LES ENFANTS DU SOLEIL

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LES ENFANTS DU SOLEIL
THÉÂTRE
d’après Maxim Gorki
adaptation et mise en scène Mikaël Serre
en partenariat avec la Comédie de Reims - CDN
Du 4 > 14 Févr. 2015 à 20h30
Dossier de présentation
Service relations aux publics
[email protected] / 01 56 08 33 88
« Toute ma vie, je fus poursuivi, plus ou
moins intensément, par une sensation
d’angoisse, de déchirement en constatant
l’abîme spirituel qui séparait l’élément populaire de l’Intelligentsia, en tant que principe rationnel (...) graduellement, cette sensation dégénérait en pressentiment d’une
catastrophe. »
Auteur engagé, Maxim Gorki espérait trouver un antidote à la misère et aux injustices
sociales
de son pays grâce au socialisme,
mais ni la révolution de 1905 ni celle de
1917 n’auront été à la hauteur de ses espérances... En 1905, alors qu’il est incarcéré, il
écrit Les enfants du soleil et offre un regard
rugueux et implacable sur son siècle. Il y
détaille un microcosme de privilégiés englués dans leur confort et leurs contradictions, incapables d’être en prise avec la réalité et d’œuvrer pour une transformation du
monde. Pour Mikaël Serre, cette pièce a de
profondes résonances avec notre époque. Il
semble que la léthargie que décrivait Gorki
opère inlassablement. La question de la responsabilité d’une certaine élite envers l’avenir du monde est, elle, toujours présente.
LES ENFANTS DU SOLEIL
Théâtre
Maxim Gorki / Mikaël Serre
d’après Maxim Gorki
adaptation et mise en scène
Mikaël Serre
avec
Nabih Amaraoui Legor
Servane Ducorps Elena
Cédric Eeckhout Protassov
Marijke Pinoy Melania
Thierry Raynaud Boris
Bruno Roubicek Vaguine
Claire Vivianne Sobottke Liza
assistante à la mise en scène
Céline Gaudier
dramaturgie Jens Hillje
scénographie et costumes
Nina Wetzel
collaboration à la scénographie
Florence Emery
collaboration aux costumes
Miriam Marto
vidéo Sébastien Dupouey
musique Nils Ostendorf
lumières Sébastien Michaud
construction décor Ateliers du
Théâtre Vidy-Lausanne
coproduction
la Comédie de Reims—CDN
Théâtre Vidy Lausanne
spectacle créé le 22 mai 2013 au
Théâtre Vidy-Lausanne
DU 4 > 14 FÉVR. 2015
À 20h30
Du lundi au samedi
relâche le dimanche
25 € // 12 € /
Tarifs partenaire et scolaire
contacter le service des relations
aux publics
Durée 1h35
LOCATIONS
Le Monfort // 01 56 08 33 88 //
www.lemonfort.fr
GORKI ET LES ENFANTS DU SOLEIL
Le contexte historique de l’écriture
La Révolution russe de 1905 désigne l’ensemble des troubles politiques
et sociaux qui agitèrent l’Empire russe en 1905. Elle commença en janvier 1905, lors du Dimanche Rouge, et aboutit dix mois plus tard à l’octroi d’une constitution, le Manifeste d’octobre.
L’évolution économique et sociale du pays avait fait monter les oppositions libérales, démocrates, socialistes et révolutionnaires au régime
tsariste. La meurtrière fusillade du Dimanche Rouge à Saint-Pétersbourg mit le feu aux poudres. Le régime impérial survécut à cette première attaque d’envergure, mais le mécontentement grandit et l’opposition se radicalisa. La grève générale d’octobre 1905 réussit à faire céder
le régime. Une constitution libérale fut octroyée ; mais dans les deux
ans qui suivirent, la contre-attaque de Nicolas II réduisait à néant les
espoirs soulevés par cette révolution. La mutinerie du cuirassé Potemkine immortalisées en 1925 par Le Cuirassé Potemkine, film de Sergueï
Eisenstein, en sont restées les symboles.
A partir de ce « dimanche sanglant » un fossé que rien ne pourra plus
combler se creuse entre le peuple et le tsar. Gorki se révolte devant
l’horreur de ce massacre et publie des articles réprouvant ces faits; il
prend part à l’insurrection de 1905 et après l’échec écrit à nouveau des
articles dans lesquels il exprime tout l’espoir d’un peuple exploité. Si
Gorki s’affilie au mouvement révolutionnaire clandestin de Lénine, c’est
parce qu’il se rend compte que cette avant-garde remplit les conditions
requises pour opérer une révolution.
Son arrestation en 1905 ne fait que le rendre toujours plus populaire;
les pétitions signées d’un peu partout ont soulevé la désapprobation
de chaque pays. Des manifestations spontanées éclatent un peu partout: dans les rues, dans les théâtres, dans les universités. Les pays
étrangers eux-mêmes s’émurent de cette répression dont était victime
un écrivain dont le seul crime était d’exposer publiquement ses idées.
La presse du monde entier écrit des articles indignés réclamant sa libération. Gorki aura été devant l’humanité durant un certain nombre de
jours le grand criminel d’État qui n’a rien fait.
Il a été mis en prison et promis au gibet tout simplement parce qu’il a
évoqué dans ses ouvrages la détresse des malheureux, leur exploitation.
« Toute ma vie, je fus poursuivi, plus ou moins intensément, par une
sensation d’angoisse, de déchirement en constatant l’abîme spirituel
qui séparait l’élément populaire de l’Intelligentsia, en tant que principe
rationnel ... graduellement, cette sensation dégénérait en pressentiment d’une catastrophe. En 1905, au cours de ma détention à la forteresse Saint Pierre et Paul, j’ai tenté d’exposer ce même sujet dans « Les
Enfants du Soleil ».
Synopsis
Dans Les Enfants du soleil, Gorki reprend les émeutes dues au choléra de 1890 comme prétexte, pour raconter une catastrophe politique
et sociale à la lumière du socialisme naissant en Russie. Il dépeint le
tableau sombre et grotesque d’une société déchirée par des conflits
sociaux et culturels, et incapable de créer un monde meilleur.
Dans la maison du scientifique Protassov et de son épouse Elena vit
l’artiste Vaguine qui est amoureux d’Elena, la riche veuve Mélania qui à
son tour aime Protassov, et le vétérinaire, Tchepournoï qui aime depuis
longtemps Lisa la soeur de Protassov. Enfin, le gardien Iegor bat sa
femme et se soûle… Tous sont à la recherche d’un accomplissement,
d’une vie meilleure, pour ça ils écrivent des poèmes, des chansons,
peignent, font de la musique... se battent. Névrotiques, malheureux,
égoïstes, ils vivent dans un étrange paradigme. Dehors la véritable révolution n’a pas encore éclaté. L’utopie n’est pas en vue, et il semble que
le statu quo va encore perdurer... Le suicide de Tchepournoï à lui seul
s’apparente à une sorte de manifeste qui condamne et met en échec
toute cette société. Ce sont des privilégiés, et ne sont réels que les
murs et l’imaginaire qu’ils ont construits autour d’eux-mêmes. Presque
inconscients du monde qui les entoure, leurs yeux sont fermés à la fatalité, à la trivialité et à l’imperfection d’une réalité tout ou trop humaine.
Depuis leur environnement surinformé à l’image de la bourgeoisie occidentale, ils cherchent un abri contre la violence, la détresse et la misère
qui s’est emparée du « dehors » du monde. Cependant, le mur imaginaire qu’ils ont construit autour d’eux est sur le point de s’écrouler, une
crise cataclysmique se profile à l’horizon. Dans ce jeu, Maxim Gorki
évoque l’échec de l’intelligentsia, élite impuissante à développer une
voie alternative, une vision qui embrasse les besoins de tous.
Mais pas de morale, ces gens sont là devant nous et c’est entre
échanges d’idées sur l’art et l’amour qu’ils se débattent, meurent ou
fuient dans la folie.
Gorki reprochait-il à l’intelligentsia de vivre en vase clos, de tout ignorer
des problèmes politiques et sociaux et de la condition populaire ou bien
en avait-il contre les gens du peuple, frustres et ignorants, incapables
de maîtriser leurs instincts sauvages ?
Il y apportait plus tard une réponse, qu’il nous reste à interpréter dans
son contexte historique et à la lumière de notre siècle : « La misère
et l’ignorance du peuple sont la source de tous nos malheurs (…) Un
homme raisonnable ne peut être heureux que tant que notre peuple
demeure asservi (…) La vie ne peut être belle tant qu’il y a des foules
d’indigents autour de nous. Il n’y a pas d’autre pays au monde où les
hommes d’honneur et d’esprit soient aussi isolés (…) Il faut lutter pour
le triomphe de la liberté et de la justice. »
Note d’intention de Mikaël Serre
«Après ma mise en scène de La Mouette de Tchekhov, je me suis tourné
vers Gorki. Sa langue plus brute et directe traduit l’engagement politique de Gorki en comparaison de son ainé Tchekhov. Son art à lui de
poser un diagnostic de révolutionnaire plus que de médecin des âmes
force à un questionnement à la fois riche et troublant pour le spectateur
du 21e siècle. À sa manière, et sans didactisme il cimente les tourments de l’intime et du social. Ses choix politiques et son histoire sont
troubles, et, du même coup, symptomatiques de notre siècle et des
personnalités (y compris nous-mêmes) qui le composent.
Gorki nous offre à travers son écriture abrupte un implacable et rugueux
regard sur son siècle. Sous le soleil de nos révoltes, il semble que la
même léthargie qu’il décrivait opère inlassablement, et la question de
la responsabilité d’une certaine élite envers l’avenir du monde, est toujours présente. Nos élites, à l’inverse de celles de 1905, sont beaucoup
plus nombreuses, diffuses, et complexes.
Beaucoup plus influentes aussi, elles peuvent même être à la source
d’une sorte de suicide civilisationnel (la crise de 2008 en est un bon
exemple). Dans son livre Effondrement le biologiste Jared Diamond
mentionne, parmi les raisons pour lesquelles des civilisations anciennes
sont mortes, « l’incapacité de leurs élites et de leurs gouvernements à
se représenter clairement le processus d’effondrement en cours, ou, si
elles ont pris conscience, leur incapacité à le prévenir en raison d’une
attitude de défense “court-termiste” de leurs privilèges ». De son côté
le philosophe Arnold J. Toynbee nous a prévenus : « Les civilisations
ne meurent pas assassinées, elles se suicident ». Souhaitons que ce
ne soit pas à cela que nous assistions. C’est-à-dire au suicide d’une
société pourtant assez clairvoyante, mais désespérément incapable
de comprendre profondément ce qui se passe en elle, autour d’elle,
et d’agir. Gorki, en 1905, à travers le socialisme, espérait avoir trouvé
un antidote. La révolution de 1917 n’aura pas été à la hauteur de ses
espérances… C’est avec cet échafaudage de pensée, ce socle, que je
vais débuter le processus des répétitions. Et comme tout échafaudage
il disparaîtra à la fi n des travaux, tout comme, peut-être, ce sentiment
trouble d’être un enfant d’après « les révolutions » conscient, témoin,
complice et victime à la fois. Et pour nous, quelle révolution est à venir
? La question fait sourire. Nous voilà 110 ans plus tard avec une pièce
incroyablement riche, car l’histoire de notre siècle l’a chargée de nouveaux sens et de nouveaux contenus.
Les « Enfants » de Gorki sont en récession, en faillite, ceux sur qui l’on
pouvait compter pour relever le niveau s’écroulent, prennent parti, se
trompent, se démobilisent, puis se détournent dans un monde qui s’effondre. Ils pensent que la science, l’art, l’amour peuvent nous sauver et
former une sorte de politique poétique.
Imaginons un monde sens dessus dessous où le cours des bourses
s’effondre, où la récession menace, où les agences de notations réduisent à néant les efforts de nations entières, démantèlent des gouvernements, et mettons en parallèle des intellectuels, des artistes, des
scientifiques qui tentent de vivre. Ils sont devant nous, parlent d’argent,
des sciences, des bienfaits de l’art, se préoccupent surtout (comme
dit l’un des personnage de la pièce) « d’approcher les merveilles et
profondes énigmes de l’existence en déployant toute l’énergie intellectuelle dont ils sont capables dans le but de les résoudre ».
Elena : « Voilà la vraie vie humaine (…) voilà l’inépuisable source de
bonheur ».
Alors imaginons ce monde-là, avec des révolutions lointaines dans les
déserts, non pas le choléra en décor de fond comme chez Gorki, il
n’existe plus, mais l’argent, un argent malade qu’il faut guérir. Ces gens,
ne les condamnons pas, ce n’est pas qu’ils ne s’en occupent pas de
tout ça, mais ils sont trop préoccupés par eux-mêmes et leur recherche
de chaleur, de vie. Et quand cette maladie, cette réalité pénètre chez
eux et les met en danger, ils sortent les armes, frappent, s’entretuent,
ou s’échappent dans la folie pour ne pas mourir complètement. Car le
choléra qui frappe en 1890 à la porte de nos Enfants du soleil pourrait
bien s’apparenter à la détresse en 2012, car l’argent comme disent les
spécialistes est en train de mourir et il faut soigner le mourant. Et ce
désert jaune taché de rouge, que citent Vaguine et Liza à la fin de la
pièce pourrait être cet endroit où l’homme se bat pour la vie, il pourrait
être notre désert, le désert de ceux qui se battent actuellement pour
être des hommes libres, peut être les futurs enfants du soleil. En 1905,
Gorki, dans une sorte d’étrange prémonition, voyait la liberté avant tout
dans un désert taché de rouge. La pièce acquiert dès lors de nouveaux
contenus, de nouveaux sens, qui nous parlent directement et c’est là
que la mise en scène trouvera son accroche thématique.»
Mikaël Serre
Entretien avec Mikaël Serre (avril 2013)
Vous avez récemment travaillé
sur
La
Mouette
d’Anton
Tchekhov.
Vous
choisissez
aujourd’hui de monter un autre
auteur classique contemporain
de Tchekhov, russe lui aussi :
Maxime Gorki. Pourquoi un tel
engouement pour ces auteurs
russes ?
La littérature russe transmet de
manière physique les enjeux et
émotions qui ont traversé les deux
derniers siècles. Mais choisir une
pièce, c’est aussi tracer une histoire
intime qu’on tente de recomposer
ou réconcilier. Mon grand-père
était prisonnier à Kiev pendant
la Deuxième Guerre Mondiale.
Il me parlait de temps en temps
de ses années de prison, mais
toujours à travers des anecdotes
quotidiennes et souvent teintées
d’humour. J’ai donc grandi avec
un message de tolérance sur un
fond d’horreur et d’une certaine
manière, à travers ses mots,
je tentais de reconstituer cette
image antinomique du monde.
Après mes études aux BeauxArts, je suis parti en Russie et en
Ouzbékistan en tant qu’assistant
à la mise en scène. En Russie
j’ai assisté à plusieurs pièces de
Tchekhov et j’y ai vu des corps
engagés, fébriles, passionnés,
des états forts, je me suis alors
rendu compte de la valeur de cet
auteur. Donc la Russie c’est aussi
des retrouvailles… surtout que j’ai
failli me faire tuer en pleine rue
à Nijni Novgorod, qui s’appelait
alors Gorki sous l’ère soviétique !
Et ça, ça ne s’oublie pas.
La Russie de Gorki (fin du
XIXe siècle) est une Russie
chamboulée.
Le
choléra
omniprésent crée des émeutes,
les travailleurs manifestent et
sont à l’origine d’une révolution
violente, le « Dimanche sanglant
». Le peuple et la bourgeoisie
sont complètement séparés.
Comment
comptez-vous
transposer ce contexte à
l’histoire de nos jours ?
Une pièce n’a rien de figé. Elle
grandit avec le temps et assimile
les nouveaux contenus de chaque
époque qui passe en mettant en
valeur l’un ou l’autre des éléments
de cette pièce, ou pas. Notre
travail sur le plateau consiste à
provoquer ces contenus pour
qu’ils dialoguent de manière juste
et insufflent un sens ou, à l’inverse,
créent un effet d’étrangeté qui
interroge notre présent. De nos
jours par exemple la frontière entre
« peuple » et « bourgeoisie » est
beaucoup plus poreuse qu’à la fin
du XIXe siècle, le terme même de
peuple interpelle.
A titre d’exemple, actuellement
les « élites » européennes, tout
en conservant un discours de
façade sociale et humaniste, renforcent des mesures antisociales
sous prétexte d’une crise que leur
propre politique a déclenchée.
C’est un écho précis à l’élite schizophrénique décrite par Gorki.
Du haut de notre Occident, comment a-t-on regardé les révolutions arabes, nous les enfants du
soleil du XXIe siècle ? Avec humanisme, mais si cela avait touché à
nos privilèges je me demande de
quelle couleur notre humanisme
si bienveillant se serait teinté…
Actuellement on parle du capitalisme comme d’une maladie
qui infecte une grande partie de
l’Europe. L’argent n’est-il pas ce
choléra qui empoisonne et révolte
une grande part des citoyens européens ? Alors quel est ce peuple
aujourd’hui, cette « foule assoiffée de sang et cruelle » dont parle
l’un des personnages de Gorki ?
Les manifestants à Chypre, en Espagne, les révolutions arabes qui
fustigent leurs élites dominantes
et décisionnaires ?
L’utilisation du texte dans votre
Mouette paraissait très libre.
Comment comptez-vous aborder le texte de Gorki dans cette
mise en scène ? Quelle place
laissez-vous à l’improvisation ?
Pour des raisons économiques, je
ne peux travailler avec seize acteurs comme le demande la pièce,
donc une adaptation s’impose de
fait. L’équipe artistique doit alors
inventer des stratégies narratives
permettant de déployer des imaginaires qui se substituent à ce
qui s’exprime chez Gorki par une
multitude de figures désormais
absentes. C’est à la fois riche
et réjouissant, un défi qui met à
contribution une matière théâtrale
exigeante. L’improvisation permet
de dégager les enjeux d’une scène
ou d’une succession de scènes, et
de se les approprier avec l’énergie du moment et les émotions
de notre temps. C’est un processus d’appropriation de la matière
proposée par l’auteur. C’est aussi
plus concrètement pour les acteurs et moi une manière de faire
se rencontrer nos imaginaires
avant d’aborder plus précisément
les situations concrètes du texte.
Dans votre spectacle vous utilisez différents supports (vidéos,
musique). Quel rôle jouent-ils
et quelle place souhaitez-vous
accorder à chacun d’entre eux ?
La musique et la vidéo font partie du théâtre d’aujourd’hui au
même titre que la scénographie,
la lumière et les costumes. Ce
sont des personnages en soi qui
participent à la transmission d’un
fond poétique commun, ils permettent d’enrichir notre grille de
lecture. Dans la pièce, ils se substituent à l’absence des figures et
situations qui foisonnent dans
la pièce originale et participent
de manière active à l’élaboration
d’un environnement très important pour la compréhension de la
pièce. Une plasticité expressive
du conflit. Cela permet de conjuguer une lecture sensible et une
lecture mentale, quitte à les mettre
en tension. C’est un peu comme
la formule de Léonard de Vinci qui
disait que la peinture est « cosa
mentale ». Toute oeuvre théâtrale
est une traversée de la matière par
le biais de la pensée. Tout comme
le corps est aussi le prolongement
et la face visible d’une pensée,
l’expression physique d’un conflit.
Dans cette pièce de Gorki, les
personnages semblent s’échapper de leur vie grâce aux arts ; ils
peignent, s’essaient à la poésie,
chantent, font de la musique…
L’art est-il pour vous aussi une
forme d’échappatoire ?
En général on s’échappe d’une
situation embarrassante ou difficile de la vie. Mais l’art oblige justement l’artiste à ne pas s’isoler,
il le soumet à la vérité comme le
dit Clamence dans La Chute de
Camus. C’est une confrontation
avec son histoire intime et celle
de la société dans laquelle il vit, et
ce processus s’opère par la suite
avec le spectateur. Ce dialogue
qui s’adresse à l’intime de chacun est essentiel. Une journée de
répétitions se compose aussi d’un
échange quotidien avec toute
une équipe qui a une multitude
d’humeurs, de peurs, de joies,
de doutes bien réels. S’échapper
voudrait dire par exemple pour
moi quitter la répétition en courant me jeter dans le lac avec mes
propres interrogations ! J’aime
bien penser à cette phrase de
Robert Filliou aussi décomplexée
et enjôleuse qu’effrayante, qui dit
que l’art fait partie d’une sorte de
rêve collectif, et que pour lui, si à
l’avenir l’art n’existait plus, ça ne
lui ferait rien pourvu que les gens
soient heureux.
Gorki remplacerait peut-être «
heureux » par « libre »… J’ai le
sentiment qu’on a fait le tour
des échappatoires, et qu’on a
au contraire envie d’en découdre
avec notre réalité. Même le « Ars
Gratia Arti », qu’on pourrait traduire par l’art pour l’art ou l’art au
service de l’art, qui trône au-dessus du lion rugissant de la MetroGoldwyn-Mayer s’est désintégré à
l’image du studio.
Mikaël Serre, êtes-vous un enfant du soleil ?
Oui absolument ! Et en même
temps pas du tout. La faculté humaine d’admettre la réalité reste
fragile ! Jared Diamond mentionne, parmi les raisons pour lesquelles des civilisations anciennes
sont mortes, « l’incapacité de
leurs élites et de leurs gouvernements à se représenter clairement
le processus d’effondrement en
cours… ». Beaucoup d’entre nous
ont grandi dans une posture désenchantée et postmoderne où
tout est égal à tout et juste affaire
de commerce, même dans la relation amoureuse, et jusqu’à en faire
son propre fond de commerce.
En même temps dénoncer par
exemple la domination des élites
serait juste une attitude réactionnaire qui déconsidère le spectateur comme s’il ne savait rien, et
qu’il fallait lui expliquer de quoi le
monde est fait. Il me semble que
la liberté, si chère aux enfants du
soleil de Gorki, et qui nous relie
profondément les uns aux autres,
est plus que jamais au centre de
tout geste artistique.
Propos recueillis par écrit par
Louis Bonard
pour le Théâtre Vidy-Lausanne
Avril 2013
A l’attention des enseignants
Echos aux programmes d’enseignement du second degré
- Formes du récit au XX et XXIème porteurs d’un regard sur l’histoire et le monde contemporains.
- Correspondance entre œuvres littéraires et œuvres musicales
ou plastiques - mise en scène et jeu théâtral.
- La révolution Russe
- Les Arts, témoins de l’histoire du monde contemporain.
- Le roman et la nouvelle au XIXe : réalisme et naturalisme ?
- Le texte théâtral et sa représentation du XVIIème à nos jours
- Vers un espace culturel européen : renaissance et humanisme
Maxim Gorki - auteur
Enfant pauvre et autodidacte, formé par les errances de sa jeunesse,
journaliste à ses débuts, ses écrits littéraires le rendent très vite célèbre.
Auteur de nouvelles mettant en scène les misérables de la Russie profonde, de pièces de théâtre comme Les Bas-fonds ou de romans socialement engagés comme La Mère, publié en 1907, il racontera aussi
sa vie dans une trilogie autobiographique. Dès ses débuts littéraires,
Gorki partage l’idéal des partis progressistes. Plusieurs fois emprisonné pour ses prises de position, en particulier lors de la révolution de
1905, qui lui inspira Les Enfants du soleil, il quitte la Russie et voyage
aux États-Unis. À son retour en 1906, il doit s’exiler à Capri pour des
raisons à la fois médicales et politiques. Amnistié en 1913, il rentre en
Russie et reste proche de Lénine et des révolutionnaires, mais formule
des critiques dès novembre 1917. Il reçoit à nouveau des menaces du
pouvoir en place : inquiet et atteint de la tuberculose, il quitte la Russie
en octobre 1921 et se fixe de nouveau dans le sud de l’Italie en 1924.
Encouragé par Staline, il revient plusieurs fois en URSS après 1929 et
s’y réinstalle définitivement en 1932 : il devient un membre éminent de
la nomenklatura soviétique et participe à la propagande du régime qui
l’honore, mais le surveille en même temps. Il meurt en juin 1936 dans
des circonstances encore troubles pour certains…
Mikaël Serre - metteur en scène
Franco-allemand, acteur, metteur en scène et traducteur, formé aux
Beaux-Arts de Saint-Étienne, Mikaël Serre débute comme photographe
et graphiste puis devient assistant metteur en scène en Russie, en Ouzbékistan à l’âge de 20 ans avant de rejoindre en 1996 l’école internationale de Théâtre Jacques Lecoq. Il travaille comme acteur en Allemagne
avant de revenir en France pour sa première mise en scène «Visage de
feu» de Marius von Mayenburg en 2003. En 2000 il est engagé par la
vidéaste Paola lo Sciuto et joue en Italie et en Allemagne dans la création “Il Regno”, puis dans “Les estivants” de M. Gorki, mis en scène par
Christiane Pohle au Schauspielhaus Zürich et à Kampnagel Hambourg.
Cette même année, il assiste le metteur en scène Peter Schroth au Badisches Staats Theater de Karlsruhe pour se former à la dramaturgie.
En 2002, il est diplômé de La Meisterclass mise en scène de l’Académie
Mozarteum, Salzburger Festspiele.
Il fonde la Cie Théâtre Bathyscaphe avec Sharon Amir en 2003, continue son parcours d’acteur au Stadttheater de Bremen dans la pièce
musicale “Der Müdliche verrat” du compositeur Maurizio Kagel sous la
direction de Rainer Holzapfel. 2004 “Globallost Sunday” en collaboration avec le chorégraphe Samir Akika pour le Tanz Festival Pina Bausch.
“Loca Mierda” pour le Festival Temps d’images Allemagne/Maison de la
Danse de Düsseldorf (Tanzhaus NRW).
Artiste associé à La Ferme du Buisson dès 2003 puis à La Rose des
Vents jusqu’en 2008. En 2009, Ludovic Lagarde lui propose de rejoindre
le Collectif artistique de la Comédie de Reims. De 2010 à 2013, il sera
coordinateur théâtre et intervenant pour le Centre National des Arts du
Cirque, acteur dans «Oui dit le très jeune homme» de G. Stein, m.e.s
L. Lagarde. Parallèlement à son travail de metteur en scène il travaille
avec plusieurs artistes de la scène musicale comme Monomaniax, Olivia Ruiz, Anouk Aïata, Jools On Wheels ... Il est traducteur de «Cible
Mouvante» de M. von Mayenburg et «T’as Bougé», «Requiem pour un
enfant sage» de F.X.Kroetz pour les éditions de l’Arche.
Ses mises en scène : 2003 «Visage de Feu» de Marius Von Mayenburg
(Théâtre Le Colombier à Bagnolet, Teo Otto Theater Allemagne,
Chekhov International Theatre Festival Moscou), 2004, «Parasites» de
M.Von Mayenburg (la Rose des vents/Ferme du Buisson), 2005 «Protocole de Rêves» avec et de Hanna Schygulla (Ferme du buisson/Temps
d’images), 2006 «Oh il me regarde, tu crois qu’il m’aime ? Maintenant j’ai
la main grasse» (F. du Buisson/La Rose des vents), 2006/2007 «L’enfant
froid» de M. von Mayenburg (Théâtre de la bastille/F. du Buisson/Rose
des vents/festival Perspectives Saarbrücken), 2008 «HHH» Anna Nicole
Smith (Festival Labomatic Théâtres), 2008 «Cible Mouvante», La Rose
des vents, et tournée. 2009, «Le village de Kufur Schama», Find festival/Schaubühne. 2009 «L’Etranger» de A.Camus, Maxim Gorki Theater,
Berlin. 2009 «T’as Bougé, Requiem pour un enfant sage». F.X.Kroetz
(Next Festival, La Rose des Vents). 2010/2011 «La Mouette», (Comédie de Reims/Rose des vents/Nouveau Théâtre de Montreuil + tournée). 2011 «L’Impasse, I am what I am» d’après Concert à la carte de
F.X.Kroetz (Temps d’Images, F.I.N.D Festival Schaubühne de Berlin, festival International Next, Comédie de Reims, Reims Scènes d’Europe).
2013 «Les Enfants du Soleil» d’après Maxime Gorki, création Théâtre
Vidy Lausanne, Comédie de Reims, la Rose des Vents. 2014 «The Rise
of Glory», Maxim Gorki Theater Berlin. 2015, «At a place At the beginning» avec Germaine Acogny Sénégal/Grand Théâtre Luxembourg.
2016 Création en préparation Maxim Gorki Theater Berlin.
contacts Relations aux publics
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Camille Auger
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LE VIDE / ESSAI DE CIRQUE Fragan Gehlker, Alexis Auffray
/ DAKHABRAKHA​​​​LA / TAVERNE MÜNCHAUSEN​​ Gwen
Aduh / SAVOIR ENFIN QUI NOUS BUVONS Sébastien
Barrier / JE CLIQUE DONC JE SUIS Thierry Collet / PROJET
LUCIOLE​​​​ Nicolas Bouchaud, Judith Henry, Nicolas Truong
/ FOLK-S_will you still love me tomorrow ? Alessandro
Sciarroni / UNTITLED_I will be there when you die Alessandro
Sciarroni / GERTRUD​​​​​ Jean-Pierre Baro / HIRISINN ​​​​​Le P’tit
Cirk / L’IDÉAL CLUB​​​​ 26000 couverts / SAMEDI DETENTE
Dorothée Munyaneza / SIC(K) Alexis Armengol / LES
ENFANTS DU SOLEIL Mikaël Serre / EN PASSANT… Denis
Lavant, Dima Yaroshenko, Stéphane Ricordel / P.P.P Phia
Ménard / YOUDREAM​​​​​ Collectif Superamas / LA CERISAIE
Lev Dodine / LA MAISON DES CHIENS Vlad Troitskyi / LES
DAKH DAUGHTERS / TITRE INSTABLE Groupe Bekkrell ​​​​/
CAPILOTRACTÉES Sanja Kosonen, Elice Abonce Muhonen
/ LA VIE DE GALILÉE Jean-François Sivadier
Le Monfort
Établissement culturel de la Ville de Paris
Codirection Laurence de Magalhaes & Stéphane Ricordel
106 rue Brancion 75015 Paris
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