
5
prétendait puiser ses dires. Ses minauderies frappaient
l’œil. Il ne s’épuisait guère à raconter, avec éloquence
et ton pontifiant, les histoires des émirs arabes, des
khans persans, des rajahs et des nababs. Il parlait des
Empires du Moghol, de marathe. On l’écoutait
maintes fois radoter : la bataille de Panipat menée par
Baber avec le soutien du Sultan Ibrahim, Shivâjî
Bhonslé qui a dirigé une rébellion contre l’Empire
Moghol, son fils Sambhaji avec les mêmes ambitions,
les neuf années de guerre qui s’achevaient par sa mise
à mort, son frère cadet Rajaram lui succédant et
cherchant à venger la mort de son aîné… Et les
labyrinthes des histoires sinueuses, à contours
estompés et à contenus incertains, s’offraient aux gens
rustiques dans sa boutique ou, chaque jeudi, au
marché, s’il était présent. Et il se targuait d’en
articuler distinctement les mots exotiques.
De son bercail fourmillant présumé, par ouï-dire,
on ignorait tout, il n’en parlait guère, mais ses yeux de
nabab en disaient tant. Lahbib le mystérieux !
– Ce maniaque a sans doute de quoi apaiser sa
soif lors de ses longs voyages, de quoi occuper « ses
ustensiles génitaux » et exempter cette dizaine de
travailleuses noires qu’il charge de lourds et
interminables labeurs aux champs, dirent certaines
gens.
– Il avait des dulcinées partout où sa pouliche
l’emmenait : Alexandrie, la Péninsule arabique, la
Grande Perse, l’Hindoustan, ajoutaient les finauds.