13N° 25 - LA LETTRE
ACTUALITÉ
grer l’évolution au sein des programmes de
notre enseignement secondaire.
Dans L’Origine des espèces, Darwin (1809-
1882) traite des deux facettes de l’évolution,
l’une portant l’autre : d’une part la mise en
évidence de son déroulement historique
concret, d’autre part l’élucidation d’un méca-
nisme biologique général sous-jacent à cette
histoire et moteur de celle-ci.
La contribution de Darwin à l’évolution est donc
riche et complexe. Concernant l’existence générale
d’une transformation de la vie au cours des temps
géologiques, il apporte une argumentation immense,
probe, précise et détaillée, mais il a eu dans ce
domaine de nombreux devanciers, plus « vision-
naires » mais moins rigoureux, à commencer par
Lamarck ou Chambers (1802-1871).
En revanche, Darwin est beaucoup plus
original et novateur en apportant (simultané-
ment avec A. R. Wallace 1823-1913) un méca-
nisme biologique plausible, la sélection
naturelle, agissant comme véritable « moteur »
de l’adaptation et du changement évolutif.
En cent cinquante ans de recherches ininter-
rompues depuis L’Origine des espèces, la
connaissance et la compréhension de l’évolution
ont prodigieusement progressé, incorporant tous
les acquis de disciplines encore totalement inexis-
tantes au temps de Darwin, telles que la géné-
tique et la biologie moléculaire, ou les progrès
immenses de domaines encore peu avancés de
son temps, comme la paléontologie. Avec toutes
les nuances, amplifications et précisions appor-
tées par les connaissance nouvelles, les proposi-
tions darwiniennes de base : « sélection
naturelle » et « descendance avec modification »
se sont confirmées comme les fondements
solides de l’évolutionnisme scientifique.
À la suite de Darwin (1859), l’acceptation de
l’évolution, au moins en tant que fait historique
rendant compte de l’histoire à long terme de la
vie sur cette planète a rencontré assez rapide-
ment l’assentiment général du monde savant,
dès les années 1860-1870. Toutefois la réception
de cette notion par la population générale a été
beaucoup plus lente. Elle s’est effectuée aussi à
des vitesses et selon des modalités très différentes
de par le monde, du fait des situations institu-
tionnelles et culturelles, des traditions compor-
tementales et des valeurs religieuses si diverses
qui caractérisent l’humanité. De nos jours
encore, et au mépris des données scientifiques
écrasantes en faveur de l’évolution, des popu-
lations entières vouent une haine implacable à
ce concept, y compris dans des pays porteurs
d’une haute technologie ! Cette dernière n’est
pourtant, elle aussi, que le résultat des méthodes
de la science, dont l’évolution biologique n’est
par ailleurs qu’un autre rejeton !
S’il y a donc encore fort à faire pour faire
connaître et accepter, de par le monde, la simple
idée d’une transformation générale du vivant
(homme compris) dans le long terme des ères
géologiques, la tâche de faire comprendre ce
que l’on sait à l’heure actuelle des mécanismes
biologiques de cette évolution est tout aussi
importante et sans doute encore plus complexe.
À cet égard, les réponses apportées, à la suite de
Darwin, sont désormais d’une richesse, d’une
précision et d’une pertinence de plus en plus
grande. Toutefois, comme l’élucidation de l’his-
toire et des mécanismes de l’évolution se
pratique dans un contexte strictement scienti-
fique, c’est-à-dire dans un cadre où le matéria-
lisme méthodologique est une question de
principe, toutes ces connaissances en viennent
parfois à heurter des sensibilités ou des convic-
tions extra-scientifiques, d’où la difficulté persis-
tante à les intégrer par certains publics, certaines
sociétés, certaines aires culturelles.
Souhaitons donc que les nombreuses manifes-
tations en l’honneur de Darwin en cette année
2009 concourent à « dédiaboliser » l’évolution,
la plus puissante synthèse scientifque dont nous
disposions pour donner mutuellement sens à
tous les aspects de la biologie. ■
Caricature satirique,
couverture de La petite lune,
1880.
Dessin réalisé pour l’almanach de 1882 du journal
satirique britannique Punch
D.R.
D.R.
A. R. Wallace, 1878.
© Maull & Fox.
D.R.