LeTemps.ch | Bactéries intestinales plutôt casanières

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Santé Santé Vendredi5 juillet 2013
Bactéries intestinales plutôt casanièresBactéries intestinales plutôt casanières
Par Stéphany GardierPar Stéphany Gardier
La flore intestinale de 37 sujets a été étudiée durant cinq ans. ChezLa flore intestinale de 37 sujets a été étudiée durant cinq ans. Chez
les sujets sains elle varie très peules sujets sains elle varie très peu
Les dizaines de milliards de bactéries hébergées au plus profond de notre système digestif seraient du
genre casanier. C’est la conclusion d’une étude menée par l’équipe de Jeffrey Gordon et publiée ce
vendredi dans la revue Science. Après avoir suivi 37 sujets pendant cinq années, les chercheurs
montrent que la flore bactérienne intestinale varie très peu chez les sujets en bonne santé; tout au
plus peut-elle être altérée par une perte de poids importante.
Ignorées ou presque jusqu’à il y a une dizaine d’années, les bactéries du système digestif suscitent
aujourd’hui un réel engouement tant dans la communauté scientifique qu’auprès de l’industrie agro-
alimentaire. Ceci depuis que l’on sait que la flore intestinale, appelée désormais microbiote, pourrait
être liée, de manière plus ou moins directe selon les cas, à nombre de pathologies (obésité, maladie
de Crohn, asthme, et même dépression). De quoi alimenter les espoirs d’utiliser prochainement ces
bactéries comme outil diagnostic, voire thérapeutique.
Jusqu’à sa naissance, le bébé est pour ainsi dire stérile. Les bactéries ne commencent à coloniser son
organisme qu’après l’accouchement, pendant lequel les premiers contacts se font avec les bactéries
des flores vaginale, intestinale et cutanée de la mère. Ensuite ce sont les interactions avec
l’environnement qui vont «nourrir» les différentes flores de l’enfant. Car si la flore intestinale est bien
connue, l’organisme humain héberge bien d’autres populations bactériennes. «Il existe des
populations bactériennes, ou microbiotes, partout où il y a des muqueuses, et aussi sur la peau,
explique le professeur Jacques Schrenzel, responsable du laboratoire de bactériologie des Hôpitaux
universitaires de Genève (HUG). L’ensemble de ces microbiotes constitue le microbiome humain.»
Au total, les bactéries du microbiome humain seraient dix fois plus nombreuses que les cellules d’un
corps humain, et leur poids total oscillerait entre un et deux kilos. Loin d’être des parasites, elles
contribuent activement au bon fonctionnement de l’organisme, en participant à l’activité du système
digestif et immunitaire. «Le microbiome est un organe à part entière, mais un organe largement
négligé par les sciences et la médecine», relève Dusko Ehrlich, professeur émérite de microbiologie à
l’Institut national de recherche agronomique (Paris), et coordinateur de deux projets d’étude du
microbiote intestinal humain (Meta HIT et MetaGenoPolis).
Le manque d’attention pour ces micro-organismes, dont on découvre un peu plus chaque jour
l’étendue des interactions avec les autres organes, était en partie due à des limitations techniques. Le
nombre et la diversité des bactéries colonisant les êtres humains rendant les expériences trop
complexes. «Les connaissances acquises récemment sur le microbiome sont la conséquence directe
du séquençage du génome humain, explique Jacques Schrenzel. C’est la puissance des technologies
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développées depuis les années 2000 qui a rendu possible l’étude du génome de ces micro-
organismes, ce qu’on appelle le métagénome.»
Sept ans après le séquençage du génome humain, le programme américain Human Microbiome Project
était lancé pour élucider le code génétique des bactéries humaines. Dans le même temps, le projet
européen Meta HIT, centré sur le microbiote intestinal, démarrait. Des programmes d’ampleur
rassemblant différents centres de recherches, et également soutenus par l’industrie l’agroalimentaire,
intéressés par les possibles retombées de ces recherches. Il ne leur a d’ailleurs pas fallu attendre très
longtemps puisque des deux côtés de l’Atlantique les équipes de recherches ont produit rapidement
des résultats très prometteurs.
La première étude, qui a fait date, a été publiée par le groupe de Jeffrey Gordon en 2004. Elle montrait
comment des souris «stériles» auxquelles avaient été transférées des bactéries provenant de souris
obèses, s’étaient mises à prendre du poids, sans changer leur comportement alimentaire. Ces travaux
ont ouvert la voie à d’autres, menés également chez l’homme, qui visaient à mieux comprendre les
relations entre microbiote intestinal et obésité.
Plusieurs études ont depuis mis en évidence une association entre la prise de poids et certaines
bactéries. «Cela indique qu’en plus des causes génétiques, environnementales et comportementales, il
y aurait aussi une composante «infectieuse» dans l’obésité», souligne Jacques Schrenzel. Le médecin
précise cependant qu’il n’existe pas de lien de causalité direct et qu’il ne s’agit en aucun cas
d’expliquer le surpoids pathologique par la seule présence ou absence de certaines souches
bactériennes. Les relations entre le microbiome et d’autres pathologies digestives, métaboliques mais
aussi psychiatriques, sont aujourd’hui étudiées. Les résultats indiquant des liens, dont il faut encore
déterminer l’importance et la complexité.
L’étude publiée dans Science par l’équipe de Jeffrey Gordon, montre l’efficacité et la rapidité de la
nouvelle technique mise au point par les chercheurs américains pour améliorer la précision des
analyses génétiques. Selon Jacques Schrenzel, «cette nouvelle méthode va sans doute permettre
d’aller encore plus loin dans la connaissance de la génomique bactérienne».
S’il est plus nuancé sur l’intérêt de la méthode, très différente de celle utilisé pour les projets MetaHIT
et MetaGenoPolis, Dusko Ehrlich salue la qualité et l’importance de l’étude: «Il manquait des
observations sur le long terme. Avoir effectué des analyses si précises sur les mêmes sujets pendant
cinq ans représente un sacré travail!»
L’étude américaine démontre ce que les spécialistes soupçonnaient: le microbiote est très stable au fil
des ans. Ceci implique qu’il pourrait être utilisé comme une sorte de signature intestinale de notre
état de santé. «Nous croyons beaucoup en la valeur diagnostique de l’analyse du métagénome, qui est
en quelque sorte notre «second génome», explique Dusko Ehrlich.
Alors que de plus en plus de sociétés privées proposent des séquençages d’ADN, pour le chercheur,
l’avenir serait dans le génome de nos bactéries: «Il est très réaliste de penser que dans dix ans, nous
ferons régulièrement des analyses de notre microbiote intestinal pour connaître notre état de santé,
nos prédispositions aux maladies chroniques ou notre réaction à un traitement.»
Au-delà du diagnostic, le microbiote fait aussi naître des espoirs thérapeutiques. «Des premières
transplantations de microbiote ont eu lieu récemment, rappelle Jacques Schrenzel. Les résultats sont
encourageants notamment pour les pathologies intestinales, mais il reste beaucoup à comprendre
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avant d’imaginer des traitements de routine.»
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