Interactions génotype x environnement dans un contexte d

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Interactions génotype x environnement
dans un contexte d'amélioration des plantes
Brigitte Courtois, Cirad, UMR DAP
Octobre 2011
Master BPT, module Stress Abiotiques
Courtois_1
Problème des interactions GxE
abordé sous l'angle de la sélection variétale
Basé sur une expérience de
sélection du riz pluvial pour
l'Asie
Chez le riz, la méthode classique
pour créer des lignées pures est
la sélection généalogique.
– Croisements entre variétés
complémentaires
– Test et sélection des
descendances sur plusieurs
générations
Mais les environnements cibles
sont très variés
Les variétés répondent différemment
dans différents environnements
Les performances d'une variété (rendement, cycle, etc.) varie
d'un environnement à un autre.
Pour pouvoir conseiller une variété ou pratiquer une sélection, il
est nécessaire d'évaluer l'importance de ces variations et d'en
comprendre la source: pratique culturales, stress biotiques ou
abiotiques...
Décomposition de la variation: σ2P = σ2G + σ2E + σ2GxE
Phénotype = Génotype + Environnement + Interactions GxE
Les différents types d'interactions GXE
Pas
d'interaction
Interaction :
non-additivité
Interaction :
changement de rang
Rendement
V4
V2
V2
V1
V3
E1 E2 E3E4 E5
-- - + ++ +++
Niveau de fertilité
ou de stress
E1 E2 E3E4 E5
-- - + ++ +++
V2
E1 E2 E3E4 E5
-- - + ++ +++
Si très large gamme d'environnements:
Interaction :
changement
de rangs
Interaction :
nonadditivité
Rendement
V3
V2
V2
V3
E1 E2 E3E4 E5
-- - + ++ +++
Niveau de fertilité
ou de stress
E1 E2 E3E4 E5
-- - + ++ +++
E6 E7
++++ +++++
Variabilité des performances variétales
Les interactions GxE sont très courantes pour les caractères
quantitatifs d'importance économique (notamment rendement).
Elles affectent différemment les différents caractères.
Elles compliquent beaucoup le travail des sélectionneurs qui
travaillent pour une large zone géographique :
– Elles sont difficiles à dissocier des effets génétiques et donc
difficiles à analyser et à interpréter.
– Elles limitent la répétabilité des résultats.
– Elles réduisent l'efficacité de la sélection en introduisant des
éléments d'incertitude.
Pour pouvoir en connaître l'importance, l'évaluation des
performances de variétés doit donc se faire par le biais d'essais
multilocaux répété sur plusieurs saisons de culture.
Quels sont les paramètres de l'environnement
sources de variation ?
Lieu : latitude, longitude (méditerranéen, tropical, ...), altitude
Climat : pluviométrie, photopériode, températures (froid, chaleur),
évapotranspiration,...
Sol : pH, compaction, texture, structure ; carences ; toxicité
(salinité)
Pratiques culturales :
– degré d'intensification; utilisation d'engrais
– dates de semis, irrigation, etc.
– précédents culturaux
Stress biotiques : maladies, nématodes, insectes
Quels sont les paramètres de l'environnement
sources de variation ?
Certains facteurs sont aléatoires :
– Distribution de la pluviométrie, attaque de maladie... (effet
"saison")
D'autres sont prévisibles (de "relativement" à "facilement") :
– Climat, caractéristiques du sol, pratiques culturales... (effet "lieu")
⇒ Possibilités de prédire la nature des interactions GxE et de les
gérer
Même la pluviométrie
est partiellement prévisible
sous réserve de données de longue période
Pluviométrie
par décade
(en mm)
600
Période de
culture
500
q5 = 0.2
q4 = 0.4
q3 = 0.6
400
q2 = 0.8
q1 = 1.0
300
200
100
0
JAN
FEB
MAR
MAY
JUN
JUL
SEP
OCT
NOV
Analyse climatique fréquentielle
Pluviométrie Bohol, Philippines, 1984-1993
Qualité de l'information et sa maille
Il est essentiel de bien caractériser l'environnement
Quelle information recenser?
– Pluviométrie ou position de la nappe d'eau?
Maille difficile à déterminer:
– Macro ou micro environnements?
– Pluviométrie au niveau de la région, du bassin versant, de la parcelle?
– Information généralement disponible uniquement pour le niveau le
plus élevé
Information pas toujours facile à recenser
– Absence d'information (surtout pour les analyses rétrospectives)
– Coût de l'information (ex: données météo)
Information pas toujours très fiable
Information difficile à harmoniser
– exemple: dans même essai international, radiations mesurées en:
h/jour; MJ/m2*j; cal/cm2; kw/m2 et ly/min
Stratégies de sélection
pour gérer les interactions GxE:
Large adaptation... ?
Choix de variétés qui se
comportent régulièrement bien
dans une large gamme
d'environnements
– Stratégie efficace si faibles
interactions GxE
– Ne permettra pas forcément
l'identification du meilleur
génotype pour un environnement
donné
V2
V3
E1 E2 E3E4 E5
-- - + ++ +++
Stratégies de sélection
pour gérer les interactions GxE:
...ou adaptation spécifique?
V4
Subdiviser les environnements en
groupes homogènes dans lesquels il
y a peu d'interactions GxE.
Sélectionner des variétés pour
chaque zone
V2
– Complexité
– Sur quelles bases réaliser cette
structuration?
E1 E2 E3E4 E5
-- - + ++ +++
Stratégies de sélection
pour gérer les interactions GxE:
Large adaptation ou adaptation spécifique?
Réalité:
– Mélange des deux dans des proportions qui dépendent de
l'hétérogénéité de la zone cible
– Tester le même jeu de variétés dans tous les environnements
mais faire des recommandations spécifiques
Stratégies de choix des sites de sélection
Si l'objectif est de produire une variété pour un environnement
donné:
⇒ Sélectionner dans cet environnement
Si l'objectif est la stabilité du rendement
⇒ Travailler dans l'environnement le moins favorable
⇒ A défaut, utiliser des moyennes entre environnements contrastés
Allocations de ressources :
– Plus de sites d'essai ou plus de répétition par essai?
– Meilleure réduction de la variance par une multiplication des sites
Kearsey et Pooni, 1996
Méthodes plus subtiles
pour obtenir la stabilité du rendement
Homéostasie génétique
– Via hétérogénéité génétique: mélanges
– Via formule variétale: homéostasie meilleure des hybrides
Homéostasie développementale
– Plasticité phénotypique
– Génotype ayant un même phénotype dans différents
environnements:
Bonne performance: stable, bien régulé
Performance médiocre: peu plastique
– Génotype ayant un phénotype différent dans différents
environnements
Bonne performance: flexible, bien régulé
Performance médiocre: instable
– Moralité: intérêt de la plasticité dépend du niveau de performance
visé
Stratégie d'adaptation spécifique :
La structuration de l'environnement
Une variété pousse dans un jeu complexe
d'environnements physiques, biologiques et sociaux qui
déterminent sa performance
Pas d'environnement unique mais des environnements
variables dans l'espace et le temps
Environnements cibles = TPE (target populations of
environment)
Stratégie d'adaptation spécifique:
La structuration de l'environnement
Les programmes de sélection doivent définir les TPE
pour lesquels ils travaillent
Un TPE représente un ensemble relativement homogène
dans lequel une variété donnée va se comporter de
manière prédictible.
– le TPE peut couvrir une surface très importante si milieu
tamponné. Ex: IR 36 cultivé sur 11 millions d'hectares de
riz irrigué
Chaque TPE a son jeu de variétés adaptées
Les sites de sélection doivent être représentatifs des
TPE
Comment déterminer les TPE ?
1. Faire appel à l'information spatiale
Source: UNEP
• Macro-environnements
• Utilisation de SIG
• Pour la résistance à la sécheresse,
disponibilités en eau
• Possibilité de superposer des
cartes pour différents facteurs
Comment déterminer les TPE?
2. Utiliser l'expérience des paysans et chercheurs
Micro-environnements
Nécessité de bien connaître le site pour caractériser
l'environnement local
Dans le cas du riz, lié à la toposéquence et à la texture du sol
Source: IRRI
Toposéquence en conditions réelles
Hazaribag, Bihar, Inde de l'Est
Upland
Tanr2
Tanr1
Tanr2
Tanr1
Upland
Distinction faite par les paysans entre :
Upland (= pluvial ; risque important de sécheresse)
Tanr 1 (= inondé superficiel ; risque de sécheresse)
Tanr 2 (= inondé intermédiaire ; peu de risques)
Tanr 3 (= inondé profond ; risque de submersion)
Les TPE se basent rarement sur un seul caractère
Exemple: TPEs du riz pluvial en Asie
Source: Courtois et al, 1996
Comment déterminer les TPE?
3. A partir de la performance de variétés connues
Nombreux essais multilocaux (annuels/pluri-annuels) : par
exemple, réseau INGER
Ré-analyser des données historiques en déterminant les groupes
d'environnements : déterminer la nature/intensité des
interactions GxE
Utilisable si nombre relativement conséquent de variétés
S'assurer que les essais sont représentatifs (champs paysans ?)
Dans essais multilocaux, large composante imprévisible pour les
interactions (variations interannuelles) et erreur importante
– Nécessité d'un jeu de données important sur les variétés
⇒ Coût
– Nécessité de compléter avec des données spécifiques sur les sites,
par exemple les disponibilités en eau si objectif de sélection pour la
résistance à la sécheresse
Méthodes d'analyse :
le modèle d'analyse de variance 2 voies
effect of ith genotype
Interaction effect
Yij = µ + Gi + E j + GxEij + eij
effect of the ith environment
Modèle additif classique
Méthodes d'analyse :
l'analyse de variance 2 voies
________________________________________________
Source
SCE
CM
Test F
(E et G fixes)
______________________________________________________
Environnement
SCE1
CM1
CM1/CM2
[Lieu, saison, lieu x saison]
Répétitions
dans un environnement
SCE2
CM2
Génotype
GxE
SCE3
CM3
CM3/CM4
SCE4
CM4
CM4/CM5
[Génotype x lieu, génotype x saison,
génotype x lieu x saison]
______________________________________________________
Erreur
SCE5
CM5
Total
SCEt
On peut utiliser le rapport des SC pour estimer la contribution
des différents facteurs à la SC totale
Décomposition des sources de variation :
quelques exemples
Riz pluvial
1994
12 sites
12 variétés
Riz pluvial
1994 à 1996
12 sites
16 variétés
Riz irrigué
1992
35 sites
30 variétés
3.5
4.6
7.0
Environnement
42.5
68.8
76.0
Interactions GxE
54.0
26.6
17.0
100.0
100.0
100.0
Source
Génotype
Total
Valeurs courantes pour des essais int. (10% G ; 20% GxE ; 70% E)
Constantes:
– Importance de l'effet environnement (domaine des agronomes!)
– Faiblesse de l'effet génotype
– Variation de l'effet d'interaction : plus faible dans environnements
tamponnés (par ex. à l'irrigation)
Analyse de stabilité :
Régression sur un indice d'environnement
effect of ith genotype
deviation from regression
Yij = µ + gi + bi t j + δ ij + eij
regression of ith genotype
environmental index
Yield
250
240
Var A, b = 1.44
230
Var B, b = 1.02
220
Var C, b = 0.75
210
200
190
180
170
160
160
170
180
190
200
210
220
Environmental Index
230
240
250
Finlay et Wilkinson (1963),
Eberhardt et Russel (1966), etc.
Accent mis initialement sur la
stabilité plutôt que sur
l'adaptation
Génotypes à bonne stabilité ont
peu de déviations par rapport à la
droite de régression
Pente est également importante
Nombreux inconvénients de la régression
Hypothèse de relation linéaire entre performance variétale et
facteurs environnementaux
– Ex: Sensibilité à la sécheresse au cours du cycle n'est pas linéaire
– Suppose l'existence d'un gradient physique clair entre
environnements
Rendement moyen des essais généralement choisi comme indice
environnemental:
– Mais moyenne de l'essai n'est pas une mesure indépendante de la
valeur de chaque variété
Utiliser des variétés supplémentaires ou répétitions supplémentaires des
mêmes variétés pour s'abstraire de ce problème (mais coût de l'essai
augmenté)
– Fertilité du site rarement le facteur déterminant seul l'interaction
⇒ modèle inadéquat
Tester d'autres gradients
N'explique qu'une part très faible de l'interaction
Modèle AMMI
(Additive Main effects and Multiplicative Interaction effects)
Première étape : Décomposition classique de type analyse de
variance pour calculer la matrice d'interactions GxE
Puis décomposition de cette matrice en n axes par analyse
multivariée (Analyse en Composantes Principales)
Yijl = µ + Gi + Ej + (∑λkαikγjk) + dij + eijl
λk = taux d'inertie axe k; αik = score ACP pour ith genotype pour axe k de l'ACP,
γjk = Score ACP pour le jth environnement pour axe k de l'ACP; dij = résidus GxE
non expliqués par le modèle
– Combien d'axes retenir?
Explique généralement une part beaucoup plus importante des
interactions GxE que la régression
Possibilité de corréler les coordonnées de l'ACP avec des
facteurs environnementaux pour déterminer ceux qui influencent
l'interaction
Kempton, 1984; Zobel et al, 1988; Crossa et al, 1990; Gauch, 1992, etc.
Essais : 12 variétés de riz pluvial ; 11 sites de 4 pays et 3 continents
Dispositif expérimental : RCBD 4 répétitions
Caractères mesurés :
Plante : rendement
Environnement: caractéristiques lieu, sol, climat, système de
culture
Comparaison de décomposition de la variance
avec modèle de régression et avec modèle AMMI
Régression
10.8%
Modèle
AMMI
88.2%
Source: Courtois et al, 1996
Facteurs corrélés à l'interaction
Peu d'environnements
donc peu de
puissance
Attention aux biais
liés aux points
"aberrants" dans les
corrélations
Source: Courtois et al, 1996
"Pattern analysis"
Utilisation simultanée de techniques de classification
hiérarchique et ACP
Groupement des variétés ayant le même schéma
d'interactions GxE dans les environnements par une
méthode hiérarchique agglomérative
Ou groupements des environnements selon similarité des
schémas d'interactions GxE
Utilise des graphiques ("biplots") pour montrer relations
entre génotypes et environnements
Abou El Fittouh et al, 1969; Mungomery et al, 1974; Byth et al, 1976, etc.
"Biplots" des interactions dans le cas d'un modèle AMMI
(effet principal vs IPCA1 et IPCA1 vs IPCA2)
Sites
(lettres)
et variétés
(chiffres)
Source: Courtois et al, 1996
Dendrogramme des groupes d'environnements
Source: Courtois et al, 1996
Dendrogramme des groupes de génotypes
Source: Courtois et al, 1996
Caveats
Il s'agit d'une introduction aux interactions GxE vues sous
l'angle des sélectionneurs
Domaine de recherche très actif (seule une faible partie a été
envisagée)
Montre la nécessité d'une approche multidisciplinaire du
problème (biométriciens, sélectionneurs, éco-physiologistes,
agronomes, spécialistes d'information spatiale, etc.)
Interfaçage possible avec les modèles écophysiologiques, pour
prédire les rendements et les interactions à partir de données
du milieu.
Modèles rarement adaptés aux programmes de sélection car il faudrait
qu'ils puissent prédire des différences faibles
Mais utiles pour des analyses génétiques de déterminisme des
caractères
Diapos additionnelles
Bibliographie
Cooper M, Hammer GL (1996) Plant adaptation and crop
improvement. CAB, IRRI, ICRISAT Eds, 636 p
Kearsey MJ, Pooni HS (1996) The genetic analysis of
quantitative traits. Chapman et Hall Eds, 381 p
Que font les sélectionneurs?
Enquête auprès des sélectionneurs (Cooper et al, 1996)
Evaluation de l'importance des interactions GxE dans leurs
programmes de sélection :
–
–
–
–
GxE < G
GxE > G
GxE = G
Ne sait pas
55/109 (50%)
35/109 (32%)
15/109 (14%)
4/109 (4%)
Stratégie:
– Exploitent les interactions
– Les évitent
– Les ignorent
35/40 (88%)
5/40 (12%)
0/40 (0%)
Exploiter les interactions GxE possible uniquement si bonne
compréhension de leur nature/ origine
Stabilité contre plasticité
Permet de décider si la réponse de la variété est intéressante
Génotype ayant
un même
phénotype dans
différents
environnements
Génotype ayant
un phénotype
différent dans
différents
environnements
Régulation
Bonne
performance
Développement
stable
Développement
plastique
Bien régulé
Performance
médiocre
Développement
peu plastique
Développement
instable
Mal régulé
Statique
Dynamique
Importance des changements de rangs
dans les interactions GxE: calculable
extrait de Courtois &al (2001) Euphytica; calculs d'après De Lacy et al (1996)
Stabilité des QTLs ?
Il existe des interactions
QTL x Environnement :
Interactions
QTL x E faibles
E1 E2 E3 E4 E5 E6
Interactions
QTL x E fortes
E1 E2 E3 E4 E5 E6
Elles affectent l’ampleur
des effets observés,
éventuellement la détection
des QTLs.
Elles résultent des
interactions Génotype x
Environnement et de leurs
effets sur la mesure des
phénotypes.
* ** ** ns * ***
*** ns ns * ns *
• Population de 150 lignées HD d'orge
• 16 environnements (sites et saisons) aux USA et Canada
• Décomposition des interactions GxE selon un modèle AMMI
• Détection de QTLs sur les données brutes
• Détection de QTLs sur la partie de la variance qui correspond
aux interactions génotype x environnement (coordonnées des
variétés sur les axes de l'ACP)
Décomposition de la variance en effet
principal et interaction et analyse de QTLs
sur les deux facteurs
Effet
principal
Interactions
GxE
Modèle AMMI
Pour chaque lignée HD, coordonnées sur
chacun des axes de l'ACP = données pour
l'analyse des QTLs d'interaction
Interactions QTL x Environnement
● Il semble possible de cumuler
des QTLs de productivité et des
QTLs de stabilité car certains sont
localisés dans des endroits
différents du génome.
● QTLs "généralistes" versus QTLs
"spécialistes". A relier à la question
de l'adaptation spécifique / large
adaptation
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