Cancer de l`endomètre stade 1 : privilégier la

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4 LA LETTRE DU CHIRURGIEN
DR
Cancer de l’endomètre stade 1 :
privilégier la voie coelioscopique
Dr Eric Sebban
Chirurgien gynécologue
et oncologue
Ancien assistant Service de chirurgie
Institut Gustave Roussy (Villejuif)
Département de chirurgie
gynécologique, mammaire et
carcinologique
Clinique Hartmann (Neuilly).
«
L’état général
de la femme
conditionne la
thérapeutique,
influençant non
seulement sur
l’indication mais
aussi la technique
opératoire.
»
Encadré 1 : Cancer de l’endomètre,
facteurs pronostics
type histologique :
adénocarcinome/carcinome
adénosquameux/carcinome
à cellules claires/adénocarcinome
papillaire/carcinome secrétoire
grade tumoral
profondeur d’invasion myométriale
atteinte ganglionnaire
métastases annexielles
envahissement vasculaire
extension au col
14 • GENESIS - N°145 - Janvier 2010
Le cancer de l’endomètre, d’origine glandulaire dans la très grande majorité des
cas, représente le quatrième cancer le plus fréquent chez la femme (4 600 cas/an
en France). C’est le cancer le plus fréquent du pelvis. Il survient généralement en
postménopause, après 65 ans dans plus de 50 % des cas. Son incidence est en
augmentation, il est en général diagnostiqué à un stade précoce et son pronostic
est alors bon. Les récidives ne sont cependant pas rares (environ 15 %), même
en cas de traitement adéquat, d’autant plus qu’il existe des facteurs de mauvais
pronostic (encadré 1). La mise au point d’aujourd’hui se limite au traitement
chirurgical, et uniquement dans les formes précoces.
I
l est généralement reconnu que le traitement de
l’adénocarcinome de l’endomètre est avant tout
chirurgical. Cette chirurgie doit obéir autant que
possible aux impératifs carcinologiques (contrôle locorégional +++). Elle doit permettre de recueillir des informations
pronostiques. Le principal problème rencontré par
le chirurgien est celui de l’âge avancé des patientes
concernées, qui présentent souvent des tares médicales source de comorbidité. Il est donc impératif de
privilégier les interventions chirurgicales assurant des
suites aussi simples que possible. La voie coeliovaginale
représente une bonne solution. Pourtant, c’est la voie
laparotomique qui est utilisée dans plus de 95 % des
cas (10), probablement du fait de chirurgiens généraux
ou gynécoloques non rompus à la coeliochirurgie.
n Bilan préthérapeutique et opérabilité
de la patiente
L’examen clinique permet de suspecter une atteinte
paramétriale. L’extension locorégionale repose sur : le
scanner abdominopelvien, qui permet de suspecter une
atteinte ganglionnaire pelvienne et à l’ IRM abdominopelvienne, qui apprécie au mieux le degré d’invasion du
myomètre : c’est devenu l’examen de référence. Depuis
1988, la FIGO a adopté une stadification fondée sur les
données de la chirurgie, avec étude de la pièce d’hystérectomie et des ganglions éventuellement prélevés
(encadré 2).
L’une des particularités du cancer de l’endomètre est de
survenir sur un terrain fréquemment débilité, eut égard
à l’âge souvent avancé des patientes. L’état général de la
femme conditionne donc la thérapeutique, influençant
non seulement sur l’indication mais aussi la technique
opératoire. La consultation anesthésique préopératoire
revêt ici une importance particulière. Le taux d’opérabilité varie de 75 à 96 % dans les stades I (1).
Si une intervention est décidée, elle doit respecter un
certain nombre de critères, quelle que soit la technique
retenue :
cytologie péritonéale systématique, sa positivité faisant
passer la stadification de I à IIIa ; exploration minutieuse
du péritoine avec inspection, voire palpation systématique de tout l’abdomen ; prélevement de toute zone
anormale ; hystérectomie totale impérative, du fait de
la fréquence d’envahissement du col utérin, définissant
le stade II FIGO (environ 10 % des cas ; en revanche, le
dogme de l’hystérectomie extrafasciale, qui a longtemps
prévalu, n’est pas étayé par la littérature ; annexectomie
impérative, l’atteinte annexielle définissant le stade III
FIGO (environ 5 % des cas, de mauvais pronostic) ;
exérèse vaginale : contrairement au cancer du col utérin,
la colpectomie n’est pas indispensable ; exérèse paramétriale : d’aucun intérêt dans les stades I, elle se discute
dans les stades II, en tenant compte du contexte médical (obésité, tares médicales augmentant la morbidité
chirurgicale) ; omentectomie : recommandée dans les
formes papillaires séreuses.
n Place de la lymphadénectomie
pelvienne
La place de la lymphadénectomie pelvienne (LP) est
discutée. Elle ne présente a priori pas d’intérêt, aucune
étude randomisée n’ayant évalué son effet sur la survie.
Son rôle est avant tout de cerner un sous-groupe de
patientes nécessitant des traitements adjuvants spécifiques.
La fréquence de l’envahissement ganglionnaire pelvien
DR
est d’environ 10 % dans les stades I, il peut dépasser
30 % dans les stades II. En contrepartie, il est difficile
de déterminer précisément la morbidité spécifique de
la LP :
- complications hémorragiques et rarement urétérales
La laparotomie reste la voie la plus utilisée ; elle permet de réaliser tous les gestes techniques,
en peropératoire,
mais au prix des inconvénients propres à la laparotomie : hospitalisation prolongée, accidents
- hématomes, lymphocèles et fistules urinaires en posto- thromboemboliques ou cicatrices.
pératoire, avec un taux de complications de l’ordre de
10 % (3), majoré par une radiothérapie antérieure et une
obésité de la patiente.
que la patiente soit ou non obèse.
Classification FIGO (1988)
Les SOR (Standards, Options and Recommandations, La voie cœliovaginale est donc une technique fiable en
La classification FIGO repose
sur les données de l’intervention
cancer de l’endomètre, FNCLCC 2001) n’ont pas réelle- termes de qualité du prélèvement ganglionnaire et de
chirurgicale et détermine en
ment défini la place du curage pelvien dans le traitement faible morbidité (7). Sa supériorité par rapport à la lapa- partie la nature des traitements
complémentaires
chirurgical du cancer de l’endomètre :
rotomie classique se confirme dans tous les domaines :
Standard : pas de standard
qualité de l’intervention, suites opératoires, complicastade 0 : tumeur in situ
Options : pas de curage pelvien s’il existe des facteurs tions potentielles à court et à long terme, aspects écostade I : tumeur limitée à l’endomètre
histologiques préopératoires de mauvais pronostic nomiques (diminution des coûts globaux par réduction
stade IA : limitée à l’endomètre
nécessitant une irradiation pelvienne adjuvante (grade + des durées d’hospitalisation).
stade IB : invasion inférieure ou égale à
3, infiltration du myomètre > 50 %)
la moitié du myomètre
Recommandations : la lymphadénectomie pelvienne ne
stade IC : invasion supérieure à la moitié
du myomètre
sera réalisée que si l’état général de la patiente le permet, Place de la lymphadénectomie
lomboaortique
stade II : tumeur envahissant le col
et qu’elle est de réalisation aisée.
n Quelle voie d’abord ?
- La laparotomie (médiane sous-ombilicale ou d’transversale sus-pubienne) reste la plus utilisée ; elle permet
de réaliser tous les gestes techniques, mais au prix des
inconvénients propres à la laparotomie : hospitalisation
prolongée, accidents thromboemboliques +++, cicatrice.
- La voie vaginale exclusive ne représente pas le « gold
standard », pour plusieurs raisons : exploration abdomino
pelvienne malaisée, difficulté d’associer une annexectomie à l’hystérectomie, curage pelvien impossible. Elle est
donc réservée à la population « à haut risque anesthésique et chirurgical », pour laquelle la voie coelioscopique
est contre-indiquée.
- Dans ces conditions, l’intervention cœliochirurgicale
(9) a un important essor dans le traitement chirurgical
du cancer de l’endomètre. Elle connaît peu de vraies
contre-indications, somme toute relatives : abdomen multicicatriciels et/ou volumineux utérus fixés. L’insuffisance
respiratoire et l’obésité ont été écartées de cette liste :
les patientes à risque post-laparotomie élevé (phlébite
et embolie pulmonaire, problème pariétal) bénéficient
grandement de la laparoscopie, qui permet une ouverture pariétale limitée et une mobilisation active plus
rapide.
Une des précautions à respecter est de limiter la position de Trandelenbourg peropératoire pour éviter le
risque d’hypercapnie. On privilégie désormais l’open
cœlioscopie, qui prévient les accidents vasculaire liés à
l’introduction de trocards.
L’hystérectomie, également réalisable par voie vaginale, peut être effectuée par coelioscopie ; elle rend
l’annexectomie associée plus simple que par voie vaginale exclusive. L’exploration abdomino-pelvienne est
de très bonne qualité.
L’accès à l’espace rétropéritonéal est aisé et exsangue,
La LLA systématique n’est pas recommandée du fait de
l’importance du geste, du terrain souvent débilité et de la rareté
de l’atteinte lomboaortique. Elle peut être réalisée en cas de
cancer à haut risque métastatique (cancer papillaire séreux,
grade 3, métastase ganglionnaire pelvienne avérée).
En revanche, l’adénectomie sélective d’un ganglion suspect peut
être proposée.
n Surveillance du cancer
de l’endomètre traité
Les récidives loco régionales et générales surviennent au
cours des 3 premières années dans 80 % des cas, à type
de récidives centropelviennes ou de métastases. Dans ces
conditions, la surveillance clinique rapprochée a-t-elle un
intérêt ? Les examens complémentaires systématiques
améliorent-ils la survie ?
Les récidives, quelles qu’elles soient, sont de mauvais
pronostic, avec des survies inférieures à 30 %. Elles
sont en général symptomatiques (8). De plus, les patientes asymptomatiques chez lesquelles une récidive est
découverte par examen systématique n’ont pas une
meilleure survie.
Il n’existe pas d’études prospectives randomisées démontrant l’intérêt d’une telle surveillance ; quant aux études rétrospectives, elles ne retrouvent pas de bénéfice
en terme de survie au dépistage des récidives ou des
métastases.
Les examens complémentaires systématiques ont un
intérêt limité dans le dépistage des récidives chez les
patientes traitées. En effet, les seules récidives curables
sont les récidives vaginales isolées, décelables par le seul
examen clinique. On peut donc se contenter d’un examen
gynécologique régulier, couplé à des examens complémentaires en cas de besoin. On ne doit néammoins pas
négliger l’intérêt psychologique pour la patiente d’un
examen clinique ou d’examens complémentaires normaux. Dans tous les cas de figure, la mammographie
doit être systématique et annuelle. n
stade IIA : atteinte glandulaire de
l’endocol
stade IIB : atteinte de l’ensemble du
stroma du col
stade III : tumeur étendue hors de
l’utérus, limitée au pelvis
stade IIIA : atteinte de la séreuse et
ou cytologie péritonéale positive et ou
atteinte des annexes
stade IIIB : métastases vaginales
stade IIIC : métastases pelviennes et ou
atteinte des ganglions lombo aortiques
stade IV : tumeur avec métastases à
distance
stade IVA : atteinte de la vessie et/ou du
rectum
stade IVB : métastases à distance
incluant des atteintes ganglionnaires
abdominales et ou inguinales
RÉFÉRENCES
1. Piana L, Boubli L et al. J.Gynecol.Obstet.
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Gynecol.Oncol. 1995, 59, 20-24.
9. Childers JM, Surwitt EA. Gynecol.Oncol.
1992 ; 45: 46-51.
10. Blanc B et coll. Pelvimag, n° 65 mars
2009
GENESIS - N°145 - Janvier 2010 • 15
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