développées depuis les années 2000 qui a rendu possible l’étude du génome de ces micro-
organismes, ce qu’on appelle le métagénome.»
Sept ans après le séquençage du génome humain, le programme américain Human Microbiome Project
était lancé pour élucider le code génétique des bactéries humaines. Dans le même temps, le projet
européen Meta HIT, centré sur le microbiote intestinal, démarrait. Des programmes d’ampleur
rassemblant différents centres de recherches, et également soutenus par l’industrie l’agroalimentaire,
intéressés par les possibles retombées de ces recherches. Il ne leur a d’ailleurs pas fallu attendre très
longtemps puisque des deux côtés de l’Atlantique les équipes de recherches ont produit rapidement
des résultats très prometteurs.
La première étude, qui a fait date, a été publiée par le groupe de Jeffrey Gordon en 2004. Elle montrait
comment des souris «stériles» auxquelles avaient été transférées des bactéries provenant de souris
obèses, s’étaient mises à prendre du poids, sans changer leur comportement alimentaire. Ces travaux
ont ouvert la voie à d’autres, menés également chez l’homme, qui visaient à mieux comprendre les
relations entre microbiote intestinal et obésité.
Plusieurs études ont depuis mis en évidence une association entre la prise de poids et certaines
bactéries. «Cela indique qu’en plus des causes génétiques, environnementales et comportementales, il
y aurait aussi une composante «infectieuse» dans l’obésité», souligne Jacques Schrenzel. Le médecin
précise cependant qu’il n’existe pas de lien de causalité direct et qu’il ne s’agit en aucun cas
d’expliquer le surpoids pathologique par la seule présence ou absence de certaines souches
bactériennes. Les relations entre le microbiome et d’autres pathologies digestives, métaboliques mais
aussi psychiatriques, sont aujourd’hui étudiées. Les résultats indiquant des liens, dont il faut encore
déterminer l’importance et la complexité.
L’étude publiée dans Science par l’équipe de Jeffrey Gordon, montre l’efficacité et la rapidité de la
nouvelle technique mise au point par les chercheurs américains pour améliorer la précision des
analyses génétiques. Selon Jacques Schrenzel, «cette nouvelle méthode va sans doute permettre
d’aller encore plus loin dans la connaissance de la génomique bactérienne».
S’il est plus nuancé sur l’intérêt de la méthode, très différente de celle utilisé pour les projets MetaHIT
et MetaGenoPolis, Dusko Ehrlich salue la qualité et l’importance de l’étude: «Il manquait des
observations sur le long terme. Avoir effectué des analyses si précises sur les mêmes sujets pendant
cinq ans représente un sacré travail!»
L’étude américaine démontre ce que les spécialistes soupçonnaient: le microbiote est très stable au fil
des ans. Ceci implique qu’il pourrait être utilisé comme une sorte de signature intestinale de notre
état de santé. «Nous croyons beaucoup en la valeur diagnostique de l’analyse du métagénome, qui est
en quelque sorte notre «second génome», explique Dusko Ehrlich.
Alors que de plus en plus de sociétés privées proposent des séquençages d’ADN, pour le chercheur,
l’avenir serait dans le génome de nos bactéries: «Il est très réaliste de penser que dans dix ans, nous
ferons régulièrement des analyses de notre microbiote intestinal pour connaître notre état de santé,
nos prédispositions aux maladies chroniques ou notre réaction à un traitement.»
Au-delà du diagnostic, le microbiote fait aussi naître des espoirs thérapeutiques. «Des premières
transplantations de microbiote ont eu lieu récemment, rappelle Jacques Schrenzel. Les résultats sont
encourageants notamment pour les pathologies intestinales, mais il reste beaucoup à comprendre