Variabilité naturelle des caractéristiques spécifiques des milieux terrestres et marins Nathalie DANIAULT Laboratoire de Physique des Océans 2005 ND (LPO/UBO) 1 REFERENCES et lectures complémentaires Brahic, A., M. Hoffert, A. Schaaf et M. Tardy, Sciences de la terre et de l’univers, Vuibert (Paris), 1999. Gill, A., Atmosphere-Ocean Dynamics, Academic Press, Inc (London), 1982. Holton, J., An introduction to dynamic meteorology, Academic Press, Inc (London), 1979. Houghton, G.J. Jenkins and J.J. Ephraums, Climate Change, Cambridge University Press (New York) , 1990. Jousseaume, S., Climat d’hier et de demain, CNRS Editions, Paris, 1993. Minster, J.F., Les océans, Dominos-Flammarion, 1994. Morel, P., Introduction à la dynamique de l’atmosphère, des océans et du climat, Océanis, Vol 18(3), Institut Océanographique, Paris, 1992. Peixoto, J.P.and A.H. Oort,Physics of climate, American Institute od Physics (New York), 1992. Sadourny, R., Le climat de la terre, Dominos-Flammarion, 1994. 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ND (LPO/UBO) 2 Table des matières 1 Introduction 1.1 L’atmosphère . . . . 1.2 L’hydrosphère . . . 1.3 La cryosphère . . . . 1.4 La lithosphère . . . 1.5 La biosphère . . . . 1.6 La nature du système . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 3 6 8 9 10 10 2 Équations de base de la dynamique des fluides géophysiques 2.1 Conservation de la masse - équation de continuité . . . . . . . . 2.2 Équations du mouvement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.1 Passage aux axes liés à la terre . . . . . . . . . . . . . . 2.2.2 Le terme de pression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.3 Gravité et force centrifuge . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.4 Coriolis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.5 les effets du frottement (friction) . . . . . . . . . . . . . 2.2.6 Les termes non-linéaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.7 Les équations du mouvement dans le repère terrestre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 12 14 14 15 16 17 17 18 19 3 Différentes décompositions de la circulation 3.1 Les équations de l’écoulement moyen . . . . . . . . . . . 3.1.1 Tension de Reynolds et viscosité turbulente . . . 3.1.2 Résolution spatiale et temporelle de la circulation 3.2 Filtrage des équations de base pour l’atmosphère . . . . 3.2.1 Échelles caractéristiques . . . . . . . . . . . . . . 3.2.2 Équation verticale . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2.3 Équilibre géostrophique . . . . . . . . . . . . . . 3.2.4 Moyenne échelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3 Filtrage des équations de base pour l’ océan . . . . . . . 3.4 Les nombres sans dimension . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4.1 Les nombres de Rossby, d’Ekman, de Reynolds . . 3.4.2 Les nombres de Froude, de Burger, de Richardson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 20 21 22 25 26 27 29 30 31 32 32 33 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . climatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Observation de la variabilité du climat 36 4.1 Les programmes de recherche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 4.2 les mesures essentielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 4.2.1 L’atmosphère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 ND (LPO/UBO) 4.3 4.4 4.2.2 L’hydrosphère . . 4.2.3 La cryosphère . . 4.2.4 La lithosphère . . 4.2.5 La biosphère . . . Les mesures par satellites Les perspectives . . . . . . 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 39 39 39 39 41 ND (LPO/UBO) 4 Chapitre 1 Introduction Le système climatique (S) est un système (figure 1.1) formé de cinq composantes majeures: l’atmosphère (A), l’ hydrosphère (H) incluant l’océan (O), la cryosphère (C), la lithosphère (L) et la biosphère (B). Fig. 1.1 – http://www.wmo.ch 1.1 L’atmosphère L’atmosphère de la terre est un film fin de mélange gazeux, distribué uniformément sur toute la surface du globe. Dans la direction verticale plus de 99% de la masse de l’atmosphère est concentrée dans les 30 premiers kilomètres. En comparaison les dimensions horizontales de l’atmosphère sont de l’ordre de 2πR ' 40000km, où R ' 6400km est le rayon terrestre. Cependant, malgré sa masse et son épaisseur relativement faibles, l’atmosphère constitue la composante centrale du climat. ND (LPO/UBO) 5 L’atmosphère peut être divisée en plusieurs couches (figure 1.2) de propriétés différentes (température, stabilité, énergétique). Partant de la surface, les couches principales sont: la troposphère, la stratosphère, la mésosphère et la thermosphère, séparées par des limites appelées pauses (e.g tropopause ...) Fig. 1.2 – Profil vertical de température, tiré de Peixoto and Ort, p15, 1992 La composition de l’atmosphère jusqu’à la mésopause est pratiquement uniforme en teneur en nitrogène, oxygène et autres gaz inertes. Parmi les composantes variables, la teneur en vapeur d’eau est prédominante dans les basses couches de la troposphère, et l’ozone au milieu de la stratosphère. Le dioxyde de carbone est bien mélangé sous la mésopause. La composition de l’atmosphère est en plus compliquée par la présence de diverses substances en suspension telles que l’eau sous forme liquide et solide (nuages), poussières, cendres d’origine volcanique ... Les concentrations de ces aérosols varient dans l’espace et dans le temps. Le temps de réponse de l’atmosphère à un changement imposé est beaucoup plus court que celui des autres composantes du système climatique. Par réponse (ou temps de relaxation) nous entendons le temps qu’il faut pour un système pour trouver un nouvel état d’équilibre après avoir subit une petite perturbation. Le temps de réponse pour l’atmosphère est de l’ordre de quelques jours à quelques semaines (figure 1.3), à cause de sa grande compressibilité, de sa faible chaleur spécifique et de sa faible densité, par rapport aux autres composantes. La troposphère est le siège d’une circulation générale à grande échelle (figures 1.4, 1.5), de mouvements tourbillonnaires aux moyennes latitudes (dépressions, anticyclones) et des mouvements aléatoires, turbulents principalement dans les couches limites (haute et basse). A cause de la gravité, l’atmosphère est un milieu stratifié avec les couches les plus denses à la surface (près du sol) et en équilibre presque hydrostatique selon la verticale. A l’origine, l’ atmosphère est mise en mouvement par l’apport différentiel d’énergie solaire (réchauffement). Ainsi, l’étude des mouvements de l’atmosphère est essentiellement un problème de convection sous influence de la rotation terrestre. C’est un processus complexe parce que les mouvements de l’atmosphère sont influencés par de nombreux facteurs autres que la rotation, ND (LPO/UBO) 6 Fig. 1.3 – Spectre de l’énergie cinétique, tiré de Peixoto and Ort, p16, 1992 comme les conditions inhomogènes de thermodynamique et de mécanique du milieu. Pour comprendre la grande variabilité des processus observés dans l’atmosphère, et montrer l’importance relative des différentes échelles de mouvement rencontrées, il suffit d’observer le spectre d’énergie cinétique pour des périodes allant de la seconde à plusieurs années: la plupart de l’énergie est concentrée dans les basses fréquences, à 100 , vers 10−1 , et entre 10−2 et 10−3 jour−1 . Le premier et le troisième pic sont associés aux cycles diurne et annuel, tandis que le second est associé aux perturbations grandes échelles, transitoires, qui apparaissent aux ND (LPO/UBO) 7 Fig. 1.4 – http://station05.qc.ca/Csrs/Girouette/ Fig. 1.5 – Circulation atmosphérique (http://station05.qc.ca/Csrs/Girouette/) en surface et en altitude moyennes latitudes le long des fronts polaires. Le maximum relatif autour de 103 jours−1 est dû aux mouvements turbulents petites-échelles. 1.2 L’hydrosphère L’hydrosphère est constituée de toute l’eau sous phase liquide distribuée à la surface de la terre. Elle inclue donc les océans, les mers intérieures, les lacs, les rivières, et les eaux souterraines. Les océans jouent de loin le plus grand rôle dans l’étude du climat. Ils couvrent ND (LPO/UBO) 8 approximativement les 2/3 de la surface terrestre: ils absorbent la plupart du rayonnement solaire atteignant la surface du globe. A cause de leur grande masse et de leur chaleur spécifique importante, les océans constituent un réservoir d’énergie énorme. La capacité calorifique de l’eau (' 4000Jkg −1 K −1 , environ 4 fois celle de l’air) fait que l’océan est le régulateur thermique de l’atmosphère: une couche de 2.5m de la surface océanique peut stocker autant de chaleur que la totalité de l’atmosphère: la masse par unité de surface de l’atmosphère est d’environ 104 kg m−2 et puisque l’accélération de la pesanteur est de l’ordre de 10ms−2 le poids de l’atmosphère par unité de surface, ou la pression atmosphérique, est de l’ordre de 105 N m−2 soit 105 P a soit 1bar. La masse volumique de l’eau étant 1000 fois celle de l’air, environ 10m d’océan ont le même poids par unité de surface: la pression augmente d’environ 1bar tous les 10m de profondeur. La chaleur spécifique de l’eau (capacité calorifique par unité de masse) est 4 fois plus importante que celle de l’air ; ainsi 2.5m d’eau ont la même capacité calorifique par unité de surface que toute l’épaisseur de l’atmosphère. En d’autres termes, la chaleur nécessaire pour augmenter de 1K toute l ’atmosphère est identique à celle nécessaire pour augmenter de 1K 2.5m d’océan. A cause de leur inertie thermique, les océans agissent comme un régulateur de température. Comme les océans sont plus denses que l’atmosphère, ils ont aussi une plus grande inertie mécanique, et une stratification plus prononcée. La partie supérieure de l’océan est la plus active ; la couche de mélange de surface a une épaisseur d’une centaine de mètres. La circulation océanique est bien plus lente que la circulation atmosphérique. Elle est formée de grands gyres (tourbillons) où la circulation est quasi-horizontale (figure 1.6), bordés par les grands courants familiers (Gulf Stream, Kuroshio) ; on observe de lents renversements thermohalins par endroits, dus aux variations de densités associées à des variations de température et de salinité. A plus petite échelle, on observe des tourbillons dits méso-échelle, mais la turbulence est bien moins prononcée que dans l’atmosphère. Fig. 1.6 – http://sirius-ci.cst.cnes.fr:8090 Le temps de réponse de l’océan varie dans un large domaine qui va de la seconde à quelques mois dans la couche de mélange (en surface), de la saison à quelques années au niveau de la ther- ND (LPO/UBO) 9 mocline (quelques centaines de mètres de profondeur), à quelques siècles dans l’océan profond. Les courants océaniques transportent l’énergie (chaleur) stockée des régions inter tropicales (excès de rayonnement) vers les pôles (déficit). L’atmosphère et l’océan sont fortement couplés. Les interactions air-mer ont lieu à de nombreuses échelles de temps et d’espace, par échange d’énergie, de matière et de quantité de mouvement, à l’interface océan-atmosphère: les échanges de vapeur d’eau par évaporation vers l’atmosphère entretiennent le cycle hydrologique condensation, précipitation, eaux de ruissellement. D’un autre côté cette évaporation (précipitation) modifie la densité des eaux de surface par augmentation (diminution) de la salinité et diminution (augmentation) de la température. Fig. 1.7 – http://www.pmel.noaa.gov/toga-tao/el-nino A plus grande échelle on peut évoquer le phénomène ”El Niño” (figure 1.7): vers Noël, le courant de Humbolt ne remonte pas jusqu’aux côtes du Pérou, car il est contrecarré dans son évolution par un contre-courant chaud appelé El Niño (du fait de son apparition à cette époque de l’année), s’écoulant de l’équateur vers le pôle. De temps en temps, environ tous les cinq ans, ce courant est plus intense que la normale, il pénètre plus au sud et ses eaux sont exceptionnellement chaudes. Son intensification est accompagnée de pluies très importantes, sur le continent habituellement désertique. Les vents (alizés, dirigés vers le large) faiblissent ou s’annulent, l’upwelling nourricier est masqué par les eaux chaudes pendant plusieurs semaines. Les anchois et les oiseaux marins meurent par millions, la pêche péruvienne connaı̂t une année difficile, mais surtout il se produit des perturbations climatiques (sécheresse ici, cyclones et trombes d’eau là) sur tout le globe. C’est ce qu’on appelle le phénomène “El Niño - oscillation australe”. 1.3 La cryosphère La cryosphère (figure 1.8) englobe toute la masse de neige et de glace de la surface terrestre. Elle représente le plus grand réservoir d’eau douce sur terre, mais son rôle essentiel ND (LPO/UBO) 10 Fig. 1.8 – http://nsidc.org/cryosphere/glance dans le système climatique vient de sa grande réflectivité 1 et de sa faible conductivité thermique. Les changements saisonniers de la couverture neigeuse, et de l’étendue des glaces de mer conduisent à des variations intra-annuelles et parfois inter-annuelles des bilans énergétiques des régions continentales et de la couche mélangée de la surface océanique. En plus de ces variations saisonnières, de grands changements peuvent apparaı̂tre à des périodes beaucoup plus longues (périodes glaciaires). La cryosphère (grande réflectivité et faible conductivité thermique) joue aux hautes latitudes un rôle d’isolant, empêchant les couches sous-jacentes (solide ou liquide) de perdre de la chaleur vers l’atmosphère. Le fort refroidissement des couches atmosphériques de surface les stabilise (plus grande densité), empêchant la convection et entretient donc le climat froid à ces latitudes. La couche continentale de glace varie elle très lentement, et joue un rôle majeur dans le changement climatique mais à des échelles de temps allant de dizaines à des milliers d’années, comme les périodes glaciaires et inter glaciaires observées pendant le Pléistocène (de 1.8 millions à 11000 années en arrière). Une période de glaciation est à l’origine de l’abaissement du niveau des océans, de l’ordre de 100m ou plus, modifiant la forme et l ’étendue des continents. Du fait de sa masse importante et de sa compacité, la couverture glaciaire est animée de mouvements très lents. 1.4 La lithosphère La lithosphère comprend les continents dont la topographie affecte les mouvements de l’air, et le fond des océans. A part la couche de surface active, qui répond rapidement au forçage atmosphérique et océanique, la lithosphère a le temps de réponse le plus lent du système climatique. Sur les échelles de temps considérées, on peut assimiler la lithosphère à un élément 1. une part du rayonnement solaire est réfléchi vers l’espace avant toute absorption: la proportion de rayonnement solaire non absorbée est appelée l’albédo ND (LPO/UBO) 11 permanent du système climatique. Il existe une forte interaction entre la lithosphère et l’atmosphère: transfert de masse, moment cinétique, chaleur sensible et dissipation d’énergie cinétique dans la couche limite de surface atmosphérique. Le transfert de masse se fait essentiellement sous forme de vapeur d’eau, de pluie, de neige, et dans une plus faible mesure, sous forme de poussières et autres particules. les volcans en particulier, rejettent de la matière et de l’énergie (chaleur) dans l’atmosphère, augmentant la turbidité de l’air. Ces particules et les gaz éjectés, se condensent dans la stratosphère et leur effet sur le bilan radiatif atmosphérique, et par suite sur le climat, peut être important. L’humidité du sol a une influence marquée sur le bilan énergétique local, par son action sur le taux d’évaporation, l’albédo de surface, et la conductivité thermique du sol. 1.5 La biosphère La biosphère inclut la végétation, la faune continentale et la flore et la faune des océans. La végétation modifie la rugosité de la surface, son albédo, l’évaporation, le ruissellement des eaux. De plus, la biosphère influence le bilan de dioxyde de carbone dans l’atmosphère et l’océan par photo synthèse et respiration. De façon générale, la biosphère réagit à tout changement climatique, et c’est par la signature de ces changements observée dans les fossiles, les anneaux des arbres, le pollen ... durant les années passées que l’on obtient des informations sur les paléoclimats de la terre. Signalons également l’influence des hommes (qui font partie de la biosphère) sur le système climatique par leurs activités comme l’agriculture, l’industrie, la pollution en général. 1.6 La nature du système climatique Comme nous l’avons vu le système climatique est formé de cinq composantes: S ≡A∪H∪C∪L∪B Tous les sous-systèmes sont ouverts et non-isolés. Le système climatique global est supposé être un système non-isolé du point de vue énergétique, mais isolé du point de vue échange de matière avec l’espace. Les cinq composantes agissent en cascade, liées par des processus physiques complexes impliquant des flux d’énergie, de quantité de mouvement, de matière à travers les frontières, et générant de nombreux mécanismes rétroactifs. Les cinq composantes sont des systèmes thermodynamiques hétérogènes, qui peuvent être caractérisés par leur composition chimique et leurs états mécaniques et thermodynamiques. Certaines variables intensives permettent de définir l’état thermodynamique (température, pression, humidité spécifique, énergie spécifique, densité, salinité ...) tandis que l’état mécanique est défini par d’autres variables intensives qui caractérisent le mouvement (force par unité de masse, vitesse ...). Les échelles de temps pour chacune des composantes sont très variées, même à l’intérieur d’une même composante. Il est alors pratique d’établir une hiérarchie des temps de réponse, en prenant par exemple le temps de réponse le plus court pour pouvoir considérer les autres composantes comme extérieures au système: par exemple, à des échelles de temps allant de l’heure à la semaine l’atmosphère peut être considérée comme la seule composante interne du ND (LPO/UBO) 12 système climatique (S ≡ A),c’est à dire susceptible de le faire varier, les autres étant traitées comme des conditions aux limites (forçage). Le système climatique est sujet à deux forçage extérieurs, qui conditionnent son comportement global: le rayonnement solaire et l’action de la gravitation. Le rayonnement solaire est essentiel car c’est lui qui fournit presque toute son énergie au système climatique. Le rayonnement solaire qui arrive aux confins de l’atmosphère est partiellement transformé sous une autre forme d’énergie (chaleur, quantité de mouvement) qui peut être dissipée par la circulation générale de l’atmosphère et de l’océan, et partiellement utilisée par des processus biologiques et chimiques. A l’intérieur du système climatique l’énergie est répartie sous différentes formes telles que chaleur, énergie potentielle, cinétique, chimique, électromagnétique (rayonnement solaire de courtes longueurs d’ondes, rayonnement terrestre de grandes longueurs d’ondes). Le rayonnement solaire (courtes longueurs d’ondes) est réparti de façon inhomogène à cause de la sphéricité de la terre, du mouvement orbital, et de l’inclinaison de l’axe des pôles par rapport au plan de l’écliptique. Les régions tropicales absorbent plus de rayonnement que les régions polaires. Cependant, en moyenne sur tout le globe, les observations montrent que le système perd la même quantité d’énergie par rayonnement infrarouge (grandes longueurs d’ondes) qu’il n’en gagne par rayonnement solaire. Quand on observe l’écart de température entre l’équateur et les pôles, la diminution de rayonnement terrestre émis aux différentes latitudes est bien moins prononcé que celle du rayonnement solaire absorbé conduisant à un excès d’énergie sous les tropiques et un déficit aux pôles (au delà de 40o ). Cette répartition de puits et de source d’énergie est le moteur de presque tous les processus thermodynamiques, généralement irréversibles, observés dans le système climatique, incluant la circulation générale de l’atmosphère et de l’océan. ND (LPO/UBO) 13 Chapitre 2 Équations de base de la dynamique des fluides géophysiques L’objet de la dynamique des fluides géophysiques est l’étude des écoulements à grande échelle observés sur la terre. Bien que cette discipline englobe les mouvements des fluides sous leur phase liquide (eaux océaniques, magma du manteau terrestre) et gazeuse (air de notre atmosphère ou atmosphères d’autres planètes) une restriction est mise sur l’échelle de ces mouvements: seules les plus grandes échelles des mouvements sont étudiés dans le cadre de la dynamique des fluides géophysiques. par exemple les problèmes relatifs à l’écoulement d’une rivière, la micro turbulence dans les couches supérieures de l’océan, la convection dans les nuages sont traditionnellement considérés comme des sujets spécifiques à l’hydrologie, l’océanographie ou la météorologie respectivement. La dynamique des fluides géophysiques traite exclusivement des mouvements observés dans différents systèmes et différents contextes mais néanmoins gouvernés par une dynamique similaire. Par exemple les larges anticyclones atmosphériques sont dynamiquement les cousins des tourbillons générés par les méandres du Gulf Stream et des tâches rouges de Jupiter. La plupart de ces phénomènes sont l’état final de la grande échelle, où soit la rotation ambiante (de la terre, ou toute autre la planète du Soleil) ou les différences de densité (masses d’air froid ou chaud, eau douce ou salée) ou les deux, sont très importants. Dans cet ordre d’idée, la dynamique des fluides géophysiques inclue la dynamique des fluides stratifiés en milieu tournant. Des problèmes typiques en dynamique des fluides géophysiques traitent de la variabilité de l’atmosphère (temps, climat) de l’océan (ondes, tourbillons, courants) et, plus rarement, des mouvements à l’intérieur de la terre, responsables de l’effet dynamo, des tourbillons observés sur d’autres planètes, de la convection dans les étoiles ... 2.1 Conservation de la masse - équation de continuité Il est facile d’imaginer que dans tout volume, en l’absence de sources ou de puits, tout ce qui entre doit sortir et inversement. C’est ce qu’illustre ces équations de conservation (conservation de masse ou de toute autre propriété telle que salinité, oxygène ...). Considérons un volume élémentaire, fixé dans l’espace, de fluide de densité ρ. La masse de ce volume élémentaire s’écrit m = ρ∆x∆y∆z ND (LPO/UBO) 14 Considérons, pour simplifier, un écoulement uni-directionnel (selon Ox par exemple) à travers ce volume. Le débit massique 1 (flux de masse) s’écrit dans la direction Ox (ce qui entre est positif, ce qui sort est négatif): débit massique entrant: ∆m1 Q1 = = ρ1 u1 ∆y∆z ∆t débit sortant: Q2 = ρ2 u2 ∆y∆z D’où la variation de masse, à l’intérieur du volume élémentaire, par unité de temps: ∆m ∆(ρ∆x∆y∆z) = = ρ1 u1 ∆y∆z − ρ2 u2 ∆y∆z ∆t ∆t Les dimensions du volume fluide étant supposées constantes dans le petit intervalle de temps considéré, il vient: ∆ρ ρ1 u1 − ρ2 u2 = ∆t ∆x Qui peut s’écrire si les dimensions du volume tendent vers l’infiniment petit: ∂ρ ∂(ρu) =− ∂t ∂x Appliquant ce même raisonnement dans les 3 directions, on peut alors écrire l’équation de conservation de la masse (aussi appelée équation de continuité): ∂ρ ∂(ρu) ∂(ρv) ∂(ρw) + + + =0 ∂t ∂x ∂y ∂z ∂ρ + ∇.(ρV~ ) = 0 (2.1) ∂t Une convergence (divergence) doit être compensée par une compression (dilatation) du fluide. La dérivée totale de la masse volumique ρ(x,y,z,t) s’écrit: soit dρ ∂ρ ∂ρ ∂ρ ∂ρ = +u +v +w dt ∂t ∂x ∂y ∂z 1. quantité de masse qui traverse la surface par unité de temps ND (LPO/UBO) 15 En combinant ces deux équations on obtient: ∂u ∂v ∂w dρ +ρ + + dt ∂x ∂y ∂z ! =0 dρ + ρ ∇.V~ = 0 (2.2) dt Pour un fluide incompressible le premier terme est nul et l’équation de continuité pour un fluide incompressible s’écrit: ∂u ∂v ∂w + + = 0 ⇒ ∇.V~ = 0 ∂x ∂y ∂z soit 2.2 Équations du mouvement Les équations du mouvement sont une application de la seconde loi de Newton, ou loi de conservation du mouvement. Elles établissent que, dans un repère galiléen (absolu, fixe), la masse d’un volume élémentaire peut gagner ou perdre de la quantité de mouvement de trois façons: La première est due aux forces de volume, qui agissent directement sur la masse, comme la gravité ; la seconde est due aux forces de surface, agissant sur les frontières, comme les forces de pression, et la troisième aux contacts de masses possédant différentes quantité de mouvement (cisaillement), à la frontière du volume, comme les forces de frottement (friction). i dV~a 1 h~ = FP + F~g + F~f dt m 2.2.1 Passage aux axes liés à la terre L’axe Ox est tangent au parallèle du lieu (positif vers l’est) ; L’axe Oy est tangent au méridien du lieu (positif vers le nord) ; L’axe Oz passe par le centre de la terre. Selon la loi de composition des mouvements, on a entre l’accélération d’un point M quelconque dans un repère d’axes fixes (repère d’inertie) et l’accélération de ce même point M dans ND (LPO/UBO) 16 un repère (mobile) lié à la terre, la relation suivante: ~ × V~r + Ω ~ × (Ω ~ × T~M ) ~γa = ~γr + 2Ω où O est un point fixe à la surface de la terre, pris comme origine du repère terrestre, T est le centre de la terre 2 ; l’indice r concerne le mouvement relatif, l’indice a le mouvement absolu ; ~ est la vitesse angulaire de rotation de la terre autour de l’ axe des pôles ; Ω = 2πrd/86164s = Ω 7.29 10−5 rd/s où 86164s représente la durée d’un jour sidéral. L’équation du mouvement par unité de masse dans le repère terrestre devient: ~γr = 2.2.2 ~r dV dt = ~ × V~r − Ω ~ × (Ω ~ × T~M ) F~P + F~g + F~f − 2Ω ↑ ↑ ↑ ↑ ↑ Pression Gravité Friction Coriolis Centrifuge (2.3) Le terme de pression Un des termes les plus faciles à appréhender dans l’équation du mouvement est certainement celui-ci: une particule se déplacera des hautes vers les basses pressions, et l’accélération est tout simplement proportionnelle au gradient de pression. On peut imaginer une analogie mécanique: une balle roulant sans frottement sur un plan incliné va acquérir une accélération proportionnelle à l’inclinaison du plan (qui équivaut ici au gradient de pression). Considérons un volume élémentaire de fluide de masse volumique ρ et de côtés ∆x, ∆y et ∆z. Soient P1 et P2 les pressions agissant sur les faces opposées, avec P2 > P1 , ou encore P2 = P1 + ∆p. Sur la face 1 la force de pression s’écrit:F1 = P1 ∆x∆z Sur la face 2 la force de pression s’écrit:F2 = P2 ∆x∆z = (P1 + ∆p)∆x∆z La masse du volume fluide est m = ρ∆x∆y ∆z Écrivons la relation fondamentale de la dynamique projetée sur l’axe des y: m dv = F1 − F2 dt ~ × (Ω ~ × T~M ) = Ω ~ × (Ω ~ × T~O) + Ω ~ × (Ω ~ × OM ~ ) représente l’accélération d’entraı̂nement 2. La quantité Ω ~ × (Ω ~ × OM ~ ) la vitesse angulaire Ω ~ étant constante et le d’un point M fixe dans le repère terrestre ~γe = ~γO + Ω ~ vecteur T O de module constant. ND (LPO/UBO) 17 ρ∆x∆y∆z dv = P1 ∆x∆z − (P1 + ∆p)∆x∆z dt après simplification dv 1 ∆p =− dt ρ ∆y Si les dimensions du volume fluide tendent vers l’infiniment petit on peut écrire dv 1 ∂p =− dt ρ ∂y Le signe ” − ” indique bien que si la pression augmente vers la droite (P2 > P1 ), la force est dirigée vers la gauche. La particule est accélérée vers les pressions décroissantes (l’accélération est dirigée des hautes vers les basses pressions, alors que le vecteur gradient est toujours dirigé vers les valeurs croissantes de la fonction). La force du gradient de pression et le gradient de pression sont opposés. Finalement, en posant α = ρ1 , volume spécifique (ou volume de l’unité de masse), la force due au gradient de pression, par unité de masse, s’écrit: F~P = −α∇P 2.2.3 (2.4) Gravité et force centrifuge Fig. 2.1 – Force centrifuge dans le repère terrestre. La loi de l’attraction universelle (F~ = −GMT m/R2 ~u) fournit gf = GMT /R2 ' 9.8ms−2 . L’accélération g utilisée dans le repère terrestre est la somme de gf et de l’accélération centrifuge. g est appelée “pesanteur vulgaire” (direction d’un fil à plomb). g est maximum aux pôles, minimum à l’équateur (variation de 0.5%). L’axe z du repère terrestre est aligné avec ~g . L’axe x est vers l’est, l’axe y vers le nord. La force centrifuge par unité de masse, d’un point à la surface de la terre, projetée sur le repère terrestre s’écrit: F~cent. = Ω2 R cos φ(− sin φ~j + cos φ~k) A l’équateur φ = 0 ⇒ (Ω2 R)max ' (7.29 10−5 )2 6400 103 ' 0.034ms−2 << gf . Finalement, en négligeant la force centrifuge, la force de gravité, par unité de masse, s’écrit: F~g = ~g = −g~k (2.5) ND (LPO/UBO) 2.2.4 18 Coriolis Fig. 2.2 – Force de Coriolis dans le repère terrestre. ~ × V~r projeté sur le repère terrestre donne les 4 termes suivants: Le terme − 2Ω selon Ox: 2Ω sin φ v − 2Ω cos φ w selon Oy: − 2Ω sin φ u selon Oz: + 2Ω cos φ u On pose souvent f = 2Ω sin φ et f 0 = 2Ω cos φ. f est appelé facteur de Coriolis. La force de Coriolis, par unité de masse, s’écrit: Cx = +f v − f 0 w Cy = −f u Cz = +f 0 u 2.2.5 (2.6) les effets du frottement (friction) Soit τxz la contrainte de frottement verticale dans la direction x: τxz = µ ∂u ∂z selon l’hypothèse de Newton qui indique que la force par unité de surface exercée par une couche d’un fluide de viscosité µ sur une couche adjacente est proportionnelle au gradient vertical de vitesse. La tension a la même dimension qu’une pression (force par unité de surface). µ est le coefficient de viscosité moléculaire (dynamique). Isolons un cube de fluide. Supposons que les tranches supérieures aillent plus vite que les tranches inférieures, de telle sorte que u et z croissent en même temps. Si on considère une aire ∆s = ∆x∆y de la surface de séparation, la force tangentielle exercée par la couche supérieure sur la couche inférieure, qui est égale et directement opposée à la force exercée par la couche inférieure sur la couche supérieure, est proportionnelle à ∆s et à τxz . Les flèches en pointillés sur la figure ci-dessus, représentent l’action du cube sur les couches d’eau adjacentes. ND (LPO/UBO) 19 La relation fondamentale de la dynamique appliquée à ce petit cube fluide s’écrit: m d’où du du = ρ∆x∆y∆z = τxz2 ∆x∆y − τxz1 ∆x∆y dt dt du 1 τxz2 − τxz1 1 ∆τxz = = dt ρ ∆z ρ ∆z Si les dimensions du cube tendent vers l’infiniment petit: du 1 ∂τxz 1 ∂ ∂u = = µ dt ρ ∂z ρ ∂z ∂z ! ou encore, puisque µ ne dépend que de la nature du fluide du µ ∂2u = dt ρ ∂z 2 du/dt représente l’accélération d’une particule de fluide sous l’effet du frottement visqueux. Finalement en considérant les faces du cube, et chacune des composantes de tensions, on démontre que le frottement moléculaire s’écrit: ∂2u ∂2u ∂2u frottement en x = ν + + = ν∇2 u ∂x2 ∂y 2 ∂z 2 " # où ν = µ/ρ, appelé viscosité cinématique. La force de Friction, par unité de masse, s’écrit: Fx = ν∇2 u Fy = ν∇2 v Fz = ν∇2 w 2.2.6 (2.7) Les termes non-linéaires Quand on écrit l’équation du mouvement d’une particule fluide dans le repère terrestre, il faut bien imaginer que l’on suit cette particule dans son mouvement. La quantité dtd est une dérivée totale, dite encore dérivée particulaire ou dérivée lagrangienne. Les composantes de la ND (LPO/UBO) 20 vitesse (ou de toute autre grandeur scalaire, liée à la particule) sont des fonctions de l’ espace et du temps: f (t,x(t),y(t),z(t)). ainsi: du = et ∂u ∂u ∂u ∂u dt + dx + dy + dz ∂t ∂x ∂y ∂z du ∂u ∂u ∂u ∂u = +u +v +w dt ∂t ∂x ∂y ∂z du ∂u ~ = + V .∇u dt ∂t On voit apparaı̂tre une dérivée locale ∂u et des termes advectifs V~ .∇u. Les termes advectifs sont ∂t non linéaires: ils peuvent être la cause de l’accroissement des petites perturbations, conduisant à une instabilité. En cela leur action s’oppose à celle des termes de frottement qui contribuent à amortir le mouvement. Le mouvement deviendra turbulent lorsque le rapport “termes non linéaires / frottement” sera suffisamment grand. Soit U une vitesse typique et L une distance typique de variation de la vitesse U: =⇒ u ∂u ∂2u UL /ν 2 ' = Re ∂x ∂x ν où Re est le nombre de Reynolds. On verra par la suite que pratiquement tous les mouvements des fluides géophysiques sont turbulents avec un nombre de Reynolds Re ≥ 105 . 2.2.7 Les équations du mouvement dans le repère terrestre Toute particule d’un fluide géophysique prise à la surface de terre, isolée dans l’espace (on ne parle pas ici des effets d’attraction des autres planètes, qui engendrent les phénomènes de marées) obéira au jeu d’équations suivantes: du dt = ∂u ∂t + u ∂u + v ∂u + w ∂u ∂x ∂y ∂z ∂p = − α ∂x + f v − f0 w + ν∇2 u dv dt = ∂v ∂t ∂v ∂v + u ∂x + v ∂y + w ∂v ∂z ∂p = − α ∂y −f u + ν∇2 v dw dt = ∂w ∂t ∂p + u ∂w + v ∂w + w ∂w = − α ∂z + f0 u ∂x ∂y ∂z − g + ν∇2 w Augmenté de l’équation de la continuité: dρ + ρ ∇.V~ = 0 dt Ces équations permettent de déterminer les quatre inconnues u,v,w,p. u,v,w sont les composantes de la vitesse de la particule dans le repère local x,y,z à la surface de la terre, p est la pression. α = ρ1 est le volume spécifique (volume de l’unité de masse) supposé connu. Dans certains problèmes α peut être considéré comme inconnu, il faudra alors rajouter l’équation d’état du fluide, pour fermer le système. Ω est la vitesse angulaire de rotation de la terre, φ la latitude de lieu, et ν la viscosité cinématique du fluide géophysique ; f = 2Ωsinφ, est le paramètre de Coriolis et f 0 = 2Ωcosφ. ND (LPO/UBO) 21 Chapitre 3 Différentes décompositions de la circulation 3.1 Les équations de l’écoulement moyen Les mouvements des fluides géophysiques sont essentiellement de nature turbulente avec un nombre de Reynolds Re ≥ 105 . L’écoulement étant turbulent, plutôt que de rechercher la vitesse instantanée, on cherche une vitesse lissée dans le temps, c’est à dire moyennée sur une période de temps dépendant du phénomène étudié. Dans le même temps, pour chacune des variables (composantes de la vitesse et pression) on fait la décomposition suivante u = u + u0 , où u est la moyenne et u0 la variabilité autour de u, telle que u0 = 0: u= 1ZT u dt T 0 u0 = 1ZT 0 u dt = 0 T 0 Cette technique a été mise au point par Osborne Reynolds. Établissons pour exemple la moyenne du produit de deux composantes indépendantes u et v: uv = 1ZT 1ZT 1ZT 0 1ZT 0 1ZT 0 0 uv dt = ūv̄ dt + uv dt + u v dt + u v dt T 0 T 0 T 0 T 0 T 0 ainsi uv = ūv̄ + ūv̄ 0 + ū0 v̄ + u0 v 0 mais puisque u0 = v 0 = 0, uv = ūv̄ + u0 v 0 T représente un laps de temps suffisamment long pour que les valeurs moyennes soient indépendantes. On a pour v, w, p ... des définitions analogues. Si u0 = 0 il faut noter que les fluctuations elles-mêmes peuvent être du même ordre de grandeur que u. De plus les fluctuations superposées au vecteur vitesse moyen sont tridimensionnelles, c’est à dire u0 , v 0 , w0 sont toujours présentes même si l’écoulement est mono ou bidimensionnel. On peut montrer que tous les termes linéaires des équations du mouvement gardent, pour l’écoulement moyen, la même forme que pour l’écoulement instantané, par contre les termes advectifs deviennent: ND (LPO/UBO) 22 ∂u0 ∂u0 ∂u0 V~ .∇u = V~ .∇u + u0 + v0 + w0 ∂x ∂y ∂z | {z } termes turbulents Les équations de Reynolds font apparaı̂tre des termes “turbulents”. 3.1.1 Tension de Reynolds et viscosité turbulente On démontre que l’équation de continuité pour un fluide incompressible ∂u ∂v ∂w + + =0 ∂x ∂y ∂z satisfait pour l’écoulement moyen à la forme: ∂u ∂v ∂w + + =0 ∂x ∂y ∂z on en déduit par soustraction (u0 = u − u) que ∂u0 ∂v 0 ∂w0 + + =0 ∂x ∂y ∂z On peut donc écrire les termes turbulents de la façon suivante, sans en changer la valeur: u0 ∂u0 ∂u0 ∂u0 ∂u0 ∂v 0 ∂w0 + v0 + w0 + u0 + + ∂x ∂y ∂z ∂x ∂y ∂z ! = ∂(u0 u0 ) ∂(u0 v 0 ) ∂(u0 w0 ) + + ∂x ∂y ∂z et l’équation de Reynolds pour la composante u s’écrit: du ∂p ∂2u ∂2u ∂2u ∂u0 u0 ∂u0 v 0 ∂u0 w0 = −α + f v − f 0w + ν + + − − − dt ∂x ∂x2 ∂y 2 ∂z 2 ∂x ∂y ∂z " # 2 ∂ pour la viscosité moléculaire, on peut écrire ν ∂∂xu2 = ∂x ν ∂u et ρν ∂u est l’expression de la ∂x ∂x contrainte dans la direction x due aux effets moléculaires. Par analogie on identifie −ρu0 u0 à une contrainte due aux effets turbulents. Ainsi −ρu0 u0 , −ρu0 v 0 . . ., sont appelés tensions de Reynolds. Toujours par analogie, on définit les coefficients de viscosité turbulente par u0 u0 = −Ax ∂u ∂u ∂u ; u0 v 0 = −Ay ; u0 w0 = −Az ∂x ∂y ∂z 0 0 Si on néglige les variations spatiales des coefficients A les termes turbulents tels que ∂(u∂xu ) prennent une forme identique aux termes de frottement moléculaires, qui pourront par la suite être négligés, si le nombre de Reynolds est suffisamment grand. Sous cette hypothèse, les équations du mouvement moyen deviennent: 2 2 2 du dt ∂p = −α ∂x + f v − f 0 w + Ax ∂∂xu2 + Ay ∂∂yu2 + Az ∂∂zu2 dv dt ∂p ∂ v ∂ v ∂ v = −α ∂y − f u + Ax ∂x 2 + Ay ∂y 2 + Az ∂z 2 dw dt ∂p = −α ∂z + f 0 u − g + Ax ∂∂xw2 + Ay ∂∂yw2 + Az ∂∂zw2 2 2 2 2 2 (3.1) 2 ND (LPO/UBO) 23 Contrairement à ν, les A ne sont pas des propriétés du fluide, mais de l’écoulement. Ils varient de place en place, et dépendent de l’échelle de “lissage” choisie. Par exemple, si on étudie la circulation générale stationnaire, V~ représente le vecteur moyen en un point, et les A intègrent la contribution de tous les mouvements non-stationnaires, principalement de la variabilité “moyenne échelle”. 3.1.2 Résolution spatiale et temporelle de la circulation Les champs (scalaires ou vectoriels) qui caractérisent l’état des fluides géophysiques sont très variables à la fois dans l’espace et dans le temps. cependant, le climat est définit par des conditions moyennes, ce qui suggère la décomposition des variables en une valeur moyenne, et l’écart à cette valeur moyenne. Nous avons vu au paragraphe précédent comment définir la moyenne temporelle ( .̄ ) et la déviation à cette moyenne: 1Zτ A= A dt τ 0 La valeur instantanée de A est donnée par A = A + A0 avec bien sûr A0 = 0. Ainsi la moyenne du produit de deux variables A et B est donnée par AB = A B + A0 B 0 . Dans cette expression A0 B 0 est la covariance de A et B dans le temps, et peut s’écrire A0 B 0 = r(A,B)σ(A)σ(B), où r(A,B) est le coefficient de corrélation temporelle et σ l’écart type. Cette méthode peut être étendue aux moyennes spatiales, en particulier dans l’étude de l’atmosphère, où les moyennes zonales peuvent être utiles quand on travaille à l’échelle du globe ; elles fournissent la part symétrique du signal par rapport à l’axe de rotation du globe terrestre. Le principe reste le même. On introduit un opérateur de moyenne zonale [.]: 1 Z 2π [A] = A dλ 2π 0 où λ est la longitude La valeur de A est donnée par A = [A] + A∗ , où A∗ est l’écart à cette moyenne zonale, avec bien sûr [A∗ ] = 0. En combinant les deux décompositions, spatiale et temporelle, il vient: A = [A] + A∗ + [A]0 + A0∗ Le premier terme, [A], représente la partie permanente et symétrique par rapport à l’axe des pôles de la variable ; par exemple, les vents d’est aux latitudes basses et les vents d’ouest aux latitudes moyennes. Le second, A∗ = A − [A], la partie asymétrique permanente du signal ; par exemple pour la variable vent, les moussons, ou les disparités dues aux contrastes thermiques terre-mer. Le troisième, [A]0 = [A] − [A], les fluctuations temporelles de la moyenne spatiale ; Le dernier terme, A0∗ , représente le reste des fluctuations. On regroupe souvent ces deux derniers termes en un A0 = [A]0 + A0∗ global. On y trouvera le signal du aux passages de basses et hautes pressions comme observés sur les cartes météorologiques. ND (LPO/UBO) 24 ND (LPO/UBO) 25 ND (LPO/UBO) 26 On a souvent besoin de connaı̂tre les moyennes temporelles et zonales de quantités de la forme [AB], et comme les deux opérateurs sont permutables, [AB] = [AB]. Considérons d’abord la moyenne zonale: AB = [A][B] + A∗ [B] + [A]B ∗ + A∗ B ∗ ainsi [AB] = [A][B] + [A∗ B ∗ ] Mais [A] = [A] + [A]0 et [B] = [B] + [B]0 , d’où [AB] = [A] [B] + [A][B]0 + [A]0 [B] + [A]0 [B]0 + [A∗ B ∗ ] Et en prenant la moyenne temporelle: [AB] = [A] [B] + [A]0 [B]0 + [A∗ B ∗ ] Observons pour exemple la distribution globale annuelle de l’énergie cinétique (par unité de masse) dans l’atmosphère, moyennée zonalement (figure 3.1): On utilise la décomposition suivante, avec u et v les composantes zonale et méridiennes du vent: u = [u] + u∗ + u0 et [u2 ] = [u]2 + [u∗2 ] + [u02 ] v = [v] + v ∗ + v 0 et [v 2 ] = [v]2 + [v ∗2 ] + [v 02 ] K = KT E + KSE + KM où, = 1 2 h u2 + v 2 KT E = 1 2 h u02 + v 02 K i i KSE = 12 [u∗2 + v ∗2 ] KM = 21 ([u2 ] + [v 2 ]) KT E pour Transient Eddy ( phénomènes transitoires), KSE pour Stationnary Eddy ( phénomènes stationnaires), KM pour Mean (moyenne), K représentant l’énergie cinétique totale par unité de masse. On observe des distributions identiques dans les deux hémisphères. Les deux maxima à 200hP a correspondant aux jets subtropicaux. Il est évident que KT E et KM sont les deux termes prépondérants, les phénomènes stationnaires n’intervenant que dans l’hémisphère nord et pour une faible part. les maxima observés dans KT E correspondent aux méandres journaliers et saisonniers des jets polaires et subtropicaux, et au décalage saisonnier du jet subtropical. 3.2 Filtrage des équations de base pour l’atmosphère Les équations du mouvement peuvent être filtrées, afin d’exclure certains phénomènes qui sont peu importants suivant les échelles étudiées. Par exemple, la propagation des ondes sonores peut être négligée lorsqu’on étudie la grande échelle ; la dimension verticale étant très faible devant les dimensions horizontales, on pourra souvent faire l’hypothèse d’un équilibre hydrostatique ... Pour mettre en évidence les termes importants des équations du mouvement on utilise la technique de l’analyse des échelles pour estimer les ordres de grandeur de chacun des termes. Elle est basée sur une analyse dimensionnelle et sur un choix adéquate des valeurs caractéristiques des échelles de longueur, de hauteur (profondeur), de temps ... ND (LPO/UBO) 27 Fig. 3.1 – tiré de Peixoto and Ort, p164, 1992 3.2.1 Échelles caractéristiques Les échelles caractéristiques des mouvements grande échelle dans l’atmosphère sont les suivantes: horizontale L ' 106 m ; verticale H ' 104 m ; vitesses horizontales U ' 10ms−1 ; vitesses verticales W ' 10−1 ms−1 ; pression horizontale ∆ph ' 103 P a(10 mbar) ; pression verticale ∆pv ' 105 P a(1000 mbar) ; temps T = L/U ' 105 s ; paramètre de Coriolis f = 2Ωsinφ ' 10−4 s−1 aux moyennes latitudes Les différents termes des l’équations du mouvement ont alors les ordres de grandeur suivants: du dv , dt dt dw dt ! ! ∼ ∼ U2 = 10−4 ms−2 ; L UW = 10−6 ms−2 ; L (f U,f V ) ∼ 10−3 ms−2 ; (f 0 W ) ∼ 10−5 ms−2 ; 1 ∂P 1 ∂P , ρ ∂x ρ ∂y ! ∼ 10−3 ms−2 ; ND (LPO/UBO) 28 1 ∂P ρ ∂z ! ∼ 10ms−2 ; (Fx ,Fy ) ∼ 10−4 ms−2 à 10−5 ms−2 ; (Fz ) ∼ 10−6 ms−2 à 10−7 ms−2 ; (g) ∼ 10ms−2 3.2.2 Équation verticale Le filtrage de l’équation du mouvement vertical conduit immédiatement à un équilibre entre le gradient vertical de pression et la gravité: ∂p = −ρg ∂z qui est la condition de l’équilibre hydrostatique. Dans les problèmes de turbulence à petites échelles, de convection ou de phénomènes à moyennes échelles, les vitesses verticales peuvent être du même ordre de grandeur que les vitesses horizontales, et les conditions de l’équilibre hydrostatique ne sont alors plus respectées. Cependant ces phénomènes sont de durées assez courtes et locaux. Approximation de Boussinesq Dans la plupart des fluides géophysiques, la densité (masse volumique) varie, mais faiblement, autour d’une valeur moyenne. par exemple, pour l’océan, la densité moyenne est de l’ordre de 1028kgm−3 et les variations n’excèdent pas 3kgm−3 , soit une variation relative inférieure à 3%. Pour l’atmosphère, qui se raréfie avec l’altitude, la densité par contre varie d’une valeur maximale au sol, à pratiquement 0 à des altitudes très élevées, soit une variation relative de 100%. Cependant les mouvements atmosphériques sont confinés dans la troposphère (10 premiers kilomètres) où les variations de densité, responsables des vents, n’excèdent pas 5%. Du fait que les variations de densité sont faibles par rapport à la densité moyenne, on décompose la pression et la masse volumique de la façon suivante: p = p0 (z) + p0 (x,y,z,t) ; ρ = ρ0 + ρ0 (x,y,z,t) Où ρ0 est une constante, et p0 (z) = P0 − ρ0 gz. Les quantités “primées” l’écart à ces valeurs. L’équation de continuité devient: ρ0 ( ∂u ∂v ∂w ∂u ∂v ∂w ∂ρ0 ∂ρ0 ∂ρ0 ∂ρ0 + + ) + ρ0 ( + + )+( +u +v +w )=0 ∂x ∂y ∂z ∂x ∂y ∂z ∂t ∂x ∂y ∂z L’étude des écoulements géophysiques montre que les variations de densité dans le temps et dans l’espace sont plus faibles ou éventuellement du même ordre de grandeur que les variations du champ de vitesse. Ainsi, le troisième groupe de termes est au pire du même ordre de grandeur que le deuxième groupe, qui lui est bien inférieur au premier puisque ρ0 ρ0 . Dans l’approximation de Boussinesq seul le premier groupe de termes est conservé et l’équation de la continuité se réduit à: ∂u ∂v ∂w + + =0 ∂x ∂y ∂z ND (LPO/UBO) 29 Dans cette approximation, l’équation de conservation de la masse se réduit à la conservation du volume. Ce qui revient à considérer le fluide incompressible. ~ En fait dans l’équation de conservation de la masse ρ1 dρ dt + ∇.V = 0 le premier terme représente le taux de variation de densité suivant une particule fluide. Un fluide est dit incompressible si sa densité ne change pas avec la pression. Les liquides sont pratiquement incompressibles. Bien que les gaz le soient, pour des vitesses inférieures à 100ms−1 le changement de pression absolue dans l’écoulement est faible. En cela les changements de densité dans l’écoulement sont faibles. L’approximation de Boussinesq consiste donc à dire que le terme ρ1 dρ dt ~ est négligeable devant le gradient de vitesses ∇.V Regardons comment intervient cette approximation dans l’équation du mouvement projetée sur la verticale : dw 1 ∂p =− − g + Fz dt ρ ∂z p = p0 (z) + p0 (x,y,z,t) p0 (z) = P0 − ρ0 gz avec D’autre part 1 1 1 1 1 ρ0 = 0 = ' 1 − 0 ρ ρ + ρ0 ρ0 1 + ρρ ρ0 ρ0 0 ∂p − ρ1 ∂z = − ρ10 (1 − ρ0 0 )( ∂p ρ0 ∂z 0 = − ρ10 [ ∂p + ∂z ∂p0 ∂z = − ρ10 [−ρ0 g + − + ∂p0 ) ∂z ρ0 ∂p0 ρ0 ∂z − ∂p0 ∂z + ρ0 ρg ρ0 0 + ρ0 ∂p0 ρ20 ∂z =g− 1 ∂p0 ρ0 ∂z − ρ0 g ρ0 'g− 1 ∂p0 ρ0 ∂z − ρ0 g ρ0 ! ρ0 ∂p0 ] ρ0 ∂z − ρ0 ∂p0 ] ρ0 ∂z L’équation verticale du mouvement devient donc: dw 1 ∂p0 ρ0 1 ∂p0 ρ0 =g− − g − g + Fz = − − g + Fz dt ρ0 ∂z ρ0 ρ0 ∂z ρ0 Les équations du mouvement dans l’approximation de Boussinesq s’écriront donc: du dt = − 1 ∂p0 ρ0 ∂x + f v − f 0w + Fx dv dt = − 1 ∂p0 ρ0 ∂y − fu + Fy dw dt = − 1 ∂p0 ρ0 ∂z +f 0 u − ρ0 g ρ0 + Fz En résumé, l’approximation de Boussinesq permet de remplacer la densité exacte par sa valeur de référence ρ0 partout sauf dans le terme de l’accélération de la pesanteur. Dans les termes de pression ne restent plus également que la part p0 due à ρ0 , puisque p0 (z) ne dépend que de z. Cette part p0 est appelée pression dynamique, car c’est le principal moteur de l’écoulement. ND (LPO/UBO) 30 Terme de flottabilité, fréquence de flottabilité (Brünt Vaı̈sala) 0 Le terme σ = − ρρ0 g qui apparaı̂t dans l’équation selon la verticale est appelé terme de flottabilité, positif pour un élément de fluide moins dense que son environnement. La quantité N , fréquence de flottabilité, ou fréquence de Brünt Vaı̈sala est définie comme suit: N2 = dσ g dρ =− dz ρ0 dz C’est la fréquence des oscillations d’un élément de fluide déplacé verticalement de sa position d’équilibre, si le milieu est stable ( dρ < 0). N est d’autant plus grande que le gradient vertical dz de densité est important. Elle quantifie la stratification. Considérons un fluide de densité (potentielle) ρ = ρ(z). Déplaçons un élément de fluide élémentaire de z à z + ξ. Il est environné par un fluide de densité ρ(z) + ξ dρ et donc soumis à dz 2 dρ une force de rappel gξ dz , à l’origine d’une accélération verticale par unité de volume ρ ddt2ξ . La seconde loi de Newton s’écrit: d2 ξ dρ d2 ξ g dρ d2 ξ ρ 2 = gξ =⇒ 2 + − ξ = 0 =⇒ 2 + N 2 ξ = 0 dt dz dt ρ dz dt ! Dans l’approximation de Boussinesq on retrouve bien N2 = − 3.2.3 g dρ ρ0 dz Équilibre géostrophique En gardant seulement les termes d’ordre supérieur ou égal à 10−3 ms−2 dans les équations horizontales seuls les termes du gradient de pression horizontal et la composante horizontale de la force de Coriolis subsistent ; c’est l’équilibre géostrophique: 1~ k ∧ ∇p V~g = ρf Les solutions de l’équilibre géostrophique montrent (figure 3.2) que le vent souffle parallèlement aux isobares, avec les hautes pressions sur la droite dans l’hémisphère nord, sur la gauche dans l’hémisphère sud. ND (LPO/UBO) 31 Fig. 3.2 – http://www.ifremer.fr/lpo/vulgarisation/ocean ; http://ekman.sr.unh.edu/course/intropo L’approximation géostrophique s’applique lorsque l’accélération est bien plus petite que le terme de Coriolis. La quantité sans-dimension R0 ' dv /f u ' U/f L, appelée nombre de Rossby, dt fournit un critère pour la validité de cette approximation: dans l’atmosphère R0 ' 10−1 , dans l’océan R0 ' 10−3 . Dans les équations horizontales du mouvement u et v peuvent être décomposées en une somme de deux termes, géostrophiques et agéostrophiques: ug + uag et vg + vag . Bien sur, l’approximation géostrophique ne tient pas près de l’équateur, là où f devient très petit. Elle ne tient pas non plus à la surface de la terre, là où le frottement est important et doit être pris en compte. Elle n’est pas valable également dans les problèmes de petites échelles, là où la force de Coriolis n’a pas le temps d’agir. Les couches limites Quand le vent souffle à la surface de la terre, une tension s’exerce sur cette surface, qu’elle soit solide ou liquide. Cette tension représente une force de freinage (frottement) de grande importance pour l’atmosphère, et une force motrice de grande importance pour l’océan. En réalité, les grands systèmes de courants océaniques sont induits par le vent. Les épaisseurs des couches, dans lesquelles ces phénomènes de frottement sont sensibles, sont relativement faibles. Ce sont les couches limites (figure 3.3). Dans ces couches, lorsque le vent reste constant, un équilibre s’établit entre la force de tension du vent (motrice), la force de frottement (freinage) et la force de Coriolis: Cette configuration est à l’origine d’un transport, appelé transport d’Ekman, qui est un des moteurs de la circulation à l’intérieur de l’océan. 3.2.4 Moyenne échelle En gardant les termes d’ordre supérieur ou égal à 10−4 ms−2 dans les équations horizontales on obtient: ND (LPO/UBO) 32 Fig. 3.3 – Illustration de la théorie d’Ekman du dt dv dt =− =− 1 ρ0 1 ρ0 ∂p ∂x ∂p ∂y + f v + Fx − f u + Fy Si on veut étudier la circulation à échelles globales, avec des échelles de longueur de l’ordre du rayon de la terre, comme les ondes quasi-stationnaires, les cellules de circulation méridienne (Hadley, Ferrel), on doit alors travailler dans un repère sphérique, et quelques termes métriques devront être conservés. Ces équations sont plus générales que les équations géostrophiques puisqu’elles inclues accélérations et frottement. Ce sont des équations dites prognostiques (elles contiennent des dérivées par rapport au temps). Les équations géostrophiques sont dites diagnostiques (pas de dérivées par rapport au temps). 3.3 Filtrage des équations de base pour l’ océan Pour la circulation océanique à grande échelle nous avons les grandeurs caractéristiques suivantes: horizontale L ' 106 m ; verticale H ' 4 × 103 m ; vitesses horizontales U ' 10−1 ms−1 ; vitesses verticales W ' 10−4 ms−1 ; pression horizontale ∆ph ' 103 P a(10 mbar) ; pression verticale ∆pv ' 107 P a(105 mbar) ; temps T = L/U ' 107 s ; paramètre de Coriolis f = 2Ωsinφ ' 10−4 s−1 aux moyennes latitudes Le nombre de Rossby R0 = U/f L ' 10−3 . On utilise la même méthode pour filtrer les équations que pour l’atmosphère. Les résultats sont identiques: du dt = f v + Fx dv dt = −f u + Fy ND (LPO/UBO) 33 avec 3.4 1 ∂τzx ∂ ∂u Fx ' − ' Az ρ ∂z ∂z ∂z ! 1 ∂τzy ∂ ∂v Fy ' − ' Az ρ ∂z ∂z ∂z ! Les nombres sans dimension En utilisant les échelles caractéristiques L, H, U , W , et T les nombres sans dimension permettent de mettre en évidence les équilibres physiques mis en jeu dans les problèmes étudiés, suivant les échelles de temps et d’espace choisis. Ils apparaissent également dans les techniques d’adimensionnalisation, fréquemment utilisées dans les modèles numériques, qui consistent à écrire chaque variable sous la forme f = F f˜ où 3.4.1 ( F = ordre de grandeur f˜ = O(1), quantité adimensionnalisée Les nombres de Rossby, d’Ekman, de Reynolds Écrivons les équations (dans l’approximation de Boussinesq) et leurs ordres de grandeur associés: • L’équation de continuité (conservation de la masse) ∂u + ∂x ∂v + ∂y ∂w ∂z U L U L W H =0 (3.2) Elle permet, dans ce contexte d’analyse des ordre de grandeurs, de vérifier que, en considérant L >> H alors W << U : les trois nombres sans dimension définis par la suite, le sont à partir des équations du mouvement horizontal. • Les équations horizontales, sur le plan tangent s’écrivent 2 2 2 2 2 2 ν LU2 ν LU2 ∂u + ∂t u ∂u + v ∂u + w ∂u − f v+ f 0 w = − ∂x ∂y ∂z 1 ∂p + ρ0 ∂x ν ∂∂xu2 + ν ∂∂yu2 + ν ∂∂zu2 ∂v + ∂t ∂v ∂v u ∂x + v ∂y + w ∂v + fu ∂z 1 ∂p + ρ0 ∂y ∂ v ∂ v ν ∂x ν ∂y ν ∂∂zv2 2+ 2+ U T U2 L P ρ0 L U2 L WU H fU =− fW (3.3) ν HU2 Par définition, la dynamique des fluides géophysiques traite des mouvements dans lesquels la rotation est un facteur important. Le terme f U est donc le terme central. Une division par f U , pour mesurer l’importance des autres termes par rapport au terme de Coriolis, fait apparaı̂tre les nombres sans dimension suivants: 1 fT U fL U fL (1) (2) (3) WL U UH fL 1 P ρ0 Lf U ν f L2 ν f L2 ν f H2 (4) (5) (6) (7) (8) (9) ND (LPO/UBO) 34 o Le nombre sans dimension (1), R0T = f1T est appelé Nombre de Rossby Temporel. Il compare l’échelle temporelle de la variation de vitesse à la force de Coriolis. Avec T ' UL il est en fait équivalent aux nombres sans dimension (2) et (3) soit fUL o Le nombre suivant commun à (2) et (3), R0 = fUL est appelé Nombre de Rossby. Il compare l’advection à la force de Coriolis. Il est d’autant plus petit que la rotation est importante dans le problème traité. L o Le nombre sans dimension (4), est le produit R0 W (pour arriver à cette expression on a UH L multiplié haut et bas par L). Il est de l’ordre de R0 quand W est de l’ordre de 1 selon UH l’équation de continuité. o Les nombres (7), (8) et (9), qui mesurent l’importance du frottement Ek1 = f Lν 2 et Ek2 = ν sont appelés Nombres d’Ekman. En se rappelant que L >> H pour la plupart des f H2 problèmes géophysiques, en fait Ek1 << Ek2 , et le nombre d’Ekman ne concerne que le transfert de quantité de mouvement selon la verticale: Ek = Ek2 = f Hν 2 . Ce nombre est très petit, mais ce terme a une très grande importance dans les couches limites des fluides géophysiques. P o Le nombre sans dimension (6), ρ0 Lf , mesure l’importance des forces du gradient de presU sion à la force de Coriolis. S’il est de l’ordre de 1 (cas des écoulements géostrophiques ou quasi géostrophiques) , il permet d’avoir un ordre de grandeur de la pression dynamique: P = ρ0 Lf U . o On fait apparaı̂tre un dernier nombre sans dimension important en mécanique des fluides en comparant R0 et Ek . Re = UL U f H 2 L2 R0 = = ν f L ν H2 Ek L H 2 C’est le nombre de Reynolds, qui en milieu non tournant, compare les termes d’advection, amplificateurs de la turbulence, au terme de frottement, qui a l’inverse modèrent la turbulence: u ∂u UL Re = ∂∂x 2u ≡ ν ν ∂x2 Dès que ce nombre dépasse quelques milliers, l’écoulement est turbulent ; la plupart des écoulements géophysiques sont turbulents, et on doit alors introduire (cf §3.1.1) les termes de viscosité turbulente, face auxquels la viscosité moléculaire devient négligeable . 3.4.2 Les nombres de Froude, de Burger, de Richardson Avec les définitions suivantes: N 2 = − ρg0 dρ fréquence de flottabilité dz f = 2Ωsinφ facteur de Coriolis RD = NH f Rayon interne de déformation La fréquence de flottabilité N représente la fréquence (pulsation) à laquelle va osciller une particule déplacée de son niveau d’équilibre dans un milieu stratifié. ND (LPO/UBO) 35 Le facteur de Coriolis f représente la vitesse de rotation du plan tangent à la sphère terrestre, à la latitude considérée. √ Le rayon interne de déformation RD s’exprime aussi sous la forme RD = g 0 H/f , où g 0 est appelé gravité réduite: g 0 = g∆ρ/ρ0 . RD représente la distance sur laquelle une anomalie gravitationnelle est équilibrée par la force de Coriolis. En surface on parle de rayon externe de déformation et on remplace g 0 par g. Le nombre de Froude L U = R0 NH RD le nombre de Froude mesure l’importance de la stratification ; si FR ≤ 1 les effets de stratification sont importants. Fr = Fig. 3.4 – Perturbation d’un fluide stratifié, Cushman-Roisin, 1994 Le temps passé au voisinage de l’obstacle est approximativement le temps mis par la parcelle pour parcourir la distance L à la vitesse U: T = L/U . Si la vitesse verticale est de l’ordre de W, le déplacement vertical est ∆z = W T = W L/U . En présence d’une stratification ρ(z), ce déplacement est la cause d’une perturbation en densité de l’ordre de: ∆ρ =| dρ̄ ρ0 N 2 W L | ∆z = dz g U Cette perturbation en densité est à l’origine d’une perturbation de pression, via l’équilibre hydrostatique: ρ0 N 2 HLW P = gH∆ρ = U ∂p L’équilibre des forces horizontales, induit une variation des vitesses horizontales (u ∂u ' ρ10 ∂x ) ∂x U2 = P N 2 HLW = ρ0 U De cette dernière expression, on peut établir que le rapport entre la convergence verticale W/H et la divergence horizontale U/L vaut: W/H U2 = 2 2 = Fr2 U/L N H ND (LPO/UBO) 36 On note immédiatement que si U est petit devant NH, W/H doit être petit devant U/L: la stratification a pour effet d’atténuer les vitesses verticales et par suite les déplacements verticaux. Le nombre de Burger Bu = NH fL !2 R0 = Fr 2 RD = L 2 le nombre de Burger compare effet de rotation et de stratification: on a vu qu’en général H << L, mais souvent f << N , et ce nombre peut être de l’ordre de 1. Reprenons le même raisonnement que précédemment, en utilisant un équilibre géostrophique ∂p selon l’horizontale (f v = ρ10 ∂x ) P fU = ρ0 L le rapport entre la convergence verticale W/H et la divergence horizontale U/L devient: W/H U2 fL F2 = 2 2 = r U/L N H U R0 On voit immédiatement que la rotation (R0 < 1) a pour effet d’augmenter la vitesse verticale. Cependant, puisque une divergence verticale ne peut exister sans une convergence horizontale (continuité) on doit avoir obligatoirement W/H ≤ U/L, et par suite Fr ≤ R0 qui conduit à l’inégalité U NH ≤ NH fL Cette inégalité donne un ordre de grandeur supérieur de l’échelle horizontale des vitesses de l’écoulement d’un fluide géophysique dans un milieu tournant (f), stratifié (N) dans un domaine de dimensions (L,H). C’est le nombre de Burger (pour des raisons de commodités dans l’analyse dimensionnelle cette quantité est élevée au carré). Le nombre de Richardson Ri = N2 ( ∂u )2 ∂z Le nombre de Richardson compare la stabilité statique (N ) à l’instabilité dynamique ( ∂u ). ∂z Si Ri > 0.25 le milieu est stable. Si Ri < 0.25 un gradient vertical de vitesses augmente la turbulence. ND (LPO/UBO) 37 Chapitre 4 Observation de la variabilité du climat 4.1 Les programmes de recherche L’observation de la variabilité du climat est devenue une nécessité (vitale) depuis que les chercheurs ont mis en évidence l’influence des activités industrielles sur le système climatique. Un programme mondial de recherche a été initié depuis les années 80: le WRCP (Word Climate Research Program) sous l’égide du ICSU (International Council of Scientific Unions), de la WMO (World Meteorological Organisation) et de la IOC (International Oceanographic Commission) de l’UNESCO. Fig. 4.1 – http://www.clivar.org, anomalies des températures de surface de l’hémisphère nord Les informations contenues dans ce chapitre viennent essentiellement du site internet suivant: http://www.wmo.ch/ dans lequel on trouvera tous les liens vers les principaux projets cités ci-après. L’objectif du WRCP est d’améliorer la compréhension du système climatique et de ses processus afin de déterminer s’il est possible de prévoir son évolution et surtout le rôle de l’influence humaine. ND (LPO/UBO) 38 Les principaux projets issus du WRCP sont les suivants: • Arctic Climate System Study (ACSYS) • Climate and Cryosphere Initiative (CLIC) • Climate Variability and Predictability (CLIVAR) • Global Energy and Water Cycle Experiment (GEWEX) • Stratospheric Processes and their Role in Climate (SPARC) • Word Ocean Circulation Experiment (WOCE) • WRCP modelling activities: – Working Group on Numerical Experimentation (WGNE) – Working Group on Coupled Modelling (WGCM) – Atmospheric Model Intercomparison (AMIP) – Coupled Model Intercomparison Project (CMIP) Tous ces programmes de recherche sont alimentés en observations par le Global Climate Observing System (GCOS) constitué en 1992. Cette entité récupère les observations auprès de diverses composantes telles que Le World Weather Watch (système mondial d’observations météorologiques), le Global Atmosphere Watch (GAW), le Global Ocean Observing System (GOOS) ou le Global Terrestrial Observing System (GTOS). Différents réseaux composent GCOS: • Les observations atmosphériques: – GCOS Surface Network (GSN) – GCOS Upper Air Network (GUAN) – complèté par le WMO Global Atmosphere Watch (GAW) • Les observations océaniques, en collaboration avec GOOS: – Global Sea Level Observing System (GLOSS) – the moored buoys Tropical Observing System (TAO) – the Pilot Research Moored Array in the Tropical Atlantic (PIRATA) – the Data Buoy Co-operation Panel (DBCP) • Les observations terrestres, en collaboration avec GTOS: – Ecosystem Network (GT Net) – Network of Glacier Sites – World Hydrological Cycle Observing System (WHYCOS) 4.2 4.2.1 les mesures essentielles L’atmosphère Les mesures atmosphériques peuvent se décomposer en trois types: mesures de surface, mesures en altitude, observations satellitaires. • L’état de l’atmosphère est décrit à différents niveaux d’altitude par: – la pression atmosphérique – la température de l’air ND (LPO/UBO) 39 Fig. 4.2 – http://www.wmo.ch/ – l’humidité de l’air – la force du vent – la direction du vent • Les échanges avec d’autres milieux sont quantifiés par: – le rayonnement solaire incident – le rayonnement terrestre émis – les précipitations – l’évaporation des sols et de l’océan – les échanges de chaleur sensible entre la surface et l’atmosphère • Les conditions du milieu environnant sont caractérisées par: – l’état du sol – le relief – l’état de surface de l’océan – la température de la mer et du sol à différentes profondeurs 4.2.2 L’hydrosphère Les mesures océaniques Les mesures océaniques subsurface ont été essentiellement faites par des navires de recherche, sur des bases non-opérationnelles. la couverture est relativement homogène spatialement, par contre la couverture temporelle est très éparse. Une station océanographique “standard” contient sur la verticale les mesures de température, salinité, contenu en oxygène et concentration de divers sels nutritifs. La variabilité concerne essentiellement les 100 premiers mètres de l’océan. L’introduction récente de XBT (eXpandable BathyThermograph) à bord de bateaux de commerce a permis d’augmenter le nombre d’observations. ND (LPO/UBO) 40 Les mesures des mouvements marins sont très délicates (et coûteuses) à mettre en œuvre. Elles se font soit par mouillage de courantomètres au point fixe (eulérienne), soit par suivi de flotteurs en surface ou en subsurface (lagrangiennes). Les mesures hydrologiques Elles concernent principalement: – la biogéochimie des transports de la terre vers la mer; – l’humidité relative (contenu d’eau atmosphérique au voisinage du sol) qui contrôle le taux d’évapotranspiration des surfaces terrestres; – l’écoulement des eaux: mesure des débits des fleuves et des rivières; – les quantités d’eau accumulées dans les réservoirs naturels (lacs, marais ...) de surface; – les quantités d’eau accumulées dans les réservoirs naturels (nappes phréatiques) souterrains; – les taux précipitations 4.2.3 La cryosphère Les mesures concernent principalement: – la température des glaces – la couverture glaciaire (masse, étendue ...) – les glaces de mer (mouvement, épaisseur, concentration ...) – la couverture neigeuse (équivalent en eau, épaisseur ...) 4.2.4 La lithosphère – type de couverture des sols (forêts, type d’agriculture ...) – propriété des sols (chimique, rugosité, densité, perméabilité ...) 4.2.5 – – – – 4.3 La biosphère la biomasse au dessus du sol la biomasse au dessous du sol propriétés biophysiques de la végétation usage des fertilisants Les mesures par satellites Le rôle des satellites dans la recherche climatique est devenu essentiel: les mesures des flux radiatifs (ultraviolet, visible, infrarouge) aux confins de l’atmosphère, durant les dernières décénies, ont fourni les premières observations “dignes de confiance” du moteur du système climatique. De plus, les satellites fournissent des informations utiles à partir de diverses bandes spectrales: par exemple les capteurs micro-ondes permettent de mesurer les précipitations, le contenu ND (LPO/UBO) 41 Fig. 4.3 – http://www.wmo.ch/ en vapeur d’eau, la tension du vent à la surface des océans, la distribution et l’étendue des glaces de mer, la hauteur du niveau de la mer, la distribution de polluants ... Des techniques d’inversion dans les diverses bandes d’absorption du CO2 et H2 O, permettent d’obtenir des profils de température et d’humidité sur tout l’épaisseur de l’atmosphère. La télé détection (on pourra consulter le site internet canadien très complet: http://www.ccrs.nrcan.gc.ca/ccrs/eduref/tutorial/) est un outil d’observation multidisciplinaire, qui couvre pratiquement toutes les observations nécessaires aux études de climat: elle permet entre autre de cartographier (liste non exhaustive) – les caractéristiques du sol, les pratiques de gestion du sol, – l’inventaire des forêts, les taux de déforestations, – les unités géologiques, les formes de terrain, – surveillance de la dynamique des glaciers, de la couverture neigeuse, – surveillance des glaces de mer – surveillance de la biomasse ND (LPO/UBO) 4.4 42 Les perspectives En première approximation on peut considérer que le climat de la terre est constant, dans la limite des incertitudes statistiques. cependant, un traitement statistique soigneux permet de calculer des valeurs climatiques moyennes précises avec un intervalle de confiance assez étroit pour mettre en évidence de manière fiable des tendances décénales ou séculaires. C’est ainsi que l’on estime, par exemple, que la température de surface moyenne globale, s’est élevée de 0.4o (cf Fig.4.1) depuis 1880. On notera que cet échauffement incontestable, mais non encore expliqué, est plus sensible dans l’hémisphère nord que dans les tropiques ou l’hémisphère sud. Des variations climatiques à relativement court terme (quelques années) sont observées dans la zone tropicale: c’est l’oscillation australe (atmosphère) associée au phénomène El Nino (océan). Ce processus dynamique est assez bien compris actuellement pour envisager sa prévision 6 à 12 mois à l’avance. Par contre, la cause originelle n’a pas encore été élucidée d’une manière irréfutable. Sur des échelles de temps beaucoup plus longues (104 à 106 années) les indices géologiques et paléoclimatologiques prouvent que la planète a été soumise à des changements climatiques considérables. L’explication quantitative de ces phénomènes n’est pas connue. Il semble toutefois acquis que leur cause première est le changement (relativement faible) des conditions d’ensoleillement de la planète, résultant de différentes variations séculaires des paramètres orbitaux de la terre. Le fait que des variations modestes de facteurs tels que l’ensoleillement puisse engendrer des changements climatiques majeurs donne à penser que d’autres modifications de l’environnement, notamment celles causées involontairement par l’humanité, pourraient produire des effets climatiques sérieux. On note, en particulier, que la concentration du gaz carbonique dans l’air, ainsi que celle d’autres gaz à effet de serre, augmente constamment du fait des activités humaines. L’objet de la recherche climatique est de dénombrer et de quantifier tous les processus amplificateurs ou régulateurs de la variabilité climatique, et d’en simuler l’interaction par des modèles numériques appropriés. On peut penser qu’il s’agit là d’un effort bien vaste pour résoudre un problème somme toute académique. Il n’en est rien, car notre intérêt est aiguillonné par une motivation tout à fait pratique: prévoir les changements climatiques qui pourraient résulter des activités humaines, dont l’effet direct atteint désormais l’ordre de grandeur du forçage astronomique que nous croyons être la cause primaire des glaciations successives de la terre (Morel, 1992).