvent la forte prépondérance de Hi,
présent dans les sécrétions conjonctivales de 62 cas, contre deux pour Sp et
17 prélèvements négatifs. Les auteurs
indiquent que si Hi est la bactérie la
plus souvent responsable des
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n’est cependant que la manifestation apparente du syndrome : le plus souvent, l’OMA associée est uniquement
découverte par l’examen systématique des tympans, qui
est donc essentiel au diagnostic. Il faut néanmoins noter
que les signes évocateurs d’otites (otalgies, irritabilité,
insomnie) peuvent parfois être au premier plan dans le
SOC. L’examen attentif de l’angle interne des yeux révèle
alors la conjonctivite, ou l’interrogatoire des parents apprend que l’enfant avait les yeux collés et des sécrétions
oculaires purulentes le matin même au réveil, ou lors des
jours précédents.
tion de bêtalactamases ou à des modifications des PLP
3A/3B, observées respectivement chez 33,8 % (45,8 %
des souches d’otites) et 18,9 % des souches (dans 2/3 des
cas en l’absence de sécrétion de bêtalactamases) lors de
l’étude du collectif 2001 du Centre National de Référence
des H. influenzae [14]. Les céphalosporines de troisième
génération gardent des CMI basses vis-à-vis de ces souches résistantes par modifications des PLP alors que les
CMI de l’amoxicilline (sans ou avec l’acide clavulanique)
augmentent sensiblement. Lors de la dernière étude réalisée en France sur le SOC, un taux élevé (53 %) de résistances de Hi par production de bêtalactamases avait aussi
été mis en évidence [6].
Proportion d’otites s’accompagnant
d’une conjonctivite
Plusieurs études permettent de préciser cette proportion ; elle est importante : 16 % (intervalle de confiance à
95 % : 15 %-19 %) [6, 7]. Si on considère qu’environ 1/3
des otites sont liées à Hi et que cette espèce bactérienne
est impliquée dans 80 % des SOC, on peut en déduire que
plus d’un tiers des otites à H. influenzae peuvent être
diagnostiquées grâce à cette association. Une large utilisation du vaccin pneumococcique conjugué va modifier
la répartition des germes pathogènes dans les otites en
accroissant relativement la part des infections à Hi [8, 9],
ce qui suggère une possible augmentation des cas de SOC.
Conclusion
La présence d’une conjonctivite purulente chez un
jeune enfant doit faire examiner systématiquement les
tympans car une otite est fréquemment associée.
L’association d’une conjonctivite et d’une otite oriente
l’antibiothérapie vers une molécule active sur Hi. La résistance des souches de Hi par modification des PLP étant
devenue un phénomène significatif en France, la prescription de cefpodoxime devrait être privilégiée.
Références
Bactériologie du syndrome
otite-conjonctivite
1. Coffey JD. Otitis media in the practice of pediatrics. Bacteriological and clinical observations. Pediatrics 1966 ; 38(1) : 25-32.
De nombreuses études ont étudié les bactéries isolées
soit de prélèvements conjonctivaux, soit de pus auriculaire, soit des deux prélèvements à la fois [1-6, 10-12].
Dans toutes ces études, Hi est toujours la première bactérie isolée, représentant 60 à 90 % des cas. Chaque fois que
Hi était isolé à la fois de l’oreille et de l’œil, les profils
PFGE et les génotypages des souches ont montré un lien
génétique entre les couples d’isolats chez un même patient [6, 10]. La flore rhinopharyngée des patients présentant un SOC a aussi été étudiée : 80 % des patients sont
porteurs d’H. influenzae [13].
La quasi-totalité des souches de Hi retrouvées dans les
différentes études étaient non typables. La deuxième bactérie isolée est S. pneumoniae (5 à 20 % des cas) [6].
Souvent ces pneumocoques sont isolés en même temps
qu’un Hi et il s’agit fréquemment aussi de souches non
typables.
2. Howie VM, Ploussard JH, Lester RL. Otitis media : a clinical and
bacteriological correlation. Pediatrics 1970 ; 45 : 29-35.
3. Gigliotti F, Williams WT, Hayden FG, et al. Etiology of acute
conjunctivitis in children. J Pediatr 1981 ; 98 : 531-8.
4. Bodor FF. Conjunctivitis-otitis syndrome. Pediatrics 1982 ; 69(6) :
695-8.
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propos de 81 observations. Médecine et Maladies Infectieuses 1988 ;
10 bis : 553-7.
6. Bingen E, Cohen R, Jourenkova N, Gehanno P. Epidemiologic
study of conjunctivitis-otitis syndrome. Pediatr Infect Dis J 2005 ; 24 :
731-2.
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sur l’OMA en pratique pédiatrique de ville. Médecine Enfance 1996 ;
6 : 27-31.
8. Eskola J, Kilpi T, Palmu A, et al. Efficacy of A pneumococcal
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344(6) : 403-9.
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23 : 829-33.
Résistance aux antibiotiques
En France, la résistance de Hi aux bêtalactamines est
en augmentation constante, qu’elle soit due à une produc-
10. Bodor FF, Marchant CD, Shurin PA, et al. Bacterial etiology of
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