Le Guebbi, qui pour certains voyageurs « est un fatras de constructions hétéroclites »6, marqua malgré
tout ces derniers qui décrivirent souvent les mêmes bâtiments : l'Elfigne, ou appartements particuliers de
l'empereur et de l'impératrice ; l'Enqulal bet, ou pavillon des prières, relié à l'Elfigne par une passerelle
aérienne ; l'Aderash, ou salle de banquet capable d'accueillir des milliers de convives à partir de 1897-1898 ;
la Saganet, ou tour de l'horloge, détruite donc ; le Gouoda, ou entrepôt, ou salle des trésors ; la salle du trône
construite dans les années 1920, réaménagée dans les années 1920-1930 avec l'ajout de galeries vitrées...
A priori, après l'incendie de 1892, l'Elfigne fut un des premiers bâtiments à être reconstruit, entre 1892
et 1894, suivi de peu par le « pavillon des prières » ou Enqulal bet (« maison de l’œuf », peut être en rapport
avec la forme du toit) structure à deux puis trois étages qui a servi de poste de garde, de bibliothèque et
surtout de poste d'observation pour Ménélik II.
Alors qu'aujourd'hui d'immenses arbres entourent les bâtiments du Guebbi, il faut se souvenir que le
site de Finfine fut totalement déboisé à la fin du XIXe siècle ce qui explique pourquoi l'empereur voulut créer
une nouvelle capitale dans un nouveau site boisé, à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest, à Addis Alem.
C'est la diffusion à la toute fin du XIXe siècle de l'eucalyptus australien à croissance rapide (ou bahrzaf ou
« arbre venu de la mer ») qui permit de mettre fin à la pénurie de bois et de reboiser la capitale, avant de la
transformer en ville-forêt, en partie détruite par les Italiens de 1936 à 1941 pour mieux lutter contre les
patriotes éthiopiens. C'est donc bien du dernier étage de l'Enqulal bet que Ménélik II pouvait observer à la
longue-vue les différents campements des nobles, et avait marqué la balustrade de ce dernier étage de
nombreuses encoches pour indiquer la direction de ces différents camps.
Photographie à gauche : les appartements du couple impérial, Ménélik II et sa femme Taïtou, ou Elfigne (à
gauche de la photographie), reliés au pavillon des prières ou Enqulal bet (deux étages, à droite de la
photographie), dans les années18907 . Photographie à droite, les mêmes bâtiments que sur la photographie à
gauche, mais modernisés et clairement de style indien (sachant que les Indiens installés en Éthiopie venaient
de l'empire des Indes, c'est-à-dire d'Inde et surtout du Pakistan actuel), en 1919-19208. A la différence de la
photographie à gauche, l'Enqulal bet (avec trois étages désormais, et son toit caractéristique) est à gauche de
la photographie et l'Elfigne est à droite de la photographie.
Un voyageur français, J.-G. Vanderheym décrit le Guebbi dans son livre édité en 1896. Les tôles ne seront
diffusées à Addis-Abeba que dans la première décennie du XXe siècle, d'où l'utilisation, ici, de tuiles9. Un autre
auteur, britannique, le Comte Gleichen, fait la même description10, tout en précisant que l'Aderash pouvait
accueillir de 600 à 700 invités (ce n'est pas encore l'immense Aderash qui sera construit en 1897-1898). « Le
Guébi, palais impérial, est entouré de plusieurs enceintes en branches, ou de petits murs en pierre et boue.
6 Evelyn Waugh, écrivain et journaliste, fut envoyé en Éthiopie par le journal britannique Times pour « couvrir » le couronnement
impérial en 1930. Dans ses écrits, ses jugements sont assez « acides » à propos de la monarchie éthiopienne. Evelyn Waugh, Hiver
africain, voyage en Éthiopie et au Kenya (1930-1931), Petite Bibliothèque Payot/Voyageurs, Paris, Éditions Payot et Rivages,
2012, page 46.
7 Lincoln de Castro, Nella terra dei Negus, Milan, 1915, volume 1, figure 71.
8 Collection Maurice de Coppet, Helsinki University Library, archive no. 50 selon Richard Pankhurst un des auteurs de
l'Encyclopaedia Aethiopica, collection Institute of Ethiopian Studies selon Fasil Giorghis et Denis Gérard (Addis Ababa, 1886-
1941, la ville et son patrimoine architectural, Addis Ababa, Shama Books, 2007).
9 « By the early twentieth century, Addis Ababa's most visible, and in the area of housing most important, import was corrugated
iron, which was destined to transform the appearance of the city and in due course most other Ethiopian urban settlements. This
roofing material was virtually impossible to transport by mule, but began to be imported after the Jibuti railway reached Dire Dawa
in 1902. » Richard Pankhurst, « Economic change in late nineteenth and early twentieth Century Ethiopia : a period of accelerated
innovation » dans Annales d’Éthiopie. Volume 20, année 2004, pages 195 à 219.
10 Count Gleichen, With the mission to Menelik, London, Edward Arnold, 1897, pages 156 et 157.