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Le rapport des catholiques à l’islam en France
Le meurtre du père Jacques Hamel dans son église
de Saint-Etienne-du-Rouvray a constitué un véritable
choc dans la population et a fortiori chez les
catholiques. Si les plus hautes autorités de l’Eglise et
les représentants du culte musulman ont fait front
commun face à la barbarie et ont appelé à communier
dans un message de paix, cette nouvelle attaque
djihadiste visant très symboliquement un prêtre dans
son église a réactivé la crainte de tensions
communautaires et de représailles de la part de
catholiques vis-à-vis de musulmans. Cet acte
terroriste intervient en effet dans un contexte déjà très
chargé, marqué par une défiance d’une part
importante de la population catholique vis-à-vis de
l’islam.
Département Opinion et Stratégies d’Entreprises
N° 140
Août 2016
Récemment publiés
139 : Le spectre de la guerre civile
138 : La Loire-Atlantique dit « oui » à
l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes
137 : Pourquoi le FN a-t-il adopté une
attitude prudente vis-à-vis de la loi Travail ?
136 : 3ème circonscription de Loire-
Atlantique : le PS conserve son fief en dépit de
mauvais reports.
135 : L’influence de l’isolement et de
l’absence de services et commerces de
proximité sur le vote FN en milieu rural.
134 : François Hollande face à la fronde
paysanne
133 : Premier tour des régionales : le FN
poursuit sa progression
132 : « Retrait républicain » ou maintien de
la gauche au 2nd tour : quels enseignements
tirer des précédents scrutins ?
131 : Répartition des bureaux de vote pour
la primaire de la droite et du centre : le choix
du scrutin de référence est loin d’être neutre
130 : L’évolution de la popularité des chefs
de file du Front National
129 : L’image du Parti Socialiste à la veille
du Congrès de Poitiers
128 : Migrants en Méditerranée : un
durcissement de l’opinion
127 : Les élections départementales et
l’effet « domino » des municipales
126 : Le FN au second tour des élections
départementales de 2015
U
O
F
C
S
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1- Une crispation croissante des catholiques pratiquants vis-à-vis de l’islam
Différents indicateurs témoignent en effet ces dernières années d’un raidissement vis-à-vis de l’islam, encore
plus prononcé parmi les catholiques pratiquants que dans l’ensemble de la population. Cela se manifeste à la
fois pour ce qui est de la menace que ferait peser la présence d’une communauté musulmane sur l’identité de
notre pays, mais plus encore en ce qui concerne l’influence et la visibilité de l’islam en France. Tout se passe
comme si les catholiques pratiquants, qui se sentent démographiquement en déclin et qui, avec le débat puis
l’adoption du mariage pour tous, ont pris encore davantage conscience que par le passé du fait qu’ils étaient
désormais largement minoritaires dans la société française d’aujourd’hui, ressentaient de plus en plus en mal
la visibilité accrue de l’islam dans l’espace public. A leurs yeux, le dynamisme dont ferait preuve l’islam
viendrait ainsi concurrencer un catholicisme beaucoup plus anciennement installé mais aujourd’hui en perte
de vitesse.
L’évolution de l’adhésion à différentes opinions concernant l’islam dans l’ensemble de la population
et parmi les catholiques pratiquants
Avril 2016
Evolution
« La présence d’une communauté musulmane en France est plutôt
une menace pour l’identité de notre pays. »
Ensemble des Français
47%
+ 4 pts
Catholiques pratiquants
55%
+ 8 pts
« L’influence et la visibilité de l’islam en France sont aujourd’hui
trop importantes. »
Ensemble des Français
63%
+ 3 pts
Catholiques pratiquants
71%
+ 11 pts
Qu’il s’agisse de la levée de boucliers suite à la recommandation de l’Association des Maires de France de ne
plus installer de crèches de Noël dans les mairies afin de respecter à la lettre le principe de laïcité ou du succès
de la pétition lancée par Valeurs Actuelles pour refuser que des églises ne soient converties en mosquées,
suggestion très maladroite du recteur de la grande mosquée de Paris Dalil Boubakeur, car symbolisant
principalement l’effacement du catholicisme au profit d’un islam dynamique, on constate que toute une partie
de la France catholique se mobilise très rapidement sur ce type de sujets « identitaires ». On retrouve dans les
enquêtes d’opinion de nombreux signes de cette crispation croissante, qui se polarise notamment sur les
attributs symbolisant cette visibilité accrue de l’islam dans le paysage.
L’évolution de l’opposition à la construction de mosquées et au port du voile à l’école dans l’ensemble
de la population et parmi les catholiques pratiquants
Avril 2016
Evolution
% de réponses « opposé à l’édification de mosquées ».
Ensemble des Français
52%
+ 9 pts
Catholiques pratiquants
55%
+ 15 pts
% de réponses « opposé au port du voile ou du foulard dans les
écoles publiques ».
Ensemble des Français
63%
-
Catholiques pratiquants
67%
+ 13 pts
3
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Entre octobre 2012 et avril dernier, l’opposition à la construction de mosquées est ainsi devenue largement
majoritaire parmi les catholiques pratiquants et a progressé de 15 points, contre une hausse de 9 points dans
l’ensemble de la population. Dans le même mouvement, l’opposition au port du voile ou du foulard islamique
dans les écoles publiques, qui ne ralliait que 54% des catholiques pratiquants (une partie d’entre eux voyant
peut être à l’époque cette interdiction comme un signe d’une trop rigide laïcité de l’école républicaine dont
les catholiques auraient souffert par le passé) est désormais partagée par 67% d’entre eux, soit une
progression de 13 points en 4 ans alors que ce score demeurait parfaitement stable dans l’ensemble de la
population.
2- …et une réticence à l’accueil de migrants musulmans
Cette crispation vis-à-vis du développement de l’islam, mais aussi l’inquiétude face à la menace terroriste, sont
à l’origine du trouble profond qu’a créé la crise des migrants parmi les catholiques français. Un sondage Ifop
pour Pèlerin réalisé en septembre 2015
1
montrait que si 58% des catholiques pratiquants approuvaient la
demande du Pape selon laquelle chaque paroisse d’Europe devait accueillir une famille de migrants, 31% la
désapprouvaient et 11% y étaient indifférents, cette position d’indifférence voire d’opposition étant assez rare
chez des pratiquants lorsqu’il s’agit de la parole papale. Le fait que ces migrants soient musulmans a sans
doute joué sur la réticence d’une partie des catholiques français à pratiquer la charité chrétienne. On se
souvient que plusieurs maires de droite avaient signifié qu’ils étaient prêts à accueillir des migrants dans leur
ville mais uniquement des chrétiens. Et dans le même ordre d’idées, on rappellera qu’en août 2014, après la
prise de Mossoul par l’Etat islamique, 76% des catholiques pratiquants étaient favorables à ce que la France
accueille des chrétiens d’Orient
2
, alors que cette proportion n’était plus que de 48% en septembre 2015
lorsqu’il s’agissait des migrants, très majoritairement musulmans.
Comme on peut le voir dans le tableau suivant, cette adhésion molle à l’accueil de migrants parmi les
catholiques pratiquants allait encore s’éroder, puisqu’en mars 2016, ils n’étaient plus que 38% à se dire
favorables soit une baisse de 10 points en six mois, alors que le recul n’était que de 4 points dans l’ensemble
de la population.
L’évolution de l’adhésion à l’accueil des migrants
16-22
septembre
2015
19-21
janvier
2016
8-10
mars
2016
22-26
Avril
2016
(%)
(%)
(%)
(%)
Catholiques pratiquants ...............................................................
48
47
38
54
Catholiques non pratiquants ........................................................
41
33
35
37
Autres religions .............................................................................
54
54
64
72
Sans religion .................................................................................
51
45
48
51
Ensemble des Français .............................................................
46
40
42
46
1
Sondage réalisé par internet du 16 au 21 septembre 2015 auprès d’un échantillon national représentatif de 2997 personnes.
2
Sondage Ifop pour Le Figaroalisé par internet de 30 juillet au 1er août 2014 auprès d’un échantillon national représentatif de 1002
personnes.
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Pour contrer cette nette tendance baissière, il fallut le déplacement du Pape à Lesbos. A la suite de ce voyage
papal très médiatisé, l’adhésion à l’accueil progressa ainsi de 4 points dans l’ensemble de la population mais
cette hausse atteignit 16 points (de 38 à 54%) parmi les catholiques pratiquants
3
. Le geste symbolique fort du
Pape François de ramener avec lui au Vatican 12 migrants musulmans a manifestement provoqué une prise
de conscience parmi des catholiques pratiquants partagés entre charité chrétienne et peur face au terrorisme
ou au développement dynamique de l’islam en France. Le geste du Pape n’eut en revanche quasiment aucun
impact auprès des catholiques non pratiquants (l’adhésion passant de 35 à 37% parmi eux) chez qui le devoir
de miséricorde ne contrebalance pas l’inquiétude sécuritaire et identitaire.
Cette inquiétude sécuritaire et identitaire des catholiques, et notamment des non pratiquants beaucoup
moins sensibles au message papal, se mesure également à la différence d’attitude selon qu’il s’agisse des
migrants en général (de fait très majoritairement musulmans) ou des chrétiens d’Orient. Une semaine après
l’enquête pour La Vie précédemment citée, l’Ifop reposa exactement la même question mais en remplaçant
le terme « migrants » par « chrétiens d’Orient »
4
. A l’instar que ce que nous avions constaté en comparant les
chiffres obtenus à l’été 2014 au moment de la chute de Mossoul, ville à forte population chrétienne, et en
septembre 2015, au pic de la crise des migrants, les résultats obtenus ne furent pas du tout les mêmes. 62%
des Français étaient favorables à l’accueil de chrétiens d’Orient soit 16 points de plus qu’une semaine plus tôt
que pour ce qui est de l’accueil des migrants en général.
L’adhésion comparée à l’accueil de migrants en général et à l’accueil de chrétiens d’Orient
Comparatif
Ensemble des
Français
Accueil des migrants
22-26 Avril 2016
Ensemble des
Français
Accueil des chrétiens
d’Orient
30 Avril - 4 Mai 2016
Ecart en
points
(%)
(%)
Ensemble des Français
46
62
+ 16
Pratique religieuse
Catholiques pratiquants ................................................
54
67
+ 13
Catholiques non-pratiquants ........................................
37
66
+ 29
Autre religion ................................................................
72
73
+ 1
Sans religion ..................................................................
51
57
+ 6
Alors que, comme le montre le tableau ci-dessus, les sans religion et les « autres religions » (musulmans,
protestants, juifs…) ne faisaient pas de différence entre les deux types de population à accueillir, l’écart était
significatif (13 points) parmi les catholiques pratiquants et allait jusqu’à atteindre 29 points auprès des
catholiques non pratiquants. Chez ces « catholiques culturels », la propension à l’accueil s’inverse donc
totalement en fonction de la population en question. Deux tiers des non-pratiquants sont opposés à l’accueil
de migrants en général quand deux tiers de ces catholiques non-pratiquants sont favorables à l’accueil des
chrétiens d’Orient.
3
Sondage Ifop pour La Vie réalisé par internet du 22 au 26 avril 2016 auprès d’un échantillon national représentatif de 2934 personnes.
4
Sondage Ifop pour Atlantico réalisé par internet du 30 avril au 4 mai 2016 auprès d’un échantillon national représentatif de 1667
personnes.
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3-Une poussée du FN dans l’électorat catholique lors des régionales...
Dans ce contexte particulier, l’idée du péril islamiste, qui était déjà présente de manière plus ou moins sous-
jacente depuis plusieurs années dans toute une partie de la France catholique, a gagné en puissance et s’est
considérablement renforcée avec les attentats de janvier puis ceux de novembre 2015. Plus précisément, on
peut penser que cette inquiétude sécuritaire et identitaire d’une partie des catholiques face à l’islam a été
exacerbée à l’automne 2015 par la conjonction de la crise des migrants et des attaques terroristes, ce qui s’est
traduit par une hausse du vote frontiste dans cet électorat.
Alors que les catholiques pratiquants se caractérisaient jusqu’à présent comme étant une des catégories les
plus réfractaires au vote FN, le premier tour des régionales a, en effet, été marqué par un phénomène de
rattrapage parmi cette population. Entre le premier tour des élections départementales en mars 2015 et le
premier tour des régionales, le vote Front National y est ainsi passé de 16% à 25% soit une progression de 9
points
5
.
Evolutions du vote Front National
selon la pratique et l’appartenance religieuse
1er tour des
départementales
Mars 2015
1er tour des
régionales
Décembre 2015
Evolutions
Catholiques pratiquants
16%
25%
+9 points
Catholiques non-pratiquants
28%
34%
+6 points
Sans religion
26%
24%
-2 points
Cette forte progression du Front National parmi les catholiques (et notamment les pratiquants) est d’autant
plus marquante que, dans le même temps, ce vote refluait de 2 points dans la population se déclarant sans
confession. Il y a donc des causes ou des facteurs spécifiques qui ont josur une frange des catholiques et
pas dans le reste de la population. L’inquiétude croissante d’une partie des catholiques concernant la montée
en puissance de l’islam, perçu comme menaçant ou concurrençant un catholicisme en déclin, que nous avons
exposée précédemment, constitue la toile de fond de cette droitisation et de ce durcissement identitaire. Et
si le mouvement de la Manif pour tous ne s’est pas réinvesti sur ces enjeux à l’issue du débat sur le mariage
homosexuel, on peut penser qu’il a contribué à mettre sous tension toute une partie du monde catholique qui
a pris conscience de la nécessité de se mobiliser pour défendre ses convictions et ses valeurs.
Dans ce cadre, les multiples signaux adressés par Marion Maréchal Le Pen aux catholiques durant la campagne
des élections régionales ont sans doute rencontré un écho. Elle se rendit ainsi le 29 août 2015 aux universités
chrétiennes organisées au pied du massif de la Sainte-Baume par le diocèse de Toulon. Cette invitation, qui
constituait une première, fut controversée mais permit à la benjamine de la famille Le Pen d’afficher sa
proximité avec le monde catholique. Ressentant le trouble d’une partie des milieux catholiques face à l’islam,
la candidate frontiste en Paca multiplia les propos sur cette question, sommant les musulmans de s’assimiler.
Elle déclara ainsi le 1er décembre lors d’un meeting à Toulon : « Nous ne sommes pas une terre d'Islam, et si
des Français peuvent être de confession musulmane, c'est à la condition seulement de se plier aux mœurs et
au mode de vie que l'influence grecque, romaine, et seize siècles de chrétienté ont façonné », avant d’ajouter :
« chez nous, on ne vit pas en djellaba, on ne vit pas en voile intégral et on n'impose pas des mosquées
cathédrales. »
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Sondage Ifop pour Pèlerin alisé par internet le 6 décembre 2015 auprès d’un échantillon national représentatif de 2904 personnes
inscrites sur les listes électorales.
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