revue générale
Hypothyroïdie et grossesse :
répercussion sur la santé maternelle et infantile
Hypothyroidism and pregnancy: impact on mother and child health
O. Menif
S. Omar
M. Feki
N. Kaabachi
Laboratoire de biochimie,
Hôpital la Rabta de Tunis, Tunisie
Article reçu le 23 mai 2007,
accepté le 23 octobre 2007
Résumé.La grossesse entraîne d’importantes modifications de la fonction
thyroïdienne maternelle, susceptibles de favoriser l’apparition ou l’aggravation
d’une hypothyroïdie, particulièrement en cas de carence iodée ou d’auto-
immunité. L’hypothyroïdie gestationnelle serait associée à un plus grand ris-
que de complications maternelles et fœtales, particulièrement les avortements
et le retard du développement psychomoteur des enfants. La gravité de ces
complications dépend de la sévérité de l’hypothyroïdie et surtout de la qualité
de la prise en charge thérapeutique de la mère au cours de la grossesse. Bien
qu’il n’existe pas, à ce jour, de consensus universel pour le dépistage systéma-
tique de l’hypothyroïdie gestationnelle, la plupart des recommandations de
bonne pratique sont en faveur de ce dépistage, particulièrement dans les
régions à statut déficitaire ou limite en iode. Toutefois, si le dépistage systéma-
tique ne peut être pratiqué pour des raisons économiques, les praticiens
devraient être constamment à la recherche du moindre signe ou circonstance
évocateurs d’hypothyroïdie et prescrire le dosage de la thyréostimuline et des
anticorps anti-thyroperoxydase aux femmes enceintes, et ce le plus précoce-
ment au cours de la gestation.
Mots clés :anticorps anti-thyroperoxydase, avortement, déficit en iode,
développement psychomoteur, grossesse, hormone thyréostimulante,
hypothyroïdie
Abstract.Pregnancy is associated with physiological changes in thyroid func-
tion that may result in thyroid insufficiency, especially in presence of auto-
immunity or iodine deficiency. Gestational hypothyroidism has been associated
with adverse health outcomes for both the mother and child, including
increased miscarriage risk and delayed neuropsychological development in
neonate and child. The severity of such complications mainly depends on the
precocity and the adequacy of L-thyroxin treatment. There is no consensus
regarding systematic thyroid function testing in pregnant women. But, the
majority of authors are favorable for systematic screening, especially in iodine
deficient or marginally sufficient areas. However, when systematic screening
could not be performed for economic reasons, physicians should achieve
aggressive case finding for thyroid disease during pregnancy.
Key words:anti thyroperoxidase antibodies, hypothyroidism, iodine
deficiency, miscarriage, psychomotor development, pregnancy, thyro-
stimulating hormone
Tirés à part : M. Feki
abc
Ann Biol Clin 2008 ; 66 (1) : 43-50
doi: 10.1684/abc.2008.0190
Ann Biol Clin, vol. 66, n° 1, janvier-février 2008 43
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La pathologie thyroïdienne est la deuxième cause d’endo-
crinopathie en cours de grossesse (après le diabète).
L’excès comme le défaut d’hormones thyroïdiennes,
c’est-à-dire l’hyperthyroïdie comme l’hypothyroïdie sont
délétères pour la mère et son fœtus. Nous limiterons notre
exposé à l’hypothyroïdie gestationnelle, qui peut être dia-
gnostiquée cliniquement et biologiquement dès le début
de la grossesse ou bien se développer progressivement
pendant la gestation. Outre les carences iodées, l’hypothy-
roïdie gestationnelle trouve son origine dans une problé-
matique auto-immune, que la carence iodée peut aggraver.
L’hypothyroïdie gestationnelle est notamment responsa-
ble d’une augmentation du risque de complications obsté-
tricales et de retard de développement psychomoteur de
l’enfant. Le dépistage de l’hypothyroïdie congénitale par
le dosage de la tyréostimuline (TSH) chez le nouveau-né
est une obligation légale dans de nombreux pays dont la
France, ce qui est une excellente mesure compte tenu de
l’extrême gravité de cette pathologie. En revanche, bien
que la prévalence de l’hypothyroïdie gestationnelle soit
nettement supérieure à celle de l’hypothyroïdie congéni-
tale, son dépistage n’est pas obligatoire. Nous disposons
toutefois d’arguments en faveur d’un tel dépistage qui, au
vu de la fréquence de prescription du dosage de TSH et de
thyroxine libre (T4 libre), est déjà largement mis en place
en France et à moindre degré en Tunisie. Dans le présent
travail, nous passons en revue l’ensemble de ces argu-
ments.
Prévalence et étiologies
de l’hypothyroïdie au cours
de la grossesse
La fréquence de l’hypothyroïdie est variable d’une étude à
l’autre en fonction du pays et des critères diagnostiques.
Lejeune et al. [1] ont rapporté une prévalence de 2,2 %
dans une étude portant sur 1 900 femmes enceintes belges
à leur première visite médicale. Le diagnostic a été retenu
pour une TSH > 4 mUI/L. Une prévalence similaire
(2,5 %) a été trouvée dans une étude portant sur 2 000
femmes enceintes américaines. Le dépistage était réalisé
entre 15 et 18 semaines d’aménorrhée et le diagnostic était
retenu devant une TSH > 6 mUI/L [2]. La prévalence de
l’hypothyroïdie était de 1,3 % dans un groupe de 691 fem-
mes italiennes enceintes de8à10semaines [3]. La préva-
lence était plus élevée (3,2 %) dans un groupe de 1 548
femmes enceintes tunisiennes, chez lesquelles l’hypothy-
roïdie a été retenue devant une TSH > 4,5 mUI/L [4].
L’atteinte auto-immune est la principale cause de l’hypo-
thyroïdie gestationnelle [5-7]. La carence iodée, même
modérée, semble favoriser la survenue ou l’aggravation
d’une hypothyroïdie au cours de la grossesse [5, 8, 9].
L’hypothyroïdie peut être antérieure à la grossesse, d’ori-
gine auto-immune, carentielle ou iatrogène (iode radioac-
tif, antithyroïdiens de synthèse, dérivés iodés, lithium,
thyroïdectomie), ou rarement en rapport avec une maladie
infiltrative (sarcoïdose, amylose) ou une irradiation cervi-
cale.
Diagnostic de l’hypothyroïdie
au cours de la grossesse
Le diagnostic est facile en cas d’hypothyroïdie patente
(TSH élevée avec T4 libre abaissée), mais souvent difficile
au cours de la grossesse car l’hypothyroïdie est générale-
ment fruste (TSH élevée, mais inférieure à 10 mUI/L, avec
T4 libre normale chez un patient asymptomatique ou
pauci-symptomatique). D’autre part, certains signes évo-
cateurs d’hypothyroïdie comme l’asthénie, les œdèmes et
les crampes musculaires sont plutôt attribués à la gros-
sesse [6, 10]. Le diagnostic est basé essentiellement sur les
dosages hormonaux. Cependant, les taux de TSH et des
hormones thyroïdiennes peuvent varier au cours de la
grossesse [5]. Le diagnostic est facilement posé en cas
d’élévation nette de la TSH, associée ou non à une baisse
de T4 libre, mais reste incertain en cas de faibles varia-
tions des taux par rapport aux normes. Par ailleurs, il
n’existe pas de consensus sur les seuils, ni l’anomalie
biologique (élévation de TSH, hypothyroxinémie, ou anti-
TPO positifs) qui préjuge du retentissement fœto-maternel
de l’insuffisance thyroïdienne [11-13].
Répercussions maternelles
et infantiles de l’hypothyroïdie
au cours de la grossesse
L’hypothyroïdie est souvent associée à des cycles anovu-
latoires, source d’infertilité [14]. Toutefois, la grossesse
peut survenir chez la femme hypothyroïdienne avec un
risque élevé de complications maternelles et infantiles.
Complications obstétricales
De nombreuses complications fœto-maternelles ont été
décrites en cas d’hypothyroïdie au cours de la grossesse.
Abréviations
anti-TPO : anticorps anti-thyroperoxydase
HCG : hormone choriogonadotrope
QI : quotient intellectuel
T4 libre : thyroxine libre
TSH : thyréostimuline
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L’hypothyroïdie patente a été associée à une fréquence
plus élevée de toxémie gravidique en comparaison avec
l’hypothyroïdie fruste (44 % versus 17%et22%versus
15 %) [15, 16]. Davis et al. [15] ont rapporté un risque
élevé de placenta praevia (19 %), d’anémie (31 %),
d’hémorragie du post partum (19 %) et de pré-éclampsie
(44 %) chez les femmes présentant une hypothyroïdie
patente. La fréquence de ces complications était significa-
tivement plus faible chez les femmes dont la fonction
thyroïdienne était normalisée par la L-thyroxine [15].
Dans une large cohorte, une hypothyroxinémie en début
de gestation a été associée à un risque plus élevé de pré-
sentation de siège à terme [OR : 4,5 (1,1–19,0)] [17]. Un
retard de croissance intra-utérin et/ou un faible poids de
naissance (< 2 000 g) étaient plus fréquents chez les fem-
mes avec hypothyroïdie patente (22 %) comparativement
à des femmes avec hypothyroïdie fruste (9 %) [16]. Was-
serstrum et al. [18] ont rapporté une fréquence élevée de
souffrance fœtale aiguë chez les femmes hypothyroïdien-
nes (56 %). L’hypothyroïdie maternelle était associée à un
risque élevé de faible poids de naissance et d’accouche-
ment par césarienne [19]. D’autre part, la mortalité fœtale
et périnatale était plus élevée dans la progéniture des fem-
mes hypothyroïdiennes. Allan et al. [20] ont trouvé une
fréquence plus élevée de mort fœtale (3,8 %) chez des
femmes avec une TSH > 6 mIU/L entre 15 et 18 semaines
de gestation, en comparaison aux femmes euthyroïdiennes
(0,9 %).
Les complications materno-fœtales dépendent de la qua-
lité de l’équilibre de la fonction thyroïdienne au cours de
la grossesse. Un accouchement à terme a été noté chez
93 % des femmes bien équilibrées sous traitement contre
seulement 21 % des femmes mal équilibrées [21]. Dans ce
2
e
groupe, 67 % des femmes ont eu un avortement précoce
et 12 % un accouchement prématuré. Une étude récente a
montré que les femmes hypothyroïdiennes bien traitées ne
présentaient pas un risque plus élevé de complications
néonatales par rapport à la population générale, mais
avaient un risque plus élevé de pré-éclampsie [22].
Complications chez le nouveau-né et l’enfant
Les hormones thyroïdiennes sont impliquées dans la neu-
rogenèse, la migration neuronale, la myélinisation et la
régulation de la neurotransmission [23]. Par conséquent,
elles sont essentielles au développement cérébral du fœtus
et du nouveau-né [24]. La synthèse des hormones thyroï-
diennes par la thyroïde fœtale débute aux alentours de la
20
e
semaine de gestation et les besoins du fœtus sont
assurés par la thyroïde maternelle au cours des 2 premiers
trimestres de grossesse grâce au passage transplacentaire
[23]. C’est ainsi qu’une hypothyroïdie maternelle pourrait
affecter le développement neurologique du nouveau-né et
de l’enfant. Smit et al. [13] ont montré que l’hypothyroï-
die fruste au cours du premier trimestre de grossesse était
associée à un faible score développemental des enfants
durant la première année de vie. Haddow et al. [12] ont
étudié les performances scolaires, motrices et visuelles
chez 62 enfants âgés de7à9ans, issus de mères ayant
présenté une hypothyroïdie gestationnelle, comparative-
ment à 124 enfants nés de mères euthyroïdiennes au cours
de la grossesse. Les enfants des mères hypothyroïdiennes
avaient un quotient intellectuel (QI) inférieur de 4 points
en comparaison aux enfants témoins (103 versus 107). Le
QI global était inférieur de 7 points chez les enfants issus
de mères hypothyroïdiennes non diagnostiquées pendant
la grossesse en comparaison aux enfants témoins (100
versus 107), alors que le QI des enfants nés de mères
hypothyroïdiennes bien traitées était normal (QI = 112).
Ces auteurs ont démontré que le risque de difficultés
d’apprentissage scolaire est multiplié par 4 chez les
enfants de mères avec hypothyroïdie gestationnelle mal
contrôlée [12]. Pop et al. [25] ont testé les performances
psychomotrices chez 220 nourrissons de 10 mois, classés
en fonction de la T4 libre maternelle à 12 semaines de
gestation. Ils ont montré que l’hypothyroxinémie mater-
nelle (T4 libre < 10
e
percentile) était associée à un faible
score de développement psychomoteur des enfants. Le
tableau 1 résume la prévalence des complications fœto-
maternelles associées à l’hypothyroïdie gestationnelle.
Tableau 1. Prévalence des complications maternelles et fœtales
dans l’hypothyroïdie maternelle au cours de la grossesse.
Complications Hypothyroïdie %
(patente vs fruste)
Références
Anémie 31 [15]
Hémorragie du post partum 19 [15]
4 [16]
Pré-éclampsie 44 vs 17 [15]
22 vs 15 [16]
Placenta praevia 19 [15]
Césarienne 28,7 [19]
Souffrance fœtale aiguë 56 vs 3 [18]
Prématurité / faible poids de naissance 31 [15]
22 vs 9 [16]
15 [19]
Malformations congénitales 4 [16]
6 [21]
Mort fœtale 12 [15]
4 [16]
3 [21]
Mortalité périnatale 9 [6]
3,8 [20]
Quotient intellectuel < 85 points 19 [12]
Hypothyroïdie et grossesse
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Auto-immunité thyroïdienne
et grossesse
La présence d’auto-anticorps antithyroïdiens circulants,
anti-thyroperoxydase (anti-TPO) ou anti-thyroglobuline, a
été associée à un risque élevé de maladie thyroïdienne.
Leur prévalence était variable de5à20%chez la femme
enceinte ou en âge de procréer [1, 26-30]. La présence
d’anticorps antithyroïdiens au premier trimestre de gros-
sesse a été associée à un risque élevé (risque relatif varia-
ble de 1,9 à 4) d’avortements spontanés (tableau 2).Par
ailleurs, plusieurs études [31-34], mais pas toutes [35, 36]
ont rapporté une association entre l’auto-immunité thyroï-
dienne et les avortements à répétitions (tableau 3). Diffé-
rentes hypothèses ont été proposées pour expliquer l’asso-
ciation entre les anticorps antithyroïdiens et les
avortements. D’abord, ces anticorps sont des marqueurs
d’une perturbation immunologique pourvoyeuse de pertes
fœtales [26]. En plus, l’auto-immunité pourrait altérer la
capacité de la thyroïde à s’adapter aux modifications du
métabolisme thyroïdien au cours de la grossesse. Enfin, la
prévalence des anticorps antithyroïdiens augmente avec
l’âge, qui représente un facteur de risque connu des avor-
tements spontanés.
La thyroïdite du post partum était plus fréquente chez les
femmes présentant des titres élevés d’anticorps anti-TPO
comparativement aux femmes avec anti-TPO négatifs
(63 % contre 14 %) [37]. La présence d’auto-anticorps
antithyroïdiens n’était pas associée à une dysfonction thy-
roïdienne néonatale [38], mais était associée à un trouble
du développement mental des enfants [11]. Dans une
étude longitudinale, Pop et al. [11] ont comparé des
enfants âgés de 9 ans, dont la mère avait des anti-TPO
positifs à 32 semaines de gestation à des enfants de même
âge, issus de mères euthyroïdiennes avec anti-TPO néga-
tifs. Ces auteurs ont observé une baisse du QI de 10 points
dans le premier groupe par rapport au groupe témoin.
Déficit en iode et grossesse
La grossesse engendre des modifications importantes du
métabolisme de l’iode. D’un côté, la thyroïde maternelle
est sollicitée pour accroître la production des hormones
thyroïdiennes. Parallèlement, le capital en iode baisse
chez la mère en rapport avec un passage trans-placentaire
et une augmentation de la fuite rénale d’iode et l’augmen-
tation de synthèse des hormones thyroïdiennes secondaire
à la sécrétion accrue de thyroxin binding globulin (TBG)
sous l’action des œstrogènes [5, 7, 39]. Ces modifications
peuvent aggraver une carence nutritionnelle et entraîner
une baisse de synthèse des hormones thyroïdiennes.
Un déficit d’apport en iode, léger (50 à 99 mg/j), modéré
(20 à 49 mg/j) ou sévère (< 20 mg/j) pourrait entraîner des
complications maternelles et fœtales [40]. La prévalence
du goitre était de l’ordre de 90 % chez des femmes en âge
de procréer dans des pays avec déficit sévère en iode
comme la Nouvelle Guinée [41] et le Zaïre [42]. De nom-
breuses études européennes ont rapporté une augmenta-
tion du volume thyroïdien au cours de la grossesse. Cette
augmentation était faible (10 à 15 %) dans les pays suffi-
sants en iode comme la Finlande et l’Irlande et était plus
importante (20 à 35 %) dans les pays présentant un léger
déficit d’apport iodé comme la Belgique, la France et le
Danemark [43]. D’autre part, la supplémentation iodée au
cours de la grossesse a permis de réduire la prévalence du
goitre [40].
La carence iodée a été trouvée associée à un taux élevé de
mortalité néonatale [7]. La fortification iodée de l’eau
d’irrigation dans trois villages de l’ouest de la Chine,
caractérisés par un déficit sévère en iode a entraîné une
réduction de moitié de la mortalité néonatale et infantile
[44]. Une diminution de la mortalité néonatale et une aug-
mentation du poids de naissance des nouveau-nés ont été
rapportées chez des femmes congolaises après supplémen-
tation maternelle en iode vers la 28
e
semaine de gestation
[45]. Une supplémentation iodée préconceptionnelle a
permis de réduire la fréquence des pertes fœtales de 24 %
à 16 % en Nouvelle Guinée et de la mortinatalité de 1,8 %
à 0,9 % au Zaïre [46].
Le déficit iodé a été également associé à un retard mental
ou des anomalies neurologiques dont le crétinisme repré-
sente la forme la plus grave. Dans des régions déficitaires
en iode, une migration désorganisée des cellules cérébra-
les fœtales a été observée dans les produits d’avortement
[47]. Une méta-analyse de 18 études réalisées dans des
régions déficitaires en iode a montré une diminution du QI
de 13,5 points par rapport aux témoins issus de régions
non déficitaires [48]. Une autre méta-analyse de 37 études
chinoises portant sur 12 291 enfants a révélé une diminu-
tion du QI de 12,45 points chez les enfants vivant dans les
régions avec déficit sévère en iode comparativement aux
enfants des régions suffisantes en iode. D’autre part, la
supplémentation iodée au cours de la grossesse a permis
de prévenir le déficit intellectuel dans ces régions [49]. La
physiopathologie des anomalies neurologiques du créti-
nisme n’est pas bien comprise, mais l’hypothyroxinémie
maternelle secondaire au déficit iodé semble fortement
impliquée. D’ailleurs, une supplémentation iodée mater-
nelle avant le second trimestre de grossesse a permis de
réduire l’incidence du déficit intellectuel [46].
Les perturbations du développement neurologique ont été
également décrites dans des régions avec déficit léger en
iode. Une altération du développement neuropsychologi-
que chez des jeunes écoliers a été décrite dans des régions
montagneuses de Sicile, présentant un déficit léger à
modéré en iode [50]. Récemment, Vermiglio et al. ont
revue générale
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rapporté une augmentation de l’incidence du syndrome
hyperactivité/déficit de l’attention chez des enfants issus
de mères présentant un déficit léger à modéré en iode au
cours de la grossesse [51].
La carence en iode reste fréquente dans de nombreuses
régions du monde. Pour remédier à ce problème de santé
majeur, certains auteurs préconisent d’assurer un apport
suffisant en iode par fortification alimentaire ou supplé-
mentation médicamenteuse chez les femmes enceintes
[52, 53]. L’organisation mondiale de la santé (OMS)
recommande un apport quotidien en iode de 200 lg pour
la femme enceinte [54]. La supplémentation iodée a per-
mis de prévenir le retard mental chez des jeunes enfants
dans certaines régions du monde. Cependant, la supplé-
mentation sous forme de “sel de cuisine enrichi en iode”
n’est pas le moyen optimal chez la femme enceinte, en
raison de la nécessité d’éviter l’excès de sel chez elle.
Dépistage de l’hypothyroïdie
au cours de la grossesse
Actuellement, s’il n’existe pas de consensus universel
pour le dépistage systématique des troubles thyroïdiens au
cours de la grossesse, la majeure partie des recommanda-
tions de bonne pratique se positionne en faveur du dépis-
tage (tableau 4).LaNational academy of clinical bioche-
mistry, avec la participation des associations de recherche
Tableau 2. Avortements spontanés et anticorps antithyroïdiens.
Références Pays Effectif MTAI (%) Avortement (%)
MTAI vs témoins
p
[26] États-Unis 552 19,6 17 8,4 0,011
[27] Belgique 723 6,2 13,3 3,3 < 0,005
[1] Belgique 363 6,3 22 5 < 0,005
[28] Japon 1 179 10,6 10,4 5,5 0,05
[29] Turquie 876 12,3 50 14,1 < 0,001
[30] Brésil 534 5,4 10,3 2 0,029
MTAI : maladie thyroïdienne auto-immune.
Tableau 3. Avortements à répétitions et anticorps antithyroïdiens.
Références Pays Effectif Avortement [%]
MTAI vs témoins
p
[35] États-Unis 45 31 19 NS
[31] Allemagne 58 39 7 < 0,01
[36] États-Unis 149 29 37 NS
[32] États-Unis 900 22,5 14,5 0,01
[33] Grèce 45 37 13 < 0,05
[34] Égypte 50 67 16 < 0,001
MTAI : maladie thyroïdienne auto-immune.
Tableau 4. Recommandations des sociétés savantes à propos du dépistage des dysthyroïdies chez les femmes enceintes ou en âge
de procréer.
Année Recommandations
National academy of clinical biochemistry [55] 2002 Dépistage systématique des femmes en début de grossesse incluant TSH,
T4 libre et anti-TPO et éventuellement la recherche d’une carence iodée
American association of clinical endocrinologists (AACE) [56] 2002 Dosage de TSH avant la grossesse ou au cours du premier trimestre
de la grossesse
American college of obstetricians and gynaecologists [57] 2002 Absence de preuves suffisantes pour un dépistage de dysthyroïdie chez la femme
enceinte asymptomatique et avec augmentation modérée du volume de la glande
thyroïde
Comité d’experts de The endocrine society,American thyroid
association et AACE [58]
2004 Dosage de TSH avant ou au cours de la grossesse chez les femmes à risque
(histoire familiale ou personnelle de maladie thyroïdienne, maladie auto-immune,
diabète de type 1)
Comité d’experts de The endocrine society,American thyroid
association et AACE [59]
2005 Dépistage de routine justifié dans la population générale et en particulier
chez la femme enceinte
Hypothyroïdie et grossesse
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