Étifoxine, neurostéroïdes et anxiété S37
permis de montrer chez des sujets anxieux, une activité
neuronale basale plus importante dans le cortex cingulaire
et le gyrus parahippocampique et une réponse excitatrice
augmentée dans l’amygdale, le gyrus parahippocampique
et le cortex frontal suite à des stimulus anxiogènes [10,
16]. Parmi les structures sous-corticales impliquées dans
les états anxieux on peut citer la substance grise périaque-
ducale et le locus coeruleus [20]. Il est intéressant de noter
que ces structures interviennent également dans la régula-
tion des fonctions autonomes, notamment aversives, (subs-
tance grise périaqueducale) et dans la modulation de
l’activité des réseaux de neurones du cortex cérébral locus
coeruleus. En résumé, il semble qu’une activation trop
importante de certains réseaux de neurones du cerveau
antérieur, et en particulier de certaines structures du
système limbique, soit à l’origine des états anxieux.
L’hypothèse actuelle est que cette excitation trop impor-
tante est due à un défi cit d’inhibition liée au système
GABAergique. Des études récentes menées sur des souris
dont le gène codant la sous-unité α2 du récepteur GABAA a
été muté, ont clairement montré que les récepteurs GABAA
incluant cette sous-unité contrôlaient les états anxieux. En
effet, chez ces souris mutantes, les benzodiazépines per-
dent sélectivement leur effet anxiolytique alors que les
effets ataxiques ou sédatifs persistent [22]. De manière
intéressante, la sous-unité α2 est exprimée dans les régions
du système limbique impliquées dans la régulation des
états anxieux [13, 22].
En l’absence d’un agoniste sélectif des récepteurs
GABAA incluant la sous-unité α2, le traitement de la plupart
des états anxieux fait appel à l’utilisation de benzodiazépi-
nes [45, 46]. Ces substances agissent rapidement en poten-
tialisant l’activité des récepteurs GABAA, ce qui permet de
rétablir un certain équilibre dans la balance entre excita-
tion et inhibition dans les régions impliquées dans la modu-
lation des états anxieux. Néanmoins, les benzodiazépines
présentent quelques inconvénients, notamment durant leur
utilisation prolongée. Étant donné qu’elles se fi xent sur
tous les récepteurs GABAA synaptiques du SNC, elles indui-
sent une augmentation généralisée de la transmission
GABAergique rapide. Ceci entraîne des effets secondaires
gênants tels que la sédation, l’ataxie et des amnésies. De
plus on observe un phénomène de tolérance avec la durée
de traitement, et le sevrage entraîne en général un rebond
anxieux [45].
Plus récemment, l’utilisation d’inhibiteurs sélectifs de
la recapture de sérotonine (ISRS) s’est révélée très effi cace
dans le traitement des effets anxieux. Ces molécules pré-
sentent des effets secondaires moins importants que les
benzodiazépines [16]. Le mécanisme d’action des ISRS dans
l’amélioration des états anxieux n’est pas clairement éta-
bli. Il pourrait être lié en partie à un effet inhibiteur de la
sérotonine sur l’excitation corticale. Cependant, il a été
montré récemment que les ISRS présentaient une action
autre que celle de l’inhibition de recapture de sérotonine.
Les ISRS facilitent en effet la production de neurostéroïdes
réduits en positions 3α5α (3α5α-NS) tels que l’alloprégna-
nolone (AP) ou la tétrahydrodéoxycorticostérone (THDOC)
[15, 27, 41] qui potentialisent l’activité des récepteurs
GABAA [4, 36]. Ce phénomène semble responsable des
effets anxiolytiques des ISRS observés pour des concentra-
tions plus faibles que celles responsables des effets antidé-
presseurs [27]. Ces données indiquent en outre que les
3α5α-NS pourraient être des molécules cliniquement acti-
ves dans le traitement des états anxieux (cf. ci-dessous).
Neurostéroïdes
Défi nition et caractéristiques
Les neurostéroïdes sont des stéroïdes synthétisés dans le
SNC par les neurones et/ou les cellules gliales [2]. Ce sont
des dérivés du cholestérol et leur structure est souvent la
même que celle des stéroïdes circulants (progestérone,
déhydroépiandrostérone (DHEA), etc.). Ils sont synthétisés
indépendamment des taux de stéroïdes circulants car leur
synthèse persiste dans le SNC après castration et surréna-
lectomie. Ces données indiquent que le SNC est capable de
synthétiser de manière autonome ses propres stéroïdes. Au
sens strict, le terme de neurostéroïde est réservé aux sté-
roïdes entièrement synthétisés à partir du cholestérol dans
le SNC [2]. Cependant, les stéroïdes périphériques peuvent
passer la barrière hématoencéphalique et agir directement
sur les neurones et les cellules gliales ou être métabolisés
localement par les enzymes de la neurostéroïdogénèse pré-
sents dans le tissu nerveux, avant d’agir. On qualifi e ces
stéroïdes de stéroïdes neuroactifs. La plupart des stéroïdes
se lient à des récepteurs intracellulaires, qui vont agir dans
le noyau pour réguler l’expression de gènes cibles et donc
réguler les fonctions cellulaires et physiologiques à long
terme. Cependant, plus récemment, et notamment dans le
contexte de la découverte des neurostéroïdes, on s’est
aperçu que les stéroïdes pouvaient également avoir des
effets à court terme en modulant le fonctionnement de
canaux ioniques impliqués dans l’excitabilité cellulaire
(canaux calcium et potassium), de récepteurs-canaux qui
sous-tendent la transmission synaptique rapide excitatrice
(glutamatergique) ou inhitrice (GABAergique) ou encore de
récepteurs couplés à des protéines G qui changent la
concentration de seconds messagers intracellulaires [24,
33, 35]. Dans le contexte de cet article nous ne traiterons
que des neurostéroïdes qui potentialisent l’activité des
récepteurs GABAA. Tous les stéroïdes réduits en position 3α
sont des modulateurs allostériques positifs des récepteurs
GABAA et les plus puissants d’entre eux sont ceux réduits en
positions 3α et 5α [4, 23]. Les dérivés 3α, 5α-réduits de la
progestérone (tétrahydroprogestérone ou alloprégnanolone
(AP)) ou de la corticostérone (THDOC) sont les plus puis-
sants modulateurs allostériques connus des récepteurs
GABAA et sont actifs à des concentrations nanomolaires [4,
23, 33, 35].
Biosynthèse des neurostéroïdes
La fi gure 1 résume les principales étapes de la synthèse des
3α5α-NS. Il faut tout d’abord préciser que le type de sté-
roïde synthétisé par une cellule dépendra des enzymes
qu’elle exprime et que par conséquent toutes les cellules
ne synthétisent pas de stéroïdes, et celles qui en synthéti-
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