14 15 LES ENFANTS DU SOLEIL THÉÂTRE d’après Maxim Gorki adaptation et mise en scène Mikaël Serre en partenariat avec la Comédie de Reims - CDN Du 4 > 14 Févr. 2015 à 20h30 Dossier de présentation Service relations aux publics [email protected] / 01 56 08 33 88 « Toute ma vie, je fus poursuivi, plus ou moins intensément, par une sensation d’angoisse, de déchirement en constatant l’abîme spirituel qui séparait l’élément populaire de l’Intelligentsia, en tant que principe rationnel (...) graduellement, cette sensation dégénérait en pressentiment d’une catastrophe. » Auteur engagé, Maxim Gorki espérait trouver un antidote à la misère et aux injustices sociales de son pays grâce au socialisme, mais ni la révolution de 1905 ni celle de 1917 n’auront été à la hauteur de ses espérances... En 1905, alors qu’il est incarcéré, il écrit Les enfants du soleil et offre un regard rugueux et implacable sur son siècle. Il y détaille un microcosme de privilégiés englués dans leur confort et leurs contradictions, incapables d’être en prise avec la réalité et d’œuvrer pour une transformation du monde. Pour Mikaël Serre, cette pièce a de profondes résonances avec notre époque. Il semble que la léthargie que décrivait Gorki opère inlassablement. La question de la responsabilité d’une certaine élite envers l’avenir du monde est, elle, toujours présente. LES ENFANTS DU SOLEIL Théâtre Maxim Gorki / Mikaël Serre d’après Maxim Gorki adaptation et mise en scène Mikaël Serre avec Nabih Amaraoui Legor Servane Ducorps Elena Cédric Eeckhout Protassov Marijke Pinoy Melania Thierry Raynaud Boris Bruno Roubicek Vaguine Claire Vivianne Sobottke Liza assistante à la mise en scène Céline Gaudier dramaturgie Jens Hillje scénographie et costumes Nina Wetzel collaboration à la scénographie Florence Emery collaboration aux costumes Miriam Marto vidéo Sébastien Dupouey musique Nils Ostendorf lumières Sébastien Michaud construction décor Ateliers du Théâtre Vidy-Lausanne coproduction la Comédie de Reims—CDN Théâtre Vidy Lausanne spectacle créé le 22 mai 2013 au Théâtre Vidy-Lausanne DU 4 > 14 FÉVR. 2015 À 20h30 Du lundi au samedi relâche le dimanche 25 € // 12 € / Tarifs partenaire et scolaire contacter le service des relations aux publics Durée 1h35 LOCATIONS Le Monfort // 01 56 08 33 88 // www.lemonfort.fr GORKI ET LES ENFANTS DU SOLEIL Le contexte historique de l’écriture La Révolution russe de 1905 désigne l’ensemble des troubles politiques et sociaux qui agitèrent l’Empire russe en 1905. Elle commença en janvier 1905, lors du Dimanche Rouge, et aboutit dix mois plus tard à l’octroi d’une constitution, le Manifeste d’octobre. L’évolution économique et sociale du pays avait fait monter les oppositions libérales, démocrates, socialistes et révolutionnaires au régime tsariste. La meurtrière fusillade du Dimanche Rouge à Saint-Pétersbourg mit le feu aux poudres. Le régime impérial survécut à cette première attaque d’envergure, mais le mécontentement grandit et l’opposition se radicalisa. La grève générale d’octobre 1905 réussit à faire céder le régime. Une constitution libérale fut octroyée ; mais dans les deux ans qui suivirent, la contre-attaque de Nicolas II réduisait à néant les espoirs soulevés par cette révolution. La mutinerie du cuirassé Potemkine immortalisées en 1925 par Le Cuirassé Potemkine, film de Sergueï Eisenstein, en sont restées les symboles. A partir de ce « dimanche sanglant » un fossé que rien ne pourra plus combler se creuse entre le peuple et le tsar. Gorki se révolte devant l’horreur de ce massacre et publie des articles réprouvant ces faits; il prend part à l’insurrection de 1905 et après l’échec écrit à nouveau des articles dans lesquels il exprime tout l’espoir d’un peuple exploité. Si Gorki s’affilie au mouvement révolutionnaire clandestin de Lénine, c’est parce qu’il se rend compte que cette avant-garde remplit les conditions requises pour opérer une révolution. Son arrestation en 1905 ne fait que le rendre toujours plus populaire; les pétitions signées d’un peu partout ont soulevé la désapprobation de chaque pays. Des manifestations spontanées éclatent un peu partout: dans les rues, dans les théâtres, dans les universités. Les pays étrangers eux-mêmes s’émurent de cette répression dont était victime un écrivain dont le seul crime était d’exposer publiquement ses idées. La presse du monde entier écrit des articles indignés réclamant sa libération. Gorki aura été devant l’humanité durant un certain nombre de jours le grand criminel d’État qui n’a rien fait. Il a été mis en prison et promis au gibet tout simplement parce qu’il a évoqué dans ses ouvrages la détresse des malheureux, leur exploitation. « Toute ma vie, je fus poursuivi, plus ou moins intensément, par une sensation d’angoisse, de déchirement en constatant l’abîme spirituel qui séparait l’élément populaire de l’Intelligentsia, en tant que principe rationnel ... graduellement, cette sensation dégénérait en pressentiment d’une catastrophe. En 1905, au cours de ma détention à la forteresse Saint Pierre et Paul, j’ai tenté d’exposer ce même sujet dans « Les Enfants du Soleil ». Synopsis Dans Les Enfants du soleil, Gorki reprend les émeutes dues au choléra de 1890 comme prétexte, pour raconter une catastrophe politique et sociale à la lumière du socialisme naissant en Russie. Il dépeint le tableau sombre et grotesque d’une société déchirée par des conflits sociaux et culturels, et incapable de créer un monde meilleur. Dans la maison du scientifique Protassov et de son épouse Elena vit l’artiste Vaguine qui est amoureux d’Elena, la riche veuve Mélania qui à son tour aime Protassov, et le vétérinaire, Tchepournoï qui aime depuis longtemps Lisa la soeur de Protassov. Enfin, le gardien Iegor bat sa femme et se soûle… Tous sont à la recherche d’un accomplissement, d’une vie meilleure, pour ça ils écrivent des poèmes, des chansons, peignent, font de la musique... se battent. Névrotiques, malheureux, égoïstes, ils vivent dans un étrange paradigme. Dehors la véritable révolution n’a pas encore éclaté. L’utopie n’est pas en vue, et il semble que le statu quo va encore perdurer... Le suicide de Tchepournoï à lui seul s’apparente à une sorte de manifeste qui condamne et met en échec toute cette société. Ce sont des privilégiés, et ne sont réels que les murs et l’imaginaire qu’ils ont construits autour d’eux-mêmes. Presque inconscients du monde qui les entoure, leurs yeux sont fermés à la fatalité, à la trivialité et à l’imperfection d’une réalité tout ou trop humaine. Depuis leur environnement surinformé à l’image de la bourgeoisie occidentale, ils cherchent un abri contre la violence, la détresse et la misère qui s’est emparée du « dehors » du monde. Cependant, le mur imaginaire qu’ils ont construit autour d’eux est sur le point de s’écrouler, une crise cataclysmique se profile à l’horizon. Dans ce jeu, Maxim Gorki évoque l’échec de l’intelligentsia, élite impuissante à développer une voie alternative, une vision qui embrasse les besoins de tous. Mais pas de morale, ces gens sont là devant nous et c’est entre échanges d’idées sur l’art et l’amour qu’ils se débattent, meurent ou fuient dans la folie. Gorki reprochait-il à l’intelligentsia de vivre en vase clos, de tout ignorer des problèmes politiques et sociaux et de la condition populaire ou bien en avait-il contre les gens du peuple, frustres et ignorants, incapables de maîtriser leurs instincts sauvages ? Il y apportait plus tard une réponse, qu’il nous reste à interpréter dans son contexte historique et à la lumière de notre siècle : « La misère et l’ignorance du peuple sont la source de tous nos malheurs (…) Un homme raisonnable ne peut être heureux que tant que notre peuple demeure asservi (…) La vie ne peut être belle tant qu’il y a des foules d’indigents autour de nous. Il n’y a pas d’autre pays au monde où les hommes d’honneur et d’esprit soient aussi isolés (…) Il faut lutter pour le triomphe de la liberté et de la justice. » Note d’intention de Mikaël Serre «Après ma mise en scène de La Mouette de Tchekhov, je me suis tourné vers Gorki. Sa langue plus brute et directe traduit l’engagement politique de Gorki en comparaison de son ainé Tchekhov. Son art à lui de poser un diagnostic de révolutionnaire plus que de médecin des âmes force à un questionnement à la fois riche et troublant pour le spectateur du 21e siècle. À sa manière, et sans didactisme il cimente les tourments de l’intime et du social. Ses choix politiques et son histoire sont troubles, et, du même coup, symptomatiques de notre siècle et des personnalités (y compris nous-mêmes) qui le composent. Gorki nous offre à travers son écriture abrupte un implacable et rugueux regard sur son siècle. Sous le soleil de nos révoltes, il semble que la même léthargie qu’il décrivait opère inlassablement, et la question de la responsabilité d’une certaine élite envers l’avenir du monde, est toujours présente. Nos élites, à l’inverse de celles de 1905, sont beaucoup plus nombreuses, diffuses, et complexes. Beaucoup plus influentes aussi, elles peuvent même être à la source d’une sorte de suicide civilisationnel (la crise de 2008 en est un bon exemple). Dans son livre Effondrement le biologiste Jared Diamond mentionne, parmi les raisons pour lesquelles des civilisations anciennes sont mortes, « l’incapacité de leurs élites et de leurs gouvernements à se représenter clairement le processus d’effondrement en cours, ou, si elles ont pris conscience, leur incapacité à le prévenir en raison d’une attitude de défense “court-termiste” de leurs privilèges ». De son côté le philosophe Arnold J. Toynbee nous a prévenus : « Les civilisations ne meurent pas assassinées, elles se suicident ». Souhaitons que ce ne soit pas à cela que nous assistions. C’est-à-dire au suicide d’une société pourtant assez clairvoyante, mais désespérément incapable de comprendre profondément ce qui se passe en elle, autour d’elle, et d’agir. Gorki, en 1905, à travers le socialisme, espérait avoir trouvé un antidote. La révolution de 1917 n’aura pas été à la hauteur de ses espérances… C’est avec cet échafaudage de pensée, ce socle, que je vais débuter le processus des répétitions. Et comme tout échafaudage il disparaîtra à la fi n des travaux, tout comme, peut-être, ce sentiment trouble d’être un enfant d’après « les révolutions » conscient, témoin, complice et victime à la fois. Et pour nous, quelle révolution est à venir ? La question fait sourire. Nous voilà 110 ans plus tard avec une pièce incroyablement riche, car l’histoire de notre siècle l’a chargée de nouveaux sens et de nouveaux contenus. Les « Enfants » de Gorki sont en récession, en faillite, ceux sur qui l’on pouvait compter pour relever le niveau s’écroulent, prennent parti, se trompent, se démobilisent, puis se détournent dans un monde qui s’effondre. Ils pensent que la science, l’art, l’amour peuvent nous sauver et former une sorte de politique poétique. Imaginons un monde sens dessus dessous où le cours des bourses s’effondre, où la récession menace, où les agences de notations réduisent à néant les efforts de nations entières, démantèlent des gouvernements, et mettons en parallèle des intellectuels, des artistes, des scientifiques qui tentent de vivre. Ils sont devant nous, parlent d’argent, des sciences, des bienfaits de l’art, se préoccupent surtout (comme dit l’un des personnage de la pièce) « d’approcher les merveilles et profondes énigmes de l’existence en déployant toute l’énergie intellectuelle dont ils sont capables dans le but de les résoudre ». Elena : « Voilà la vraie vie humaine (…) voilà l’inépuisable source de bonheur ». Alors imaginons ce monde-là, avec des révolutions lointaines dans les déserts, non pas le choléra en décor de fond comme chez Gorki, il n’existe plus, mais l’argent, un argent malade qu’il faut guérir. Ces gens, ne les condamnons pas, ce n’est pas qu’ils ne s’en occupent pas de tout ça, mais ils sont trop préoccupés par eux-mêmes et leur recherche de chaleur, de vie. Et quand cette maladie, cette réalité pénètre chez eux et les met en danger, ils sortent les armes, frappent, s’entretuent, ou s’échappent dans la folie pour ne pas mourir complètement. Car le choléra qui frappe en 1890 à la porte de nos Enfants du soleil pourrait bien s’apparenter à la détresse en 2012, car l’argent comme disent les spécialistes est en train de mourir et il faut soigner le mourant. Et ce désert jaune taché de rouge, que citent Vaguine et Liza à la fin de la pièce pourrait être cet endroit où l’homme se bat pour la vie, il pourrait être notre désert, le désert de ceux qui se battent actuellement pour être des hommes libres, peut être les futurs enfants du soleil. En 1905, Gorki, dans une sorte d’étrange prémonition, voyait la liberté avant tout dans un désert taché de rouge. La pièce acquiert dès lors de nouveaux contenus, de nouveaux sens, qui nous parlent directement et c’est là que la mise en scène trouvera son accroche thématique.» Mikaël Serre Entretien avec Mikaël Serre (avril 2013) Vous avez récemment travaillé sur La Mouette d’Anton Tchekhov. Vous choisissez aujourd’hui de monter un autre auteur classique contemporain de Tchekhov, russe lui aussi : Maxime Gorki. Pourquoi un tel engouement pour ces auteurs russes ? La littérature russe transmet de manière physique les enjeux et émotions qui ont traversé les deux derniers siècles. Mais choisir une pièce, c’est aussi tracer une histoire intime qu’on tente de recomposer ou réconcilier. Mon grand-père était prisonnier à Kiev pendant la Deuxième Guerre Mondiale. Il me parlait de temps en temps de ses années de prison, mais toujours à travers des anecdotes quotidiennes et souvent teintées d’humour. J’ai donc grandi avec un message de tolérance sur un fond d’horreur et d’une certaine manière, à travers ses mots, je tentais de reconstituer cette image antinomique du monde. Après mes études aux BeauxArts, je suis parti en Russie et en Ouzbékistan en tant qu’assistant à la mise en scène. En Russie j’ai assisté à plusieurs pièces de Tchekhov et j’y ai vu des corps engagés, fébriles, passionnés, des états forts, je me suis alors rendu compte de la valeur de cet auteur. Donc la Russie c’est aussi des retrouvailles… surtout que j’ai failli me faire tuer en pleine rue à Nijni Novgorod, qui s’appelait alors Gorki sous l’ère soviétique ! Et ça, ça ne s’oublie pas. La Russie de Gorki (fin du XIXe siècle) est une Russie chamboulée. Le choléra omniprésent crée des émeutes, les travailleurs manifestent et sont à l’origine d’une révolution violente, le « Dimanche sanglant ». Le peuple et la bourgeoisie sont complètement séparés. Comment comptez-vous transposer ce contexte à l’histoire de nos jours ? Une pièce n’a rien de figé. Elle grandit avec le temps et assimile les nouveaux contenus de chaque époque qui passe en mettant en valeur l’un ou l’autre des éléments de cette pièce, ou pas. Notre travail sur le plateau consiste à provoquer ces contenus pour qu’ils dialoguent de manière juste et insufflent un sens ou, à l’inverse, créent un effet d’étrangeté qui interroge notre présent. De nos jours par exemple la frontière entre « peuple » et « bourgeoisie » est beaucoup plus poreuse qu’à la fin du XIXe siècle, le terme même de peuple interpelle. A titre d’exemple, actuellement les « élites » européennes, tout en conservant un discours de façade sociale et humaniste, renforcent des mesures antisociales sous prétexte d’une crise que leur propre politique a déclenchée. C’est un écho précis à l’élite schizophrénique décrite par Gorki. Du haut de notre Occident, comment a-t-on regardé les révolutions arabes, nous les enfants du soleil du XXIe siècle ? Avec humanisme, mais si cela avait touché à nos privilèges je me demande de quelle couleur notre humanisme si bienveillant se serait teinté… Actuellement on parle du capitalisme comme d’une maladie qui infecte une grande partie de l’Europe. L’argent n’est-il pas ce choléra qui empoisonne et révolte une grande part des citoyens européens ? Alors quel est ce peuple aujourd’hui, cette « foule assoiffée de sang et cruelle » dont parle l’un des personnages de Gorki ? Les manifestants à Chypre, en Espagne, les révolutions arabes qui fustigent leurs élites dominantes et décisionnaires ? L’utilisation du texte dans votre Mouette paraissait très libre. Comment comptez-vous aborder le texte de Gorki dans cette mise en scène ? Quelle place laissez-vous à l’improvisation ? Pour des raisons économiques, je ne peux travailler avec seize acteurs comme le demande la pièce, donc une adaptation s’impose de fait. L’équipe artistique doit alors inventer des stratégies narratives permettant de déployer des imaginaires qui se substituent à ce qui s’exprime chez Gorki par une multitude de figures désormais absentes. C’est à la fois riche et réjouissant, un défi qui met à contribution une matière théâtrale exigeante. L’improvisation permet de dégager les enjeux d’une scène ou d’une succession de scènes, et de se les approprier avec l’énergie du moment et les émotions de notre temps. C’est un processus d’appropriation de la matière proposée par l’auteur. C’est aussi plus concrètement pour les acteurs et moi une manière de faire se rencontrer nos imaginaires avant d’aborder plus précisément les situations concrètes du texte. Dans votre spectacle vous utilisez différents supports (vidéos, musique). Quel rôle jouent-ils et quelle place souhaitez-vous accorder à chacun d’entre eux ? La musique et la vidéo font partie du théâtre d’aujourd’hui au même titre que la scénographie, la lumière et les costumes. Ce sont des personnages en soi qui participent à la transmission d’un fond poétique commun, ils permettent d’enrichir notre grille de lecture. Dans la pièce, ils se substituent à l’absence des figures et situations qui foisonnent dans la pièce originale et participent de manière active à l’élaboration d’un environnement très important pour la compréhension de la pièce. Une plasticité expressive du conflit. Cela permet de conjuguer une lecture sensible et une lecture mentale, quitte à les mettre en tension. C’est un peu comme la formule de Léonard de Vinci qui disait que la peinture est « cosa mentale ». Toute oeuvre théâtrale est une traversée de la matière par le biais de la pensée. Tout comme le corps est aussi le prolongement et la face visible d’une pensée, l’expression physique d’un conflit. Dans cette pièce de Gorki, les personnages semblent s’échapper de leur vie grâce aux arts ; ils peignent, s’essaient à la poésie, chantent, font de la musique… L’art est-il pour vous aussi une forme d’échappatoire ? En général on s’échappe d’une situation embarrassante ou difficile de la vie. Mais l’art oblige justement l’artiste à ne pas s’isoler, il le soumet à la vérité comme le dit Clamence dans La Chute de Camus. C’est une confrontation avec son histoire intime et celle de la société dans laquelle il vit, et ce processus s’opère par la suite avec le spectateur. Ce dialogue qui s’adresse à l’intime de chacun est essentiel. Une journée de répétitions se compose aussi d’un échange quotidien avec toute une équipe qui a une multitude d’humeurs, de peurs, de joies, de doutes bien réels. S’échapper voudrait dire par exemple pour moi quitter la répétition en courant me jeter dans le lac avec mes propres interrogations ! J’aime bien penser à cette phrase de Robert Filliou aussi décomplexée et enjôleuse qu’effrayante, qui dit que l’art fait partie d’une sorte de rêve collectif, et que pour lui, si à l’avenir l’art n’existait plus, ça ne lui ferait rien pourvu que les gens soient heureux. Gorki remplacerait peut-être « heureux » par « libre »… J’ai le sentiment qu’on a fait le tour des échappatoires, et qu’on a au contraire envie d’en découdre avec notre réalité. Même le « Ars Gratia Arti », qu’on pourrait traduire par l’art pour l’art ou l’art au service de l’art, qui trône au-dessus du lion rugissant de la MetroGoldwyn-Mayer s’est désintégré à l’image du studio. Mikaël Serre, êtes-vous un enfant du soleil ? Oui absolument ! Et en même temps pas du tout. La faculté humaine d’admettre la réalité reste fragile ! Jared Diamond mentionne, parmi les raisons pour lesquelles des civilisations anciennes sont mortes, « l’incapacité de leurs élites et de leurs gouvernements à se représenter clairement le processus d’effondrement en cours… ». Beaucoup d’entre nous ont grandi dans une posture désenchantée et postmoderne où tout est égal à tout et juste affaire de commerce, même dans la relation amoureuse, et jusqu’à en faire son propre fond de commerce. En même temps dénoncer par exemple la domination des élites serait juste une attitude réactionnaire qui déconsidère le spectateur comme s’il ne savait rien, et qu’il fallait lui expliquer de quoi le monde est fait. Il me semble que la liberté, si chère aux enfants du soleil de Gorki, et qui nous relie profondément les uns aux autres, est plus que jamais au centre de tout geste artistique. Propos recueillis par écrit par Louis Bonard pour le Théâtre Vidy-Lausanne Avril 2013 A l’attention des enseignants Echos aux programmes d’enseignement du second degré - Formes du récit au XX et XXIème porteurs d’un regard sur l’histoire et le monde contemporains. - Correspondance entre œuvres littéraires et œuvres musicales ou plastiques - mise en scène et jeu théâtral. - La révolution Russe - Les Arts, témoins de l’histoire du monde contemporain. - Le roman et la nouvelle au XIXe : réalisme et naturalisme ? - Le texte théâtral et sa représentation du XVIIème à nos jours - Vers un espace culturel européen : renaissance et humanisme Maxim Gorki - auteur Enfant pauvre et autodidacte, formé par les errances de sa jeunesse, journaliste à ses débuts, ses écrits littéraires le rendent très vite célèbre. Auteur de nouvelles mettant en scène les misérables de la Russie profonde, de pièces de théâtre comme Les Bas-fonds ou de romans socialement engagés comme La Mère, publié en 1907, il racontera aussi sa vie dans une trilogie autobiographique. Dès ses débuts littéraires, Gorki partage l’idéal des partis progressistes. Plusieurs fois emprisonné pour ses prises de position, en particulier lors de la révolution de 1905, qui lui inspira Les Enfants du soleil, il quitte la Russie et voyage aux États-Unis. À son retour en 1906, il doit s’exiler à Capri pour des raisons à la fois médicales et politiques. Amnistié en 1913, il rentre en Russie et reste proche de Lénine et des révolutionnaires, mais formule des critiques dès novembre 1917. Il reçoit à nouveau des menaces du pouvoir en place : inquiet et atteint de la tuberculose, il quitte la Russie en octobre 1921 et se fixe de nouveau dans le sud de l’Italie en 1924. Encouragé par Staline, il revient plusieurs fois en URSS après 1929 et s’y réinstalle définitivement en 1932 : il devient un membre éminent de la nomenklatura soviétique et participe à la propagande du régime qui l’honore, mais le surveille en même temps. Il meurt en juin 1936 dans des circonstances encore troubles pour certains… Mikaël Serre - metteur en scène Franco-allemand, acteur, metteur en scène et traducteur, formé aux Beaux-Arts de Saint-Étienne, Mikaël Serre débute comme photographe et graphiste puis devient assistant metteur en scène en Russie, en Ouzbékistan à l’âge de 20 ans avant de rejoindre en 1996 l’école internationale de Théâtre Jacques Lecoq. Il travaille comme acteur en Allemagne avant de revenir en France pour sa première mise en scène «Visage de feu» de Marius von Mayenburg en 2003. En 2000 il est engagé par la vidéaste Paola lo Sciuto et joue en Italie et en Allemagne dans la création “Il Regno”, puis dans “Les estivants” de M. Gorki, mis en scène par Christiane Pohle au Schauspielhaus Zürich et à Kampnagel Hambourg. Cette même année, il assiste le metteur en scène Peter Schroth au Badisches Staats Theater de Karlsruhe pour se former à la dramaturgie. En 2002, il est diplômé de La Meisterclass mise en scène de l’Académie Mozarteum, Salzburger Festspiele. Il fonde la Cie Théâtre Bathyscaphe avec Sharon Amir en 2003, continue son parcours d’acteur au Stadttheater de Bremen dans la pièce musicale “Der Müdliche verrat” du compositeur Maurizio Kagel sous la direction de Rainer Holzapfel. 2004 “Globallost Sunday” en collaboration avec le chorégraphe Samir Akika pour le Tanz Festival Pina Bausch. “Loca Mierda” pour le Festival Temps d’images Allemagne/Maison de la Danse de Düsseldorf (Tanzhaus NRW). Artiste associé à La Ferme du Buisson dès 2003 puis à La Rose des Vents jusqu’en 2008. En 2009, Ludovic Lagarde lui propose de rejoindre le Collectif artistique de la Comédie de Reims. De 2010 à 2013, il sera coordinateur théâtre et intervenant pour le Centre National des Arts du Cirque, acteur dans «Oui dit le très jeune homme» de G. Stein, m.e.s L. Lagarde. Parallèlement à son travail de metteur en scène il travaille avec plusieurs artistes de la scène musicale comme Monomaniax, Olivia Ruiz, Anouk Aïata, Jools On Wheels ... Il est traducteur de «Cible Mouvante» de M. von Mayenburg et «T’as Bougé», «Requiem pour un enfant sage» de F.X.Kroetz pour les éditions de l’Arche. Ses mises en scène : 2003 «Visage de Feu» de Marius Von Mayenburg (Théâtre Le Colombier à Bagnolet, Teo Otto Theater Allemagne, Chekhov International Theatre Festival Moscou), 2004, «Parasites» de M.Von Mayenburg (la Rose des vents/Ferme du Buisson), 2005 «Protocole de Rêves» avec et de Hanna Schygulla (Ferme du buisson/Temps d’images), 2006 «Oh il me regarde, tu crois qu’il m’aime ? Maintenant j’ai la main grasse» (F. du Buisson/La Rose des vents), 2006/2007 «L’enfant froid» de M. von Mayenburg (Théâtre de la bastille/F. du Buisson/Rose des vents/festival Perspectives Saarbrücken), 2008 «HHH» Anna Nicole Smith (Festival Labomatic Théâtres), 2008 «Cible Mouvante», La Rose des vents, et tournée. 2009, «Le village de Kufur Schama», Find festival/Schaubühne. 2009 «L’Etranger» de A.Camus, Maxim Gorki Theater, Berlin. 2009 «T’as Bougé, Requiem pour un enfant sage». F.X.Kroetz (Next Festival, La Rose des Vents). 2010/2011 «La Mouette», (Comédie de Reims/Rose des vents/Nouveau Théâtre de Montreuil + tournée). 2011 «L’Impasse, I am what I am» d’après Concert à la carte de F.X.Kroetz (Temps d’Images, F.I.N.D Festival Schaubühne de Berlin, festival International Next, Comédie de Reims, Reims Scènes d’Europe). 2013 «Les Enfants du Soleil» d’après Maxime Gorki, création Théâtre Vidy Lausanne, Comédie de Reims, la Rose des Vents. 2014 «The Rise of Glory», Maxim Gorki Theater Berlin. 2015, «At a place At the beginning» avec Germaine Acogny Sénégal/Grand Théâtre Luxembourg. 2016 Création en préparation Maxim Gorki Theater Berlin. contacts Relations aux publics Jenny De Almeida [email protected] | 01 56 08 33 46 Camille Auger [email protected] | 01 56 08 33 84 Clément Hudault [email protected] | 01 56 08 32 67 LE VIDE / ESSAI DE CIRQUE Fragan Gehlker, Alexis Auffray / DAKHABRAKHALA / TAVERNE MÜNCHAUSEN Gwen Aduh / SAVOIR ENFIN QUI NOUS BUVONS Sébastien Barrier / JE CLIQUE DONC JE SUIS Thierry Collet / PROJET LUCIOLE Nicolas Bouchaud, Judith Henry, Nicolas Truong / FOLK-S_will you still love me tomorrow ? Alessandro Sciarroni / UNTITLED_I will be there when you die Alessandro Sciarroni / GERTRUD Jean-Pierre Baro / HIRISINN Le P’tit Cirk / L’IDÉAL CLUB 26000 couverts / SAMEDI DETENTE Dorothée Munyaneza / SIC(K) Alexis Armengol / LES ENFANTS DU SOLEIL Mikaël Serre / EN PASSANT… Denis Lavant, Dima Yaroshenko, Stéphane Ricordel / P.P.P Phia Ménard / YOUDREAM Collectif Superamas / LA CERISAIE Lev Dodine / LA MAISON DES CHIENS Vlad Troitskyi / LES DAKH DAUGHTERS / TITRE INSTABLE Groupe Bekkrell / CAPILOTRACTÉES Sanja Kosonen, Elice Abonce Muhonen / LA VIE DE GALILÉE Jean-François Sivadier Le Monfort Établissement culturel de la Ville de Paris Codirection Laurence de Magalhaes & Stéphane Ricordel 106 rue Brancion 75015 Paris 01 56 08 33 88 / www.lemonfort.fr