LE VIRUS DU SIDA INFECTE PLUS FACILEMENT LES CONSOMMATEURS DE
COCAÏNE
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Contrairement à ce qu’on pensait jusqu’ici, ce n’est pas tant le comportement plus à risque des
consommateurs de cocaïne qui les expose à un taux plus élevé d’infection au VIH, que les effets
biochimiques de la molécule elle-même. Ph. 2425869@N04 via Flickr
Depuis le début de l’épidémie, dans les années 1980, l’histoire du sida est étroitement liée à
la consommation de drogues. L’héroïne, en premier lieu : les seringues utilisées pour
l’injecter, souvent partagées entre toxicomanes, ont aidé le virus du sida (VIH) à se répandre.
Mais le VIH est aussi plus fréquent chez les consommateurs de cocaïne. Pourquoi ?
Jusqu’ici, les épidémiologistes ne pensaient pas qu’il pouvait exister un lien direct entre cocaïne
et sida. Ils considéraient que les usagers de cocaïne étaient des personnes ayant tendance à
prendre plus de risques, et, par là-même, avaient plus de chances d’attraper le virus du sida
(VIH), parce qu’ils se protégeaient moins souvent lors des rapports sexuels. En résumé, les
personnes utilisant de la cocaïne seraient aussi les personnes ayant moins tendance à utiliser des
préservatifs.
Or, ces dernières années, les biologistes ont commencé à déceler des preuves que la cocaïne
favorise directement le VIH dans l’organisme. Par des expériences menées in vitro (dans les
éprouvettes et boîtes de Pétri des laboratoires), ils ont observé que la cocaïne rendait plus
vulnérables certains globules blancs, les lymphocytes T, soit les cellules du système immunitaire
qui se chargent de lutter contre les agents infectieux. Affaiblies, ces cellules seraient moins
efficaces dans la lutte contre le virus.
LES EFFETS COMBINÉS DE LA COCAÏNE ET DU VIH ONT ÉTÉ TESTÉS SUR UN
MODÈLE DE SOURIS DOTÉES D’UN SYSTÈME IMMUNITAIRE HUMAIN
Une toute nouvelle étude vient de démontrer que c’est bien le cas in vivo, chez un animal vivant.
En l’occurrence, un modèle de souris de laboratoire appelée BLT, qui reproduit de la manière la
plus fidèle possible le système immunitaire humain. Chez ces souris, le système immunitaire a
été éliminé, puis elles ont subi une greffe de cellules souches humaines (du sang, du thymus et
du foie), ce qui les dote de lymphocytes fonctionnant comme des globules blancs humains.
Voici le protocole de l’étude. Après avoir doté les souris de cellules souches reproduisant un
système immunitaire humain, les chercheurs leur ont administré de la cocaïne ou une solution
saline pendant cinq jours. Ensuite, les souris ont reçu une injection de virus du sida, puis à
nouveau la cocaïne ou la solution saline pendant 14 jours. Enfin, les souris ont été sacrifiées et
leurs organes, analysés. Ph. © Scientific Reports
Pour la première fois, ce modèle de souris, utilisé habituellement dans les recherches sur le
cancer et le sida, a été utilisé pour étudier les effets d’une drogue sur le système immunitaire.
L’équipe de Dimitrios Vatakis, à l’université de Californie à Los Angeles (États-Unis), a injecté,
cinq jours durant, une dose de cocaïne à 19 de ces souris, et une dose de simple solution
physiologique (sans effet) à 19 autres. Ensuite, les souris ont reçu une injection de VIH, puis
elles ont continué à recevoir leur injection quotidienne de cocaïne ou de solution physiologique
pendant deux semaines.
LA COCAÏNE AFFAIBLIT LES CELLULES CHARGÉES DE LA DÉFENSE
IMMUNITAIRE
Les résultats sont publiés dans la revue Scientific Reports : la présence de cocaïne facilite la
diffusion du virus. Chez les souris ayant reçu une dose quotidienne de cette substance, à la fin de
l’expérience, les concentrations de virus dans le sang étaient plus élevées. Seules 3 parmi ces 19
souris ne présentaient pas de niveaux détectables de VIH dans le sang, contre 9 souris parmi les
19 ayant reçu une injection inerte. Les biologistes ont aussi détecté dans le sang des souris
“cocaïnomanes” une plus forte concentration d’ARN viral, produit par le VIH lorsqu’il se
multiplie, signe que le virus se répand plus aisément dans leur organisme.
Enfin, les cellules immunitaires de ces souris voyaient leur réaction s’amenuiser en présence
de cocaïne. Les lymphocytes T de type CD4, d’habitude en première ligne dans la lutte contre un
agent infectieux, réagissaient de manière très atténuée, secrétant une trop faible quantité de
cytokines, des messagers immunitaires fondamentaux pour organiser les défenses. De leur côté,
les lymphocytes tueurs (T de type CD8), n’étaient plus capables de tuer les cellules infectées par
le virus.
Toutes ces données montrent clairement que la cocaïne a un effet direct de facilitateur de
l’infection par le virus du sida. Une conclusion qui a de quoi inquiéter, alors que l’on compte, en
France, 450 000 personnes en ayant fait usage au moins une fois au cours de l’année
2014,d’après le dernier rapport de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies.
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