
Auto-immunité thyroïdienne
et grossesse
La présence d’auto-anticorps antithyroïdiens circulants,
anti-thyroperoxydase (anti-TPO) ou anti-thyroglobuline, a
été associée à un risque élevé de maladie thyroïdienne.
Leur prévalence était variable de5à20%chez la femme
enceinte ou en âge de procréer [1, 26-30]. La présence
d’anticorps antithyroïdiens au premier trimestre de gros-
sesse a été associée à un risque élevé (risque relatif varia-
ble de 1,9 à 4) d’avortements spontanés (tableau 2).Par
ailleurs, plusieurs études [31-34], mais pas toutes [35, 36]
ont rapporté une association entre l’auto-immunité thyroï-
dienne et les avortements à répétitions (tableau 3). Diffé-
rentes hypothèses ont été proposées pour expliquer l’asso-
ciation entre les anticorps antithyroïdiens et les
avortements. D’abord, ces anticorps sont des marqueurs
d’une perturbation immunologique pourvoyeuse de pertes
fœtales [26]. En plus, l’auto-immunité pourrait altérer la
capacité de la thyroïde à s’adapter aux modifications du
métabolisme thyroïdien au cours de la grossesse. Enfin, la
prévalence des anticorps antithyroïdiens augmente avec
l’âge, qui représente un facteur de risque connu des avor-
tements spontanés.
La thyroïdite du post partum était plus fréquente chez les
femmes présentant des titres élevés d’anticorps anti-TPO
comparativement aux femmes avec anti-TPO négatifs
(63 % contre 14 %) [37]. La présence d’auto-anticorps
antithyroïdiens n’était pas associée à une dysfonction thy-
roïdienne néonatale [38], mais était associée à un trouble
du développement mental des enfants [11]. Dans une
étude longitudinale, Pop et al. [11] ont comparé des
enfants âgés de 9 ans, dont la mère avait des anti-TPO
positifs à 32 semaines de gestation à des enfants de même
âge, issus de mères euthyroïdiennes avec anti-TPO néga-
tifs. Ces auteurs ont observé une baisse du QI de 10 points
dans le premier groupe par rapport au groupe témoin.
Déficit en iode et grossesse
La grossesse engendre des modifications importantes du
métabolisme de l’iode. D’un côté, la thyroïde maternelle
est sollicitée pour accroître la production des hormones
thyroïdiennes. Parallèlement, le capital en iode baisse
chez la mère en rapport avec un passage trans-placentaire
et une augmentation de la fuite rénale d’iode et l’augmen-
tation de synthèse des hormones thyroïdiennes secondaire
à la sécrétion accrue de thyroxin binding globulin (TBG)
sous l’action des œstrogènes [5, 7, 39]. Ces modifications
peuvent aggraver une carence nutritionnelle et entraîner
une baisse de synthèse des hormones thyroïdiennes.
Un déficit d’apport en iode, léger (50 à 99 mg/j), modéré
(20 à 49 mg/j) ou sévère (< 20 mg/j) pourrait entraîner des
complications maternelles et fœtales [40]. La prévalence
du goitre était de l’ordre de 90 % chez des femmes en âge
de procréer dans des pays avec déficit sévère en iode
comme la Nouvelle Guinée [41] et le Zaïre [42]. De nom-
breuses études européennes ont rapporté une augmenta-
tion du volume thyroïdien au cours de la grossesse. Cette
augmentation était faible (10 à 15 %) dans les pays suffi-
sants en iode comme la Finlande et l’Irlande et était plus
importante (20 à 35 %) dans les pays présentant un léger
déficit d’apport iodé comme la Belgique, la France et le
Danemark [43]. D’autre part, la supplémentation iodée au
cours de la grossesse a permis de réduire la prévalence du
goitre [40].
La carence iodée a été trouvée associée à un taux élevé de
mortalité néonatale [7]. La fortification iodée de l’eau
d’irrigation dans trois villages de l’ouest de la Chine,
caractérisés par un déficit sévère en iode a entraîné une
réduction de moitié de la mortalité néonatale et infantile
[44]. Une diminution de la mortalité néonatale et une aug-
mentation du poids de naissance des nouveau-nés ont été
rapportées chez des femmes congolaises après supplémen-
tation maternelle en iode vers la 28
e
semaine de gestation
[45]. Une supplémentation iodée préconceptionnelle a
permis de réduire la fréquence des pertes fœtales de 24 %
à 16 % en Nouvelle Guinée et de la mortinatalité de 1,8 %
à 0,9 % au Zaïre [46].
Le déficit iodé a été également associé à un retard mental
ou des anomalies neurologiques dont le crétinisme repré-
sente la forme la plus grave. Dans des régions déficitaires
en iode, une migration désorganisée des cellules cérébra-
les fœtales a été observée dans les produits d’avortement
[47]. Une méta-analyse de 18 études réalisées dans des
régions déficitaires en iode a montré une diminution du QI
de 13,5 points par rapport aux témoins issus de régions
non déficitaires [48]. Une autre méta-analyse de 37 études
chinoises portant sur 12 291 enfants a révélé une diminu-
tion du QI de 12,45 points chez les enfants vivant dans les
régions avec déficit sévère en iode comparativement aux
enfants des régions suffisantes en iode. D’autre part, la
supplémentation iodée au cours de la grossesse a permis
de prévenir le déficit intellectuel dans ces régions [49]. La
physiopathologie des anomalies neurologiques du créti-
nisme n’est pas bien comprise, mais l’hypothyroxinémie
maternelle secondaire au déficit iodé semble fortement
impliquée. D’ailleurs, une supplémentation iodée mater-
nelle avant le second trimestre de grossesse a permis de
réduire l’incidence du déficit intellectuel [46].
Les perturbations du développement neurologique ont été
également décrites dans des régions avec déficit léger en
iode. Une altération du développement neuropsychologi-
que chez des jeunes écoliers a été décrite dans des régions
montagneuses de Sicile, présentant un déficit léger à
modéré en iode [50]. Récemment, Vermiglio et al. ont
revue générale
Ann Biol Clin, vol. 66, n° 1, janvier-février 200846
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.