Hématologie et Soins Palliatifs Pr Mauricette Michallet Service d’Hématologie 1G Centre Hospitalier Lyon Sud Problématiques En Onco-Hématologie Les médecins sont face à des situations souvent très complexes (prise en charge, bénéfice/risque, stratégie thérapeutique) Évolution très rapide des connaissances et des possibilités thérapeutiques dans le domaine des traitements et de la greffe Meilleure maîtrise de la toxicité → possibilité de 2éme, 3éme lignes Apparition de molécules innovantes (thérapie ciblée), association de thérapeutique conventionnelle et d’agents innovants Possibilité de traiter des patients plus âgés car amélioration des conditions et du statut des gens âgés Persistance du problème de définir la frontière soins palliatifs/soins curatifs Objectifs de la prise en charge en hématologie 1- Abstention thérapeutique (T0) : Hémopathies indolentes avec stabilité durable sans traitement - Leucémie lymphoïde chronique en stade A - Lymphome de bas grade, indolent - Myélome Stade I - Thrombocytémie essentielle (Plaquettes modérément élevées) Patients âgés avec co-morbidités Objectifs de la prise en charge en hématologie 2- Programmes curatifs plus ou moins intensifs (T1) : Généralement soutenus par des protocoles évalués à large échelle dans des groupes multicentriques Concernant tout type de traitement et incluant la thérapie cellulaire Valables pour la majorité des hémopathies malignes Objectifs de la prise en charge en hématologie 3- Traitement actif de la maladie, sans objectif de guérison (T2) : Destiné à prolonger la survie des patients en prévenant au maximum l’iatrogénicité et en préservant la qualité de vie Concernant: - Les Syndromes Myéloprolifératifs - Les Syndromes Lymphoprolifératifs des sujets âgés - La plupart des Myélomes (sujets de plus de 65 ans) - La plupart des Etats Pré-leucémiques (Myélodysplasies) Objectifs de la prise en charge en hématologie 4- Projet thérapeutique à visée palliative (T3) : Correspond à la définition d’une hémopathie maligne évolutive/stade avancé avec absence de possibilité de thérapeutique active Un certain nombre de facteurs ont été pris en compte: - La situation médicale : (hémopathie au diagnostic ou réfractaire, rechute précoce ou tardive, ligne(s)de traitement) - L’âge du sujet - Facteurs de co-morbidité - L’état général (classification OMS) - Les facteurs pronostiques propres à chaque maladie - Accord du malade et de son entourage, après information de la situation médicale Exemple d’une population prise en charge en hématologie 1363 consécutifs traités et suivis pour une hémopathie maligne enregistrés sur la base de données du service (2000-2012) 732 (54%) Hommes et 631 (46%) Femmes Age médian au diagnostic: 58 ans (18-96) Type de maladie: Leucémie aigue (37%), syndrome myéloprolifératif (20%), myélome (18%), leucémie myéloïde chronique (9%), myélodysplasie (8%), autre hémopathie (8% ) Ils ont tous reçu un traitement de première ligne (T1) Exemple d’une population prise en charge en hématologie Sur 1363 patients: 620 (45%) ont reçu un traitement de deuxième ligne T1 309 (23%) ont reçu un traitement de troisième ligne 133 (10%) ont reçu un traitement de quatrième ligne 54 (4%) ont reçu un traitement de cinquième ligne 22 (2%) ont reçu un traitement de sixième ligne Suivi médian: 38 mois 916 (67%) patients sont encore vivants et en suivi T2 , T 3 Difficultés Difficulté d’accepter la fin des possibilités thérapeutiques: quand on a traité un patient souvent jeune: - avec plusieurs lignes de façon très intensive - avec parfois plusieurs greffes - chez un patient et une famille souvent très demandeurs Difficulté d’une équipe formée et orientée vers des soins intensifs dont le but principal est la curabilité , d’avoir à gérer en même temps des patients en phase curative et des patients en phase palliative Difficulté de prédire l’avenir dans certaines circonstances : tout semblait perdu et la situation progressivement s’améliore sans explication réelle, ce qui permet d’envisager l’avenir Difficulté du choix thérapeutique chez un patient âgé (± co morbidités) Difficultés Difficulté de prendre une décision face à une situation hématologique critique qui entraîne souvent une dissociation entre l’équipe médicale et paramédicale (allogreffe et iatrogénicité) Importance de certaines définitions : - Réanimer ou pas - Décision de prise en charge palliative Réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) Les RCP sont retenues comme indicateur pour l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins Les RCP permettent d’effectuer une analyse du bénéfice risque et de la qualité de vie pour le patient La pluridisciplinarité permet une complémentarité des approches et des compétences tout en préservant les responsabilités individuelles des professionnels Participants : Le médecin référent du patient ainsi que les autres médecins, les soignants, l’assistante sociale et la psychologue, les membres d’équipes mobiles de soins palliatifs et l’équipe de soins de support Cas Clinique T2 - Patiente âgée de 60 ans : vient de Nancy pour un deuxième avis sur une indication potentielle d’allogreffe dans le contexte d’un myélome multiple. - Diagnostic Hématologique : Myélome multiple à chaînes légères Kappa avec 80% de plamocytes dans la moelle, une délétion du chromosome 13 et une bêta 2 microglobuline à 1.2 mg. Echec de la recherche d’une translocation [4;14]. Sur le plan osseux, atteinte de T3, T7 et T12 et atteinte de l’aile iliaque droite - Traitement par radiothérapie et 4 cures de VELCADEDEXAMETHASONE (Ligne1 – T1) puis une première autogreffe avec MELPHALAN à 200mg/m2 réalisée le 07/05/2009, avec obtention d’une réponse complète. - Rechute en septembre 2010, avec réascension des chaînes légères libres et décision d’un nouveau traitement par 4 cures de VRD (Ligne 2 - T2) Cas Clinique T2 - Allogreffe de CSH ? Réfutée à Nancy (pas de donneur familial). Pas de recherche de donneur non apparenté. Deuxième autogreffe avec VELCADE, MELPHALAN à 200 mg/m² (13/01/2011), suivie de deux cycles de RD, puis de REVLIMID seul continué sur 14 cycles avec obtention d’une rémission complète. - Rechute le 19/03/2012 avec réascension des chaînes légères libres Kappa. Le myélogramme objective 83 % de plasmocytes et probable localisation osseuse de l’aile iliaque droite. - Décision d’un traitement par VELCADE-BENDAMUSTINE (Ligne 3 – T2 ou T 3) et DEXAMETHASONE. Echappement après trois cycles de ce type de traitement. - ATU de POMALIDOMIDE avec DEXAMETHASONE (Ligne 4 – T3), trois cycles à pleine dose avec échappement et nouvelle localisation osseuse, notamment vertébrale, nécessitant une cimentoplastie. Cas clinique T2 - Réascension des chaînes légères Kappa à plus de 11 000 mg/l. Il est donc décidé à partir d’octobre 2012 de faire une chimiothérapie de type VBAP (Ligne 5 – T 3) et il est discuté d’une allogreffe à Lyon - Aujourd’hui on revoit la patiente (en excellent état général) pour une l’indication d’allogreffe dans un contexte de myélome en 5ème ligne thérapeutique. - Il a été effectué une recherche de donneurs non apparentés : il a été trouvé une possibilité d’un donneur 9/10 et d’unités de sang placentaire - Patiente et famille très demandeurs Exemple d’une population prise en charge en hématologie 715 patients de LAM Médiane de survie = 3 mois 80 (11%) non traités (T3) Causes: Age, Co-morbidités Treatment choice: - Supportive care: N=28 (6%) - Cytarabine: N=215 (44%) Decitabine: N=242 (50%) Median age= 75 years Response rate: Decitabine > Cytarabine> Supportive care Cas Clinique T3 - Patiente âgée de 32 ans (en bon état général), diagnostic en Juillet 2007 de leucémie aigue myéloblastique avec translocation T (11 ; 19) et réarrangement du gène MLL - Traitée dans le protocole ALFA 98-02 (Ligne 1 - T1), obtention de RC et refus d’allogreffe - Rechute en décembre 2007 rattrapée avec un protocole LYLAMR 95, (Ligne 2 – T1) : obtention d’une deuxième RC - Première allogreffe de CSH après conditionnement conventionnel à partir d’un donneur non apparenté 10/10 le 21-03-2008 - Rechute précoce et 2ème allogreffe de CSH (double cordons) après conditionnement FLAMSA le 9 décembre 2008 (Ligne 3 – T2/T3) Cas Clinique T 3 - Au deuxième mois post allogreffe, la biologie moléculaire était déjà positive avec progression en blastose : Traitement par MYLOTARG (Ligne 4 – T3) sans effet sur la blastose en novembre 2009 - Décision de débuter un traitement par VIDAZA; malheureusement, l’évolution montre la persistance d’une blastose périphérique à 80% au moins avec hyperleucocytose : traitement par PURINETHOL selon la numération mais responsable d’une toxicité hépatique importante - Grâce à un suivi très rapproché, une antibiothérapie adaptée en cas d’infection et surtout un soutien transfusionnel bi-hebdomadaire (plus de 104 CPA, 23 MCP et 42 CGR) Maintien d’une vie normale personelle et surtout familiale à domicile Cas clinique T3 - Le dossier de la patiente a été rediscuté en RCP en octobre 2010 : en considération de l’excellent état général de la patiente, il a été décidé de refaire le point afin de déterminer si on peut avoir recours à de nouveaux traitements chez cette patiente encore très jeune, très demandeuse de traitement , plus de choix de traitement - Novembre 2010, fièvre, découverte d’une aspergillose pulmonaire, patiente transférée en infectieux, complications infectieuses et septicémie à bacille gram - la patiente décède 2 jours plus tard Prise en charge d’un patient palliatif en HDJ d’Hématologie 2 SITUATIONS PRINCIPALES SITUATION RAPIDEMENT ÉVOLUTIVE SITUATION PALLIATIVE DÉJÀ DISCUTÉE EN AMONT (RCP) Situation rapidement évolutive Situation clinique rapidement évolutive, sans alternative thérapeutique (évaluation urgente) Appel du médecin de l’HDJ et demande pour débuter PEC palliative en HDJ Visite conjointe Hémato/USP puis USP du patient seul, ou avec présence de la famille sur sa demande Discussion du dossier Hémato/USP et mise en place d’un suivi conjoint lors des séances d’HDJ si le patient reste ambulatoire Mais… - Compréhension parfois difficile du patient et des accompagnants - Absence de la sérénité nécessaire de la part de l’équipe médicale/paramédicale d’hématologie - Difficulté de mettre en place en « urgence » la prise en charge à domicile Situation palliative déjà discutée en amont (RCP) Situation clinique stable mais absence de thérapeutiques curatives Dossier discuté en RCP (patient en T3) Définition des soins de support ( seuil transfusionnel par ex.) Demande d’intervention de l’équipe de Soins Palliatifs sans urgence, chez un patient parfaitement averti de la situation clinique RDV en Hématologie (soins palliatifs) si demande USP ou patient Possibilité de mise en place du réseau SP à domicile Amélioration de la compréhension et de l’acceptation (patient) Amélioration de l’annonce et de la prise en charge globale (médecin) Meilleure gestion des SP à domicile Diagnosis Median age Conclusions Des situations très spécifiques, complexes et encore de nombreuses questions Un vrai investissement (humain, ethique, économique…) Une vraie collaboration nécessaire et constructive entre 2 spécialités Prévoir très vite un travail collaboratif prospectif innovant