Dossier pédagogique

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Dossier Pédagogique
Welcome to Caveland
Une exposition de Philippe Quesne
Avec des vidéos de : Faycal Baghriche, Michel Blazy, Pauline Curnier Jardin, Jean Daviot,
Bertrand Lamarche, Adrien Missika, Chiara Mulas, Kristina Solomoukha & Paolo Codeluppi,
Virginie Yassef &Julien Previeux, Philippe Quesne & César Vayssié.
5 février - 16 avril 2016
Philippe Quesne, La taupe. © Photo : Martin Argyroglo
UNE EXPOSITION A VISITER AVEC VOS CLASSES ET VOS GROUPES JUSQU’AU 16 AVRIL
Vous avez été nombreux en ce début d’année scolaire à visiter avec vos élèves l’exposition Rituels, poétique des
origines réalisée avec des oeuvres de la collection du musée des Abattoirs - Frac Midi-Pyrénées de Toulouse, autour
de questions liées aux cultures ancestrales, aux rites, au chamanisme, aux mondes des grottes et des esprits. Nous
avions pu voir alors combien les rapports étaient étroits, et parfois même vivaces !, entre les temps de la Préhistoire
et notre contemporanéité.
L’exposition Welcome to Caveland de Philippe Quesne en est, en quelque sorte, le prolongement dans le sens où
Philippe Quesne s’est lui aussi emparé de l’imaginaire des mondes souterrains pour la réaliser. Cependant, nous
sommes ici dans une vision encore différente de la grotte, plus théâtrale cette fois. En effet, Philippe Quesne est
metteur en scène, créateur de la compagnie de théâtre Vivarium et directeur du très réputé centre dramatique
national Nanterre-Amandiers.
Il n’est pas étonnant aujourd’hui de voir un metteur en scène faire une exposition, un cinéaste penser son film
comme une chorégraphie ou encore un plasticien se saisir des codes du spectacle vivant pour faire oeuvre. On
constate en effet, et depuis de nombreuses années déjà, que s’opèrent entre l’art contemporain, la danse, le
théâtre et le cinéma, des rapprochements conceptuels, formels et esthétiques qui ne cessent de s’intensifier,
témoignant ainsi de préoccupations, intérêts et regards communs ou nouveaux portés sur l’art et le monde
qui nous entoure. Ces regards croisés entre l’art contemporain, les arts vivants et ceux de l’image sont au coeur
de la pratique et de la réflexion de Philippe Quesne sur la création qu’il ne conçoit que du point de vue de la
collaboration, c’est-à-dire avec la participation d’autres auteurs qu’il invite à travailler sur ses propres projets. Il en
résulte des formes hybrides qui montrent comment, dans une même dynamique, des plasticiens, des metteurs en
scènes, des chorégraphes, des musiciens ou des cinéastes, ouvrent leur travail à l ’écriture de langages hétéroclites,
à l’expérience de sensibilités et de présences visuelles autres, élaborant ainsi des modes nouveaux de création.
Pour Philippe Quesne, cette imbrication des langages artistiques permet de mettre en avant les connivences
réelles et naturelles qui existent entre les artistes depuis la nuit des temps. Philippe Quesne milite depuis plusieurs
années pour l’union des disciplines. D’abord d’un point de vue politique, car aujourd’hui dit-il, les artistes doivent
se réunir et créer ensemble pour être plus forts, se défendre et résister à un monde ultra consumériste qui efface
de plus en plus de ses plans l’accès au merveilleux, à la féérie et à la poésie. Et, aussi, parce que ces collaborations
sont naturelles, les artistes ne s’enferment pas dans des cases et des usages déterminés. Ce n’est d’ailleurs pas
un hasard si Philippe Quesne s’est servi au Parvis de l’imaginaire de la grotte et des mondes souterrains pour
faire oeuvre. Il rappelle ainsi un âge archaïque, des temps reculés, où les communautés d’hommes et de femmes
célébraient au fond des cavernes la féconde union des sons, des images et des gestes pour faire surgir, au-delà des
apparences et du visible, une vision du monde dans sa globalité.
Bienvenue dans ce voyage souterrain, conçu comme une fable, où vous rencontrerez une taupe géante,
découvrirez son improbable maison et lirez le conte lumineux d’un roi creuseur de cavernes aurifères. Vous verez
encore une sélection de films d’artistes, invités par Philippe Quesne, qui s’intéressent tous, mais chacun de manière
différente, à l’imaginaire de la grotte. Welcome to Caveland !
Le Service éducatif vous présente ce dossier comme une aide possible pour préparer votre visite scolaire, ainsi que
des pistes pédagogiques ciblées en relation avec l’exposition à explorer en classe.
Les visites que nous vous proposons avec vos classes et vos groupes, les ateliers, les différents workshops et
rencontres sont autant d’entrées possibles pour une approche sensible et créative des oeuvres de l’exposition.
Retrouvez le programme détaillé des activités organisées autour de l’ exposition en dernière partie de ce
dossier. La visite et son atelier de création, ainsi que les différents événements liés à l’exposition Welcome to
Caveland sont gratuits et s’adaptent à tous les niveaux scolaires : cycles 1, 2, 3 /collèges / lycées.
Réservation obligatoire au : 05 62 90 60 82 - [email protected]
SOMMAIRE
1ère partie : Présentation de l’exposition > Qui est Philippe Quesne ? Un loboratin sur les planches
> Welcome to Caveland : Une fable des mondes souterrains
p. 4
p. 5
p. 8
2ème partie : En classe, préparer et approfondir la visite de l’exposition > Welcome to Caveland : l’humour et l’absurde dans la création artistique
. En littérature et philosophie
. Au théâtre . Au cinéma
. Dans les arts plastiques
p. 13
p. 14
p. 14
p. 14
p. 15
p. 15
Bibliographie
3ème partie : Visites et ateliers proposés autour de l’exposition > Pour les scolaires
> Pour le hors temps scolaire p. 20
p. 21
p. 22
p. 24
Contacts et conditions de visite : ............................................................................................
p. 25
1ère partie :
Présentation de l’exposition
Welcome to Caveland
Qui est Philippe Quesne ?
Un laborantin sur les planches
«Depuis que j’ai dix ans, et grâce à l’école, j’ai développé un intérêt pour l’observation du monde animal. Pour être
précis, j’ai élevé dans ma chambre, et pendant plusieurs années, différentes espèces de phasmes. Les phasmes
sont des insectes qui ont la particularitéde ressembler à des brindilles ou des feuilles selon les espèces. Ils se
confondent ainsi à leur environnement. C’est une espèce qui se multiplie très vite, trois feuilles de lierre et un
verre d’eau suffisent à établir une colonie. Ma chambre s’est ainsi rapidement transformée en vivarium géant.
Cette longue expérience d’observation a certainement orienté ma façon de voir le monde et de l’observer avec
attention.»
Cette passion pour l’observation et la collection d’insectes, Philippe Quesne (né en 1970) l’a transposée dans ses
créations théâtrales dont il parle comme des microcosmes, des laboratoires ou encore des organismes vivants.
Autant de terminologies également utilisées dans le champs des arts plastiques et ceci n’est pas un hasard
puisque la formation artistique de Philippe Quesne s’est d’abord faite aux Arts Décoratifs de Paris. Il était alors déjà
persuadé que par le biais de l’observation et de la contemplation, l’artiste peut avoir une influence sur le monde.
C’est pourquoi, en 2003, il fonde la compagnie Vivarium Studio, en réunissant un groupe de travail composé d’amis
acteurs, plasticiens, musiciens, danseurs, et d’un chien nommé Hermès.
Philippe Quesne a mis en scène plusieurs pièces qu’il joue dans le monde entier : D’aprés Nature en 2005, La
démangeaison des ailes en 2005, L’Effet de Serge en 2007, La Mélancolie des Dragons en 2008, Big Bang en 2010,
Swamp Club en 1013, Next Day en 2014 et Caspar Western Friedrich en 2016. Il réalise aussi en collaboration avec
le Vivarium Stdio de nombreuses performances. Ces différentes créations se réfèrent aux sciences, la question
centrale qui anime le travail collaboratif de Philippe Quesne s’attachant à la relation de l’homme à la nature.
Une appétance pour les sciences
«Entre mon travail d’auteur dramatique et la science, je me rends compte qu’il existe de nombreuses similitudes.
Nous sommes dans une démarche expérimentale : je pars d’un titre, d’une image ou d’une idée, et j’écris la pièce
au cours des répétitions. Il y a plusieurs années, lors d’un programme initié par La Cité de la Villette, j’ai passé
quelques mois avec les chercheurs du CNES. Les responsables du programme avaient invité des artistes à pénétrer
dans le monde de la recherche, pensant certainement qu’il pouvait nourrir la création. J’ai ainsi pu voir comment
travaillent les chercheurs. C’est fascinant et c’est fou de constater qu’ils peuvent étudier pendant des années une
question qui paraît infime, tellement spécialisée. Ce type de démarche entêtée me plaît. Et puis, c’est un domaine
riche d’imaginaire. Dans ma pièce D’après-nature, on voyait des cosmonautes prendre une échelle et essayer de
réparer la couche d’ozone. On retrouve ces personnages dans Big Bang. Et puis, il y a peu de temps, les chercheurs
manifestaient contre la baisse des crédits. En théâtre et dans l’art en général, c’est la même chose. S’il n’y a plus
d’espaces pour expérimenter, il n’y a plus de futur.»
Cet attrait pour les sciences, nous le retrouvons dans les créations théâtrales de Philippe Quesne dont voici
quelques exemples :
Next day, 2014
Comme tous les spectacles de Philippe Quesne, Next
Day réunit sur scène une petite communauté d’artistes,
un groupe d’êtres vivants tels qu’en eux-mêmes
scrutés au microscope par un entomologiste. Les treize
interprètes de Next Day ont entre sept et onze ans, une
période passionnante à observer parce que transitoire,
délicate et mouvante : le temps des métamorphoses,
de la cohabitation entre l’insouciance de l’enfance et
les questionnements adolescents : Et si on formait une
école de super-héros pour sauver la planète ? Comment
envisagerait-on l’avenir, les problèmes politiques,
écologiques, sociaux ? L’enfance est surtout le temps
de la joyeuse indiscipline, de la créativité, du jeu et de
l’émerveillement.
Big Bang, 2010
« Pour chaque création, explique Philippe Quesne,
l’écriture commence en répétitions, avec le titre
du spectacle, prétexte à des expérimentations du processus de création à la représentation - qui
alimentent une forme d’ambiguïté entre le vrai et le
faux, le réel et l’artificiel. »
Big Bang évoque autant une explosion gigantesque
qu’une théorie fondatrice ou une simple onomatopée
de bande dessinée. La pièce se passe sur un îlot, où
un groupe échoué refait le monde, repart aux origines
pour rejouer l’Histoire en accéléré. Une succession de
tableaux, comme de courtes pièces, servent à l’étude
quasi anatomique d’un microcosme humain implanté
dans une géographie inattendue. Big Bang déroule
ainsi une forme de théorie de l’évolution, marquant
les ruptures, les inventions, les décompositions, les
disparitions, comme les mutations les plus étranges où
coexistent les hommes et les animaux, le silence et les
langages, le rien et le tout : le flottement du vivant.
Une esthétique de la lenteur et des contes de fées
Sur scène, comme dans ses expositions, Philippe Quesne utilise tout un dispositif de fumigènes, de machines à
brouillard, de machines à faire des bulles, de la neige, de la pluie ou des tornades, des lumières, des sons et de
la musique, des objets du quotidien qui nous paraîtront merveilleux dans le contexte théâtral particulier dans
lequel il les place et qu’il développe comme autant de personnages à part entière. Ludiques et magiques, neiges et
brouillards apportent une matérialité quasi magique, celle des contes de fées, et pour ainsi dire allégée, adaptée à
la fragilité de l’illusion théâtrale, illusion que Philippe Quesne nous invite à expérimenter de cette manière.
Il en résulte un rythme particulier qui est à l’opposé du temps théâtral traditionnel. Il s’agit d’un temps réel, celui
dont les acteurs, qui ne se pressent jamais sur le plateau, ont réellement besoin pour effectuer une action ou une
autre. Le rythme de Philippe Quene est l’un des éléments les plus importants du sentiment d’organicité qui se
dégage dans les spectacles du Vivarium Studio.
Le goût des fables
«Je suis inquiet pour l’avenir des enfants à l’idée que l’art et la culture disparaissent de leur cursus et qu’ils soient
privés de cette part collective de merveilleux». Les spectacles de Philippe Quesne mettent en scène l’utopie de
s’inventer des mondes. Cette «Mélancolie», sujet récurrent dans l’histoire de l’art et de la musique, pour figurer
le spleen face au monde qui avance et à la difficulté de le comprendre, est associée aux dragons dans la pièce
La mélancolie des dragons ou à la taupe, personnage emblématique de la pièce Swamp Club et que l’on retrouve
dans l’exposition au Parvis. Deux oeuvres théâtrales construites comme des fables avec des histoires et un univers
visuel qui plongent le spectateur dans la féerie. Ces procédé et esthétique du merveilleux bricolé ne sont pas sans
rappeler les fables cinématographique du cinéaste italien Federico Fellini pour qui Philippe Quesne a une grande
admiration. Ainsi, ses oeuvres théâtrales sont-elles plus des tableaux vivants mis en musique, à la façon de certains
opéras, où les dialogues sont moins mis en avant que les commentaires, les narrations, les légende et les musiques,
véritables personnages de ses pièces.
Et celui de l’humour et de l’absurde
Les spectacles de Philippe Quesne revêtent tous des aspects humouristiques et absurdes. Le metteur en scène se
plait à mettre en scène des bricolages, des petits riens comme dans sa pièce L’effet de Serge qui raconte l’histoire
de Serge qui présente chez lui des mini-spectacles à peu de frais devant un auditoire amical. Par ce truchement de
l’humour et de l’absurde, Philippe Quesne porte un regard amusé sur ce qui pourrait être une tendance actuelle
du discours des professionnels de la Culture, une apologie en temps crise des projets conçus avec peu d’argent.
Il fait le constat que cet encouragement au bricolage ne sous tend pas le principe esthétique d’un post théâtre
pauvre, dont la pauvreté consisterait à réduire les artifices du théâtre au profit d’une poétique du jeu de l’acteur,
mais constitue un argument économique de la politique culturelle. L’humour et l’absurde de la pièce sont là pour
renforcer le trait de cet état des lieux.
L’exposition Welcome to Caveland :
une fable des mondes souterrains
Le titre de l’exposition :
Il y a deux ans, alors que Philippe Quesne présentait sur la scène du Parvis son spectacle Swamp Club, la visite du
grouffre d’Esparros tout proche lui souffla l’idée d’un projet au long cours et aux formes multiples qui s’inspirerait
du merveilleux et de la poésie des mondes souterrains : sous-sols, grottes, taupières, tanières, galeries souterraines,
boyaux caverneux, gouffres des profondeurs, espaces en creux... Toute une fantasmagorie d’un monde rhizomatique
à explorer se développant sous nos pieds prend alors forme dans l’esprit de Philippe Quesne comme la métaphore
d’une nouvelle manière de penser la création. Le rhizome est un concept emprunté à la botanique, il n’a ni début
ni fin, juste un milieu à partir duquel il grandit. Les rhizomes sont des réseaux acentrés ayant des points d’entrée et
de sortie multiples. Ils sont composés de ramifications qui partent dans tous les sens. Ils se transforment l’un l’autre
et peuvent parfois se traverser. De la même manière que l’Histoire est faite d’innombrables histoires, emboîtées les
unes dans les autres.
La caverne, en tant que lieu primitif et fécond, comporte bien cette idée de réseaux et de correspondances, tel le
labyrinthe. L’image du labyrinthe découle elle-même de l’exploration des cavernes et des gouffres, de la contemplation des fleuves, de leurs méandres et de leur réseau d’affluents, de la traversée des forêts.
Toute une vision du monde et du paysage concentrée en un seul point : celui en creux du monde des cavernes !
Welcome to Caveland s’annonce comme le titre d’une parade festive, ou l’entrée d’une attraction dans une fête foraine. C’est un titre à sensation ! C’est bien l’idée de revue que Philippe Quesne souhaite développer dans ce programme évolutif et aux multiples formes. Welcome to Caveland est en effet un nouveau cycle de créations prenant
tour à tour la forme de spectacle ou d’expositionsen fonction des endroits où ils se produisent, l’installation au Parvis
en étant le tout premier chapitre. Le projet s’exilera ensuite sur les scènes et lieux d’expositions de Bruxelles, du Portugal en passant par l’Italie et l’Autriche où il s’étoffera, prendra de nouvelles formes. Welcome to Caveland finira son
périple sur le plateau de la scène dramatique nationale du théâtre de Nanterre-Amandiers où il se produira sous la
forme d’un spectacle constitué de tous les récits accumulés pendant ce périple.
L’exposition au Parvis est, en quelque sorte, la bande-annonce de ce long projet itinérant qui va se façonner au gré
des multiples contributions artistiques explorant de manière plus ou moins fictionnelle le mythe de la caverne. Dans
une approche toujours plus collaborative, Philipe Quesne y associe des plasticiens, des curateurs, des performeurs
mais aussi des cinéastes et des comédiens...
Dans l’exposition, les élèves vont découvrir l’histoire d’une taupe géante et de son étrange camion-caverne, ainsi
qu’une sélection de 11 vidéos qui revisitent de manière plus ou moins fictionnelle la mythologie, la mystique ou la
géologie des mondes souterrains.
Comme dans une pièce de théâtre, baignée d’obscurité et d’un léger hallo de fumée, les élèves vont faire tour à
tour connaissance avec les différents éléments de l’installation de Philippe Quesne qui se présentent ici comme des
personnages à part entière.
---> Le camion-caverne
Le premier élément que l’on voit lorsque nous entrons dans l’exposition de Philippe Quesne, c’est l’arrière d’un camion blanc, tous feux allumés. De la fumée sort de l’intérieur en continu. Quand on s’approche du véhicule, on se
rend compte qu’il y a une grotte à l’intérieur... A moins que ce ne soit le coffre du camion qui deviendrait, comme
dans un rêve, l’entrée magique d’un souterrain...
Terre, brindilles, racines... L’entrée de la caverne ressemble à la fois une bonne blague (c’est une grotte de pacotille
installée à l’intérieur d’un camion telle une attraction de fête foraine...), en même temps qu’elle est parfaitement
fascinante. En effet, un éclairage nébuleux et doré auréole l’intérieur de la caverne qui nous est complètement inaccessible. En même temps, un nappage de fumée plus ou moins dense en sort comme s’il y avait un autre paysage,
un monde féérique et inatendu de l’autre côté du décor.
Philippe Quesne convoque ici les questions et les représentations qu’il met en scène au théâtre à savoir la frontière
ténue qu’il y a entre réel et artificiel. C’est bien dans un camion frigorifique qui sert habituellement à transporter
les denrées jusqu’à l’hypermarché où elles seront mises en vente que l’artiste a choisi de «creuser» sa grotte. Il y a
bien sûr un rappel ironique de la proximité avec l’espace marchand et le «vrai» paysage qui se trouve face au supermarché, celui des superbes Pyrénées «habitées» de multiples grottes. Dans ses créations, Philippe Quesne cultive
l’ambiguïté du vrai/faux, du réel/artificiel, de l’illusion/vérité.
Le camion annonce aussi le côté itinérant du projet Welcome to Caveland. En effet la grotte, archétype de la matrice
maternelle, de la création et des révélations, lieu imuable et central, qui appelle à elle les foules ou les impétrants,
devient un objet qui circule avec Philippe Quesne, qui peut aller à la rencontre des gens, dans un supermarché, dans
un centre d’art et au théâtre !
---> La taupe
Comme dans la pièce Swamp Club de Philippe Quesne, la grotte est l’habitat d’une énorme taupe à taille humaine.
Elle est également présente dans l’exposition, elle est le personnage principal de l’histoire qui nous est proposée de
vivre ici. Dans la pièce de théâtre citée ci-dessus, la taupe est un étrange personnage, gardienne de la grotte aurifère
à côté de laquelle est construit un centre d’art, le Swamp Club. Celui-çi se trouve en plein marécages et semble peu à
peu disparaître dans la brume. La taupe vient alors chercher les résidents du centre d’art (musciens, écrivains, cinéastes, artistes...) pour les amener avec elle dans la grotte. La pièce se termine ainsi sur cette image, le lieu d’art, menacé
de disparition, est déserté, ses résidents suivent la taupe à l’intérieur de la grotte. Seule l’entrée nous est montrée,
qui se referme d’ailleurs sur-eux. Ce qui se passe ensuite, nul ne le sait.
Welcome to Caveland est en quelque sorte la suite de Swamp Club. Le personnage de la taupe est à nouveau hors
des entrailles de la terre, elle vient cette fois directement à nous, peut-être pour nous chercher, nous amener à notre
tour dans sa grotte. Il s’agit d’une métaphore pour l’artiste, une invitation à considérer la création d’une nouvelle manière, une invitation à creuser nous-mêmes nos imaginaires afin de réenchanter le monde dans lequel nous vivons.
Si la taupe n’a pas la beauté des paons, l’arrogance des lions, la majesté des cerfs, elle a depuis toujours fasciné les
auteurs et apparaît en bonne place dans les bestiaires. Aveugle puisqu’elle a les yeux sous la peau, la taupe ne se
nourrit que de terre mais a une ouïe incomparablement fine et des «mains» véritables machines à creuser d’une
efficacité redoutable pour ses travaux de terrassements. Cet outil ressemble étrangement à une main humaine, armée de longues griffes. C’est un animal discret en surface, qui creuse par contre d’incroyables galeries sous terre qui
peuvent faire penser à des labyrinthes.
Dans les mythes, la taupe symbolise toutes les forces de la terre. Les galeries
souterraines ont même servi de modèles au labyrinthe archaïque d’Epidaure
consacré à Asklépios. Dieu de la médecine dans la Grèce antique, on a associé
à Asklépios la figure du serpent qui est devenu l’emblème universel des professions médicales. Mais il s’avère que l’animal favori d’Asklépios était la taupe. Certains auteurs parlent d’Asklépios comme étant un dieu-taupe. Dans le temple
d’Asklépios à Épidaure, on a retrouvé les fondations d’un labyrinthe souterrain,
fait d’anneaux concentriques qui ressemble vraisemblablement aux galeries
souterraines d’une taupière.
---> Le conte
Placé face à la taupe, un panneau d’annonce lumineux fait défiler un texte comme les informations que l’on peut lire
dans les lieux publics de grande affluence (aéroports, gares, musées...) Dessus défile un texte. Si on prend le temps
de le lire, on se rend compte qu’il s’agit d’une véritable histoire, celle d’une taupe et d’une mine d’or. Il s’agit en fait
d’un conte populaire allemand dont les origines se perdent tant l’histoire a éte remaniée et enrichie d’innombrables
apports au cours des générations.
Ce n’est pas la première fois que Philippe Quesne associe l’histoire de sa pièce à un conte ou à une fable. Dans la
Mélancolie des dragons, notamment, il faisait des allusions au conte de Blanche-Neige.
Comme souvent, Philippe Quesne se sert d’un objet des plus ordinaires pour verser dans le merveilleux, l’absurde,
le comique. Journal lumineux tel est le nom de cette oeuvre à la fois drôle et poétique. Comme dans un chantier, le
panneau lumineux est posé sur des tréteaux. Le cable électrique qui l’alimente est branché à la prise sans plus de
cérémonie. Ici, les cables ne sont pas cachés et dans l’exposition tout est à découvert et le moindre effet - défilant
lumineux, brouillard, phares du camion - tient juste à un cable branché à une prise.
L’histoire est sans fin. Elle nous amène sous la terre, à la découverte de grottes merveilleuses, pleines de couleurs.
Elle raconte l’histoire de l’ancêtre des taupes, celle d’un lutin creusant si profond dans la terre qu’il se métamorphosa
en taupe en même temps qu’il y découvrit des trésors.
Nous sommes bien loin du traditionnel livre de contes avec ses enluminures et ses illustrations. Le texte qui défile n’a
ni pages que l’on tourne, ni l’odeur du vieux papier ! Au contraire, nous devenons tributaires de la vitesse du texte qui
scande notre lecture. L’histoire coule ici comme l’eau d’une rivière. Les lettres lumineuses qui défilent amènent notre
regard et nos pas vers le fond de l’exposition où d’autres images nous attendent, un espace que Philippe Quesne a
apparenté à la grotte.
---> La grotte
Tout au fond de l’exposition, les élèves pourront découvrir un espace dédié à la vidéo avec une sélection de 10 films
réalisés par des artistes invités par Philippe Quesne et Magali Gentet, la commissaire de l’exposition. Chacun à leur
manière, ils nous proposent une vision de la grotte, des mondes souterrains et des univers enfouis. On trouve ici des
regards tour à tour poétiques, facétieux, documentés ou fascinés par les mondes cachés.
Philippe Quesne nous propose de prendre un moment pour regarder ces films. Des petits sièges en forme de rochers cubiques octroient à l’espace un semblant de minéralité. Là encore, l’artiste joue avec humour avec les codes
du réel et de l’artificiel.
La grotte géologique : La vidéo de Fayçal Baghriche, par exemple, intitulée Les Grottes Merveilleuses (2010), retrace
une visite dans une célèbre grotte en Algérie. L’artiste nous invite à assister à un jeu d’analogies construit par le guide des lieux qui trouve, dans l’espace mystérieux de la caverne, un véritable «écran» pour une projection imaginaire
du monde extérieur : des stalagmites et autres concrétions se transforment ainsi dans son discours en animaux ou
en architectures qui font écho à des représentations du monde tel que nous le connaissons aujourd’hui.
La grotte primitive : Dans sa vidéo Alma Mater (2011), l’artiste Chiara Mulas réalise un rituel sacré primitif le corps
recouvert d’ocre rouge à l’intérieur des labytinthes mystérieux de la grotte du Mas d’Azil. Il s’agit d’une union primitive et archaïque avec le monde souterrain des entrailles de la Terre où l’artiste devient à la fois le vers et le serpent,
le dragon et l’esprit du lieu.
La grotte festive : On se souvient d’Henry Russel, célèbre pyrénéiste du XIXème siècle qui aménageait des grottes
dans la montagne pour y organiser de somptueuses soirées ! C’est, d’une certaine manière, ce que l’on retrouve dans
la vidéo Lux Bella Rocca (2013) des artistes Kristina Solomoukha et Paolo Codeluppi où la caverne primordiale, coeur
des rituels ancestraux et tribaux, devient une «grotte de nuit» avec effets lumineux stromboscopiques et sons de
machine à infra-basses.
La grotte organique : Les images de la vidéo de Michel Blazy, Voyage au centre (2002-2003) nous plongent au coeur
d’un poivron en putréfaction dont les pépins rappellent de manière troublante et drôlatique autant d’éléments minéraux ! Putréfaction, pourriture, altération mais aussi couleurs, formes incroyables, milieu de vie formidable pour
tout un peuple d’insectes que l’on ne voit pour ainsi dire jamais. C’est le mouvement même de la vie en tant qu’il ne
cesse de faire et défaire la forme qui fait œuvre. Cette vidéo renvoie, comme toutes les autres, de manière plus ou
moins directe, aux récits du monde souterrain.
2 ème partie :
En classe :
préparer et appronfondir
la visite de l’expositon
Welcome to Caveland :
l’humour et l’absurde dans la création
Chez Philippe Quesne le merveilleux peut naître de presque rien, à condition de se laisser embarquer dans un rêve
commun… Ainsi, le rêve et la poésie sont-ils, chez le metteur en scène, à l’origine des fables à la fois absurdes, drôles et sensibles qu’il crée aussi bien pour le théâtre que pour l’espace d’exposition comme au Parvis avec Welcome
to Caveland et sa grotte à la fois insolite et poétique qu’il a mis en boîte dans un camion.
L’humour, au sens large, est une forme d’esprit railleuse « qui s’attache à souligner le caractère comique, ridicule,
absurde ou insolite de certains aspects de la réalité ». L’humour se distingue par plusieurs concepts : c’est un
langage, mais aussi un moyen d’expression. L’humour peut être employé dans différents buts et peut, par exemple, se révéler pédagogique ou militant. Sa forme, plus que sa définition, est diversement appréciée d’une culture
à l’autre, d’une région à une autre, d’un point de vue à un autre, à tel point que ce qui est considéré par certains
comme de l’humour, peut être considéré par les autres comme une méchante moquerie ou une insulte.
Le mot humour provient de l’anglais humour, lui-même emprunté du français « humeur ». L’humeur, du latin humor (liquide), désignait initialement les fluides corporels (sang, bile…) pensés comme influençant sur le comportement. Vers 1760, les Anglais utilisent le terme humour dans le sens « tempérament enjoué, gaîté, aptitude à voir ou
à faire voir le comique des choses »
Le mot « absurde » vient du latin «surdus» qui désigne une personne sourde, qui n’entend rien, mais aussi quelqu’un qui ne comprend rien. Sa dérivation «ab-surdus» désigne ce qui est faux, ce qui n’a pas de sens et ce qui
est contraire à la logique et à la raison. L’absurde n’est pas forcément ce qui n’est pas réel. Au contraire, cela peut
même être parfois ce qui est vraiment la réalité, par delà les apparences.
Ces deux notions, qui sont au coeur du travail de Philippe Quesne, alimentent aussi d’autres domaines de création
et de pensée.
>> En littérature et en philosophie
Énoncer que “le rire est le propre de l’homme” implique que tout homme rit et fait rire autrui. Comme tout ce qui est
humain, le rire, l’humour, l’absurde peuvent légitimement relever du questionnement philosphique et bon nombre
de penseurs ont abordé ces rivages dans leurs pensées.
Dans son livre Le nom de la rose, Umberto Eco fonde toute l’histoire de son roman, sur une interrogation très troublante qui a perturbé beaucoup de théologiens : “Le Christ a-t-il jamais ri ?” Au-delà de cette question se pose le
problème, de l’humour en général et du rire dans la tradition chrétienne. Pourquoi le christianisme, la religion de
“la joie qui demeure” et des félicités éternelles, a-t-il été longtemps si sévère à l’égard du rire, considéré comme un
abandon, vulgaire et obscène ? Serait-ce l’influence d’Aristote qui voyait dans le rire “une grimace de la laideur, un
ennemi de la bienséance”?
>> Au théâtre
On ne peut évoquer l’absurde au théâtre sans penser bien sûr au Théâtre de l’absurde. On ne peut commencer un
tel panorama sans revenir aux origines du théâtre, la tragédie antique avec, essentiellement, la notion de destin qui
pèse sur le héros tragique. Puis, au Moyen-Age, apparaissent les farces populaires, lesquelles cohabitent avec un
théâtre à caractère religieux, les «Mystères», destinés à édifier une population largement illettrée (du Xe au XIVe siècle). On évoquera aussi les excès du théâtre baroque (début du XVIIe siècle), avec les pièces «à machines», destinées
à impressionner un public amateur d’effets spéciaux. Après cela, vient le théâtre classique, avec ses règles strictes
(les trois unités, par exemple), avec évidemment une obligation de bienséance, comme celle de ne pas représenter
le sang ou la mort sur scène. Le XIXe siècle voit apparaître le drame romantique et sa profusion de scènes et de personnages, mêlant les registres, passant allègrement du tragique au burlesque. Un peu plus tard, on quitte les grands
personnages et les grands problèmes religieux, mythologiques, politiques, pour entrer dans des vies plus banales,
proches de celles «des gens» avec le drame bourgeois. Puis, surgit une véritable révolution artistique, le Surréalisme,
autour d’André Breton, au début du XXe siècle (1920-1930). Ce mouvement a souhaité effacer presque tout ce passé
pour créer, en quelque sorte, un art nouveau, une esthétique nouvelle, fondés sur les bases du freudisme, c’est à dire
de tout ce qui concerne l’inconscient, le rêve, le monde fantasmé. Au fond, les Surréalistes nient le Moi extérieur, la
logique, le réalisme. Leur but est de retrouver une naïveté originelle, dans laquelle «l’esprit est un, le monde est un»
(Breton). A ce titre, le rêve est intégré à la réalité, comme s’il s’agissait de «vases communicants» (Breton).
Après les Surréalistes, apparaît, au milieu du XXe siècle, un théâtre nouveau, désigné aussi par l’expression «théâtre
de l’absurde» né de deux décennies de guerres et d’horreurs à l’échelle planétaire (la «boucherie» de 14-18, le nazisme, les camps d’extermination, le largage de deux bombes atomiques). On montre alors sur scène l’absurdité du
monde, sa vanité. Ce théâtre se caractérise par un refus conscient, assumé, de toute forme de réalisme. Les auteurs
(Ionesco, Beckett, Audiberti, Boris Vian...), projettent sur scène la totalité de leurs obsessions, par la gestuelle, le
chant, les mots, les décors (ou l’absence de ceux-ci) tout en faisant appel aux formes dégradées du spectacle, comme l’improvisation, le mime, les clowneries, le music-hall...
Plus important, tous ces auteurs mettent en scène une parole dévaluée, parfois nulle dans son expression et dans le
contenu de ce qu’elle exprime. C’est le reflet de l’absurdité du monde tel qu’il apparaît, de manière insistante, au XXe
siècle. La pièce n’est plus un texte, mais avant tout un spectacle qui recrée les mythes profonds de l’homme, avec
ses faiblesses, ses aspects risibles. Si on a définitivement quitté la pièce en trois ou cinq actes, avec des décors signifiants, une action qui va à son terme de manière plus ou moins attendue, on voit bien aussi que ce théâtre retrouve
des composantes des mythes antiques et de leur représentation scénique. C’est un théâtre qui fait fi de la logique et
des conventions classiques, pour atteindre directement les affects de chacun de nous. Il montre aussi les «invariants»
propres à l’Humanité, dont la puérilité (Ubu roi de Jarry), la monstruosité (Le Roi se meurt de Ionesco). On a pu aussi
affimer la parenté de ce théâtre avec les paraboles religieuses, simples dans leur forme, déroutantes, énigmatiques,
mais détentrices d’une vérité qui ne se révèle pas immédiatement.
C’est un théâtre qui baigne dans un air de catastrophe, de fin du monde, mais qui reste très tonique, par son acuité,
son goût des pitreries mêlées à l’horreur. On y retrouve des formes d’austérité classique, le mélange des tons et des
registres propres à l’art baroque, les effets burlesques de la farce médiévale....
>> Au cinéma
En fait, le lieu où l’absurde a su être le révélateur d’une sensibilité, d’une vision de la vérité, c’est le cinéma. Le
cinéma est toujours destiné aux masses. Nous citerons ici le cinéma de Federico Fellini dont on retient surtout la
folie échevelée et les clowneries noires de ses films, son goût du brouillon, du chaos, du trop plein et du débordement. Au-delà d’une certaine boursuflure des sujets et de leur représentation, il produisait au contraire un travail
au microscope, au plus près de la peau et de « derrière la peau » même : notre monde personnel enfoui. Ce n’est
donc pas étonnant de retrouver dans le travail de Philippe Quesne une référence à l’oeuvre de Fellini.
>> Dans les arts plastiques
Dès le début du XXème siècle, les artistes n’ont cessé de célébrer l’union libre de l’art et du comique, sous toutes
ses formes. On peut faire remonter au dadaïsme et au ready-made de Marcel Duchamp le début d’un positionnement humoristique de l’art, bien que celui-ci, à la base, n’ait pas comme but premier l’humour.
Le mouvement Dada, Né après la Première Guerre mondiale ,est une des premières génération d’artistes qui
s’appuya sur l’humour. Les artistes prônent une volonté, voire même une nécessité, de rire afin de ne plus prendre
l’humain au sérieux suite aux horreurs commises. Les artistes allaient à l’encontre de toutes les règles jusque-là
établies et s’attaquèrent à l’élitisme esthétique de l’art moderne. Ils ont repoussé les limites de l’art, en s’opposant
aux idéologies, à l’esprit de sérieux en employant un humour absurde ou insensé. Adeptes de la manipulation
d’images par collages, ils créent des associations d’éléments inhabituels et qui portent à sourire par leur caractère
surprenant.
L’invention du ready-made par Marcel Duchamp aura un rôle important dans le développement de l’humour dans
l’art. Il présenta en 1917 un simple urinoir, objet s’élevant au rang d’œuvre d’art puisqu’il lui attribue le titre de «Fountain» et qu’il signe R. Mutt. Outre son caractère provocateur, par la remise en cause de la nature même de l’œuvre
d’art, ce ready-made n’est pas dénué d’humour. En effet, on considère comme art, un objet fabriqué en série et
réputé vulgaire en raison de sa fonction. De plus, le titre «Fountain» crée un jeu par analogie entre le jet de l’urine,
entrant dans le réceptacle alors que l’eau propre jaillit de la fontaine et sert à s’abreuver.
Après le mouvement Dada, le surréalisme a également intégré l’humour, en recherchant à représenter des situations oniriques. Les artistes produisent alors des images en totale rupture avec la représentation de la réalité. Les
situations fantastiques ainsi peintes peuvent paraître incongrues. C’est le cas du tableau de René Magritte Le Modèle
rouge (1935) où il met en scène une paire de bottes se métamorphosant en pieds nus.
Le principe de l’Anti-Art, annoncé par Dada, a été repris par les mouvements artistiques après la Seconde Guerre
mondiale, notamment par George Maciunas à partir de 1950, et le collectif international Fluxus dont il est le chef
de file. Ce mouvement évoquait la mondialisation, l’unité de l’art et la vie, l’expérimentation, le changement tout en
donnant à ces principes un aspect ludique par des jeux, des blagues et des gags.
Ben Vautrier créa en 1963 « A Flux suicide kit », une boîte rassemblant des objets propices au suicide. Il s’agit d’une
malette transportable, que l’on peut utiliser à n’importe quel moment, selon nos envies. Elle nous propose différentes façons de mettre fin à ses jours (lames de rasoir, éclats de verre, allumettes...) Il tourne l’acte tragique et tabou en
dérision, en donnant à des objets rassemblés ici pour se donner la mort le statut de jouets. L’utilisation de l’absurde
et lde l’humour noir qui caractérise le mouvement Fluxus rende les oeuvres plus complexes et plus lourdes de sens
que le simple amusement
Beaucoup d’artistes ont adopté une forme humoristique en détournant des œuvres, des personnages célèbres,
voire mythiques, pour leur attribuer un nouveau sens, et ainsi dénigrer le statut de l’oeuvre d’art.
En 1919, Marcel Duchamp réalise un ready-made avec une carte postale de La Joconde de Léonard de Vinci. qu’il
détourne en lui griffonant simplement au feutre une moustache, un bouc et le fameux L.H.O.O.Q. (homophone du
mot «Look» en anglais et allographe que l’on peut prononcer «elle a chaud au cul»). Le geste de Marcel Duchamp
se comprend en rapport à la publication en 1910 de l’essai «Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci «dans lequel
Sigmund Freud parle de l’incapacité de l’artiste à terminer son œuvre, de la sublimation de la vie dans l’art et surtout
de l’ambiguïté entre le genre masculin et le genre féminin que Duchamp partage avec Léonard de Vinci.
En 1969, Robert Filliou réalise La Joconde est dans les escaliers une installation avec seau, balai, serpillère et carton qui fait descendre de son piédestal l’illustre personnage énigmatique du plus célèbre tableau du monde en la «transformant» en concierge
ou femme de ménage. Robert Filiou remet en question le processus de création des œuvres, désirant abolir les limites entre l’art et la vie car, pour lui, «L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art.» Le chef-d’œuvre ne serait donc plus à
chercher dans les espaces d’un musée mais dans la rue, dans la vie de tous les jours. On peut alors s’interroger sur ce qui fait
chef-d’œuvre dans notre société occidentale et visiblement pour Robert Filiou ce ne sont ni les matériaux utilisés (des objets
très usuels, ayant peu de valeur), ni le talent de l’artiste (il revendiquait être « un génie sans talent ») mais bien la démarche,
l’intelligence, l’humour, donc l’idée plus que l’œuvre, le projet de celle-ci plus que sa réalisation concrète.
Les œuvres du mouvement artistique de l’Arte Povera, quant à eux, combinent philosophie et humour pour faire
prendre conscience du développement extrême de la société de consommation et de la sur-monétisation de l‘art.
Citons l’exemple célèbre de Piero Manzoni avec sa boîte de conserve Merda d’artista (1961), parodie de l’œuvre d’art.
L’excrément qui se vend sur le marché de l’art est associé à un produit de consommation (boîte de conserve, avec
une étiquette qui la nomme) et d’équivalence symbolique à l’or (le cours journalier de celui-ci a fixé le prix de la boîte
de trente grammes.)
Dans le domaine de la vidéo, on peut citer Pierrick Sorin et sa série Pierrick et Jean-Loup (1994), mettant en scène les
aventures banales de deux frêres jumeaux, joués par lui-même. Les deux garçons, en proie à l’ennui, se livrent à des
activités déroutantes, où se mêlent la bêtise, l’absurde et la créativité : par exemple, ils inventent un jeu vidéo où ils
jettent des œufs sur leur propre image pré-enregistrée, avant de ramasser les restes pour en faire une omelette...
Cette série interroge à la fois l’image de la télévision et l’art.
On connaît d’Erwin Wurm ses fameuses One Minute Sculptures (série débutée en 1997) où l’artiste, qui s’intéresse à la
définition de la sculpture, fait poser des personnes, souvent des visiteurs de l’exposition, ou quelquefois lui même,
avec des objets du quotidien dans un rapport d’équilibre tout à fait absurde dans la salle de l’exposition. Erwin
Wurm est aussi connu pour ses oeuvres plus récents qui jouent avec la taille et la perspective des objets quotidiens.
Il critique notre société de consommation avec des voitures et maisons boursoufflées à tel point qu’elles ont une
apparence gauchi et grotesque comme dans la vidéo Fat House (2003) dans laquelle une maison bouffie s’interroge
sur elle-même : “Suis-je de l’art parce que je suis grosse?”
Nous finirons cette présentation succinte de la manière dont les artistes s’emparent de l’humour et de l’absurde dans
leurs oeuvres avec l’artiste, essayiste et historien de la performance, Arnaud Labelle-Rojoux. Truffée d’humour, son
œuvre explore l’art et ses limites dans un registre absurde et poétique, d’une liberté enfantine. Influencé par Marcel
Duchamp, Robert Rauschenberg, Allan Kaprow ou le mouvement Fluxus, Arnaud Labele-Rojoux initie une oeuvre
composite, fondamentalement tournée vers le mot et ses jeux. Plaisir de la couleur, plaisir du bricolage approximatif
et des agencements proliférants, plaisir de manipuler les représentations et les signes, comme il le fait avec les mots,
définissent cependant tout aussi bien le style de ce travail dont on pourrait dire qu’il joue à mettre en scène l’art dans
le champ culturel le plus large. Ainsi, c’est avec une évidente jubilation qu’il puise ses références dans l’anecdote,
l’imagerie convenue, les mythologies communes, le contenu de la mémoire collective. Mais il ne cherche pas à sublimer le réel et ses images, il les décale, les détourne, les place en porte-à-faux, les déstabilise jusqu’à l’inquiétude,
cela toujours avec humour. Comme, par exemple, dans l’image ci-dessous, un accrochage d’oeuvres extrait de la
série Les Murs, particulièrement représentatif de la démarche de l’artiste. Arnaud Labelle-Rojoux réunit sur un même
plan, dans un simulacre d’accrochage XIXème siècle, un foisonnement d’œuvres réalisées à différentes périodes,
peintures, dessins, collages, textes et images. L’artiste les assemble selon un jeu très varié d’associations d’idées qui
conjugue informations triviales et d’érudition. Toutes les œuvres sont de facture extrêmement modeste. Les textes,
aphorismes, slogans et légendes affichent délibérément un comique troupier où le jeu de mot, le calembour, est
maître. Arnaud Labelle-Rojoux détourne, découpe, déstabilise, dédramatise, détonne!
Bibliographie
>> Voici quelques ouvrages qui peuvent vous aider dans la préparation de la visite de l’exposition et à développer certains points abordés dans ce dossier.
Christophe Domino, Burlesque, parodie, idiotie, loufoque : soyons sérieux, Critique d’art n°23, Printemps 2004
Jean-Yves Jouannais, L’idiotie : art, vie, politique-méthode, Paris : Beaux-Arts Magazine, 2003
Arnaud Labelle-Rojoux, L’Art parodic’ : essai excentrique, Cadeilhan : Zulma, 2003
Le Burlesque : une aventure moderne, Art Press, numéro spécial 24, coordonné par Christophe Kihm et Patrice Blouin,
décembre 2003
Figures du loufoque à la fin du XXe siècle : arts et littératures, (sous la dir. de Jean-Pierre Mourey, Jean-Bernard Vray),
Saint-Etienne : Publications de l’université, 2003
Erica Francese, L’humour dans l’art contemporain, Le Journal des Psychologues, n°269, 2009
Jean-Baptiste David, L’humour dans l’art contemporain, mémoire arts visuels (http://jbdavid.fr/img/memoire.pdf )
3ème partie :
Visites et ateliers
autour de l’exposition
POUR LES SCOLAIRES
A chaque exposition, le service éducatif du Parvis imagine en concertation avec des artistes intervenants différents
ateliers de pratiques artistique et d’analyse d’image qui permettent aux élèves d’aborder de manière interactive et
ludique les différents champs de la création contemporaine.
Centrés sur la présence et la pratique de l’artiste ou plus simplement appuyés sur l’histoire de l’art, les formes et les
expressions représentées dans les expositions, ils s’adaptent à toutes les classes d’âges et constituent la base même
d’un apprentissage créatif et convivial !
UNIQUEMENT SUR RENDEZ-VOUS AU : 05 62 90 60 82
OU PAR MAIL : [email protected]
LA VISITE D’EXPOSITION ET SON ATELIER DE CREATION
(primaire cycles 1, 2 et 3 / collège / lycée)
LA VISITE :
La visite d’exposition est conçue par le service éducatif du Parvis selon le niveau des élèves. Elle peut également
être élaborée en amont avec les enseignants en fonction des disciplines dispensées. Ludique et interactive, elle
favorise la prise de parole des élèves avec l’intervention du médiateur. Dans son déroulé, la visite permet ainsi une
découverte et une réflexion devant les œuvres elles-mêmes des processus de création utilisés par les artistes.
L’ATELIER DESSIN : « L’art pariétal»
Pour environner la visite de l’exposition, l’atelier de création, directement inspiré par l’univers des cavernes de Philippe Quesne, vous propose une initiation aux techniques de l’art pariétal. Comment les hommes préhistoriques
faisaient-ils de l’art ? Et pourquoi dans les grottes ? C’est ce les élèves découvriront à travers plusieurs propositions
de création selon les niveaux que ce soit la création d’une grande fresque évolutive réalisée à partir des différentes
techniques de l’art pariétal connues aujourd’hui, la préparation de couleurs selon les méthodes ancestrales ou une
initiation aux traditionnelles pratiques du tatouage.
Cet atelier est encadré par deux étudiantes de l’Ecole Supérieure d’art des Pyrénées de Tarbes, Marion Mounic et
Virginie Cavalier.
Pour réserver votre visite/atelier : séances du mardi au vendredi
séances du matin : de 9h30 à 11h30
séances de l’après-midi : de 14h à 16h
Horaires modulables sur demande.
Contact : 05 62 90 60 82
Les evenements autour de l’EXPOSITION
(primaire/collège/lycée)
>> POUR LES PRIMAIRES
L’ATELIER PHILO : « C’EST QUOI UNE OEUVRES D’ART , » - cycle 3
L’association «les autres philosophes» organise des ateliers de philosophie pour les enfants dans l’esprit des dialogues
socratiques de Platon. Ils initient les enfants au plaisir de penser, d’argumenter, de distinguer des valeurs et de
concevoir des concepts. En partant de la question «C’est quoi une oeuvre d’art ?», les enfants vont s’aventurer dans
une véritable enquête philosophique à travers l’exposition de Philippe Quesne.
Du 4 au 8 avril
>> POUR LES COLLEGES ET LYCEES
LE CAFE ARTISTIQUE AVEC MANU TOPIC : « STONE BALANCING » - collèges et lycées
Le Stone balancing consiste a créer des équilibres éphémères avec des pierres. Véritable art méditatif , c’est aussi un
jeu avec la gravité et les lois de la physique , un partage avec la nature et un incroyable moyen de se ressourcer grâce
à la concentration et la réflexion, pour finir qu’à ne faire plus qu’un avec les pierres… Comme un retour à la grotte
primtive. Manu Topic, qui vit à Esparros, est un fervent et rare pratiquant de Stone Balancing en Europe.
LA RENCONTRE ARTISTIQUE AVEC BERTRAND LAMARCHE : - lycées
Parmi la programmation de vidéos dans l’exposition, il y a celles de l’artiste Bertrand Lamarche qui, à travers Vortex ou
encore Poursuite, nous transporte dans l’imaginaire des sous sols ou de leur formation. Bertrand Lamarche construit
des machines, des maquettes en mouvement, il reproduit en miniature des phénomènes météorologiques, il travaille
avec les énergies et les vibrations à l’élaboration de dispositifs plastiques, scientifiques et mécaniques dont il fera
une présentation illustrée et enlevée aux élèves.
LeS PARCOURS :
L’exposition Welcome to Caveland s’inscrit dans deux parcours :
> «C’est quoi une oeuvre d’art ?» dédié aux élèves de maternelles et de primaire.
> «Fragiles humanités» dédié aux élèves de collèges et de lycées.
Initiés à partir de la programmation artistique du Parvis, les parcours se proposent comme les outils indispensables
pour faire le lien entre les différents langages artistiques soutenus par la scène nationale.
Afin de poursuivre la rélexion des élèves sur ces sujets, voici la sélection des films et des spectacles proposée par
le service éducatif du Parvis. Pour chacun des films et spectacles présentés ci-dessous vous pouvez demander le
dossier pédagogique correspondant auprès de notre service éducatif (voir les contacts à la fin du dossier).
Au cinéma pour les Maternelles et les Primaires : C’est quoi une oeuvre d’art ?
> Linnéa dans le jardin de Monnet (un film d’animation de Christina Björk et Lena Anderson)
Au cinéma pour les Collèges et les Lycées : Fragiles Humanités
> Hope (un film de Boris Lojkine)
> La loi du Marché (un film de Stéphane Brizé)
Au théâtre pour les Maternelles et les Primaires : C’est quoi une oeuvre d’art ?
> Le petit Z (Compagnie La Ricotta)
> Commet ça commence (Benoît Sicca)
Au théâtre pour les Collèges et les Lycées : Croyances et représentations
> Le dernier contingent (Jacques Allaire)
> Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni (Deflorian/Tagliarini)
ET PENDANT LE HORS-TEMPS SCOLAIRE
les groupes ET LES FAMILLES sont accueillis Les mERCREDIS et samedis ET AUSSI PENDANT LES
VACANCES SCOLAIRES - Le matin de 10h à 12h et l’après-midi de 14h à 16h - SUR INSCRIPTION
Les formules visite + atelier sont également proposées aux groupes du hors temps scolaire.
La visite d’exposition et son atelier de création :
Petits et grands découvrent ensemble une exposition et participent conjointement à un atelier de création
originale, expériences irremplaçables pour une approche conviviale des oeuvres d’art.
L’atelier « L’art pariétal» :
Après la visite, un temps sera consacré à l’atelier d’inititation à l’art pariétal encadré alternativement par deux
étudiantes de l’Ecole Supérieure des Arts des Pyrénées de Tarbes. L’occasion pour les petits et les grands de
s‘imprégner de l’esprit de l’exposition à travers une création partagée
- Mercredi 30 mars – 15h/16h30
L’atelier philo «C’est quoi une oeuvre d’art ?» :
L’atelier philo se vit aussi en famille à travers la prospection passionnante et amusante d’une question à laquelle il
est difficile de répondre dès lors qu’on se la pose : «C’est quoi une oevre d’art ?»
- Mercredi 6 avril - 14h30/16h
Condition de visites
L’entrée de l’exposition, la visite commentée et les ateliers sont gratuits pour les groupes scolaires.
Du mardi au samedi de 9h30 à 11h30 et de 14h à 16h.
Les horaires sont modulables sur demande
L’accueil des scolaires se fait uniquement sur rendez-vous : 05 62 90 60 82/ [email protected]
Les visites et les ateliers s’adaptent à chaque niveau scolaire.
Contacts
Le Parvis, centre d’art contemporain :
> Magali Gentet, responsable du centre d’art contemporain et commissaire des expositions
> Catherine Fontaine, chargée de médiation pour les publics
Le service éducatif du Parvis :
> Béatrice Daupagne, secrétaire générale
> Emmanuel Gérard, en charge des ateliers artistiques, de l’option
d’enseignement théâtre et de la coordination des Arts au lycée : 05 62 90 60 38
Pour le spectacle vivant
> Anne Van der Meulen, coordinatrice enfance et jeunesse
05 62 90 60 29 - [email protected]
Pour le cinéma
> Laura Ortuso, chargée de scolaires au cinéma
05 62 90 60 31 - [email protected]
Pour le centre d’art
> Catherine Fontaine, chargée de médiation
05 62 90 60 82 - [email protected]
Relais éducatifs :
> Philippe Caudron, professeur d’arts plastiques au lycée Marie Curie, chargé de mission d’action culturelle au centre d’art
philippe [email protected]
> Yves Brusau, professeur de lettres, chargé de mission théâtre
[email protected]
> Laurent Pradines, Directeur du CDDP
[email protected]
> Christian Sabathié conseiller en arts visuels Inspection Académique 65
[email protected]
> Sylvain Rondi, animateur science Inspection Académique 65
[email protected]
> Jocelyne Pujol, conseillère pédagogique musique Inspection Académique 65
[email protected]
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