Le Soir Vendredi 9 janvier 2015 8 ATTENTAT CONTRE CHARLIE HEBDO LES EXPERTS Comment les musulmans Malek Chebel « Ils n’ont pas à se sentir coupables » Sami Zemni « Tout le monde doit réagir face à un tel acte » ENTRETIEN alek Chebel est anthropologue des religions et philosophe. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont le Dictionnaire amoureux de l’islam (Plon, 2004) et le Dictionnaire encyclopédique du Coran (Fayard, 2009). ENTRETIEN ami Zemni est professeur en sciences politiques à l’Université de Gand, spécialiste du monde musulman. attentats, je sortais aux éditions du CNRS, un livre appelé L’inconscient de l’Islam, dans lequel il y a un chapitre qui s’appelle « Le Kamikaze ». Dans ce chapitre, j’explique que le kamikaze croit impliquer toute la société en commettant un crime individuel, il croit tuer la société en se tuant lui-même. Les valeurs sont renversées ; il travaille dans la valeur et dans le creux du concept de la raison commune pour la manipuler à son avantage et la dévoyer. Le débat est ancien. Il aurait fallu qu’on le prenne à bras-le-corps. Il aurait fallu qu’il y ait une motivation plus grande des autorités publiques, pas seulement pour réprimer : pour éduquer, pour anticiper, pour déminer les crises, pour ne pas laisser ces criminels agir librement. M Les musulmans doivent-ils réagir à ce qui s’est passé mercredi midi ? Il y a un double niveau de réponse. Le premier niveau c’est que les musulmans n’ont pas à se justifier ni à se sentir coupables, parce qu’ils ne sont pas comptables de ce que font quelques fous furieux qui sont des mauvais citoyens… français en l’occurrence. Ils n’ont pas à se substituer aux ministères de la Justice ou de l’Intérieur. Ceci étant, et c’est le deuxième niveau, je pense que les musulmans ont quand même une chose à se reprocher, c’est que jusqu’à maintenant, ou jusqu’il y a peu, ils n’ont pas voulu prendre des distances très claires avec tous les fomenteurs de guerre, tous les violents, tous les haineux musulmans de par la planète. J’ai regretté à plusieurs reprises qu’il n’y ait pas de mobilisation plus franche, plus massive, plus explicite contre la violence terroriste et contre l’usage de Dieu pour commettre des attentats. Pourquoi ce manque de réaction collective ? Les structures musulmanes en Europe sont défaillantes. On fait sortit l’imam de sa mosquée et on lui demande de réagir en homme « Le kamikaze croit tuer la société en se tuant. » © REPORTERS. politique, notamment en France, où la séparation est beaucoup plus nette que peut-être dans d’autres pays… Il n’est pas normal que les musulmans soient aussi mal organisés. Le fait de tuer au nom de Dieu… … c’est une hérésie aux yeux de l’islam ! Une hérésie ! Le malheur est que mercredi, le jour des Craignez-vous que l’islamophobie progresse après ce drame ? On ne peut pas mieux alimenter l’islamophobie. On ne peut demander au peuple français d’être à la fois islamophile, ou en tout cas neutre, et en même temps laisser des musulmans commettre des attentats. C’est mécanique. Je pense que la défiance vis-à-vis de l’islam va augmenter et que les extrémistes et les identitaires vont d’une manière ou d’une autre en profiter. Dans tous les cas de figure, au-delà des victimes, celui qui paye en premier, c’est le musulman. C’est tout le paradoxe de ces guerres de religions larvées que nous vivons, en ces mutations de la modernité. ■ Propos recueillis par WILLIAM BOURTON cette optique, de nombreuses associations et personnalités du monde musulman ont déjà réagi en condamnant fermement l’attentat de Paris. Ce n’est pas seulement un crime contre la démocratie, c’est aussi un crime contre la liberté de la presse, la liberté d’expression et contre l’islam. Il faut tout faire pour éviter un choc des civilisations, cela ne ferait qu’aggraver la situation. S Après un tel attentat, les musulmans doivent-ils réagir ? Vu les circonstances, tout le monde doit réagir, musulman ou non musulman, croyant ou non croyant, blanc ou noir. Il est tout indiqué de réagir, surtout en ces temps difficiles que traverse l’ensemble de l’Europe et pas seulement la France. C’est une période de polarisation. La semaine dernière, c’étaient ces grandes manifestations contre l’islam en Allemagne. Il y a aussi eu des attentats contre des moquées en Suède. Ce dont nous n’avons vraiment pas besoin, ce sont de nouvelles guerres, encore plus de haine, de vengeance et de polarisation. Assiste-t-on à une montée de l’islamophobie en Europe ? Il y a un malaise identitaire grandissant en Europe, même s’il est davantage marqué dans certains pays. En France, il y a la polémique autour de Zemmour. Aux Pays-Bas, on s’agite autour d’un Geert Wilders. Le discours anti-islam gagne du terrain ces dernières années, mais en soi, c’est plutôt le symptôme d’un malaise identitaire que traverse l’Europe. Qu’allons-nous faire avec les religions ? ; Et donc aussi avec l’islam dans notre société ? Certains parlent déjà de « guerre des civilisations »… C’est justement ça le danger. Parce que tout le monde sait que Sur le mur de l’ambassade de France à Londres, des musulmans ont posté un message en reprenant le hasthag Not in My Name et le message : « les musulmans contre la terreur ». © AFP. Certains ne demandent que ça… Les groupes qui fomentent ce genre d’attentat savent très bien qu’ils ne peuvent pas gagner contre l’Otan, les armées européennes ou américaines. C’est pour cela qu’ils font régner la peur en Europe. Ce qui s’est passé à Paris est clairement un acte terroriste. Ils veulent monter une communauté contre un autre. Après l’attentat de Breivik, le maire d’Oslo a dit que la meilleure des peines qu’on pouvait lui infliger était encore plus de démocratie et de tolérance. « Il y a un malaise identitaire grandissant en Europe. » © D.R. 98 % des musulmans n’ont rien à voir avec ça et n’en veulent pas. Ils sont tout autant les victimes de ce qui se passe… On oublie souvent que des victimes musulmanes tombent tous les jours sous la brutalité violente de Daesh et consorts. Ceux qui sont actifs aujourd’hui en Europe défendent sans doute la même idéologie que l’Etat islamique. Dans Qu’avez-vous observé ces dernières heures dans les médias et sur les réseaux sociaux ? Cela va dans tous les sens parce que c’est très émotionnel. Il y a aussi beaucoup de haine sur les réseaux sociaux et des hashtags qui proposent de tuer tous les musulmans. A l’instar du 11 septembre, c’est un clash d’extrémistes. La démocratie et ses valeurs sont au centre de tout. Je condamne avec la plus grande fermeté cet attentat. Rien ne peut justifier un tel acte. ■ Propos recueillis par PHILIPPE DE BOECK A Toulouse, comme partout en France, les hommages sont venus de toutes parts, y compris de la communauté musulmane. © AFP. le poids des mots Terrorisme, guerre, islamiste, rouver le juste mot, dire les choses avec précision. C’est une des difficultés mais aussi un des enjeux du moment. Ne pas nommer, cela peut être soit du déni, soit de la désinformation. Nommer excessivement, ou faussement, c’est déjà manipuler, stigmatiser, ou en tout cas influencer, orienter, voire mélanger subrepticement (perversement) le fait et le commentaire. Dans le contexte extrêmement fragile et délicat dans lequel nous venons d’être plongés, il est plus important que jamais de bien peser les termes utilisés. La preuve en deux exemples, qui permettent de réfléchir à ce que l’on sait vraiment, et au sens que l’on donne aux mots, avant de les prononcer. Acte terroriste. « Quand on a annoncé l’attentat, il y a eu une cascade de réactions, de tous les côtés, mais il a fallu T attendre un communiqué d’un des responsables du Front National pour que le mot “terroriste islamiste” apparaisse. Personne ne le prononçait ! Et ça, c’est terrible ! C’est du terrorisme islamique. Il y a une montée du radicalisme islamiste. Ce n’est pas la peine de le dissimuler, de le cacher. Il faut toujours regarder les vérités en face, même si elles dérangent et ne pas se réfugier sans cesse derrière le paravent du déni. » C’est notre chroniqueur Jean-François Kahn qui s’offusquait ainsi hier dans Le Soir. A raison ? Pas vraiment dans ce cas précis. Si mercredi, on a attendu dans nombre de médias avant de parler de terrorisme islamiste, ce fut surtout par prudence et manque d’informations dans les heures qui ont suivi un acte dont on ne connaissait ni l’identité des auteurs, ni leurs motivations réelles. Mais ce jeudi, les termes utilisés sont clairs. La dénomination la plus partagée est celle d’ « acte terroriste », voire même d’« acte de guerre ». « Un acte de guerre islamiste, un terrorisme fondamentaliste », écrivait ainsi De Morgen, là ou le philosophe Pascal Bruckner embraye sur la déclaration du grand recteur de la grande mosquée de Paris, qui évoque un « acte de guerre civile, une déclaration de guerre à la démocratie ». « Une guerre déclarée à la démocratie » Le professeur de l’ULB, Felice Dasseto évoque, lui, un « acte de violence armée contre les valeurs de l’Occident par certains leaders islamistes ». L’écrivain Tahar Ben Jelloun écrit, lui, dans Le Monde : « C’est un fait de guerre, une guerre déclarée à la démocratie dont les institutions et les lois rendent possibles un islam républicain. ». L’ex-ministre des Affaires étrangères français, Dominique de Villepin analyse : « Nous voyons se cristalliser cette ligne de front cauchemardesque d’une guerre de civilisation opposant l’Occident et l’islam, sous les traits déguisés et monstrueux de l’islamisme. » Mais d’islamisme, guerre de trace dans le communiqué commun des ambassadeurs arabes à Paris, qui dénoncent ainsi un « acte terroriste barbare », « un crime abominable », mais sans aucun autre qualificatif. Et de manière générale, si les leaders arabo-musulmans ont très vite condamné l’acte posé, ce fut pour évoquer le geste d’extrémistes mais pas d’islamistes. Si le terme est gommé, c’est comme le dit Kahn, par déni mais aussi souvent, par peur de nourrir l’amalgame entre islamiste et islam, entre islamistes et musulmans. Pour preuve, le cri de colère de l’Imam de Drancy venu rendre hommage aux victimes de Charlie Hebdo hier, lorsqu’il est interrogé sur le fait que c’est au cri d’« Allahu Akbar » que ces crimes ont été commis : « Ce ne sont pas des musulmans qui sont impliqués, ceci n’a rien à voir avec l’Islam. Ce sont des criminels, des barbares, des sectes. Ils ont perdu leur âme. Quel prophète défendent-ils ? Celui de Daesh, celui d’Al Qaïda, pas le prophète d’amour. » Et l’Imam d’ajouter : « C’est un test pour nous, il faut montrer nos valeurs, notre solidarité. » Tahar Ben Jelloun le clame tout autant : « Si les tueurs ont crié “Allahu Akbar”, c’est aussi contre l’islam et les musulmans qu’ils ont agi » Eux et nous. « Nous », c’est les vic8 S JE SUI ATTENTAT CONTRE CHARLIE HEBDO 9 Le Soir Vendredi 9 janvier 2015 doivent-ils réagir ? Felice Dassetto « Ils s’insurgent en tant que citoyens » ENTRETIEN elice Dassetto est sociologue des religions, professeur émérite de l’UCL. comme dans toute société, il y a aussi des extrémistes ou des gens malveillants qui utilisent ces situations pour jeter l’opprobre sur une religion dans son ensemble. Mais ce serait une erreur de réguler le devenir en fonction de ces extrémismes. F Comment peut-on qualifier l’attentat de Paris ? C’est un acte de violence armée, de vengeance et de haine. A condamner avec force. Les auteurs ont surtout voulu punir un journal qui, à leurs yeux, avait commis le crime de s’attaquer avec la virulence des images à la figure du Prophète. Mais cet acte est à inscrire dans une idéologie globale de négation des valeurs de l’Occident, propagée depuis des années par les propos de certains leaders et groupes radicaux islamiques. Et dans une pensée qui prône la violence armée comme argument légitime. Les panneaux d’information et de signalisation en France ont aussi été utilisés. La communauté musulmane doit-elle réagir ? Je pense que les musulmans s’insurgent en tant que citoyens et manifestent leur solidarité avec les victimes de cet événement tragique. Je ne vois pas pourquoi ils devraient manifester en tant que « communauté ». Ce qui ne devrait pas empêcher une réflexion des musulmans croyants sur les racines de ces groupes au sein de l’islam contemporain. Il serait bon d’associer dans ces manifestations également ce qui se passe ailleurs : les victimes du radicalisme islamique contemporain sont nombreuses tout comme les victimes des terrorismes d’Etat ou les victimes d’un mal-développement. Pour afficher le rassemblement et l’unité après l’attentat, François Holande a notamment reçu Nicolas Sarkozy. © PIERRE-YVES THIENPONT. Assiste-t-on à une montée de l’islamophobie en Europe ? Je ne pense pas et je pense que des musulmans mènent des batailles erronées à ce sujet. Les gens de bon sens et certainement la plupart des médias, des intellectuels, des hommes et femmes politiques ont appris à faire la distinction entre extrémisme islamique et islam. Ceci dit, Propos recueillis par PHILIPPE DE BOECK « Lutter contre tout amalgame » Par la voix de son président, Noureddine Smaili, l’Exécutif des Musulmans de Belgique (EMB) « condamne avec la plus grande fermeté cette atteinte à la vie, ainsi qu’à la liberté d’expression, qui est l’un des piliers de notre démocratie. L’EMB présente ses plus sincères condoléances aux victimes et à leurs proches, et leur exprime son soutien et sa solidarité. L’EMB appelle tous les acteurs musulmans de terrain (imams, représentants de mosquées, organisations couples, conseillers islamiques, professeurs de religion islamique…) à condamner fermement la violence et le terrorisme sous toutes leurs formes, et à prôner un discours pacifique et respectueux des valeurs démocratiques. L’EMB invite les médias et les citoyens, dans leur diversité, à ne pas valider les thèses qui poussent à s’accuser mutuellement. L’EMB exhorte les citoyens à lutter contre tout amalgame entre les personnes qui commettent des actions terroristes en se revendiquant prétendument de l’Islam, et les citoyens de confession musulmane, qui rejettent fermement la violence et aspirent à vivre dans la paix et la tolérance. » « Qu’ils descendent dans la rue » Mercredi soir, dans l’émission « On refait le monde » sur RTL France, le journaliste, éditorialiste et essayiste français Ivan Rioufol a demandé que « manifestent urgemment tous les Français musulmans qui ne se reconnaissent évidemment pas dans cet attentat terroriste ». « Je les somme presque de bien nous faire comprendre qu’ils n’adhèrent pas. Moi, je voudrais les voir, qu’ils descendent dans la rue », a-t-il ajouté. « Il faudrait une mise au point » Dans La Libre de jeudi, le théologien musulman belge Mohamed Ramousi estimait que « l’Exécutif des musulmans devrait publier une brochure qui mette les choses au point avec de vrais arguments théologiques qui montrent qu’on n’est pas dans ce terrorisme face à des “fous de Dieu”, que cette violence n’est pas une quête de piété. » « Ils doivent protester, manifester » Le philosophe André Glucksmann a déclaré dans nos éditions de ce jeudi que « les musulmans doivent protester, manifester, descendre dans la rue, contre ce terrorisme musulman, qui se commet au nom de Dieu ». « Un examen de conscience par tous » Selon l’islamologue français Rachid Benzine, dans une interview qu’il a accordée au Soir de jeudi, « les musulmans doivent descendre dans la rue, oui, mais en tant que citoyens, parce qu’ils sont Français et que c’est la France qui a été visée. Ensuite, un examen de conscience doit être fait par tous : par les politiques comme par les responsables religieux. (…) Les responsables religieux doivent aussi faire leur examen de conscience. Il ne s’agit pas juste de rétorquer que “L’islam, c’est la paix” ». © Google France a changé sa page d’accueil pour l’occasion. « C’est une bataille d’idées. » Certains parlent de « guerre des civilisations »… Ce n’est ni une guerre de religion ni de civilisation, mais une bataille d’idées. Elle traverse le monde musulman et l’occident dont des musulmans sont désormais citoyens. C’est une bataille qui se joue à trois : entre une vision religieuse totalitaire, exclusiviste, incapable de confronter la foi au monde contemporain ; une vision qui confond modernité et athéisme militant ; une vision capable de vivre la foi dans le monde contemporain, d’accepter que des gens vivent cette foi dans une vision pluraliste profonde et pas seulement découlant des rapports de force entre institutions. Cette bataille concerne donc tout le monde. Il faudra transformer cette bataille en moment de réflexion, d’apprentissage du débat et pas dans l’affrontement par controverses, par accusations et par soupçons. Cela demandera beaucoup d’effort intellectuel, la capacité de repenser ses évidences. Malheureusement, passés les événements tragiques, on tend à oublier alors qu’un long travail intellectuel est à faire et à faire connaître auprès des jeunes générations. ■ ILS APPELLENT LES MUSULMANS À (SE) MANIFESTER « On a dépassé certaines limites » Azzedine Gaci, le recteur de la mosquée de Villeurbanne (dans la banlieue de Lyon), en visite au Vatican, a lancé un appel explicite : « Il faut absolument que les musulmans sortent cette fois-ci dans les rues. Maintenant, on a dépassé certaines limites. Ce sont des personnes (NDLR : les auteurs de l’attentat) qui s’expriment au nom d’une religion, au nom de l’Islam, et donc notre réaction, notre réponse doit être à la hauteur de ce qui a été fait. » L’hommage de Banksy.. Lors du rassemblement sur la Place de la République, les arabophones ont aussi tenu à faire entendre leurs voix. © AFP. musulman, eux, nous times, « eux », ce sont les criminels qui « nous » ont déclaré cette guerre. Oui, mais qui « nous » ? Les Occidentaux ? Les Français ? Avec ou sans les musulmans ? Pas certain que dans les conversations, aujourd’hui, tout le monde les intègre spontanément parmi les victimes de ce nouveau terrorisme. Confusion et amalgame Et pour cause, la confusion est entretenue, notamment par certains intellectuels, en France, qui nourrissent l’idée que les « musulmans » sont une menace pour la société occidentale, car ils ne s’y assimileraient pas. L’Imam de Drancy s’est fâché contre cet amalgame, dont l’écrivain Tahar Ben Jelloun explique à quel point il est entretenu par les terroristes tueurs de Charlie Hebdo : « Ce n’est pas une dérive de quelques voyous, en mal de vengeance, mais c’est une volonté radicale d’empêcher que des musulmans puissent vivre leur religion en terre laïque, dans le respect des lois de la République, de les isoler et d’en faire les ennemis de la France. C’est pour cela que nous devons résister, car nous sommes tous concernés. » De Villepin n’écrit pas autre chose : « L’esprit de guerre est un piège. (...) La seule victoire que puisse espérer les fanatiques, c’est de nous convaincre que nous sommes dans une guerre totale. (...) Notre pays se crispe. Ses élites se tournent chaque jour davantage vers les discours d’exclusion. Il faut nous sauver de nous-mêmes. » « Eux- Nous » : c’est le philosophe Vincent De Coorebyter, qui dans Le Soir il y a quelques jours, remarquait que c’est ce nouveau clivage « altérité-identité » qui achevait de se former dans nos EN CHIFFRES L’EXPRESSION 295 mosquées « Not in My Name » en Belgique 151 en Flandre sociétés européennes, française et belge notamment. « C’est, disait-il, la formation d’un bloc très déterminé à remettre en question certaines politiques d’immigration, la présence de certaines identités culturelles étrangères en particulier autour de l’islam. (...) Un phénomène nouveau sous cette forme-là. » « Eux » ? « Nous » ? Ce mercredi l’a hélas clairement démontré : eux, ce sont comme l’écrit Tahar Ben Jelloun, « les terroristes qui, au nom de l’islam, commettent des massacres de grande barbarie, égorgent des innocents, kidnappent des femmes et des filles, les violent puis les vendent comme esclaves ». Nous, ce sont les démocrates, tous pays, continents et religions confondus, tous victimes de cette barbarie. ■ 76 en Wallonie 68 à Bruxelles 6% C’est le pourcentage de la population en Belgique qui est musulmane (638.000 personnes), 99 % sont sunnites 8.000 Il s’agit du nombre de chiites qui vivent à Bruxelles « Pas en mon nom ». Avec ces quatre mots, la fondation Active Change regroupant des musulmans britanniques modérés avait mobilisé à l’automne leurs coreligionnaires contre les excès de l’Etat islamique en Irak et en Syrie. Cette campagne avait été lancée sur les réseaux sociaux suite à l’assassinat de l’humanitaire anglais David Haines, le 14 septembre. Depuis, des centaines de milliers de tweets avec le mot-clé #NotInMyName ont été publiés. Active Change, qui lutte contre toutes les formes d’extrémismes, avait accusé l’Etat islamique de se cacher derrière un « faux Islam » et voulait, via les réseaux sociaux, lutter contre la rhétorique djihadiste et éviter l’amalgame entre Islam et extrémisme. M.R. BÉATRICE DELVAUX 9