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L’Encéphale (2008) Supplément 1, S35–S43
j o u r n a l h o m e p a g e : w w w. e l s e v i e r. c o m / l o c a t e / e n c e p
Étifoxine, neurostéroïdes et anxiété
R. Schlichter
Institut des Neurosciences Cellulaires et Intégratives, Université Louis Pasteur,
UMR 7168 CNRS, 21, rue René Descartes, F-67084 Strasbourg cedex
MOTS CLÉS
Récepteur GABAA,
Transmission
synaptique inhibitrice,
Modulation
allostérique,
Neurostéroïdogénèse,
Récepteur
périphérique des
benzodiazépines,
Anxiolytiques
Résumé Les états d’anxiété sont liés à un hypofonctionnement de la transmission synaptique inhibitrice
GABAergique dans certaines régions de l’encéphale. Les benzodiazépines sont couramment utilisées dans
le traitement des états anxieux, mais elles présentent des effets secondaires (sédation, amnésie) et leur
utilisation dans des traitements de longue durée pose des problèmes de tolérance fonctionnelle. Les
benzodiazépines se fixent sur des sites spécifiques situés sur les récepteurs-canaux GABAA qui soustendent la transmission GABAergique rapide et potentialisent leur fonctionnement. Les neurostéroïdes
réduits en positions 3α et 5α (3α5α-NS) tels que l’alloprégnanolone, potentialisent également la fonction
des récepteurs GABAA et peuvent être considérés comme des anxiolytiques endogènes. Les neurostéroïdes
se distinguent des autres stéroïdes par le fait qu’ils sont synthétisés de novo dans le système nerveux par
les neurones et les cellules gliales et ceci indépendamment des stéroïdes circulants. Cette synthèse se
fait à partir du cholestérol importé dans la mitochondrie par un complexe multiprotéique dont fait partie
« le récepteur périphérique des benzodiazépines » récemment renommé TSPO (translocator protein of
18 kDa). La plupart des benzodiazépines se lient sur cette protéine et stimulent le transfert du cholestérol
et par conséquent la neurostéroïdogénèse. Ces effets peuvent être bloqués pharmacologiquement par le
PK11195, qui agit comme un antagoniste sur le site de liaison mitochondrial des benzodiazépines. Dans
la mitochondrie, le cholestérol est transformé en prégnénolone, le précurseur universel de tous les
stéroïdes. La prégnénolone quitte ensuite la mitochondrie et la nature des stéroïdes synthétisés dans le
cytoplasme va dépendre du type d’enzymes de la neurostéroïdogénèse exprimés par la cellule.
L’étifoxine ne possède pas de structure apparentée aux benzodiazépines mais présente des effets
anxiolytiques. L’objectif de notre étude était par conséquent de comprendre le mécanisme d’action de
cette molécule en étudiant ses effets sur les propriétés fonctionnelles des récepteurs GABAA et sur la
transmission synaptique GABAergique. Des tests de liaison sur membranes isolées ont révélé que
l’étifoxine se lie directement sur le récepteur GABAA ainsi que sur le récepteur périphérique des
benzodiazépines (TSPO). Des expériences électrophysiologiques ont permis de montrer que l’étifoxine
potentialise de manière dose-dépendante les courants membranaires induits par l’application de
concentrations sous-maximales, mais pas de concentrations saturantes, de GABA. Dans des cultures de
neurones d’hypothalamus, l’étifoxine facilite également la transmission GABAergique et augmente
l’amplitude d’un courant GABAergique soutenu dû à l’activation tonique de récepteurs GABAA par une
faible concentration de GABA dans l’espace extracellulaire. L’effet de l’étifoxine sur ce courant est
partiellement antagonisé par le PK11195 mais pas par le flumazénil, un antagoniste des sites de liaison
des benzodiazépines sur le récepteur GABAA.
* Auteur correspondant.
E-mail : [email protected]
L’auteur n’a pas déclaré de conflits d’intérêts.
© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés.
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L’ensemble de nos données indique que l’étifoxine facilite l’inhibition GABAergique par deux types
d’action : [1] en potentialisant directement l’activité des récepteurs GABAA par un site modulateur
allostérique différent de celui des benzodiazépines et [2] en stimulant la production de 3α5α-NS qui
potentialisent à leur tour l’activité des récepteurs GABAA. Ces deux effets sont indépendants et additifs.
Ils contribuent ainsi à rendre plus efficace la transmission GABAergique.
KEYWORDS
GABAA receptor,
Inhibitory synaptic
transmission,
Allosteric modulation,
Neurosteroidogenesis,
Peripheral
benzodiazepine
receptor, Anxiolytic
Abstract Anxiety states are related to the hypofunctioning of GABAergic inhibitory synaptic transmission
in certain regions of the encephalon. Benzodiazepines are currently used in the treatment of anxiety
states, but they are associated with side effects (sedation, amnesia) and their use in long-term treatment
poses problems of functional tolerance. Benzodiazepines bind to specific sites located on the GABAA
receptor channels that underlie rapid GABAergic transmission and potentiate their functioning.
Neurosteroids such as allopregnanolone that are reduced in positions 3α and 5α (3α5α-NS) also potentiate
GABAA receptor function and may be considered as endogenous anxiolytics. Neurosteroids are distinguished
from other steroids by the fact that they are synthesised de novo in the nervous system by neurons and
glial cells independently of circulating steroids. This synthesis occurs from cholesterol imported into the
mitochondrion by a multiprotein complex of which the « peripheral benzodiazepine receptor », recently
renamed TSPO (translocator protein of 18 kDa), forms a part. The majority of benzodiazepines bind to
this protein and stimulate the transfer of cholesterol and consequently neurosteroidogenesis. These
effects can be blocked pharmacologically by PK11195, which acts as an antagonist at the mitochondrial
binding site for benzodiazepines. Cholesterol is transformed in the mitochondrion to pregnenolone, the
universal precursor of all steroids. Pregnenolone then leaves the mitochondrion and the nature of the
steroids synthesised in the cytoplasm will depend on the type of neurosteroidogenesis enzymes expressed
by the cell.
Etifoxine does not possess a benzodiazepine-related structure but does exhibit anxiolytic effects. The
objective of our study consequently was to understand the mechanism of action of this compound by
studying its effects on the functional properties of GABAA receptors and on GABAergic synaptic
transmission. Binding tests on isolated membranes have revealed that etifoxine binds directly to the
GABAA receptor and the peripheral benzodiazepine receptor (TSPO). Electrophysiological experiments
have shown that etifoxine dose-dependently potentiates membrane currents induced by the application
of submaximal but not of saturating concentrations of GABA. Etifoxine also facilitates GABAergic
transmission in hypothalamic neuronal cultures and increases the amplitude of a sustained GABAergic
current due to the tonic activation of GABAA receptors by a weak GABA concentration in the extracellular
space. The effect of etifoxine on this current is partially antagonised by PK11195 but not by flumazenil,
an antagonist of the benzodiazepine binding sites on the GABAA receptor.
All of our data indicate that etifoxine facilitates GABAergic inhibition by two types of action : [1] by
directly potentiating the activity of GABAA receptors via an allosteric modulatory different site from that
of the benzodiazepines, and [2] by stimulating the production of 3α5α-NS, which in turn potentiate the
activity of GABAA receptors. These two effects are independent and additive. They therefore contribute
to make GABAergic transmission more effective.
Introduction
L’anxiété peut être définie comme un état de peur qui
persiste en absence de toute menace directe. Dans des
situations physiologiques, elle améliore l’adaptation et la
motivation des individus face à des situations adverses ou
hostiles. En revanche, un excès d’anxiété ou sa persistance
en absence de situation périlleuse ou dangereuse correspond à des états pathologiques regroupés sous le terme de
troubles anxieux [16]. L’anxiété étant une composante psychologique fréquente de l’état de stress, les troubles
anxieux sont accompagnés de réactions physiologiques
caractéristiques des réponses autonomes liées au stress
(accélération des rythmes cardiaque et respiratoire, nausées, augmentation de la concentration circulante de glucocorticoïdes etc.).
Les troubles anxieux sont relativement fréquents et leur
cause est multifactorielle. Actuellement, il est admis que
l’anxiété résulte d’un déficit de la transmission synaptique
inhibitrice rapide dans le système nerveux central (SNC)
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[16]. Cette transmission utilise comme neurotransmetteur
l’acide γ-amino-butyrique (GABA) qui active des récepteurscanaux GABAA perméables aux ions Cl–. Les récepteurs GABAA
sont constitués de l’agencement de cinq sous-unités protéiques et la plupart d’entre-eux comprennent deux sous-unités α, deux sous-unités β et une sous-unité γ [32]. Les
sous-unités α et β permettent la fixation du GABA sur le
récepteur, et la présence de la sous-unité γ confère au
récepteur sa sensibilité aux benzodiazépines [32, 46]. Les
benzodiazépines sont des modulateurs allostériques positifs
qui facilitent l’activité des récepteurs GABAA. Ce sont des
molécules couramment utilisées dans le traitement des
troubles anxieux. Leur efficacité clinique est basée sur la
potentialisation de l’activité des récepteurs GABAA, ce qui
permet d’augmenter la transmission GABAergique rapide
notamment dans des situations pathologiques où cette
transmission est réduite fonctionnellement.
Les circuits neuronaux impliqués dans l’anxiété impliquent plusieurs structures corticales et sous-corticales du
SNC. Les techniques modernes d’imagerie médicale ont
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permis de montrer chez des sujets anxieux, une activité
neuronale basale plus importante dans le cortex cingulaire
et le gyrus parahippocampique et une réponse excitatrice
augmentée dans l’amygdale, le gyrus parahippocampique
et le cortex frontal suite à des stimulus anxiogènes [10,
16]. Parmi les structures sous-corticales impliquées dans
les états anxieux on peut citer la substance grise périaqueducale et le locus coeruleus [20]. Il est intéressant de noter
que ces structures interviennent également dans la régulation des fonctions autonomes, notamment aversives, (substance grise périaqueducale) et dans la modulation de
l’activité des réseaux de neurones du cortex cérébral locus
coeruleus. En résumé, il semble qu’une activation trop
importante de certains réseaux de neurones du cerveau
antérieur, et en particulier de certaines structures du
système limbique, soit à l’origine des états anxieux.
L’hypothèse actuelle est que cette excitation trop importante est due à un déficit d’inhibition liée au système
GABAergique. Des études récentes menées sur des souris
dont le gène codant la sous-unité α2 du récepteur GABAA a
été muté, ont clairement montré que les récepteurs GABAA
incluant cette sous-unité contrôlaient les états anxieux. En
effet, chez ces souris mutantes, les benzodiazépines perdent sélectivement leur effet anxiolytique alors que les
effets ataxiques ou sédatifs persistent [22]. De manière
intéressante, la sous-unité α2 est exprimée dans les régions
du système limbique impliquées dans la régulation des
états anxieux [13, 22].
En l’absence d’un agoniste sélectif des récepteurs
GABAA incluant la sous-unité α2, le traitement de la plupart
des états anxieux fait appel à l’utilisation de benzodiazépines [45, 46]. Ces substances agissent rapidement en potentialisant l’activité des récepteurs GABAA, ce qui permet de
rétablir un certain équilibre dans la balance entre excitation et inhibition dans les régions impliquées dans la modulation des états anxieux. Néanmoins, les benzodiazépines
présentent quelques inconvénients, notamment durant leur
utilisation prolongée. Étant donné qu’elles se fixent sur
tous les récepteurs GABAA synaptiques du SNC, elles induisent une augmentation généralisée de la transmission
GABAergique rapide. Ceci entraîne des effets secondaires
gênants tels que la sédation, l’ataxie et des amnésies. De
plus on observe un phénomène de tolérance avec la durée
de traitement, et le sevrage entraîne en général un rebond
anxieux [45].
Plus récemment, l’utilisation d’inhibiteurs sélectifs de
la recapture de sérotonine (ISRS) s’est révélée très efficace
dans le traitement des effets anxieux. Ces molécules présentent des effets secondaires moins importants que les
benzodiazépines [16]. Le mécanisme d’action des ISRS dans
l’amélioration des états anxieux n’est pas clairement établi. Il pourrait être lié en partie à un effet inhibiteur de la
sérotonine sur l’excitation corticale. Cependant, il a été
montré récemment que les ISRS présentaient une action
autre que celle de l’inhibition de recapture de sérotonine.
Les ISRS facilitent en effet la production de neurostéroïdes
réduits en positions 3α5α (3α5α-NS) tels que l’alloprégnanolone (AP) ou la tétrahydrodéoxycorticostérone (THDOC)
[15, 27, 41] qui potentialisent l’activité des récepteurs
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GABAA [4, 36]. Ce phénomène semble responsable des
effets anxiolytiques des ISRS observés pour des concentrations plus faibles que celles responsables des effets antidépresseurs [27]. Ces données indiquent en outre que les
3α5α-NS pourraient être des molécules cliniquement actives dans le traitement des états anxieux (cf. ci-dessous).
Neurostéroïdes
Définition et caractéristiques
Les neurostéroïdes sont des stéroïdes synthétisés dans le
SNC par les neurones et/ou les cellules gliales [2]. Ce sont
des dérivés du cholestérol et leur structure est souvent la
même que celle des stéroïdes circulants (progestérone,
déhydroépiandrostérone (DHEA), etc.). Ils sont synthétisés
indépendamment des taux de stéroïdes circulants car leur
synthèse persiste dans le SNC après castration et surrénalectomie. Ces données indiquent que le SNC est capable de
synthétiser de manière autonome ses propres stéroïdes. Au
sens strict, le terme de neurostéroïde est réservé aux stéroïdes entièrement synthétisés à partir du cholestérol dans
le SNC [2]. Cependant, les stéroïdes périphériques peuvent
passer la barrière hématoencéphalique et agir directement
sur les neurones et les cellules gliales ou être métabolisés
localement par les enzymes de la neurostéroïdogénèse présents dans le tissu nerveux, avant d’agir. On qualifie ces
stéroïdes de stéroïdes neuroactifs. La plupart des stéroïdes
se lient à des récepteurs intracellulaires, qui vont agir dans
le noyau pour réguler l’expression de gènes cibles et donc
réguler les fonctions cellulaires et physiologiques à long
terme. Cependant, plus récemment, et notamment dans le
contexte de la découverte des neurostéroïdes, on s’est
aperçu que les stéroïdes pouvaient également avoir des
effets à court terme en modulant le fonctionnement de
canaux ioniques impliqués dans l’excitabilité cellulaire
(canaux calcium et potassium), de récepteurs-canaux qui
sous-tendent la transmission synaptique rapide excitatrice
(glutamatergique) ou inhitrice (GABAergique) ou encore de
récepteurs couplés à des protéines G qui changent la
concentration de seconds messagers intracellulaires [24,
33, 35]. Dans le contexte de cet article nous ne traiterons
que des neurostéroïdes qui potentialisent l’activité des
récepteurs GABAA. Tous les stéroïdes réduits en position 3α
sont des modulateurs allostériques positifs des récepteurs
GABAA et les plus puissants d’entre eux sont ceux réduits en
positions 3α et 5α [4, 23]. Les dérivés 3α, 5α-réduits de la
progestérone (tétrahydroprogestérone ou alloprégnanolone
(AP)) ou de la corticostérone (THDOC) sont les plus puissants modulateurs allostériques connus des récepteurs
GABAA et sont actifs à des concentrations nanomolaires [4,
23, 33, 35].
Biosynthèse des neurostéroïdes
La figure 1 résume les principales étapes de la synthèse des
3α5α-NS. Il faut tout d’abord préciser que le type de stéroïde synthétisé par une cellule dépendra des enzymes
qu’elle exprime et que par conséquent toutes les cellules
ne synthétisent pas de stéroïdes, et celles qui en synthéti-
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Cholestérol
DOC
RPB/TSPO
DHDOC
5 – αR
P450c21
PROG
THDOC
3 – αHSOR
DPH
THP (AP)
3 – βHSD
Chol
PREG
PREG
P450scc
P450c17
DHEA
vers stéroïdes sexuels
Mitochondrie
Figure 1 Représentation schématique des principales étapes menant à la synthèse de neurostéroïdes réduits en positions
3α et 5α, de puissants modulateurs positifs des récepteurs GABAA. Pour plus de détails voir texte.
Abréviations : AP, alloprégnanolone ; Chol, cholestérol ; DHEA, déhydroépiandrostérone ; DHDOC, dihydro-déoxycorticostérone ;
DHP, dihydroprogestérone ; DOC, 11-déoxy-corticostérone ; PREG, prégnénolone ; PROG, progestérone ; RPB, récepteur
périphérique des benzodiazépines ou TSPO, Translocator Protein of 18 kDa ; THDOC, tétrahydrodéoxycorticostérone ; THP,
tétrahydroprogestérone. P450scc, P450 side chain cleavage ; 3-βHSD, 3β-stéroïde déhydrogénase ; 3-αHSOR, 3α-hydroxy stéroïde
oxydo-réductase ; 5-αR, 5α-réductase.
sent ne produisent pas forcément les mêmes. La différence
dans le niveau d’expression de ces enzymes permet également d’expliquer les variations de concentrations locales
de neurostéroïdes dans les structures du SNC [40]. La première étape de la neurostéroïdogénèse nécessite le transport de cholestérol à travers le système membranaire des
mitochondries. Ce transport met en jeu un complexe multiprotéique [26] dont un élément important est le récepteur périphérique des benzodiazépines (RPB) récemment
renommé TSPO (Translocator Protein of 18 kDa) [25]. La
plupart des benzodiazépines se fixent sur ce récepteur pour
stimuler le transport du cholestérol et leur effet peut être
bloqué par un antagoniste du RPB/TSPO, le PK11195 [8]. À
l’intérieur de la mitochondrie le cholestérol est transformé
en prégnénolone (PREG) par le cytochrome P450scc (P450
side chain cleavage). La PREG est le précurseur universel
des stéroïdes. Elle sort de la mitochondrie pour être transformée soit en progestérone (PROG) par la 3β-stéroïde
déhydrogénase (3-βHSD) ou en DHEA par la P450c17. La
voie de la DHEA mène à la synthèse de stéroïdes de type
sexuel (œstradiol, androstérone) et ne sera pas développée
ici [2, 9]. La PROG est réduite en dihydroprogestérone
(DHP) par la 5α-réductase (5-αR) puis en tétrahydroprogestérone (THP ou AP) par la 3α-hydroxy stéroïde oxydo-réductase (3-αHSOR). Une voie métabolique similaire existe pour
la 11-déoxy-corticostérone (DOC) qui conduit à la synthèse
successive de dihydro-déoxycorticostérone (DHDOC) par la
5-αR et de THDOC par la 3-αHSOR. La 11-déoxy-corticostérone peut être synthétisée à partir de la PROG par l’action
de la P450c21.
Neurostéroïdes, anxiété et dépression
Les neurostéroïdes sont synthétisés dans le SNC d’un grand
nombre d’espèces y compris chez l’Homme [40]. Leur
concentration n’est pas uniforme dans le cerveau, traduisant une synthèse et une action locales. Des fluctuations
dans les concentrations en différents neurostéroïdes peuvent être détectées dans le liquide céphalorachidien (LCR).
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Elles se retrouvent également dans le plasma, mais la relation entre les concentrations des deux compartiments n’est
pas simple, ni directe [12]. Les concentrations en 3α5α-NS
diminuent dans le LCR [41] et le sang [12] chez des patients
dépressifs et l’amélioration thérapeutique après traitement à la fluoxétine (un ISRS) s’accompagne d’une normalisation des concentrations de 3α5α-NS dans le LCR et le
sang [42]. L’administration de 3α5α-NS chez l’animal [11]
et la stimulation de la neurostéroïdogénèse conduisant à la
production de 3α5α-NS ont des effets anxiolytiques [5].
Ainsi, les neurostéroïdes sont susceptibles d’avoir des
applications thérapeutiques importantes [14] mais n’ont
fait l’objet d’attention au plan clinique que très récemment [12]. Les 3α5α-NS ont peu d’effets secondaires, n’induisent pas de tolérance fonctionnelle et ne sont pas
addictifs [14]. Sur ce point ils représentent une alternative
très intéressante aux benzodiazépines. De plus, en stimulant le RPB/TSPO on peut stimuler leur synthèse localement dans le SNC.
L’ensemble des considérations présentées ci-dessus
indique qu’un médicament anxiolytique sélectif devrait
être un agoniste spécifique des récepteurs GABAA contenant la sous-unité α2 ou/et devrait augmenter la synthèse
locale de 3α5α-NS dans les régions impliquées dans la
modulation des états anxieux.
Mécanisme d’action de l’étifoxine
L’étifoxine est une molécule n’appartenant pas à la famille
des benzodiazépines mais ayant des effets anxiolytiques
[36, 38, 43] et anticonvulsivants [7, 44]. Dès 1985, il a été
suggéré que l’étifoxine interagissait avec le système
GABAergique [21]. Par conséquent, l’objectif de nos travaux était de déterminer si l’étifoxine modulait l’activité
des récepteurs GABAA et la transmission synaptique
GABAergique et, le cas échéant, de comprendre les mécanismes mis en jeu [36]. Dans ce contexte, deux grandes
hypothèses peuvent être envisagées : [1] l’étifoxine se fixe
directement sur les récepteurs GABAA et influence leur
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activité ou [2] l’étifoxine induit la production d’une molécule messager qui à son tour va moduler l’activité de ces
récepteurs. Par ailleurs, l’étifoxine pourrait moduler la
libération de GABA à partir des terminaisons des neurones
par une action présynaptique.
L’étifoxine se lie à deux sites membranaires distincts
Des expériences de liaison sur membranes isolées ont montré que l’étifoxine déplace de manière dose-dépendante le
TBPS (t-butylbiclophosphorothionate), un ligand du canal
Cl- des récepteurs GABAA, et le PK11195, un ligand du RPB/
TSPO, avec des IC50 (concentrations provoquant 50 % d’inhibition de la liaison) respectivement de 7 µM et 27 µM
[36]. Ces résultats indiquent clairement que l’étifoxine se
lie sur les récepteurs GABAA et les récepteurs périphériques
des benzodiazépines qui contrôlent la neurostéroïdogénèse
(cf. ci-dessus).
Modulation directe des récepteurs GABAA
Nous avons recherché, au plan fonctionnel, à caractériser
les interactions de l’étifoxine avec ces deux sites de liaison.
Pour cela nous avons choisi d’utiliser une approche électrophysiologique (technique du patch-clamp) afin de mesurer
directement au niveau d’un neurone unique les courants
membranaires associés à l’activation des récepteurs GABAA.
A
Cette technique permet notamment d’étudier les caractéristiques des récepteurs GABAA synaptiques qui sous-tendent les courants postsynaptiques inhibiteurs (CPSI) dans le
SNC. Nous avons utilisé deux préparations, des cultures de
neurones d’hypothalamus et des neurones fraîchement dissociés à partir des couches superficielles de la corne grise
dorsale de la moelle épinière de rat. Ce choix était guidé
par le fait que ces neurones expriment principalement les
sous-unités α2-3, β2-3 et γ2 du récepteur GABAA et que les
récepteurs GABAA incluant la sous-unité α2 sont directement impliqués dans les structures du cerveau antérieur
modulant l’anxiété.
L’étifoxine a augmenté de manière dose-dépendante
l’amplitude des courant GABAA induits par l’application
exogène de concentrations sous-maximales de GABA, mais
pas celle des courants induits par des concentrations saturantes de GABA (Fig. 2A) dans les neurones hypothalamiques et les neurones spinaux. Dans le dernier cas, les
neurones sont complètement isolés des cellules environnantes (notamment des cellules gliales). Par conséquent
l’effet de l’étifoxine ne peut être dû qu’à un effet direct
sur le neurone enregistré et non pas à un effet indirect sur
une cellule voisine. Par ailleurs, l’observation de cet effet
ne nécessite pas de pré-incubation longue, indiquant qu’il
ne passe probablement pas par la synthèse d’un messager
ETIFOXINE (10 µM)
GABA (5 µM)
B
C
Bicuculline (10 µM)
40 pA
2 min
80 pA
30 s
ETIFOXINE (30 µM)
40 pA
30 s
Figure 2 Effets de l’étifoxine sur le système GABAergique. (A) Dans un neurone hypothalamique l’application transitoire
et locale d’une concentration non saturante de GABA (carrés noirs) induit des courants membranaires reproductibles
(traces de gauche). Ces courants impliquent l’activation de récepteurs GABAA. En présence d’étifoxine (10 µM) les
réponses membranaires sont augmentées en amplitude (traces du milieu). L’effet de l’étifoxine est réversible après
rinçage (traces de droite). (B) L’application de bicuculline seule (10 µM), un antagoniste des récepteurs GABAA, supprime
un courant tonique dû à l’activation permanente de récepteurs GABAA par une faible concentration de GABA endogène
dans le milieu extracellulaire. Notez que cet effet est réversible et que la bicuculline supprime également les déflexions
verticales rapides de la trace qui sont la manifestation de courants synaptiques GABAergiques. (C) La perfusion
d’étifoxine (30 µM, pendant la durée indiquée par la barre horizontale noire) potentialise le courant GABA tonique. Ceci
se traduit par une augmentation progressive et lente du courant de base. Cet effet est lentement réversible après rinçage
de l’étifoxine.
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intra- ou extracellulaire. Le seuil de l’effet de l’étifoxine
se situe aux alentours de 0,1-1 µM. La concentration maximale ayant pu être testée était de 30 µM, car l’étifoxine
est insoluble dans les solutions salines physiologiques pour
des concentrations supérieures à 30 µM. Cette propriété
est certainement un avantage car elle permet de limiter la
concentration locale d’étifoxine au voisinage des récepteurs GABAA dans le SNC (voir discussion).
Ainsi, l’ensemble de ces données indique que l’étifoxine
potentialise de manière dose-dépendante l’activité des
récepteurs GABAA probablement par un effet allostérique
positif. Cet effet potentialisateur ressemble fonctionnellement à celui d’autres modulateurs positifs du récepteur
GABAA tels que les benzodiazépines, l’éthanol ou les 3α5αNS, mais met en jeu des sites de liaisons différents [17, 18,
32]. Ceci explique notamment que les effets de l’étifoxine
et de l’AP sont additifs dans leurs actions anticonvulsivante
[44] et anxiolytique [43].
Effet de l’étifoxine sur la transmission synaptique
GABAergique
Dans les cultures de neurones hypothalamiques on observe
la formation de connexions synaptiques excitatrices et inhibitrices fonctionnelles [30, 31] dont les propriétés sont semblables à celles des synapses in situ. L’avantage du modèle
de culture est de permettre l’étude de la transmission entre
paires de neurones clairement identifiés et ceci dans des
conditions optimales de contrôle de la concentration et de
la durée d’application de substances pharmacologiques.
Nous avons étudié les effets de l’étifoxine sur la transmission GABAergique rapide impliquant les récepteurs GABAA.
Nous avons observé une augmentation progressive de la fréquence des CPSI GABAergiques en fonction du temps d’application de l’étifoxine à faible concentration (1-10 µM).
Cet effet était comparable à celui exercé par l’application
exogène d’AP (10 nM) dans la même préparation [28]. Pour
des concentrations plus élevées, l’étifoxine induit un courant membranaire persistant qui masque partiellement les
CPSI GABAergiques. Ce courant tonique est lui-même dû à
l’activation de récepteurs GABAA (cf. ci-dessous).
L’étifoxine potentialise un courant GABAergique
tonique : rôle des neurostéroïdes
Dans notre préparation, l’application de bicuculline (10 µM),
un antagoniste compétitif des récepteurs GABAA produit un
courant dû à la fermeture de récepteurs GABAA maintenus
ouverts par la présence de faibles concentrations de GABA
ambiant dans le milieu extracellulaire [36] (Fig. 2B). Cet
effet est complètement réversible et ce courant, dénommé
courant GABA tonique, a également été observé in situ dans
un certain nombre de régions du SNC tels que le thalamus,
l’hippocampe ou le cortex cérébral et permet très certainement de maintenir une inhibition tonique sur l’excitabilité
des neurones [37].
Pour des concentrations d’étifoxine supérieures à 1 µM,
nous avons observé une augmentation dose-dépendante de
l’amplitude de ce courant. Il se développe progressivement
et nécessite souvent plusieurs minutes pour atteindre une
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valeur plateau (Fig. 2C). De même, suite au rinçage de
l’étifoxine, la potentialisation du courant GABA tonique
persiste pendant plusieurs minutes avant de revenir progressivement à sa valeur de base (celle observée avant
l’application d’étifoxine). Une partie de cet effet est due à
la modulation directe des récepteurs GABAA par l’étifoxine
(cf. ci-dessus). Cependant l’effet direct est pratiquement
instantané et ne nécessite pas plusieurs minutes pour s’installer. Par conséquent, l’augmentation du courant GABA
tonique reflète très probablement l’existence d’un autre
mécanisme modulateur nécessitant la production d’un ou
de plusieurs messagers intermédiaires. C’est dans ce
contexte que nous avons émis l’hypothèse que l’étifoxine
pouvait augmenter la production de modulateurs endogènes positifs du récepteur GABAA tels que les 3α5α-NS.
Comme nous l’avons précisé plus haut, la première étape
de la neurostéroïdogénèse implique le transport du cholestérol à travers le système membranaire mitochondrial [2,
9, 26]. Cette étape dépend du RPB/TSPO qui peut être
antagonisé par le PK11195. Dans notre modèle expérimental, le PK11195 (10 µM) bloque 60 % de la potentialisation
du courant GABA tonique par l’étifoxine [36]. Ce résultat
indique qu’environ la moitié de l’effet de l’étifoxine est
liée à la stimulation de la production de neurostéroïdes.
Ces derniers sont probablement des 3α5α-NS, car ce sont
les seuls neurostéroïdes produisant une potentialisation de
l’activité des récepteurs GABAA. De plus, l’application exogène d’AP, (10-100 nM) produit un courant semblable à
celui induit par l’étifoxine. La part restante de l’effet de
l’étifoxine, c’est-à-dire celle résistante au blocage par le
PK11195, reflète probablement la potentialisation directe
des récepteurs GABAA par l’étifoxine (cf. ci-dessus).
Discussion
L’ensemble des données que nous avons présentées indique
que l’étifoxine interagit avec le système GABAergique. Ses
effets peuvent être subdivisés en deux composantes : [1]
un effet modulateur positif direct dû à la présence d’un
site de liaison sur les récepteurs GABAA et [2] un effet
modulateur indirect lié à la stimulation de la neurostéroïdogénèse et en particulier de la production de 3α5α-NS.
Ces observations faites sur des systèmes in vitro sont
confortées par des observations in vivo. Ainsi, il a été montré que les effets anti-convulsivants de l’étifoxine et de
l’AP sont additifs [44] et que l’étifoxine stimule la production de neurostéroïdes dans le cerveau [43]. Par ailleurs, il
apparaît que l’effet anxiolytique de l’étifoxine implique à
la fois les composantes directe et indirecte décrites ci-dessus [43]. L’étifoxine possède également des effets anxiolytiques chez l’Homme [38]. Cependant, comparé à d’autres
substances anxiolytiques (benzodiazépines, éthanol), l’étifoxine ne présente pas d’effets secondaires tels que la
sédation, l’ataxie ou l’amnésie. On peut alors se poser légitimement la question de la raison de cette différence car
les benzodiazépines, l’éthanol et l’étifoxine ont tous les
trois des effets directs sur le récepteur GABAA et stimulent
la neurostéroïdogénèse en activant le RPB/TSPO [8, 26, 27,
34, 36, 45].
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Étifoxine, neurostéroïdes et anxiété
Diversité des sites de modulation directe
des récepteurs GABAA
Les données récentes issues de la pharmacologie moléculaire et génique ont permis de montrer que les différents
types de modulateurs positifs des récepteurs GABAA agissaient par l’intermédiaire de sites propres et distincts, bien
que leurs effets fonctionnels soient similaires.
Benzodiazépines. Les benzodiazépines se fixent sur tous
les récepteurs GABAA qui incluent dans leur structure une
sous-unité γ [32], ce qui est le cas de la totalité des récepteurs synaptiques du SNC. Toutefois, la nature de la sousunité α et de la sous-unité γ influence l’affinité des
récepteurs pour les benzodiazépines [46].
Éthanol. La cible moléculaire de l’éthanol n’a pas été
identifiée à ce jour, mais on sait que l’éthanol agit sur une
grande diversité de récepteurs GABAA, ce qui expliquerait
en partie, comme pour les benzodiazépines, la diversité de
ses effets [6].
3α5α-NS. Les 3α5α-NS modulent également une vaste
gamme de récepteurs GABAA synaptiques ou extra-synaptiques [4]. Contrairement aux benzodiazépines, la liaison des
3α5α-NS sur le récepteur GABAA ne nécessite pas la présence d’une sous-unité γ [3]. Récemment deux sites de
liaison pour les 3α5α-NS ont été identifiés. L’un situé sur la
sous-unité α est responsable de l’effet potentialisateur des
3α5α-NS, l’autre situé à l’interface des sous-unités α et β
permet l’activation directe de récepteurs GABAA en absence
de GABA pour des concentrations de 3α5α-NS supérieures à
100-200 nM [39, 18].
Étifoxine. L’étifoxine se lie sur les sous-unités β et de
manière préférentielle aux sous-unités β2 et β3 [17]. Ces
sous-unités sont exprimées largement dans le SNC.
L’ensemble de ces considérations suggère que tous les
modulateurs directs cités ci-dessus se lient sur des sites
distincts des récepteurs GABAA, ce qui permet d’expliquer
l’additivité de leurs effets pour des concentrations sousmaximales.
Stimulation de la synthèse de 3α5α-NS
L’étifoxine stimule la neurostéroïdogénèse et en particulier
la production locale de 3α5α-NS, puissants modulateurs
allostériques des récepteurs GABAA [4, 23, 35]. Cette propriété est partagée par les benzodiazépines ou l’éthanol et
la production de 3α5α-NS semble être un point important
dans les effets anxiolytiques chez l’animal [5, 43] et
l’Homme [12, 41].
Dans une optique thérapeutique, il faut mentionner
qu’une administration exogène de 3α5α-NS est envisageable mais leur répartition dans le SNC est difficile à prédire
et à contrôler. On peut, comme dans le cas des autres
modulateurs positifs des récepteurs GABAA, spéculer que
tant que les concentrations locales de ces modulateurs resteront faibles, on observera préférentiellement un effet
anxiolytique (comme dans le cas des faibles concentrations
de benzodiazépines), mais qu’à plus forte concentration,
des effets sédatifs vont apparaître [14]. Alternativement,
on peut envisager d’augmenter la synthèse locale de 3α5αNS en stimulant pharmacologiquement l’activité du RPB/
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TSPO. Ce type d’intervention présente un avantage par
rapport à l’administration générale de 3α5α-NS, car l’augmentation de concentration en 3α5α-NS ne sera pas uniforme dans le SNC puisqu’elle met en jeu la stimulation
d’une synthèse endogène locale [2, 19, 29]. En effet, les
enzymes de la neurostéroïdogénèse, et notamment les
enzymes clé intervenant dans la synthèse des 3α5α-NS, ne
sont pas distribuées de manière uniforme dans le SNC [1,
40]. Par ailleurs, la production locale de neurostéroïdes
sera limitée par l’activité maximale et la densité d’expression du PBR/TSPO et des enzymes de la neurostéroïdogénèse. De plus, le catabolisme des 3α5α-NS sera assuré par
les systèmes endogènes, bien que ceux-ci soient encore
mal connus. Ainsi on peut spéculer qu’en ciblant la production de modulateurs endogènes, ceux-ci seront régulés de
manière précise et locale et seront mieux tolérés que des
molécules pharmacologiques exogènes. Pour l’instant, le
potentiel thérapeutique des neurostéroïdes a été peu
exploité [12, 14] et des molécules ciblant le RPB/TSPO
commencent seulement à être mises au point. Une limite
importante à ce type de développement est que la structure du RPB/TSPO semble être la même dans différentes
parties du système nerveux mais également dans les tissus
endocrines périphériques qui synthétisent les hormones
stéroïdes.
Considérations générales et implications
thérapeutiques
Si l’on s’intéresse aux effets de modulateurs des récepteurs GABAA dans le SNC, un point fondamental concerne
les concentrations atteintes localement et notamment dans
les zones d’intérêt. L’étifoxine, comme les benzodiazépines et l’éthanol, passent facilement la barrière hématoencéphalique [43]. Après avoir franchi cette barrière, ces
molécules vont se distribuer dans l’ensemble du SNC et se
lier à leurs récepteurs ou sites de liaison respectifs selon
leurs affinités pour ces récepteurs ou ces sites. Ainsi on
peut spéculer que des molécules à haute affinité pour les
récepteurs GABAA et les RPB/TSPO vont produire des effets
à plus faible concentration que l’étifoxine qui possède une
affinité plus faible pour ces sites (affinité micromolaire en
comparaison avec une affinité nanomolaire pour les benzodiazépines). On peut argumenter que des molécules à haute
affinité telles que les benzodiazépines présentent des avantages car les doses à administrer pour obtenir un effet
anxiolytique comparable seront bien plus faibles que celles
de l’étifoxine. Cet argument est théoriquement pertinent.
Cependant, au plan pratique, les molécules à haute affinité
présentent un inconvénient : il est difficile de contrôler et
de changer de manière fine leurs concentrations dans le
SNC en jouant sur la dose administrée per os. Dans ce
contexte, les molécules à faible affinité présentent un certain avantage car on peut agir dans une gamme de doses
per os plus large. Dans ce cas, de faibles variations de
concentrations locales de modulateur peuvent recruter des
récepteurs GABAA distincts qui sous-tendent la modulation
de fonctions différentes. Ainsi, dans le cas des benzodiazépines, on peut spéculer que de faibles concentrations vont
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induire essentiellement un effet anxiolytique en agissant
sur des récepteurs GABAA incluant la sous-unité α2 et que
de plus fortes concentrations agiront également sur des
récepteurs incluant la sous-unité α1, responsables des
effets sédatifs, ataxiques et amnésiques des benzodiazépines [32]. Une stratégie thérapeutique visant à obtenir spécifiquement un effet anxiolytique aura par conséquent
intérêt à maintenir une concentration de modulateur juste
suffisante pour potentialiser les récepteurs GABAA incluant
la sous-unité α2 sans potentialiser l’activité des récepteurs
incluant la sous-unité α1. Ceci sera plus facile à réaliser
avec un modulateur à basse affinité qu’avec un modulateur
à haute affinité. Alternativement on pourrait utiliser un
modulateur à forte affinité mais présentant une efficacité
différente selon les récepteurs sur lesquels il se fixe. Cette
stratégie a été utilisée dans le cas des benzodiazépines
mais avec relativement peu de succès à ce jour [46].
Conclusion
L’effet anxiolytique de l’étifoxine semble être dû à sa
capacité à stimuler, de manière juste suffisante, la production de 3α5α-NS et l’activité des récepteurs GABAA. Il est
lié à l’affinité faible de l’étifoxine pour les récepteurs
GABAA et le RPB/TSPO, comparativement à celles des benzodiazépines. De ce fait, l’étifoxine potentialisera relativement peu les récepteurs GABAA situés dans des régions ne
possédant pas les enzymes nécessaires à la synthèse de
3α5α-NS. En revanche, dans les régions exprimant ces
enzymes la production locale de 3α5α-NS permettra une
augmentation supplémentaire de l’activité des récepteurs
GABAA puisque les effets directs sur les récepteurs GABAA et
ceux consécutifs à la stimulation de la production de 3α5αNS pourront se sommer localement.
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