Revue Francophone de la Propriété Intellectuelle, Septembre 2015, n° 1.
Historiquement, la théorie de l’économie était dans
un premier temps la plus influente, avant de laisser
place à la théorie de l’équité4. La Cour Suprême
japonaise, dans son arrêt du 3 octobre 1987, a par
exemple affirmé que « Le fondement de la
possession personnelle antérieure est
principalement l’équité entre l’exploitant antérieur
et le détenteur du brevet »5.
L’histoire du Japon montre que l’idée que la
possession personnelle antérieure est fondée sur
l’équité entre l’exploitant et le détenteur du brevet a
été influencée par des auteurs allemands6. Or, la
possession personnelle antérieure a été incluse dans
la loi allemande de 18777, sous l’influence de la
jurisprudence française 8. De même, la notion
allemande de la protection de « l’état de possession
industrielle » (gewerblicher Besitzstand), qui est le
fondement de la possession personnelle antérieure
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Hatsumeikyoukai, 1983, p. 671, H. Iida, « Le droit de la
possession personnelle antérieure (1) », Kougyousyoyukenhou,
1985, Seirinsyoin, p. 302, rédigé par N. Monya, Le droit des
brevets, Yuhikaku, 1986, p. 212 écrit par C. Mimino, R. Sengen,
Le droit des brevets, 2003, 4e éd., Yuyusya, p. 208). S. Mitsuishi
avance le respect de l’économie et de l’équité comme
fondements de la possession personnelle antérieure (Le droit des
brevets, Teikokuchihougyouseikai, 1976, p. 310). K. Morioka
avance l’équité entre le possesseur et le breveté en considérant
la situation de possession (« Les conditions et les effets du droit
des brevets », Toyohougaku, vol.30, n°1 et 2, 1987, p. 206). K.
Tomioka (« La préparation du droit de la possession
personnelle antérieure », Tokkyokanri, vol.36, n°4, 1986, p. 426) et
H. Yoshida (« L'étendue du droit de la possession personnelle
antérieure », Patent, vol.56, n°6, 2003, p. 62) jugent que la
majorité de la doctrine avance l’équité entre le possesseur et le
breveté.
4 Rédigé par N. Nakayama, Le commentaire du droit des brevets,
vol.1, Seirinsyoin, 3e éd., 2000, p. 845 (écrit par S. Matsumoto et
K. Mise).
5 Minsyu, vol.40, n°6, p. 68.
6 Au Japon, M. Monya est le premier auteur qui a introduit
l’idée d’équité (N. Monya, « Note », Jurist, n°323, 1965, p. 125).
Il a cité des doctrines allemandes(E. Reimer, Patentgesetz und
Gebrauchsmustergesetz, 2.Aufl., München 1958, p. 306, R.
Busse, Patentgesetz und Gebrauchsmustergesetz in der Fassung
v.18.7.1953, 2.Aufl., Berlin 1956, p. 176).
7 Article 5 de la loi allemande de 1877.
8 T. Aso, « Le droit de la possession personnelle antérieure en
Allemagne et Billigkeit », Hogaku seijigaku kenkyu, n°76, 2008,
pp.523 et 542 (note 45), « De la personne du droit de la
possession personnelle antérieure », Hogaku seijigaku kenkyu,
n°77, 2008, p.169. Et, sur l’article 8 du décret du Royaume de
Prusse du 15 octobre 1815 (Preußisches Publikandum, Amtsblatt
der königlichen Regierung zu Trier 1823, p. 379), K. Bruchhausen
mentionne l’influence de la loi française (« Das
Vorbenutzungsrecht gegenüber einem europäischen Patent »,
GRUR, 1964, Heft 8-9, 406).
en Allemagne, a subi l’influence de Joseph Kohler9
qui a lui-même été influencé par le droit français10.
Dès lors, on constate que la possession personnelle
antérieure trouve ses origines dans le droit français.
En vue d’analyser le fondement de la possession
personnelle antérieure, il est nécessaire d’examiner
la vision « passive » de la possession personnelle
antérieure (I), puis la vision « active » (II), en
comparant le droit français, allemand et japonais11.
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9 J. Kohler, Handbuch des Deutschen Patentrechts, Mannheim
1900, p. 470.
10 J. Kohler, Deutsches Patentrecht, Mannheim 1878(ND, Aalen
1984), p.93, et op.cit.(n°9), p.4 70.
11 L’article 613-7 du Code de la propriété intellectuelle en France
dispose :
« Toute personne qui, de bonne foi, à la date de dépôt ou de
priorité d'un brevet, était, sur le territoire où le présent livre est
applicable en possession de l'invention objet du brevet, a le
droit, à titre personnel, d'exploiter l'invention malgré l'existence
du brevet.
Le droit reconnu par le présent article ne peut être transmis
qu'avec le fonds de commerce, l'entreprise ou la partie de
l'entreprise à laquelle il est attaché. »
L’article 12 de la loi allemande des brevets dispose :
« Le brevet n’est pas opposable au tiers qui, au moment du
dépôt de la demande, exploitait déjà l’invention dans le pays ou
avait pris des mesures nécessaires à cette exploitation. Ce tiers
est autorisé à utiliser l’invention pour les besoins de son
entreprise dans ses propres ateliers ou dans ceux d’autrui. Ce
droit ne peut être transmis, entre vifs ou par succession,
qu’avec l’entreprise. Si le déposant ou son prédécesseur en
droit, avant le dépôt de la demande, a révélé l’invention à des
tiers et a réservé ses droits pour le cas où un brevet serait
délivré, le tiers qui a ainsi pris connaissance de l’invention ne
peut pas se prévaloir des mesures visées dans les dispositions
de la première phrase qu’il peut avoir prises au cours des six
mois qui ont suivi cette divulgation. »
Enfin, l’article 79 de la loi japonaise des brevets dispose :
« Une personne qui, sans connaissance du contenu d’une
invention revendiquée dans une demande de brevet, a fait elle-
même une découverte identique à celle de l’invention
revendiquée, ou, une personne qui, sans connaissance du
contenu d’une invention revendiquée dans une demande de
brevet, a appris cette invention d'une personne qui a fait une
découverte identique à l'invention revendiquée, et qui, au
moment du dépôt du brevet, exploitait déjà l’invention dans le
pays ou avait pris des mesures nécessaires pour cette
exploitation, aura une licence non-exclusive sur le brevet,
seulement dans la mesure où elle aura contribué à cette
invention, et en fonction de l’ampleur du projet qu’elle aura
engagé. »
Par ailleurs, l’Article 94 alinéa 1 de la loi japonaise dispose que:
« Une licence non-exclusive peut être transmise quand
l'entreprise à laquelle elle est attribuée est aussi transmise,
lorsque le consentement d'un breveté est obtenu, et quand le
transfert se produit à la suite d’une succession en général, y
compris l’héritage. »(V. AIPPI Annuaire 1988/V, p. 30 et L.
Bruning-Petit, « L'exception du droit fondé sur une utilisation