Commenter ce graphique illustrant les variations respectives du CO2 et du Fer dans les bulles d’air emprisonnées dans la glace. (Source Dossier Pour la Science; octobre 1998; p. 56) Information annexe : Dans les milieux océaniques les plus éloignés des continents, même en présence des nutriments “classiques” (P, N), la productivité du phytoplancton peut être très faible. On attribue ceci à une carence en fer. Questions 1 : (i) pourquoi travailler avec des bulles d’air emprisonnées dans la glace ? (ii) pendant une période glaciaire , les zones désertiques (zones à très faible hygrométrie et non recouvertes par la glace) ont-elles tendance à augmenter ou à diminuer ? (iii) pourquoi la quantité de Fer peut augmenter durant les périodes glaciaires ? (iv) sachant qu’une carence en Fer provoque une diminution de la concentration en chlorophylle ou une dégénérescence des chloroplastes, expliquer les liens possibles entre Fer et CO2 ? Analyse du document du BRGM (Questions 2) - Quels sont les différentes possibilités de séquestration de carbone ? - La séquestration de carbone au niveau du sol existe-t-elle naturellement ? - Les connaissances scientifiques actuelles sont-elles suffisantes pour envisager une séquestration efficace du carbone ? - Quelles sont les limites ? les risques ? - Quelles sont les principales différences, ou les points communs, entre la séquestration “océanique” (voir les documents qui suivent) et la séquestration “géologique” ? Questions 1 : Eléments de correction (i) l’air piégé dans des micro-poches de glace n’est pas en communication avec l’extérieur et reflète donc la composition de l’air au moment de son piégeage. Estimation de l’âge en fonction de la teneur en isotopes stables (on connaît la demi-vie ou période). Donc conditions expérimentales permettent de penser qu’il n’y a pas de contamination. Ce qui est mesuré dans les bulles correspond à ce qu a été piégé au moment ou la bulle s’est formée. L’air emprisonné est donc représentatif d le’air à une époque donnée. (ii) le Fer provient essentiellement du domaine terrestre par érosion éolienne et transport par les vents ou les masses d’eaux continentales. (iii) en période glaciaire, il y a une déshydratation poussée des zones désertiques : l’humidité de l’air est condensée sous forme de glace dans les hautes latitudes et n’est pas redistribuée à l’échelle planétaire. Il en résulte une avancée ou une extension des zones désertiques. La conséquence (pas d’obstacle au vent) est une accélération de l’érosion éolienne et donc une augmentation du flux de Fer vers les domaines océaniques. (iv) le rôle du Fer chez les végétaux n’est pas forcément très bien compris (voir Hopkins. Physiologie Végétale; De Boeck; page 70-72), mais on sait qu’il intervient dans la synthèse de la chlorophylle et qu’une carence prolongée induit une dégénérescence des chloroplastes. Dans les milieux océaniques les plus éloignés des continents, même en présence des nutriments “classiques” (P, N), la productivité du phytoplancton peut être très faible. On attribue ceci à une carence en fer. En période glaciaire, l’augmentation des apports en Fer a pu relancer la productivité du phytoplancton. La quantité de carbone fixée a donc considérablement augmenté et, en conséquence, la pression partielle de CO2 a diminuée dans l’air. Cette diminution de CO2 a entraîné une diminution de l’effet de serre naturel (voir cours sur l’effet de serre) et accentué le refroidissement de l’atmosphère. Sans intervention d’un autre processus, le système s’auto-entretient, du moins un certain temps. Un réchauffement climatique a des effets inverses : recul des déserts, diminution de l’érosion éolienne, diminution des apports en Fer en zone océanique, baisse de la productivité du phytoplancton et augmentation de la pression partielle de CO2. Remarque 1 (biologie) : les besoins en Fer sont très importants pour les unicellulaires autotrophes. Certains comme le flagellé Ochromonas sont même capables de phagocyter des bactéries contenant du fer pour assurer une partie de leur approvisionnement en fer. R. Maranger et ses collaborateurs (1998; Nature, 396: 248-251) ont montré que 35 à 58% des apports en fer du phytoplancton autotrophe en zone équatoriale étaient assurés par mixotrophie (phagocytose de bactéries). Cette possibilité de passer d’un statut d’autotrophe à un statut de mixotrophe peut représenter une adaptation aux milieux pauvres en fer. Remarque 1 (statistique) : la “corrélation” apparente entre les concentrations en fer et en CO2 ne peut être traduite en relation de cause à effet. Il faut se référer à un processus physiologique (augmentation de la productivité primaire) et physique (diminution CO2 - diminution Effet de Serre diminution de la température) pour pouvoir confirmer la relation de cause à effet. Questions 2 : Eléments de réponse (BRGM) : Quels sont les différentes possibilités de séquestration de carbone ? * Fixation du CO2 sous forme d’un produit stable (carbonate) = processus naturel * Biofixation par la biomasse végétale, phytoplancton compris - voir avant (problème de la balance O2 - CO2 de la photosynthèse) * production de méthane par des bactéries méthanogènes à partir de CO2 * séquestration géologique - La séquestration de carbone au niveau du sol existe-t-elle naturellement ? Oui, CO2 emprisonné naturellement dans des couches géologiques (processus pas forcément connus, mais anciens - 15 millions d’années). Fuite de CO2 parfois dans les nappes aquifères : sources d’eau pétillante ! - Les connaissances scientifiques actuelles sont-elles suffisantes pour envisager une séquestration efficace du carbone ? Non : récupération, transport et surtout comportement des roches ou des nappes aquifères dans la durée (milliard d’année) - Quelles sont les limites ? les risques ? * problèmes financiers, technologiques * comportement des politiques/industriels : pas de recherche de solutions “propres” (problème identique à celui du rachat de la dette carbone !) - Quelles sont les principales différences, ou les points communs, entre la séquestration “océanique” (voir les documents qui suivent) et la séquestration “géologique” ? Séquestration océanique Séquestration géologique * Processus biologique, naturel, court (photosynthèse) * Forçage d’un processus naturel long à très long * Limites technologiques a priori plus simples (injection de Fer) * Nombreuses limites technologiques * Pas de problème de captage du CO2 * Problème de captage du CO2 à la source de production * Stockage de courte durée (500 ans ?) * Stockage long a priori * Pas d’essai véritablement concluant * Quelques essais déjà fonctionnels Blain et al. (2007; Nature 26 avril) : a - position du Plateau des Kerguelen; b - image satellite du bloom phytoplanctonique (trait blanc = déplacement du navire océanographique); c - concentration en chlorophylle a dans les stations au centre du bloom; d - mesure de la pCO2 le long du trajet du bateau (voir a); figure ci-contre - mesure de la Dfe (dissolved iron; fer soluble) de la surface à 500 m de fond au centre du bloom (rouge, courbe de droite) et à l’extérieur du bloom (bleu, courbe de gauche), c’est à dire en dehors du Plateau des Kerguelen (symbolisé par le rectangle sous la courbe rouge). Questions 3 : (i) quels liens peuvent être établis entre les figures b et c; b et d; c et d ? (ii) expliquer la différence de concentration en fer au-dessus et en dehors du Plateau des Kerguelen; (iii) quel(s) lien(s) avec les remarques faites à la question (i) ? Questions 3 : Eléments de réponse • un bloom phytoplanctonique correspond à une prolifération du plancton végétal (mis en évidence par l’augmentation de la chlorophylle a) • une augmentation de la concentration en phytoplancton se traduit par une augmentation de l’activité photosynthétique et donc une diminution de la pression partielle de CO2 • cette activité est rendue possible par la disponibilité en sels nutritifs et en fer; la concentration en fer est supérieure (en profondeur) au centre du bloom et plus faible à l’extérieur : il n’y a donc pas assez de fer disponible pour favoriser la photosynthèse et donc le développement du phytoplancton (pas de bloom). • l’existence de vagues internes (agitation; énergie auxiliaire primaire) permet la remobilisation de nutriments et de fer • cette expérience confirme l’importance de la disponibilité en fer pour assurer un développement important du phytoplancton et donc une diminution de la p CO2 de l’eau de mer. A terme, un bloom important de phytoplancton peut entraîner une séquestration du carbone sous forme organique. Remarques • expérience “naturelle”, c’est à dire sans enrichissement en fer artificiel • des expériences passées d’enrichissement en fer de l’eau de mer avait démontré la possibilité de stimulation de la croissance du phytoplancton. Ces expériences étaient à court terme et mettaient difficilement en évidence une séquestration de carbone. • notion de “confounding effects” • cette séquestration de carbone par ajout de fer n’est pas une solution pour faire diminuer le CO2 atmosphérique car il faut également des nutriments; il est donc préférable de travailler sur les limitations de rejet de CO2 • Par contre, cette expérience est importante pour comprendre le comportement au cours des dernières glaciations. Grandes Réserves de Carbone CH4 de l’atmosphère Biomasse vivante (matière organique) CO2 océanique dissout CO2 atmosphérique Ion carbonate océanique Carbone organique dans les sols et sédiments Réserves connues de combustibles fossiles Ion bicarbonate océanique Carbone organique des roches sédimentaires Calcaires des roches sédimentaires Contenu(Gt de C) 10 610 740 760 1 300 1 600 4 200 37 000 10 000 000 40 000 000 Tableau 1 : Réservoirs de carbone du système Terre (hors couches profonds) en giga tonnes (Gt). Source: Krump L.R. et al, 1999 (in http://www.brgm.fr/domaines/Fichier/RP-52406-FR.pdf) Figure 1 : Cycle global du carbone et principaux échanges entre les principaux compartiments du système terrestre (tiré de http://www.brgm.fr/domaines/Fichier/RP-52406-FR.pdf). Synthèse des émissions ou des stockages de CO2 à l’échelle terrestre - Un volcan en activité émet en moyenne 1.3 million de t de CO2 par an, soit au total sur Terre de 130 à 175 million de t/an Entre 1850 et 1998, l’utilisation de combustibles fossiles et la production de ciment ont injecté environ 270 (± 30) GtC dans l’atmosphère sous forme de CO2 Dans le même temps, les émissions dues au changement d’affectation des terres (déforestation: 87%; agriculture: 13%) sont évaluées à 136 (± 55) GtC injectées dans l’atmosphère sous forme de CO2. Chaque année, les récifs coralliens fixent environ 111 million de t de carbone sous forme de carbonate de calcium. Le réchauffement actuel de l’atmosphère a provoqué la disparition de 20% des récifs coralliens et 40 % seraient en danger. Question 4 : Quelles sont les proportions de carbone dans les grands réservoirs : atmosphère, écosystèmes terrestres (biomasse vivante et sols), océans, croûte terrestre (combustibles fossiles compris) ? Comparez les stocks de CO2 entre l’atmosphère et la biomasse vivante ? entre les sols et les végétaux ? entre la biomasse terrestre (végétaux/animaux et sols) et l’atmosphère (CO2 uniquement) ? entre les océans et l’atmosphère ? entre les réservoirs fossiles et l’atmosphère ? Question 5 : Sur la figure 1 estimez les échelles de temps associées aux différents processus. A quel(s) niveau(x) l’homme peut intervenir et perturber ces cycles ? Des processus irréversibles peuvent-ils être identifiés ? Question 6 : Que représente l’émission de CO2 par les volcans par rapport au stock de CO2 atmosphérique ? Que représente la perte en récifs coralliens ? Question 7 : A la fin du XXème siècle, l’augmentation de carbone dans l’atmosphère était évaluée à 176 (± 10) GtC ? Est-ce logique ? Sachant que les océans peuvent assimiler 120 (± 50) GtC sous forme carbonatées, quelle est la balance émission/stockage ? Question 8 : La forêt pourrait-elle absorber la différence sachant qu’on estime à 16.1 millions d’hectares la superficie des forêts naturelles qui, à l’échelle mondiale, ont été perdues chaque année pendant la décennie 1990-2000 (14.6 par déforestation et 1.5 par conversion à des plantations forestières) ? Question 9 : Faire un schéma de synthèse pour les questions 4 et 5. Eléments de Correction Question 4 Atmosphère : 760 + 10 = 770 Terre + Sol : 610 + 1600 = 2 210 Océans : 740 + 1300 + 37000 = 39 040 Croûte Terre : 4200 + 10000000 + 40000000 = 50 004 200 donc, les stocks de carbone sont dans les proportions suivantes : Atmosphère . Végétation terrestre Sol . 3 fois Végétaux Terre + Sol . 3 fois Atmosphère Océans . 50 fois Atmosphère Fossiles .5 fois Atmosphère Question 5 Photosynthèse/Respiration : moins de 10 ans (8 ans le plus souvent) Océans : 1000 ans Altération Roches : 200 millions d’années Enfouissement Matière organique : processus très lent Volcanisme : court à l’échelle terrestre du moins car il y a souvent des volcans en activité Précipitation dans les Océans : 10-100 ans Il y a donc 2 types de cycles : les cycles “courts” reposant sur des phénomènes biologiques et des cycles “longs ou très longs” reposant sur des processus géologiques ou géochimiques. Quand l’homme intervient sur des cycles biologiques, le turn-over est tel que des compensations peuvent se mettre en place ou alors si les perturbations s’arrêtent, le cycle reprend. Ces perturbations ne sont pas irréversibles. Par contre, quand l’homme intervient sur des cycles longs (géologiques ou géochimiques) comme la combustion de matières carbonées fossiles (charbon, pétrole, gaz), les stocks injectés ne peuvent être recyclés : les processus sont irréversibles. Question 6 Volcans . Récifs coralliens Par contre, si la surface (volume) occupée par les récifs coralliens diminue (réchauffement, destructions anthropiques - ancrage, pollution, lessivage des sols tropicaux suite à la déforestation), la quantité de carbone fixée sous forme de carbonates diminuera. Le puits représenté par ce compartiment “récifs coralliens” sera donc moins important. Des études récentes ont montré que le taux de calcification des récifs coralliens diminuait quand la pression partielle de CO2 augmentait. Beaucoup de ces résultats sont issus d’expériences en mésocosme et sont difficilement applicables, telles quelles, au milieu naturel. Il faut donc être prudent dans les déductions qui en sont faites. Toutefois, il est probable le taux de calcification (fixation de carbone sous forme de carbonates) diminuera dans le futur. A titre d’exemple, les données ci-dessous sont extraites de l’article de Leclercq et al., 2002 (Leclercq N., Gattuso J.P., Jaubert J. 2002. Primary production, respiration, and calcification of a coral reef mesocosme under increased CO2 partial pressure. Limnol. Oceanog., 47(2): 558-564). Cette diminution du taux de calcification est essentiellement due à la diminution du niveau de saturation en aragonite. Tableau : Les valeurs de pCO2 (:atmos.) sont celles couramment admises par la communauté scientifique. RC et Algues: taux de calcification (kg CaCO3.m-2.an-1) pour les récifs coralliens (RC) et les algues calcaires qui se développent sur substrat sableux. Aragonite: niveau de saturation en aragonite. Dernier maximum glaciaire 1880 2000 2065 2100 pCO2 200 280 368 560 706 RC 86 78 74 67 64 Algues 2 0 -1 2 -3 Aragonite 59 49 43 34 30 Question 7-8-9 Il existe un manque de 110 GtC à la balance : 406 injectées (= 270 + 136) et 296 incorporées dans l’atmosphère ou les océans (= 176 + 120). C’est un puits manquant. Pendant longtemps, la nature de ce puits manquant a été débattue : où passe le carbone en excès ? La végétation terrestre est en nette diminution avec d’une part une déforestation et d’autre part une modification des pratiques agricoles. Il en résulte un relargage de CO2 dans l’atmosphère. Stock atmosphérique 176 +/- 10 Combustion de ressources fossiles 270 +/- 30 Total des émissions anthropiques 406 +/- 85 Modification dans l’utilisation des terres 136 +/- 55 Stock océanique 120 +/- 50 Stock terrestre puits manquant 110 +/- 80 Si la végétation a quand même pu absorbée cet excédent de CO2, malgré sa régression, c’est qu’il y a un effet fertilisant du CO2. On sait qu’en général, une augmentation du CO2 peut entraîner une augmentation de la productivité des plantes. Toutes ne sont pas égales à ce niveau. Les plantes en C3 (photosynthèse en C3 ou C4; voir cours de physiologie végétale) sont favorisées par une augmentation. Toutefois, la réponse globale est très difficile à analyser car des phénomènes annexes peuvent se mettre en place : (i) production de méthane par des zones à forte productivité (c’est un gaz à effet de serre qui vient donc contre-carrer la baisse de CO2 - voir cours sur Effet de serre). (ii) réponse positive (augmentation productivité) à courte échelle de temps et réponse négative à plus longue échelle On ne sait toujours pas comment ce puits fonctionne, mais il fonctionne .... et surtout, on ne sait pas pendant combien de temps il fonctionnera encore ? Ce qui est également une source de discussion, ce sont les capacités de la biomasse terrestre à stocker du carbone : le stock actuel ne représente que 3 fois le stock atmosphérique (question 1) et les échanges se font sur une courte échelle de temps (question 2). La biomasse terrestre ne peut donc avoir le même rôle régulateur que les océans (rapport de 1 à 50 et cycle voisin de 1000 ans).