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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XII), n°2, mars-avril 2008
Cas clinique
Cas clinique
1,2 ng/ml (N < 2 ng/ml), passant à 2,7 ng/ml en postpran-
dial en regard d’une glycémie à 1,12 g/l.
La seconde hypothèse qui pouvait être évoquée chez
ce patient est celle d’un diabète de type 1B, ou diabète
atypique africain. La présentation clinique peut ressem-
bler en tous points à celle d’un diabète de type 1A. Les
arguments en faveur de ce diagnostic dans notre observa-
tion sont tout d’abord l’origine ethnique du patient (sujet
originaire d’Afrique subsaharienne ou métis) et son sexe
(les hommes étant plus souvent touchés; sex-ratio H/F de
1,5 à 3). Le poids est le plus souvent normal, mais l’obé-
sité présentée par le patient n’exclut pas le diagnostic. La
découverte bruyante du diabète sur le mode cétosique,
la présence d’antécédents familiaux de diabète de type 2
(dans plus de 50% des cas), l’absence de marqueurs
d’auto-immunité sont en faveur de ce diagnostic. La
présence de l’haplotype DQB1*0201 se retrouve dans 30
à 65% des cas dans ce type de diabète. Le seul argument
qui n’est pas en faveur de ce diagnostic est le jeune âge
du patient, puisque, généralement, le diabète de type 1B
se déclare chez les adultes entre 35 et 45 ans.
Enfin, la troisième hypothèse pouvant être évoquée chez
ce patient est celle du diabète sous neuroleptiques. En
effet, un nombre croissant de publications à propos de
cas de diminution de la tolérance au glucose, de diabète
et d’acidocétose chez des patients traités avec des anti-
psychotiques atypiques plaide pour une association
possible entre une anomalie du métabolisme du glucose
et le traitement par antipsychotique atypique, même si
la question reste controversée en raison de nombreux
facteurs confondants (1). Il semble que les neuroleptiques
de nouvelle génération, ou antipsychotiques atypiques,
augmentent le risque de diabète, avec un risque attri-
buable de 0,05 à 2,05% selon les molécules utilisées.
Notre patient était traité depuis 6 ans par neuroleptique
atypique (olanzapine, Zyprexa®). Une relation étroite
entre la prise de poids induite par le traitement et le
risque accru de diabète a été rapportée, insistant sur le
rôle de l’insulinorésistance. Depuis la prise de ce traite-
ment, le patient a signalé une prise de poids pouvant être
compatible avec un syndrome métabolique. Par ailleurs,
il semble que le mécanisme de ce diabète soit en rapport
avec une insulinopénie marquée, à laquelle s’associe une
insulinorésistance, indépendamment de la masse grasse.
Les mécanismes par lesquels ces neuroleptiques indui-
sent une insulinopénie et une insulinorésistance sont
mal connus. Dans notre observation, la découverte de ce
diabète par acidocétose est également un argument en
faveur de ce diagnostic. Il est également évoqué un effet
toxique direct des neuroleptiques sur les cellules β des
îlots de Langerhans, responsable d’un insulinopénie qui
semble réversible. Le dernier argument en faveur de ce
diagnostic est celui de la présence d’antécédents fami-
liaux de diabète de type 2, qui prédispose à une modi-
fication du métabolisme glucidique sous neuroleptiques
atypiques. L’intérêt d’évoquer le diagnostic est thérapeu-
tique. En effet, en l’absence de marqueurs d’auto-immu-
nité et si l’état psychiatrique du patient l’autorise, un arrêt
de l’antipsychotique atypique peut permettre une réver-
sibilité du diabète. En ce qui concerne notre patient, le
traitement antipsychotique a dû être maintenu à la même
posologie.
L’intérêt de cette observation réside dans le fait que,
malgré la révélation par acidocétose, d’autres étiologies
que le diabète de type 1 peuvent être évoquées dans ce
contexte. Dans le cas de Monsieur Y, il est impératif
de continuer le suivi, ce qui devrait nous permettre de
mieux définir le cadre nosologique. En effet, l’évolution
des besoins insuliniques pourra nous orienter en partie
vers l’une ou l’autre des deux dernières hypothèses. S’il
s’agit d’un diabète de type 1B, après quelques semaines,
la capacité insulinosécrétoire est partiellement restaurée,
permettant le plus souvent un sevrage de l’insuline. Cette
forme de diabète se caractérise surtout par l’évolution
émaillée de périodes où l’insuline peut être interrompue
(2). Les besoins insuliniques diminuent progressivement.
Ces phases de rémission avec un équilibre glycémique
parfait (HbA1c < 7%) peuvent durer de plusieurs mois
à plusieurs années. Néanmoins, la probabilité de rechute
est de 18% à 3 ans et de 90% à 10 ans. Dans les phases
de rémission, le traitement consistera à réaliser un relais
par traitement par antidiabétiques oraux. En revanche, si
les besoins insuliniques persistent, voire s’accroissent,
on évoquera plutôt l’hypothèse d’un diabète sous neuro-
leptiques atypiques. La disparition de ces symptômes et
de l’insulinopénie à la suite de l’arrêt des neuroleptiques
atypiques en serait une preuve. Il n’existe pas à ce jour
d’études prospectives ayant analysé l’impact des anti-
psychotiques chez des patients schizophrènes minces
dépourvus de syndrome métabolique et nouvellement
traités, qui pourraient fournir des données dynamiques
concernant une modification de la sensibilité à l’insuline
et/ou de la sécrétion des cellules β du pancréas. N
Références bibliographiques
1.
Scheen AJ, De Hert MA. Abnormal glucose metabolism in patients treated
with antipsychotics. Diabetes Metab 2007;33:169-75.
2.
Mauvais-Jarvis F, Sobngwi E, Porcher R et al. Ketosis-prone type 2 diabetes in
patients of sub-Saharan African origin: clinical pathophysiology and natural his-
tory of beta-cell dysfunction and insulin resistance. Diabetes 2004;53:645-53.
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