RSB - Mai 2009 7
REGARD SUR LA BIOCHIMIE
Actualités
La théorie de l’évolution : plus importante que
jamais après 150 ans
L’art et la science ont des points communs mais il y existe une
différence, comme l’a très bien mentionné Richard Dawkins1:
les vérités scientifiques finissent toujours par être découver-
tes et leur nature ne change pas en fonction de la personne
qui les a découvertes. En revanche, les œuvres d’art sont fonc-
tion de leur créateur. Ainsi, si Shakespeare n’avait pas existé
Macbeth n’aurait pas été écrit mais si Darwin n’avait pas exis-
té, la théorie de l’évolution aurait tout de même été proposée
sur la base de la sélection naturelle par une autre personne.
Et en fait un autre naturaliste anglais, Alfred Russel Wallace
(1823-1913), l’a postulée presque simultanément.
Quelle est l’importance de la contribution du naturaliste an-
glais Charles Robert Darwin ? Pourquoi le considère-t-on
partout dans le monde comme le père de la théorie de l’évo-
lution et a-t-on fêté le 12 février 2009 avec autant d’enthou-
siasme le bicentenaire de sa naissance à Shrewsbury (Angle-
terre) et les 150 ans de la parution de l’Origine des espèces ? Il
y a en réalité plusieurs aspects à considérer.
Premièrement, la théorie de l’évolution est le principe organi-
sateur central de la biologie et elle donne un cadre conceptuel
pour comprendre la diversité biologique qui nous entoure et
les relations entre les différents organismes et ses caracté-
ristiques. Elle explique pourquoi quelques organismes qui pa-
raissent assez différents sont en réalité proches et pourquoi
d’autres qui paraissent similaires sont en fait distants. Cette
théorie explique aussi l’apparition de l’humanité sur terre et
sa relation avec les autres espèces : tous les organismes de
cette planète font partie d’une seule ligne évolutive. Contrai-
rement à ce que prétendent les créationnistes, et les parti-
sans du dessein intelligent (version du créationnisme soutenu
par les biochimistes Michael Behe et Michael Denton), il n’y
a pas de controverses au niveau des biologistes sur la réalité
de l’évolution. Les différences d’opinion qui existent sont au
niveau de points de détails, comme par exemple l’importance
relative de différents mécanismes d’évolution.
On essaye souvent d’atténuer l’importance de Darwin en di-
sant que ses idées avaient été déjà avancées par quelqu’un
d’autre. Il est vrai qu’au 19ème siècle, l’idée de variation des
espèces n’était pas nouvelle puisque qu’au siècle précédent
divers auteurs, et même son aïeul Erasmus Darwin, l’avaient
suggérée. Dans ce contexte, l’œuvre de Buffon puis celle de
Lamarck ont joué un rôle clef pour chasser l’idée Aristotéli-
cienne de la fixité des espèces.
Néanmoins, une chose est de spéculer qu’il puisse y avoir eu
évolution sur la base de la sélection, comme cela se fait au
niveau de l’agriculture, une autre est d’émettre une hypothèse
reposant sur un grand nombre d’observations diverses puis
de postuler un mécanisme. Ici réside la grande différence en-
tre Darwin et les autres, et même avec Wallace. Ainsi Darwin,
pendant son voyage de cinq années sur le HMS Beagle, avait
collecté beaucoup d’échantillons et fait de nombreuses ob-
servations avec différents types d’animaux et de plantes. De
plus, il avait été en correspondance avec plusieurs naturalis-
tes de différents pays et par conséquent il possédait une très
grande quantité de matériel provenant de tous les coins du
monde. La théorie de la sélection naturelle de Darwin eut
une très longue gestation de plus de deux décennies. Malgré
les conseils de ses amis, le géologue Lyell et le botaniste Hoo-
ker, qui l’ont stimulé pendant des années pour qu’il publie ses
idées avant qu’un autre ne le fasse, Darwin hésitait et essayait
d’accumuler encore plus de preuves, de façon à résoudre les
paradoxes et anticiper les critiques. Il était réfractaire à l’idée
de publier un résumé de ses travaux parce qu’il souhaitait un
texte très élaboré. Pour lui, il était inconcevable de publier un
texte résumé uniquement dans le but d’en avoir la priorité.
Darwin et Wallace sont arrivés à l’idée de sélection naturelle
de façon indépendante et ils symbolisent non seulement une
aptitude scientifique brillante, mais aussi constituent un exem-
ple de coopération scientifique amicale. En juin 1858, Darwin
reçoit un manuscrit de Wallace qu’il devait montrer égale-
ment à Lyell ; ce texte contenait des idées très similaires aux
siennes. Lyell et Hooker suggérèrent que Darwin et Wallace
fassent une communication conjointe à la Société Linnéenne ;
cette communication contenait le manuscrit de Wallace et
des textes antérieurs de Darwin, tels qu’une lettre envoyée
au botaniste Asa Gray des Etats-Unis (1). Wallace a bien ac-
cueilli cette proposition et jusqu’à la fin de sa vie a reconnu le
grand mérite de Darwin.
Charles Darwin (1854) et Alfred Russel Wallace (1848)
Premier arbre d’évolution de Darwin - du First Notebook
on Transmutation of Species (1837) - Museum d’histoire
naturelle de Manhattan
8 RSB - Mai 2009
REGARD SUR LA BIOCHIMIE
C’est seulement l’année suivante, en 1859, que Darwin pu-
blia l’Origine des espèces dans laquelle il développait in extenso
ses idées à propos des variations des espèces et de la sélec-
tion naturelle des variantes plus favorables. Dans cette mo-
nographie qui reste une contribution gigantesque à la biolo-
gie, Darwin décrit, catalogue et compare différentes espèces
des terres lointaines et formule les principes de la théorie
de l’évolution, bien que lui-même n’ait jamais utilisé le mot
« évolution ». Pour lui, en effet, le terme évolution impliquait
le développement d’un programme et les variations des espè-
ces ne suivaient pas un programme. Par la suite, la théorie de
l’évolution s’est enrichie progressivement par les contribu-
tions de nouveaux domaines qui ont émergé, la génétique et
la biologie moléculaire entre autres.
Cent cinquante ans plus tard, les scientifiques devraient s’in-
terroger sur les raisons qui font qu’une fraction significative
de la population des Etats-Unis n’accepte toujours pas l’évo-
lution comme un fait scientifique(2,3). Ce scepticisme gagne
progressivement l’Europe. Il est grand temps de s’en inquiéter.
Les preuves qui sous-tendent la réalité de l’évolution et sa
capacité à expliquer la biodiversité et l’apparition de l’homme
proviennent non seulement des sciences biologiques mais
aussi de recherches en anthropologie, astrophysique, chimie,
géologie, physique, paléontologie, mathématique et éthologie.
Ainsi, sur la base des connaissances des périodes géologiques,
il a été possible d’améliorer grandement le registre fossile
parce que les investigations ont été menées dans les endroits
adéquats. C’est ainsi que Tiktaalik a été trouvé. En dépit de
cette accumulation de preuves, les enquêtes d’opinion indi-
quent que la réalité de l’évolution est encore loin d’être ad-
mise par tous. Ainsi, il est troublant de constater que dans la
patrie de Jefferson et Franklin, dont la rationalité a contribué
à établir la plus grande démocratie du monde, une enquête de
novembre 2008 établissait que moins de 50% des américains
adultes acceptaient l’évolution (3). La situation est moins dra-
matique en Europe mais le problème se pose néanmoins et
c’est le principe de laïcité qui est en jeu. Le grand public est
loin de comprendre la pertinence de l’adage de Dobzhanky :
Rien en biologie n’a de sens, sauf à la lumière de l’évolution.
1- Peretó J. (2008) La lluita per la vida (edited correspondence
of Charles Darwin and Alfred Wallace), PUV (Publicacions de
la Universitat de València), Valence, Espagne.
2- Cornish-Bowden A. & Cárdenas ML. The threat from crea-
tionism to the rational teaching of biology (2007) Biol. Res. 40,
113–122.
3- Padian K. & Matzke N. Darwin , Dover, Intelligent Design
and textbooks (2009) Biochem. J. 417, 29-42.
María Luz Cárdenas (CNRS-IFR88-BIP, Marseille)
Henri-Géry Hers (1923 – 2008)
Le professeur Henri-Géry Hers nous a quittés le 14 décem-
bre 2008. Il est né à Namur en 1923 et il a fait des études de
médecine à l’Université catholique de Louvain et a obtenu
son titre de médecin en 1948. Attiré par la recherche, il ob-
tiendra un mandat du FNRS (Fonds national de la recherche
scientifique) et pourra ainsi travailler à temps plein dans le
Laboratoire de chimie physiologique que Christian de Duve
avait créé à la fin de la guerre. Il sera ainsi le premier collabo-
rateur de de Duve.
Ses travaux portent d’abord sur la glucose-6-phosphatase
hépatique, dont il découvre avec Jacques Berthet et Chris-
tian de Duve qu’elle est associée aux microsomes. C’est pour
l’équipe de de Duve le début d’une série d’études sur le frac-
tionnement cellulaire qui culmineront avec la découverte des
lysosomes et des peroxysomes. Néanmoins, Hers ne continue
pas à développer ce sujet et il se met à étudier le métabolisme
du fructose, qu’il élucide. Il montre que, dans le foie, le méta-
bolisme du fructose se passe principalement par sa phospho-
rylation en position C1 à travers l’action d’une ketohexokina-
se, appelée aussi fructokinase. Cette enzyme possède un Km
pour le fructose beaucoup plus petit que celui des hexokinases.
Contrairement à ce qui était envisagé, la phosphoglucomutase
n’était pas impliquée dans le processus de fragmentation du
fructose, mais c’est bien l’aldolase qui agissait sur le fructo-
se-1-phosphate Hers pathway »). Il élucide également les
étapes permettant la conversion du glucose en fructose par
l’intermédiaire du sorbitol. On devait comprendre plus tard
les implications de cette voie, dite des polyols, dans la genèse
de certaines complications du diabète. Au passage, il propose
la théorie selon laquelle l’ATP est utilisé par les kinases sous
forme d’un complexe avec le magnésium, théorie qui est tel-
lement bien admise actuellement que presque plus personne
ne se souvient que c’est Géry Hers qui l’a proposée et étayée.
Fort de toutes ces trouvailles, Géry Hers soutint en 1957 sa
thèse intitulée Le métabolisme du fructose.
Après sa thèse, il s’intéresse au métabolisme du glycogène
et au réseau d’interactions qui régulent sa synthèse et sa dé-
gradation. Il se met à étudier différents cas de glycogénoses,
c’est-à-dire des maladies congénitales associées au dépôt de
glycogène. Ainsi, il découvre une nouvelle déficience en phos-
phorylase, connue comme maladie de Hers, et surtout en
1963 trouve que la glycogénose type II, ou maladie de Pompe,
est associée à une déficience génétique de l'A-glucosidase,
une enzyme hydrolytique avec un optimum de pH acide. Cet-
te découverte était très surprenante parce que cette enzyme
n’était pas liée au métabolisme du glycogène, et elle a amené
Hers à établir que cette hydrolase acide, qui faisait défaut
dans cette maladie, était un composant normal des lysoso-
mes. Ainsi ses recherches sur le glycogène l’ont conduit à s’in-
téresser à nouveau aux lysosomes, plus de quinze ans après
avoir quitté ce sujet. Ici Hers produit, selon Christian de Duve,
sa contribution scientifique la plus notable. Pour expliquer la
glycogénose type II, il suppose que le problème dérive du fait
que le glycogène internalisé dans les lysosomes par autopha-
gie ne peut pas être dégradé convenablement par suite du
manque d’A-glucosidase; cette hypothèse impliquait que les
dépôts anormaux de glycogène, caractéristiques de la mala-
die, devaient se trouver à l’intérieur des lysosomes, hypothèse
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La théorie de l’évolution : plus importante que
jamais après 150 ans
L’art et la science ont des points communs mais il y existe une
différence, comme l’a très bien mentionné Richard Dawkins1:
les vérités scientifiques finissent toujours par être découver-
tes et leur nature ne change pas en fonction de la personne
qui les a découvertes. En revanche, les œuvres d’art sont fonc-
tion de leur créateur. Ainsi, si Shakespeare n’avait pas existé
Macbeth n’aurait pas été écrit mais si Darwin n’avait pas exis-
té, la théorie de l’évolution aurait tout de même été proposée
sur la base de la sélection naturelle par une autre personne.
Et en fait un autre naturaliste anglais, Alfred Russel Wallace
(1823-1913), l’a postulée presque simultanément.
Quelle est l’importance de la contribution du naturaliste an-
glais Charles Robert Darwin ? Pourquoi le considère-t-on
partout dans le monde comme le père de la théorie de l’évo-
lution et a-t-on fêté le 12 février 2009 avec autant d’enthou-
siasme le bicentenaire de sa naissance à Shrewsbury (Angle-
terre) et les 150 ans de la parution de l’Origine des espèces ? Il
y a en réalité plusieurs aspects à considérer.
Premièrement, la théorie de l’évolution est le principe organi-
sateur central de la biologie et elle donne un cadre conceptuel
pour comprendre la diversité biologique qui nous entoure et
les relations entre les différents organismes et ses caracté-
ristiques. Elle explique pourquoi quelques organismes qui pa-
raissent assez différents sont en réalité proches et pourquoi
d’autres qui paraissent similaires sont en fait distants. Cette
théorie explique aussi l’apparition de l’humanité sur terre et
sa relation avec les autres espèces : tous les organismes de
cette planète font partie d’une seule ligne évolutive. Contrai-
rement à ce que prétendent les créationnistes, et les parti-
sans du dessein intelligent (version du créationnisme soutenu
par les biochimistes Michael Behe et Michael Denton), il n’y
a pas de controverses au niveau des biologistes sur la réalité
de l’évolution. Les différences d’opinion qui existent sont au
niveau de points de détails, comme par exemple l’importance
relative de différents mécanismes d’évolution.
On essaye souvent d’atténuer l’importance de Darwin en di-
sant que ses idées avaient été déjà avancées par quelqu’un
d’autre. Il est vrai qu’au 19ème siècle, l’idée de variation des
espèces n’était pas nouvelle puisque qu’au siècle précédent
divers auteurs, et même son aïeul Erasmus Darwin, l’avaient
suggérée. Dans ce contexte, l’œuvre de Buffon puis celle de
Lamarck ont joué un rôle clef pour chasser l’idée Aristotéli-
cienne de la fixité des espèces.
Néanmoins, une chose est de spéculer qu’il puisse y avoir eu
évolution sur la base de la sélection, comme cela se fait au
niveau de l’agriculture, une autre est d’émettre une hypothèse
reposant sur un grand nombre d’observations diverses puis
de postuler un mécanisme. Ici réside la grande différence en-
tre Darwin et les autres, et même avec Wallace. Ainsi Darwin,
pendant son voyage de cinq années sur le HMS Beagle, avait
collecté beaucoup d’échantillons et fait de nombreuses ob-
servations avec différents types d’animaux et de plantes. De
plus, il avait été en correspondance avec plusieurs naturalis-
tes de différents pays et par conséquent il possédait une très
grande quantité de matériel provenant de tous les coins du
monde. La théorie de la sélection naturelle de Darwin eut
une très longue gestation de plus de deux décennies. Malgré
les conseils de ses amis, le géologue Lyell et le botaniste Hoo-
ker, qui l’ont stimulé pendant des années pour qu’il publie ses
idées avant qu’un autre ne le fasse, Darwin hésitait et essayait
d’accumuler encore plus de preuves, de façon à résoudre les
paradoxes et anticiper les critiques. Il était réfractaire à l’idée
de publier un résumé de ses travaux parce qu’il souhaitait un
texte très élaboré. Pour lui, il était inconcevable de publier un
texte résumé uniquement dans le but d’en avoir la priorité.
Darwin et Wallace sont arrivés à l’idée de sélection naturelle
de façon indépendante et ils symbolisent non seulement une
aptitude scientifique brillante, mais aussi constituent un exem-
ple de coopération scientifique amicale. En juin 1858, Darwin
reçoit un manuscrit de Wallace qu’il devait montrer égale-
ment à Lyell ; ce texte contenait des idées très similaires aux
siennes. Lyell et Hooker suggérèrent que Darwin et Wallace
fassent une communication conjointe à la Société Linnéenne ;
cette communication contenait le manuscrit de Wallace et
des textes antérieurs de Darwin, tels qu’une lettre envoyée
au botaniste Asa Gray des Etats-Unis (1). Wallace a bien ac-
cueilli cette proposition et jusqu’à la fin de sa vie a reconnu le
grand mérite de Darwin.
Charles Darwin (1854) et Alfred Russel Wallace (1848)
Premier arbre d’évolution de Darwin - du First Notebook
on Transmutation of Species (1837) - Museum d’histoire
naturelle de Manhattan
8 RSB - Mai 2009
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C’est seulement l’année suivante, en 1859, que Darwin pu-
blia l’Origine des espèces dans laquelle il développait in extenso
ses idées à propos des variations des espèces et de la sélec-
tion naturelle des variantes plus favorables. Dans cette mo-
nographie qui reste une contribution gigantesque à la biolo-
gie, Darwin décrit, catalogue et compare différentes espèces
des terres lointaines et formule les principes de la théorie
de l’évolution, bien que lui-même n’ait jamais utilisé le mot
« évolution ». Pour lui, en effet, le terme évolution impliquait
le développement d’un programme et les variations des espè-
ces ne suivaient pas un programme. Par la suite, la théorie de
l’évolution s’est enrichie progressivement par les contribu-
tions de nouveaux domaines qui ont émergé, la génétique et
la biologie moléculaire entre autres.
Cent cinquante ans plus tard, les scientifiques devraient s’in-
terroger sur les raisons qui font qu’une fraction significative
de la population des Etats-Unis n’accepte toujours pas l’évo-
lution comme un fait scientifique(2,3). Ce scepticisme gagne
progressivement l’Europe. Il est grand temps de s’en inquiéter.
Les preuves qui sous-tendent la réalité de l’évolution et sa
capacité à expliquer la biodiversité et l’apparition de l’homme
proviennent non seulement des sciences biologiques mais
aussi de recherches en anthropologie, astrophysique, chimie,
géologie, physique, paléontologie, mathématique et éthologie.
Ainsi, sur la base des connaissances des périodes géologiques,
il a été possible d’améliorer grandement le registre fossile
parce que les investigations ont été menées dans les endroits
adéquats. C’est ainsi que Tiktaalik a été trouvé. En dépit de
cette accumulation de preuves, les enquêtes d’opinion indi-
quent que la réalité de l’évolution est encore loin d’être ad-
mise par tous. Ainsi, il est troublant de constater que dans la
patrie de Jefferson et Franklin, dont la rationalité a contribué
à établir la plus grande démocratie du monde, une enquête de
novembre 2008 établissait que moins de 50% des américains
adultes acceptaient l’évolution (3). La situation est moins dra-
matique en Europe mais le problème se pose néanmoins et
c’est le principe de laïcité qui est en jeu. Le grand public est
loin de comprendre la pertinence de l’adage de Dobzhanky :
Rien en biologie n’a de sens, sauf à la lumière de l’évolution.
1- Peretó J. (2008) La lluita per la vida (edited correspondence
of Charles Darwin and Alfred Wallace), PUV (Publicacions de
la Universitat de València), Valence, Espagne.
2- Cornish-Bowden A. & Cárdenas ML. The threat from crea-
tionism to the rational teaching of biology (2007) Biol. Res. 40,
113–122.
3- Padian K. & Matzke N. Darwin , Dover, Intelligent Design
and textbooks (2009) Biochem. J. 417, 29-42.
María Luz Cárdenas (CNRS-IFR88-BIP, Marseille)
Henri-Géry Hers (1923 – 2008)
Le professeur Henri-Géry Hers nous a quittés le 14 décem-
bre 2008. Il est né à Namur en 1923 et il a fait des études de
médecine à l’Université catholique de Louvain et a obtenu
son titre de médecin en 1948. Attiré par la recherche, il ob-
tiendra un mandat du FNRS (Fonds national de la recherche
scientifique) et pourra ainsi travailler à temps plein dans le
Laboratoire de chimie physiologique que Christian de Duve
avait créé à la fin de la guerre. Il sera ainsi le premier collabo-
rateur de de Duve.
Ses travaux portent d’abord sur la glucose-6-phosphatase
hépatique, dont il découvre avec Jacques Berthet et Chris-
tian de Duve qu’elle est associée aux microsomes. C’est pour
l’équipe de de Duve le début d’une série d’études sur le frac-
tionnement cellulaire qui culmineront avec la découverte des
lysosomes et des peroxysomes. Néanmoins, Hers ne continue
pas à développer ce sujet et il se met à étudier le métabolisme
du fructose, qu’il élucide. Il montre que, dans le foie, le méta-
bolisme du fructose se passe principalement par sa phospho-
rylation en position C1 à travers l’action d’une ketohexokina-
se, appelée aussi fructokinase. Cette enzyme possède un Km
pour le fructose beaucoup plus petit que celui des hexokinases.
Contrairement à ce qui était envisagé, la phosphoglucomutase
n’était pas impliquée dans le processus de fragmentation du
fructose, mais c’est bien l’aldolase qui agissait sur le fructo-
se-1-phosphate Hers pathway »). Il élucide également les
étapes permettant la conversion du glucose en fructose par
l’intermédiaire du sorbitol. On devait comprendre plus tard
les implications de cette voie, dite des polyols, dans la genèse
de certaines complications du diabète. Au passage, il propose
la théorie selon laquelle l’ATP est utilisé par les kinases sous
forme d’un complexe avec le magnésium, théorie qui est tel-
lement bien admise actuellement que presque plus personne
ne se souvient que c’est Géry Hers qui l’a proposée et étayée.
Fort de toutes ces trouvailles, Géry Hers soutint en 1957 sa
thèse intitulée Le métabolisme du fructose.
Après sa thèse, il s’intéresse au métabolisme du glycogène
et au réseau d’interactions qui régulent sa synthèse et sa dé-
gradation. Il se met à étudier différents cas de glycogénoses,
c’est-à-dire des maladies congénitales associées au dépôt de
glycogène. Ainsi, il découvre une nouvelle déficience en phos-
phorylase, connue comme maladie de Hers, et surtout en
1963 trouve que la glycogénose type II, ou maladie de Pompe,
est associée à une déficience génétique de l'A-glucosidase,
une enzyme hydrolytique avec un optimum de pH acide. Cet-
te découverte était très surprenante parce que cette enzyme
n’était pas liée au métabolisme du glycogène, et elle a amené
Hers à établir que cette hydrolase acide, qui faisait défaut
dans cette maladie, était un composant normal des lysoso-
mes. Ainsi ses recherches sur le glycogène l’ont conduit à s’in-
téresser à nouveau aux lysosomes, plus de quinze ans après
avoir quitté ce sujet. Ici Hers produit, selon Christian de Duve,
sa contribution scientifique la plus notable. Pour expliquer la
glycogénose type II, il suppose que le problème dérive du fait
que le glycogène internalisé dans les lysosomes par autopha-
gie ne peut pas être dégradé convenablement par suite du
manque d’A-glucosidase; cette hypothèse impliquait que les
dépôts anormaux de glycogène, caractéristiques de la mala-
die, devaient se trouver à l’intérieur des lysosomes, hypothèse
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