Introduction - 13 -
un «porteur de vérité». Le porteur de vérité ultime est la proposition, puisque
c’est le contenu de la proposition, en articulant un prédicat à un sujet, qui possède
une valeur de vérité et ce, indépendamment du fait qu’elle soit assertée ou qu’elle
fasse l’objet d’une croyance. Cependant, dans la mesure où les propositions sont
encapsulées dans des jugements, dans des énoncés et dans des croyances, on peut
considérer que les jugements, les énoncés et les croyances sont des porteurs de
vérité par dérivation . Sauf dans les cas où il s’avérera nécessaire d’être plus précis,
j’utiliserai indi éremment tous ces termes pour désigner les porteurs de vérité
des vérifacteurs esthétiques. Mon principal argument en faveur du principe (PS)
consistera à dire que, comme toutes les tentatives de réduction des propriétés
esthétiques à des propriétés non esthétiques échouent, la seule façon de rendre
vrais les énoncés esthétiques est de postuler l’existence de propriétés esthétiques
en plus des propriétés non esthétiques. Les idées associées au principe (PS) seront
principalement exposées dans les chapitres et .
Défendre le principe (PE) revient à défendre ce que l’on appelle le «cogniti-
visme esthétique». Selon cette théorie, non seulement les propriétés esthétiques
existent, mais nous pouvons les connaître. De plus, l’expérience que nous faisons
des propriétés esthétiques justi e les croyances ou les jugements que nous formons
à leur sujet. Comme on le verra à plusieurs reprises, le principe (PE) permet de
renforcer la plausibilité du principe (PM). Le principal problème auquel on est
confronté lorsque l’on cherche à ménager la possibilité d’une connaissance esthé-
tique, c’est celui de l’accès épistémique. En e et, à supposer que les propriétés
esthétiques existent, comment les connaissons-nous ? Doit-on supposer l’existence
d’une faculté esthétique spéciale ? Répondre à ces questions suppose d’étudier le
rôle de la perception, du raisonnement et des émotions dans le jugement esthé-
tique. On est également en droit d’attendre du réaliste qu’il propose une solution à
l’argument du désaccord: si les propriétés esthétiques existent et que nous pouvons
les connaître, comment expliquer l’ampleur des divergences souvent constatée
dans le domaine esthétique ? Existe-t-il une procédure rationnelle qui permettrait
de distinguer les attributions esthétiques justi ées de celles qui ne le sont pas ? Le
réalisme ne peut pas être totalement convaincant s’il n’apporte pas une réponse
intelligible à ces di érentes questions. Ma solution, exposée principalement dans
le chapitre , reposera sur la défense d’une épistémologie expérientialiste pour le
réalisme esthétique. Dans une telle épistémologie, les émotions fonctionnement
cognitivement: elles sont comme des expériences ou des perceptions des valeurs
esthétiques et, si elles sont appropriées, elles justi ent nos croyances esthétiques.
Pour terminer ce rapide examen des di érentes positions qui seront défendues,
il convient de noter que les principes (PM), (PS) et (PE) ne sont pas indépen-
dants les uns des autres. Par exemple, il semble assez improbable de défendre le
« La beauté des choses », Sébastien Réhault
ISBN 978-2-7535-2216-9 Presses universitaires de Rennes, 2013, www.pur-editions.fr