I. LA TRANSPOSITION D'UN MODÈLE URBAIN
AUX ESPACES RURAUX PÉRIURBAINS
Avant de décrire la transposition à effectuer pour passer d’un modèle urbain à un modèle
adapté aux espaces périurbains, il est utile de rappeler en quoi les modèles urbains sont eux-mêmes
héritiers d’une problématique élaborée initialement pour analyser l’espace agricole : les modèles de la
NEU sont en effet dans la filiation directe du modèle radioconcentrique de Von Thünen, l’ensemble
constituant ce qu’on peut appeler le « paradigme thiinenien ». Ce rappel nous permettra de situer notre
analyse par rapport à l’ensemble de ce courant.
1.1. Du modèle agricole de Von Thünen à la Nouvelle Economie Urbaine
Le cadre d’hypothèses simple présenté en introduction est commun à l’ensemble des
modèles de localisation résidentielle qui fondent le courant de la NEU - courant dont Fujita (1989) et
Papageorgiou (1990) ont proposé les formalisations les plus achevées et dont on trouvera des
synthèses dans Derycke (1992 ; 1995) ou Gannon (1994). Ces hypothèses concernant l'espace placent
ce courant théorique dans la filiation directe du modèle de Von Thünen : celui-ci analysait la
localisation des systèmes de production agricole, au sein d’un espace isotrope, par rapport à une ville-
marché qui en constitue le centre, l’éloignement à la ville engendrant des coûts de transport des
denrées agricoles. C'est pourquoi on considère que la NEU fait partie du « paradigme thiinenien »
(Huriot, 1994). Dans les deux cas, dans le cadre d'un modèle radioconcentrique, on cherche à analyser
les variations spatiales de la rente foncière et de l'intensité de l'usage du sol, la principale variable
explicative étant la distance par rapport au centre.
D'autres caractéristiques, comme l’utilisation d’une méthode hypothético-déductive ou
l’hypothèse d’allocation des terres à l’utilisation offrant la plus forte rente, montrent la continuité
existant entre les modèles de la NEU et le modèle thiinenien, mais on discerne également certains
points de rupture (Baumont, Huriot, 1995). En particulier, le passage du modèle thiinenien au modèle
qui fonde la NEU se fait par changement de l'objet d'analyse, puisqu'on passe « des champs à la
ville ». L'espace considéré n'est plus celui qui entoure une ville-marché : on s'intéresse cette fois
uniquement à la structure interne de la ville, le point de référence devenant le centre-ville, autour
duquel les ménages qui y ont un emploi cherchent à se localiser. Comme par un effet de zoom, on se
focalise donc sur ce qui, dans l'analyse de Von Thünen, était considéré comme un point, un espace
sans épaisseur, une boîte noire.
Cette transposition implique naturellement un changement des catégories d'agents
considérées : il ne s'agit plus de la localisation des agriculteurs, mais de celle des résidents1. On peut
cependant montrer que le choix qui est fait, dans les modèles de la NEU, de se placer dans une
optique privilégiant la consommation n'est pas directement exigé par la transposition touchant l'objet
d'analyse, puisqu’on pourrait tout aussi bien analyser la structuration de l’espace résidentiel du point
de vue de la production des logements (Baumont, Huriot, 1995). Un renversement de point de vue
1 Pour l'essentiel, puisque Alonso (1964) considère également d'autres catégories d'agents, dans sa recherche d'un
équilibre spatial général, qui en fait, dans le cadre de la concurrence pure et parfaite, ne peut exister qu’en
l’absence de coûts de transport (Starrett, 1978).
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