Les palais impériaux à Addis-Abeba - Lycée Guébré

Trois ensembles palatiaux impériaux furent construits à Addis-Abeba de 1887 à 1955 : le grand
Guebbi ou palais de Ménélik II reconstruit après l'incendie de 1892 ; l'ancien guebbi du ras Makonnen
réaménagé par son fils, ras Tafari Makonnen, Haïlé Sélassié I à partir de 1930, dans lequel le nouvel
empereur fit construire en quelques mois en 1934 le palais Guenet Leoul ; le palais du Jubilé achevé en 1955
et considérablement transformé au milieu des années 1960, où vécut Haïlé Sélassié I de 1961 à 1974.
L'ancien guebbi du ras Makonnen, situé au nord ouest de Siddist Kilo, est aujourd'hui ouvert au
public, accueillant depuis 1961 l'University College of Addis Ababa, l'actuelle Addis Ababa University, alors
que le palais Guenet Leoul abrite l'Institute of Ethiopian Studies et l'Etnographic Museum dépendant de ce
dernier. Les deux autres ensembles palatiaux sont fermés au public : le Guebbi de Ménélik II, situé sur une
colline au nord du quartier de Casa Incis, abrite actuellement les appartements du Premier ministre de la
République fédérale démocratique d’Éthiopie, ainsi qu'une partie de l’administration ; le palais du Jubilé,
situé en face de l'hôtel Hilton à proximité de l'hôtel Finfine, dans lequel vit le président de la République
fédérale démocratique d’Éthiopie, devait être transformé en musée, mais ne l'est toujours pas, en 2016.1
A gauche : « Cliché Vérascope Richard, Abyssinie – porte intérieur du Guébi, résidence du Négus », 1900-
1910. A droite, photographie de Herbert S. Lewis, Addis-Abeba en 1984. A l'arrière-plan on peut distinguer
les trois toits rouges de l'Aderash ou salle de banquet, élément du Guebbi, aujourd'hui invisible de l'extérieur.
A gauche, « Palais impérial d'Addis-Abeba »2 ou palais Guenet Leoul en 1935, avant les ajouts futurs.
A droite, le palais national ou palais du jubilé. Carte postale (de George Talanos ?) de la deuxième moitié des
années 1950 ou de la première moitié des années 1960 puisque l'extension des années 1960 n'est pas encore
visible.
1 Gwenaëlle Lenoir (texte) et Pascal Maitre (photographies), « Dans le palais du Roi des Rois » dans le mensuel français Géo
numéro 342, août 2007, pages 16 à 30 [« En mai dernier, le gouvernement a donné son feu vert afin qu'un musée soit
prochainement ouvert dans le palais endormi », page 30].
2 La Voix de l’Éthiopie, numéro 2, août 1935, Paris, page 36.
Les palais impériaux à Addis-Abeba.
Alors qu'Addis-Abeba fut fondée en 1886, la colline qui abrite le Guebbi ne commença à être
réellement aménagée qu'à partir de 1889, même si des éléments sont déjà construits dès 1887. Ces premières
constructions furent détruites ou endommagées par un incendie en 1892. De nouveaux bâtiments émergèrent
suite à cet incendie et l'installation devint pérenne après l'abandon en 1902-1903 du projet de faire d'Addis
Alem la nouvelle capitale de l'Empire.
Tous les voyageurs, nombreux à visiter l’Éthiopie après l'éclatante victoire éthiopienne d'Adoua en
1896, furent frappés par l'immensité du Guebbi, isolé de la ville par plusieurs enceintes (2 kilomètres de long
pour 1,5 kilomètre de large3 dans les premières décennies) et par la foule nombreuse qui y vivait et y
travaillait (une ville dans la ville). Aujourd'hui, après de nombreuses « amputations » (l'église Gabriel, le
mausolée de Ménélik II...), le Guebbi couvre une superficie d'une quarantaine d'hectares, ce qui correspond à
peu près à la superficie du terrain de l'Ambassade de France en Éthiopie.
A gauche, grâce aux images satellites, aux photographies anciennes et aux descriptions, voici un plan qu'on
peut faire aujourd'hui de la partie ouest du Guebbi. Parmi tous les bâtiments décrits par les voyageurs, seule
la Saganet ou tour de l'horloge, qui aurait dû se situer entre l'Aderash et la salle du trône, n'existe plus. A
droite, une vue du Guebbi (on peut voir à gauche de la photographie le mausolée de Ménélik II inauguré en
1928 et l'Enqulal bet, le pavillon des prières, au centre de la photographie) : photographie de la toute fin des
années 1920 ou des années 1930.
Des portes, externes ou internes, qui permettaient d'accéder au Guebbi, ou à son cœur...4
3 « The palace grounds, according to Mérab (1921–29, vol. 2, 23f.), then covered a stretch of land two km long by one km and a
half wide, and had a permanent staff of almost 7,000 people, 2,000 in the personal service of the Emperor and his consort ».
Richard Pankhurst, « Gbbi », dans Encyclopaedia Aethiopica, volume 2, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, 2005, page 723. Paul
Merab, Impressions d’Éthiopie, Paris, Leroux, 1921-1929.
4 Felix Rosen, Eine deutsche Gesandtschaft in Abessinien, Leipzig, Veit et Comp, 1907, page 252-253, pour la photographie à
gauche. Paul Gilson, Le Roi des Rois, Denoël et Steele, 1936, page 8, pour la photographie à droite.
Le Guebbi de Ménélik II décrit et photographié par des voyageurs européens,
des années 1890 aux années 1930.
Carte postale du tout début du XXe siècle : « La porte de la reine » ou Itegue ber, une des sept portes du
Guebbi, aujourd'hui détruite5.
Carte postale italienne (« Porta di Addis Abeba ») avec un timbre de la France libre de 1943.
5 « Il y avait sept portes, chacune ayant une utilisation spécifique. La porte de la reine (l'itégué ber), la porte des chariots, la porte
de devant (le fit ber), la porte du trésor, la porte du silo à grain, la porte de Quidus Gabriel et la porte de l'abattoir. » Fasil Giorghis
et Denis Gérard, Addis Ababa, 1886-1941, la ville et son patrimoine architectural, Addis Ababa, Shama Books, 2007, page 54.
Le Guebbi, qui pour certains voyageurs « est un fatras de constructions hétéroclites »6, marqua malgré
tout ces derniers qui décrivirent souvent les mêmes bâtiments : l'Elfigne, ou appartements particuliers de
l'empereur et de l'impératrice ; l'Enqulal bet, ou pavillon des prières, relié à l'Elfigne par une passerelle
aérienne ; l'Aderash, ou salle de banquet capable d'accueillir des milliers de convives à partir de 1897-1898 ;
la Saganet, ou tour de l'horloge, détruite donc ; le Gouoda, ou entrepôt, ou salle des trésors ; la salle du trône
construite dans les années 1920, réaménagée dans les années 1920-1930 avec l'ajout de galeries vitrées...
A priori, après l'incendie de 1892, l'Elfigne fut un des premiers bâtiments à être reconstruit, entre 1892
et 1894, suivi de peu par le « pavillon des prières » ou Enqulal bet (« maison de l’œuf », peut être en rapport
avec la forme du toit) structure à deux puis trois étages qui a servi de poste de garde, de bibliothèque et
surtout de poste d'observation pour Ménélik II.
Alors qu'aujourd'hui d'immenses arbres entourent les bâtiments du Guebbi, il faut se souvenir que le
site de Finfine fut totalement déboisé à la fin du XIXe siècle ce qui explique pourquoi l'empereur voulut créer
une nouvelle capitale dans un nouveau site boisé, à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest, à Addis Alem.
C'est la diffusion à la toute fin du XIXe siècle de l'eucalyptus australien à croissance rapide (ou bahrzaf ou
« arbre venu de la mer ») qui permit de mettre fin à la pénurie de bois et de reboiser la capitale, avant de la
transformer en ville-forêt, en partie détruite par les Italiens de 1936 à 1941 pour mieux lutter contre les
patriotes éthiopiens. C'est donc bien du dernier étage de l'Enqulal bet que Ménélik II pouvait observer à la
longue-vue les différents campements des nobles, et avait marqué la balustrade de ce dernier étage de
nombreuses encoches pour indiquer la direction de ces différents camps.
Photographie à gauche : les appartements du couple impérial, Ménélik II et sa femme Taïtou, ou Elfigne
gauche de la photographie), reliés au pavillon des prières ou Enqulal bet (deux étages, à droite de la
photographie), dans les années18907 . Photographie à droite, les mêmes bâtiments que sur la photographie à
gauche, mais modernisés et clairement de style indien (sachant que les Indiens installés en Éthiopie venaient
de l'empire des Indes, c'est-à-dire d'Inde et surtout du Pakistan actuel), en 1919-19208. A la différence de la
photographie à gauche, l'Enqulal bet (avec trois étages désormais, et son toit caractéristique) est à gauche de
la photographie et l'Elfigne est à droite de la photographie.
Un voyageur français, J.-G. Vanderheym décrit le Guebbi dans son livre édité en 1896. Les tôles ne seront
diffusées à Addis-Abeba que dans la première décennie du XXe siècle, d'où l'utilisation, ici, de tuiles9. Un autre
auteur, britannique, le Comte Gleichen, fait la même description10, tout en précisant que l'Aderash pouvait
accueillir de 600 à 700 invités (ce n'est pas encore l'immense Aderash qui sera construit en 1897-1898). « Le
Guébi, palais impérial, est entouré de plusieurs enceintes en branches, ou de petits murs en pierre et boue.
6 Evelyn Waugh, écrivain et journaliste, fut envoyé en Éthiopie par le journal britannique Times pour « couvrir » le couronnement
impérial en 1930. Dans ses écrits, ses jugements sont assez « acides » à propos de la monarchie éthiopienne. Evelyn Waugh, Hiver
africain, voyage en Éthiopie et au Kenya (1930-1931), Petite Bibliothèque Payot/Voyageurs, Paris, Éditions Payot et Rivages,
2012, page 46.
7 Lincoln de Castro, Nella terra dei Negus, Milan, 1915, volume 1, figure 71.
8 Collection Maurice de Coppet, Helsinki University Library, archive no. 50 selon Richard Pankhurst un des auteurs de
l'Encyclopaedia Aethiopica, collection Institute of Ethiopian Studies selon Fasil Giorghis et Denis Gérard (Addis Ababa, 1886-
1941, la ville et son patrimoine architectural, Addis Ababa, Shama Books, 2007).
9 « By the early twentieth century, Addis Ababa's most visible, and in the area of housing most important, import was corrugated
iron, which was destined to transform the appearance of the city and in due course most other Ethiopian urban settlements. This
roofing material was virtually impossible to transport by mule, but began to be imported after the Jibuti railway reached Dire Dawa
in 1902. » Richard Pankhurst, « Economic change in late nineteenth and early twentieth Century Ethiopia : a period of accelerated
innovation » dans Annales d’Éthiopie. Volume 20, année 2004, pages 195 à 219.
10 Count Gleichen, With the mission to Menelik, London, Edward Arnold, 1897, pages 156 et 157.
Il se compose de plusieurs habitations, dominées par l'Elfigne, demeure particulière du Négous et de
l'impératrice Taïtou.
L'Elfigne qui peut avoir 15 mètres de hauteur, a l'aspect d'une construction arabe : les murs sont
blanchis à la chaux, le toit est recouvert de tuiles rouges bordées de zinc brillant, les portes, fenêtres, balcons et
escaliers extérieurs peints de couleurs voyantes, vert, bleu, jaune et rouge.
Parmi les autres constructions, on remarque l'Adérache ou salle à manger principale, le Saganet ou tour
de l'horloge ; plus loin le Gouoda ou entrepôt : c'est que le Négous passe lui-même la douane lorsqu'il s'agit
de caravane quelque peu importante. En descendant on trouve des ateliers de forgerons, d'ouvriers en métaux,
de charpentiers du palais, les magasins et un grand dépôt, véritable capharnaüm rempli de toutes sortes de
marchandises de rebut, entassées pêle-mêle : vieux fusils, pots de couleurs, vieilles ferrailles, outils hors
d'usage, caisses défoncées, etc. (…).
Le surlendemain de mon arrivée à Addis-Abeba je fus présenté au Négous Ménélik par M. Savouré,
directeur de la Compagnie Franco-Africaine. Dès le matin nous partions pour le palais.
Après avoir traversé quelques cours séparées par des clôtures en branches et avoir fait antichambre
dans l'une d'elles pendant deux bonnes heures assis sur une poutre, je fus introduit auprès de Sa Majesté. (…)
L'Elfigne ne comprend que deux vastes pièces, l'une au rez-de-chaussée, la seconde au premier étage.
Elles sont peu garnies, celles du premier seule est tapissée de papier peint bleu et rouge à grands ramages d'or.
Deux ou trois lustres en verre taillé, un grand lit de repos sous un baldaquin de mousseline, de lourds tapis en
sont le seuls ornements. On accède au premier étage par un escalier extérieur en bois peint de couleurs vives,
donnant sur une véranda qui entoure la maison. C'est de que Ménélik, à l'aide de puissantes longues-vues,
pour lesquelles il a un goût qui touche à la manie, surveille toute la ville.
Le Saganet, ou lieu de justice, est également assez élevé ; une horloge est placée en haut de l'édifice ;
tous les jours, l'affanougous (bouche du roi), grand juge du Choa, y rend la justice ; le Négous assiste aux
procès importants. (…)
Dans l'enceinte du palais se trouvent quelques bâtiments séparés, tels qu'une chapelle et le gouada,
dépôt de tous les trésors de l'empereur, gardés par des eunuques rébarbatifs. s'entassent les habits de Sa
Majesté à côté de harnais du pays, des boucliers garnis d'argent, des vêtements de cérémonie des gens du
palais, des fauteuils en peluche, des couronnes d'or ou d'argent, tandis que dans un coin les cadeaux des
souverains amis du Négous offrent leurs écrins à la poussière : on voit pêle-mêle services de Sèvres bleu de roi,
orfèvrerie en Toula, armes précieuses, à côté de bibles abyssines enluminées, des instruments d'optique et de
chirurgie, de vieilles chaussures éculées, des stéréoscopes avec vues des monuments d'Europe et portraits des
étoiles chorégraphiques des bals de nuit de Paris, des décorations de la couronne d'Italie, etc....
Plus loin et près du Saganet se trouve l'Adérache, vaste hall servant de salle de réception ou de salle à
manger les jours de grands festins, qui se nomment gnébeur, et qui ont lieu deux ou trois fois la semaine. » J.-
G. Vanderheym, Une expédition avec le Négous Ménélik, vingt mois en Abyssinie, Paris, Librairie Hachette et
Cie, 1896, pages 63 à 68, pages 107 et 108, pages 113 et 114.
A gauche, « Reception of the mission by Menelik »11; à droite, « Dinner to the mission in the Aderach »12.
A priori, les Européens étaient accueillis dans le niveau inférieur de l'Elfigne.
11 Count Gleichen, With the mission to Menelik, London, Edward Arnold, 1897, page 131.
12 Robert P. Skinner, Abyssinia of to-day. An account of the first mission sent by the american government to the court of the King
of Kings (1903-1904), New York, Longmans, Green and Co., London : Edward Arnold, 1906, page 114-115.
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