La trace profonde de Vatican II dans la vie des catholiques

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La trace profonde de Vatican II dans la vie des
catholiques
Si les 50 ans de Vatican II, célébrés autour du 8 décembre, ont été l’occasion pour certains catholiques d’un premier contact avec les
textes conciliaires, d’autres ont pu prendre conscience que leur foi en est inspirée
Thomas Louapre POUR LA CROIX
Le Concile a imprimé une marque profonde dans la vie des croyants, qui le relient à leur parcours personnel et à leurs engagements.
«
J’ai eu besoin de mettre des mots d’adulte sur ma foi, au contact des parents des enfants que je catéchisais. » Brigitte,
née l’année de la clôture du concile Vatican II, a suivi à partir de 2006 une formation au Centre d’études théologiques de
Caen.
Pour elle, l’étude de Dei Verbum, la constitution conciliaire sur la Révélation, a été un choc: « J’ai vraiment découvert que
le Christ est la révélation ultime de Dieu! J’ai compris la place centrale de la Parole de Dieu dans la vie des croyants. »
Aujourd’hui, elle est responsable de la catéchèse de son diocèse.
Depuis trois ans que l’on fête les anniversaires du Concile – son ouverture, puis, aujourd’hui, sa fermeture –, beaucoup de
catholiques actifs dans l’Église ont suivi les nombreuses formations ou conférences proposées.
À Versailles (Yvelines), c’est toute la paroisse Saint-Louis qui a étudié et échangé pendant un an sur l’événement
historique de l’Église contemporaine. L’occasion pour Thibault, 46 ans, travaillant dans la communication pour des
associations catholiques, de revisiter des textes déjà connus. « J’ai redécouvert la dimension universelle du salut, le
rapport de l’Église avec la société », dit-il, sensible à la catholicité de l’Église missionnaire qui rejoint ses préoccupations
professionnelles.
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Une lecture liée à un parcours personnel
C’est une caractéristique de la lecture du Concile par les catholiques, cinquante ans après: elle est immédiatement reliée
à leur parcours personnel et à leurs engagements.
Thibault, impliqué depuis l’âge de 15 ans dans le service liturgique, témoigne également avoir été impressionné par le
sérieux avec lequel sa paroisse de sensibilité « classique » a cherché collectivement dans les textes conciliaires des
réponses à des questions liturgiques qu’elle se posait, pour conclure que oui, « le Concile ne fait pas de différence entre
hommes et femmes pour le service de l’autel ».
La foi d’Agnès, 52 ans, s’est réveillée alors qu’on lui demandait de s’engager en catéchèse dans un établissement privé
catholique à Boulogne-Billancourt. Comme Brigitte, elle se forme et, ayant découvert la déclaration conciliaire Nostra
aetate sur le dialogue avec les autres religions, elle est à l’aise pour accueillir les élèves de confession juive en formation
religieuse.
C’est à partir de son activité de blogueur bien connu de la cathosphère depuis dix ans que l’avocat d’affaires Erwan
Le Morhedec (lire notre rencontre avec lui, p. 6-7), 40 ans, alias Koz, reçoit le Concile. Dans son milieu familial, il a connu
« une certaine réticence vis-à-vis de Vatican II, liée à des expérimentations hasardeuses faites en son nom, à une époque
aujourd’hui révolue ».
> Lire : Il y a 50 ans, les catholiques commençaient à célébrer la messe en français
Aujourd’hui, le blogueur engagé retient spontanément de Vatican II l’affirmation de la place des laïcs dans la vie de
l’Église. Et la déclaration Dignitatis humanae, selon laquelle « la vérité ne s’impose que par la force de la vérité elle-même
qui pénètre l’esprit avec autant de douceur que de puissance » plaît à l’avocat, tout comme « l’idée de la conscience
éclairée » (Gaudium et spes, 16), qui fonde le dialogue avec tous et la liberté personnelle.
« Esprit du Concile » et « Concile réel »
Une telle lecture des seize textes produits par les pères conciliaires entre décembre 1963 et décembre 1965, venant du
terrain, n’efface pas pour autant les lectures précédentes, plus théologiques, qui s’opposaient il y a une dizaine d’années
sous le signe de « l’esprit du Concile » ou du « Concile réel ».
Boris, 42 ans, directeur d’une école de formation aux métiers de l’art, a lu les textes lorsqu’il était séminariste et relève
leur fonction critique. Dans les années 2000, il a regretté « l’attention grandissante portée au rite, à la piété personnelle,
aux “valeurs” plus qu’à la parole du Christ et aux besoins spirituels du peuple. Comme la Bible, le Concile peut être lu
partiellement, en sélectionnant les textes », souligne-t-il.
Et de rappeler que Vatican II voit les baptisés formant « le peuple de Dieu » et non « un troupeau ». Pour lui, il faut relire
Gaudium et spes, « le texte le plus intéressant pour la vie de tous les jours, spécialement à un moment où un nouveau
tournant semble se dessiner dans la vie de l’Église avec le pape François ».
Comme lui, Jean-François Minonzio, 65 ans, devenu responsable de l’œcuménisme dans le diocèse de Dijon, une fois à
la retraite de la fonction publique, observe que, « malheureusement, une partie de l’Église s’écarte de ces textes » qu’il a
découverts sur le tard, mais avec enthousiasme.
Entre soi et périphéries
Violaine, 35 ans, médecin à Paris, en couple avec un homme non croyant, est elle aussi sensible à un rapport au monde
pas toujoursà hauteur de Conciledans les cercles catholiques qu’elle a fréquentés. Elle attribue à celui-ci, qu’elle a
découvert lors d’un week-end de formation il y a dix ans, la fin de l’attitude ecclésiale qui « instruisait le monde d’en haut,
sans réciprocité attendue » des autres religions, des non-croyants, de la société.
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Or regrette-t-elle, « des cathos que j’ai fréquentés au moment de “La manif pour tous” avaient des postures qui relevaient
plus de l’héritage sociologique que de l’idéal évangélique. Comme chez les bobos, on peut se contenter de rester entre
soi. »
« Dieu veut se communiquer à tous les hommes et à chacun en particulier » , a bien réalisé pour sa part Marie Fossorier,
mère de trois enfants adolescents, qui a entrepris au Collège des Bernardins, à Paris, un master pour structurer sa foi
d’adulte.
Dans Dei Verbum, elle lit le dynamisme de la mission et la source du leitmotiv du pape François: « Sortir! Aller aux
périphéries. » Et elle est particulièrement sensible, comme femme et laïque, au tournant qu’a fait prendre le Concile à
l’Église en affirmant la place des baptisés.
> Lire aussi : Les synodes des évêques, un moyen d’intégrer le Concile dans l’Eglise (Cardinal Vingt-Trois)
Réception
Ainsi, cinquante ans après, les textes votés par les pères conciliaires se révèlent précieux pour formuler la foi catholique
et la vivre dans un contexte toujours plus mondialisé. Enseignante à l’Institut catholique de Paris, Brigitte Cholvy présente
Vatican II aux étudiants en théologie. « Je suis étonnée de la variété d’a priori – enthousiastes ou critiques – qu’ils
expriment avant d’avoir travaillé l’histoire et les textes », observe la théologienne, estimant qu’il y a une trentaine
d’années, le regard porté sur le Concile était plus homogène.
Dans la vie concrète de l’Église cependant, le Concile a déjà imprimé une marque profonde. Les rapports de l’Église avec
la société se font globalement sur le ton du dialogue, et dans sa vie interne l’Église a largement fait place aux laïcs et à la
collégialité.
« Mais les fidèles ne mettent pas en rapport ces évolutions avec tel texte du Concile, regrette Brigitte Cholvy. » Je
remarque d’ailleurs que le pape François n’invoque pas le Concile pour appuyer sa mission, ses réformes. C’est bien le
résultat de la réception du Concile. »
Christophe Chaland
http://www.la-croix.com/Religion/Spiritualite/La-trace-profonde-de-Vatican-II-dans-la-vie-des-catholiques-2015-12-04-1388679
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