503 Eval préop 16 Print2 - Précis d`anesthésie cardiaque

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PAC 5
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Précis d’Anesthésie Cardiaque
CHAPITRE 3
EVALUATION CARDIAQUE
PREOPERATOIRE
Mise à jour: Octobre 2016
Table des matières
Introduction
Evaluation préopératoire en chirurgie cardiaque
Facteurs de risque préopératoires
Indices de risque
Consultation préopératoire
Médication préopératoire
Investigations cardiologiques préopératoires
Echocardiographie
Ergométrie
Imageries de la perfusion myocardique
Echocardiographie stress dobutamine
Choix du test d’effort
IRM et CT-scan
Cathétérisme et coronarographie
Evaluation cardiaque, chirurgie non-cardiaque
3
4
4
6
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44
Concept de base
Facteurs de risque
Indices de risque
Cardiopathies
Ischémie et infarctus périopératoires
Revascularisation coronarienne
Investigations cardiologiques: impact
Cardioprotection préopératoire
β-bloqueurs
Antiplaquettaires
Anticoagulants
Statines
Autres substances
Pace-maker et défibrillateur
Conclusions
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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Auteurs
Pierre-Guy CHASSOT
Ancien Privat-Docent, Faculté de Biologie et de Médecine,
Université de Lausanne (UNIL), CH-1005 Lausanne
Ancien responsable de l’Anesthésie Cardiovasculaire, Service
d’Anesthésiologie, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois
(CHUV), CH - 1011 Lausanne
Alain DELABAYS
Cardiologue FMH, Médecin associé, Ensemble Hospitalier de la
Côte (EHC), Hôpital de Morges, CH - 1110 Morges
Médecin-adjoint au Service de Cardiologie, Centre Hospitalier
Universitaire Vaudois (CHUV),
CH – 1011 Lausanne
Donat R. SPAHN
Professeur d’Anesthésiologie, Faculté de Médecine, Université de
Zürich, CH - 8091 Zürich
Chef de Service, Institut für Anästhesiologie, Universitätspital
Zürich (USZ), CH - 8091 Zürich
Lectures conseillées
BERNSTEIN AD, DAUBERT JC, FLETCHER RD, et al. The revised NASPE/BPEG generic code for antibradycardia, adaptative-rate, and
multisite pacing. North American Society of Pacing and Electrophysiology / British Pacing and Electrophysiology Group. Pacing
Clin Electrophysiol 2002; 25:260-4
BOEHM O, BAUMGARTEN G, HOEFT A. Preoperative patient assessment: identifying patients at risk. Best Pract Res Clin Anaesthesiol
2016; 30:131-43
DEVEREAUX PJ, SESSLER DI. Cardiac complications in patients undergoing major noncardiac surgery. N Engl J Med 2015; 373:2258-69
DE WAAL BA, BUISE MP, VAN ZUNDERT AAJ. Perioperative statin therapy in patients at high risk for cardiovascular morbidity
undergoing surgery: a review. Br J Anaesth 2015; 114:44-52
EBERLI D, CHASSOT PG, SULSER T et al. Urologic surgery and antiplatelet drugs after cardiac and cerebrovascular accidents. J Urol
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KORTE W, CATTANEO M, CHASSOT PG, et al. Perioperative management of antiplatelet therapy in patients with coronary artery
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PRIEBE HJ. Pharmacological modification of the perioperative stress response in noncardiac surgery. Best Pract Res Clin Anaesthesiol
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SAMARENDRA P, MANGIONE MP. Aortic stenosis and perioperative risk with noncardiac surgery. J Am Coll Cardiol 2015; 65:295-302
ZARINSEFAT A, HENKE P. Update in preoperative risk assessment in vascular surgery patients. J Vasc Surg 2015; 62:499-509
Recommandations
FLEISHER LA, FLEISCHMANN KE, AUERBACH AD, et al. 2014 ACC/AHA Guideline on perioperative cardiovascular evaluation and
management of patients undergoing noncardiac surgery: a report of the American College of Cardiology/American Heart
Association Task Force on Practice Guidelines. Circulation 2014; 130:e278-e333 (voir Directives Eval préop ACC/AHA 2014)
KRISTENSEN SD, KNUUTI J, SARASTE A, et al. 2014 ESC/ESA Guidelines on non-cardiac surgery: cardiovascular assessment and
management. Eur Heart J 2014; 35:2383-431 (voir Directives Eval préop ESC 2014)
LEVINE GN, BATES ER, BITTL JA, et al. 2016 ACC/AHA Guideline focused update on duration of dual antiplatelet therapy in patients
with coronary artery disease. J Am Coll Cardiol 2016; 68:1082-115 (voir Directives Antiplaquettaires ACC/AHA 2016)
WIJEYSUNDERA DN, DUNCAN D, NKONDE-PRICE, et al. Perioperative beta-blockade in noncardiac surgery: A systematic review for
the 2014 ACC/AHA Guideline on perioperative cardiovascular evaluation and management of patients undergoing noncardiac
surgery: a report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on Practice Guidelines. J Am
Coll Cardiol 2014 ; 64 :2406-25 (voir Directives Béta-bloc ACC/AHA 2014)
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
2
Introduction
L’évaluation préopératoire est le premier acte de l’anesthésie. Elle a trois buts :
 Prendre contact avec le malade, lui expliquer les risques et le rassurer ;
 Le préparer optimalement pour l’opération : investigations cardiologiques, traitement
cardioprotecteur, éventuelles interventions préalables ;
 Prescrire la prémédication.
Les recommandations internationales pour gérer la prise en charge périopératoire sont réparties en
quatre classes [1,2].
 Classe I : évidence ou consensus que le traitement est bénéfique, utile et efficace ("doit").
 Classe II : divergence d’évidence ou d’opinion concernant l’utilité et l’efficacité d’un
traitement ;
• Classe IIa : le poids de l’évidence penche en faveur du traitement ("devrait") ;
• Classe IIb : l’efficacité du traitement est probable mais insuffisamment prouvée
("peut").
 Classe III : évidence ou consensus que le traitement n’est ni utile ni efficace, et peut même
être nocif (contre-indication).
Les recommandations actuelles sont souvent fondées davantage sur la logique, l'opinion d'experts et le
principe de précaution que sur des études d’un haut degré d’évidence. Celles-ci sont rares,
particulièrement en chirurgie non-cardiaque. Il est en effet très difficile de procéder à des études
randomisées et contrôlées à large échelle dans un domaine où la sécurité du malade est en jeu comme
dans la cardioprotection préopératoire. Dans les situation complexes ou nouvelles, on est contraint de
fonder sa décision sur le jugement clinique (judgement-based medicine) plutôt que sur des évidences
qui n’existent pas encore (evidence-based medicine). On définit trois degrés d’évidence [1,2].
 Degré A : données fournies par plusieurs essais cliniques randomisés ou leurs méta-analyses ;
 Degré B : données fournies par un seul essai randomisé ou par plusieurs grandes études
prospectives non contrôlées ni randomisées ;
 Degré C : opinions d’experts, études rétrospectives, registres cliniques.
Ce chapitre traitera d’abord de l’évaluation préopératoire en chirurgie cardiaque, puis abordera les
problèmes de l’évaluation et de la préparation cardiaques en chirurgie non-cardiaque.
Références
1
2
FLEISHER LA, FLEISCHMANN KE, AUERBACH AD, et al. 2014 ACC/AHA Guideline on perioperative cardiovascular
evaluation and management of patients undergoing noncardiac surgery: a report of the American College of Cardiology/American
Heart Association Task Force on Practice Guidelines. Circulation 2014; 130:e278-e333
KRISTENSEN SD, KNUUTI J, SARASTE A, et al. 2014 ESC/ESA Guidelines on non-cardiac surgery: cardiovascular
assessment and management. Eur Heart J 2014; 35:2383-431
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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Evaluation préopératoire en chirurgie cardiaque
Facteurs de risque préopératoires
Certaines pathologies décelables en préopératoire sont des facteurs de risque pour la morbidité et la
mortalité postopératoire. D’une manière générale, la mortalité opératoire des pontages aortocoronariens (PAC) est de 0.5 à 3% selon les catégories de risque dans les cas électifs, et de 6-8% pour
les interventions en urgence ou chez les malades polyvasculaires [2,7,9] ; en cas d'angor instable, la
mortalité est de 4-20%. Le risque d'infarctus postopératoire est de 2-9% [1,7]. La mortalité du
remplacement valvulaire aortique (RVA) simple est en moyenne de 2%, celle du remplacement
valvulaire mitral (RVM) de 3-8%, et celle de la plastie mitrale (PVM) de 1-4% [10]. Pendant quelques
années, la mortalité des PAC et des valves a eu tendance à augmenter de 1-2%, parce que l’on s'est
mis à opérer une population à plus haut risque (dysfonction ventriculaire, diabète, maladie coronaire
étendue, âge avancé). Elle tend actuellement à diminuer, parce que la qualité de la prise en charge s'est
progressivement améliorée: la mortalité ajustée au risque a baissé de près de la moitié malgré une
augmentation de la prévalence d'obésité, de diabète, d'insuffisance cardiaque et de pathologie du tronc
commun [3,5,6,8].
Facteurs de risque
Certains facteurs présentent un risque opératoire particulier. Ce sont, par ordre décroissant (les chiffres
mentionnés sont des valeurs moyennes, qui sont variables selon les institutions) [4,5,7,9] :
 Insuffisance cardiaque décompensée : malades en choc cardiogène, sous assistance
ventriculaire ou soutien inotrope massif (mortalité augmentée 5-7 fois). La CIV postinfarctus
augmente la mortalité de 10 fois. La mortalité opératoire des PAC est directement liée à la
fonction ventriculaire gauche :
• FE ≥ 0.6,
mortalité < 1% ;
• FE 0.4 – 0.5 mortalité 2% ;
• FE 0.2 – 0.4 mortalité 4% ;
• FE < 0.2
mortalité 8%.
 Opérations en urgence : angor instable, valvulopathie décompensée, échec d’angioplastie
percutanée. La mortalité opératoire est augmentée de 3 fois.
 Insuffisance rénale : la mortalité croît avec la créatininémie.
• Créatinine normale
mortalité < 2% ;
• Créatinine > 200 µmol/L
mortalité 8% ;
• Créatinine > 400 µmol/L
mortalité 20% ;
• Dialyse préopératoire
mortalité augmentée de 3 fois.
 Age : le vieillissement physiologique accroît linéairement le risque (valeurs pour les PAC).
• < 65 ans,
mortalité < 2%, séquelles neurologiques 1% ;
• > 75 ans,
mortalité 4.6%, séquelles neurologiques 4-9%.
 Réopération : la mortalité est doublée, et croît avec le nombre de reprises.
 Status polyvasculaire : mortalité doublée.
 Pneumopathie : mortalité multipliée par un facteur de 1.7.
 Diabète insulino-requérant : mortalité multipliée par un facteur de 1.5 si la glycémie est > 15
mmol/L.
 Sexe féminin : l’augmentation de morbidité et de mortalité chez les femmes tient en grande
partie à la présence de davantage de facteurs de risque que chez les hommes (maladie
cérébrovasculaire, diabète, insuffisance rénale, obésité, hypertension et maladie vasculaire
périphérique) ; même lorsque les deux catégories sont stratifiées par valeur des scores
préopératoires, la différence de mortalité et de morbidité persiste (facteur 1.5 – 1.9).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
4
La symptomatologie clinique détermine quatre classes selon deux échelles, l’une pour l’activité
physique (NYHA, New York Heart Association) et l’autre pour l’angor (Canadian Cardiovascular
Society Score).
Classe
NYHA
Canadian Cardiovascular Society
I
Pas de limite à l'activité
physique
Angor à l'effort soutenu ou
intense seulement
II
Limitation physique légère,
fatigabilité à l'effort
Angor lors d'activité physique
(escaliers) ou au froid
III
Limitation sévère de l'activité
physique, confort au repos
Angor au moindre effort
IV
Incapacité à fournir aucun
effort physique; dyspnée
au repos
Angor au repos, angor instable
L’angor stable (stade I-II) se présente comme une douleur thoracique rétrosternale en étreinte pouvant
irradier dans la mâchoire, l’épaule et le bras gauches, ou dans le dos et l’abdomen supérieur. Il
survient à l’effort, au stress, au froid ou après la digestion. Pour le décrire, le patient a un mouvement
de main en griffe autour du thorax antérieur gauche ; au contraire, l’indication d’un point thoracique
précis avec un doigt caractérise la douleur rhumatismale chondro-costale antérieure (rhumatisme de
Thietze). L'angor instable (stade IV) se définit comme un angor d'apparition récente (< 2 mois), une
aggravation d'un angor déjà présent, une douleur allant crescendo, une non-réponse à la thérapeutique,
ou des crises de plus de 30 minutes accompagnées de modifications du segment ST et de l'onde T.
L’angor stable correspond le plus souvent à des sténoses coronariennes serrées et fixes limitant
l’apport d’O2 lorsque la demande augmente, alors que l’angor instable est caractéristique des plaques
instables (voir Ischémie & infarctus périopératoires). L’ischémie peut être silencieuse,
particulièrement chez les diabétiques et les personnes âgées, ou se manifester par des équivalents non
spécifiques (inconfort digestif, douleur maxillaire). En cas d’angor instable, l’incidence d’infarctus et
de mort subite est significativement plus élevée, et la mortalité opératoire des PAC est 3.5 fois plus
haute.
La symptomatologie de l'insuffisance systolique est dominée par la fatigabilité, l’intolérance à l’effort
et la dysfonction éventuelle des organes-cibles. La dyspnée signe une insuffisance diastolique. Une
dysfonction diastolique sévère est un facteur de décompensation cardiaque postopératoire et une cause
d’accroissement significatif de mortalité au même titre que l’insuffisance systolique.
Facteurs habituels de risque en chirurgie cardiaque (par ordre décroissant)
Choc cardiogène, insuffisance ventriculaire (FE < 0.3)
Opération en urgence
Insuffisance rénale (créatinine > 200 µmol/L)
Age (> 75 ans)
Réopération
Status polyvasculaire
Pneumopathie
Diabète
Sexe féminin
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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Références
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BRIDGEWATER B. Almanac 2012 – adult cardiac surgery: the National Society Journals present selected research that has
driven recent advances in clinical cardiology. Heart 2012; 98:1412-7
CORNWELL LD, OMER S, ROSENGART T, et al. Changes over time in risk profiles of patients who undergo coronary artery
bypass graft surgery. JAMA 2015; 150:308-15
DUPUIS JY, WANG F, NATHAN H, et al. The cardiac anesthesia risk evaluation score. A clinical useful predictor of mortality
and morbidity after cardiac surgery. Anesthesiology 2001 ; 94:194-204
FILSOUFI F, RAHMANIAN PB, CASTILLO JG, et al. Results and predictors of early and late outcomes of coronary artery
bypass graft surgery in octogenarians. J Cardiothorac Vasc Anesth 2007; 21:784-92
KRISTENSEN SD, KNUUTI J, SARASTE A, et al. 2014 ESC/ESA Guidelines on non-cardiac surgery: cardiovascular
assessment and management. Eur Heart J 2014; 35:2383-431
NALYSNYK L, FAHRBACH K, REYNOLDS MW, ZHAO SZ, ROSS S. Adverse events in coronary artery bypass graft
(CABG) trials: a systematic review and analysis. Heart 2003; 89:767-72
NASHEF SAM, ROQUES F, SHARPLES LD, et al. EuroSCORE II. Eur J Cardiothorac Surg 2012; 41:734-45
ROQUES F, NASHEF SAM, MICHEL P, et al. Risk factors and outcome in European cardiac surgery: analysis of the
EuroSCORE multinational database of 19030 patients. Eur J Cardiothorac Surg 1999; 15 :816-23
Society of Thoracic Surgeons Database. Executive summary 2013
2
3
4
5
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7
8
9
10
Indices de risque
Les indices de risque sont basés sur un système de score, attribuant une certaine valeur à chaque
facteur de risque indépendant. L'importance relative de chacun de ces facteurs est habituellement
déterminée par régression logistique, technique statistique qui permet d'examiner l'effet de chaque
facteur univarié en présence de toutes les autres variables. Il existe une vingtaine d’indices de risque
différents en chirurgie cardiaque. Les deux indices les plus souvent utilisés sont l’EuroSCORE établi
sur des patients d’Europe occidentale, et le score de la Society of Thoracic Surgeons (STS Score),
établi sur des patients nord-américains. La prévalence d’une affection et son impact sur le devenir des
malades varient considérablement d’une région du monde à une autre : l’incidence de coronaropathie
est nulle chez les esquimaux, le taux d'obésité morbide est triple aux USA comparé à l'Europe, la
réactivité aux β-bloqueurs est différente chez les populations noires ou blanches. Il faut donc rester
réservé sur les possibilités de transposer les résultats d’une population à une autre.
La première version de l’EuroSCORE (European System for Cardiac Operative Risk Evaluation) est
basée sur les données cliniques d’un collectif de 19’030 patients issus de 128 centres chirurgicaux de 8
pays européens [13]. Les 17 facteurs de risque retenus et les points de pondération qui leur sont
attribués sont décrits dans le Tableau 3.1A [9].
L’EuroSCORE permet une prédiction de la mortalité opératoire à 30 jours en additionnant les points
obtenus. Lorsque aucun facteur de risque n’est présent, la mortalité de base est de 0.4% pour les PAC
simples et de 1% pour le remplacement d’une valve. Il est actuellement le score le plus performant
pour les populations européennes, bien qu’il présente une tendance à surestimer la mortalité dans les
scores bas (< 6 points) et à la sous-estimer dans les scores élevés [8]. C’est la raison pour laquelle il en
existe une version plus sophistiquée (Logistic EuroSCORE) dont la précision est meilleure,
particulièrement dans les scores élevés, mais dont le calcul se fait au moyen d’une formule complexe
nécessitant une calculatrice ou le recours au site internet (http://www.euroscore.org/calc.html) [12].
Pour élargir la base de référence et améliorer la prédiction de mortalité, ce score a été récemment
révisé (EuroSCORE II) au sein d'une population plus large (23'451 patients de 43 pays), ce qui a
amélioré sa valeur prédictive puisque le coefficient de corrélation pour la mortalité à 30 jours est de
0.81 [11]. Une série de facteurs de risque ont été pris en compte (www.euroscore.org/calc.html).




Risque NYHA (degré de dyspnée) II, III et IV;
Angor, stade IV uniquement;
Diabète insulino-requérant;
Age, à partir de 60 ans;
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
6
 Genre féminin;
 Artériopathie extracardiaque (claudication, sténose carotidienne, intervention sur l'aorte
abdominale ou des artères périphériques);
 BPCO;
 Mobilité réduite;
 Antécédents de chirurgie cardiaque (impliquant une ouverture du péricarde), reprise;
 Insuffisance rénale, basée sur la clairance de la créatinine (3 degrés par ordre de gravité : 5185 mL/min, en dialyse, < 50 mL/min);
 Endocardite active (antibiothérapie en cours);
 Etat préopératoire critique (massage cardiaque, TV, inotrope en cours, contrepulsion, anurie);
 Dysfonction ventriculaire gauche (3 degrés : FE 0.3-0.5, 0.2-0.3, < 0.2);
 Infarctus récent (< 90 jours);
 Hypertension pulmonaire (2 catégories : PAPsyst 31-55 mmHg, > 55 mmHg);
 Opération en urgence (3 catégories : dans le même séjour hospitalier, immédiate dans les 24
heures, sauvetage lors de réanimation);
 Gravité de l'intervention (4 catégories : PAC isolés, procédure simple autre que PAC,
opération double, opération triple ou davantage);
 Chirurgie de l'aorte thoracique.
Ces facteurs sont mentionnés avec leur valeur de pondération dans le Tableau 3.1 B [11].
Tableau 3.1 A
EuroSCORE I
Facteurs liés au patient
Age
Sexe
Pneumopathie
Artériopathie
Dysfonction SNC
Réopération
Créatinine
Endocardite
Situations critiques
par 5 ans au-dessus de 60 ans
féminin
utilisation de bronchodilatateurs ou de stéroïdes
maladie affectant le fonctionnement quotidien
affection neurologique incapacitante
après opération avec ouverture du péricarde
> 200 µmol/L en préopératoire
patient sous antibiothérapie lors de l'opération
TV, fibrillation, MCE, CPIA, support inotrope,
ventilation assistée, insuffisance rénale aiguë
1
1
1
2
2
3
2
3
3
Facteurs liés à la cardiopathie
Angor instable
angor au repos sous perfusion de dérivés nitrés
Dysfonction VG
FE 30 – 50%
FE < 30%
Infarctus
infarctus récent < 3 mois
Hypertension pulm
PAP systolique > 60 mmHg
2
1
3
2
2
Facteurs liés à l'opération
Urgence
opéré dans un délai inférieur à 24 heures
Opération complexe
Aorte thoracique
CIV post-infarctus
2
2
3
4
On calcule la mortalité correspondante en additionnant les points.
TV : tachycardie ventriculaire. MCE : massage cardiaque externe. CPIA :
contre-pulsion intra-aortique. CIV : communication interventriculaire
[D'après référence 9].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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Tableau 3.1 B
EuroSCORE II
NYHA
Classe II
Classe III
Classe IV
Angor stade IV
Diabète insulino-requérant
Age
Genre féminin
Artériopathie extracardiaque
BPCO
Mobilité réduite
Antécédents d'opération cardiaque
Insuffisance rénale
En dialyse (équilibré)
Clairance créatinine 50-85 mL/min
Clairance créatinine < 50 mL/min
Endocardite active
Etat préopératoire critique
Dysfonction du VG
Modérée (FE 0.3-0.5)
Sévère (FE 0.2-0.3)
Très sévère (FE < 0.2)
Infarctus récent
Pression systolique pulmonaire
31-55 mmHg
> 55 mmHg
Degré d'urgence
Dans les jours suivants
Dans les 24 heures
Sauvetage
Gravité de l'intervention
Non-PAC, procédure simple
Intervention double
Intervention triple ou plus
Aorte thoracique
0.7
2.1
3.3
1.5
2.4
4.5
2.3
4.8
1.5
1.4
9.1
2.1
2.4
5.9
3.0
7.4
3.0
3.2
5.4
1.1
1.4
2.1
2.7
4.0
4.1
0.1
4.3
6.6
2.9
Les chiffres représentent le facteur de pondération de chaque item.
[D'après référence 11].
Dans la pratique, l'EuroSCORE II présente un coefficient de corrélation avec la mortalité réelle de
0.82; cette performance est globalement équivalente à celle des autres versions. Il est optimalement
calibré pour le calcul de mortalité jusqu'à 30%, mais surévalue le résultat dans le troisième tertile de
risque [4]. Certains facteurs comme la mobilité, le BPCO, l'infarctus récent, la procédure simple nonPAC et la PAP entre 35 et 55 mmHg peuvent être abandonnés sans en changer la précision, car ils ont
peu d'impact dans le calcul [4].
Le STS Score s’adresse à des populations nord-américaines. Il est basé sur l’analyse d’une banque de
données concernant plus de 2 millions de patients. Il comprend une quarantaine de facteurs, dont une
version abrégée retient 28 critères associés à des points de pondération permettant de calculer la
mortalité. Les facteurs de pondération et la méthode de calcul étant la propriété commerciale de la
STS, l’évaluation de la mortalité doit se faire en ligne sur le site de la société
(http://209.220.160/STSWebRiskCalc261/) (www.sts.org). Pour les PAC isolés, il est aussi possible de
calculer certaines morbidités (Tableau 3.2).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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Tableau 3.2
Score STS
Age
Sexe
Hauteur
Poids
Index de masse corporelle
Diabète
Pneumopathie
Artériopathie périphérique
Accident vasculaire cérébral
Réopération de PAC
Réopération de valve
Nombre de réopération
Créatininémie
Dialyse
Hypertension
Endocardite active
Arythmie
Angor instable
Dysfonction VG
Choc cardiogène
Infarctus récent
Classe NYHA
Agents inotropes
Hypertension pulmonaire
Urgence
CPIA
Chirurgie mitrale
La comparaison de ces deux scores sur des populations nord-américaines démontre des performances
superposables, malgré les différences démographiques, bien que le score STS tendent à sous-estimer la
mortalité des cas à haut risque [10].
Parmi les autres indices de risque, on peut citer le score de Parsonnet et sa version révisée de
Bernstein-Parsonnet, le modèle de la Cleveland Clinic, qui tend à sous-estimer la mortalité, et le
Northern New England Score, d’où est dérivé le score de l’ACC/AHA (www.nnecdsg.org). Un index
anesthésiologique (CARE : Cardiac Anesthesia Risk Evaluation Score) basé sur le jugement clinique
utilise la combinaison de trois facteurs de risque : les comorbidités, classées en contrôlées ou noncontrôlées, la complexité de l’intervention chirurgicale, et la notion d’urgence (U) [7].





1. Patient avec maladie cardiaque stable, sans comorbidité, prévu pour une intervention
simple.
• 1 – mortalité :
0.5%
2. Patient avec maladie cardiaque stable, avec une ou plusieurs comorbidités contrôlées, prévu
pour une intervention simple.
• 2 – mortalité :
1.1%
3. Patient avec un problème médical non contrôlé, ou prévu pour une intervention complexe.
• 3 – mortalité :
2.2%
• 3U – mortalité :
4.5%
4. Patient avec un problème médical non contrôlé et prévu pour une intervention complexe.
• 4 – mortalité :
8.8%
• 4U – mortalité :
17%
5. Patient avec une maladie cardiaque avancée ou chronique chez qui la chirurgie représente
un dernier espoir de sauver ou améliorer la vie.
• 5 – mortalité :
29%
• 5U – mortalité :
46%
Ces index sont très utiles pour ajuster le risque lorsqu’on évalue les résultats de séries cliniques ou que
l’on compare des populations ; ils permettent de définir un niveau de risque au-delà duquel
l’intervention chirurgicale est discutable, ou les seuils de mortalité au-delà desquels il est préférable de
recourir à des interventions percutanées moins invasives. Mais ils n’ont probablement que peu
d’impact sur la prise en charge clinique, car ils ne disent rien sur le pronostic d'un patient individuel:
toute prédiction de mortalité ne s'adresse qu'à une population. D’autre part, les résultats opératoires
sont influencés par des facteurs locaux comme la qualité chirurgicale, la prise en charge clinique et les
performances de l’institution, facteurs qui ne peuvent pas être quantifiés dans les indices de risque. Le
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
9
rapport entre la mortalité observée dans une série et la mortalité prédite par le modèle (Mo/Mp) permet
de se faire une idée de la performance d'une institution ou d'un chirurgien; celle-ci est meilleure que la
moyenne si ce rapport est < 1 [11]. Dans un souci de contrôle de qualité, il est important de faire
figurer l’un de ces scores dans l’examen d’entrée des patients de chirurgie cardiaque.
La fragilité (frailty) d'un patient est une notion difficile à quantifier car elle relève davantage du
jugement clinique. Elle est constituée de différents éléments: faiblesse, fatigabilité, chutes répétitives,
inactivité, perte pondérale, malnutrition, dépendance, lenteur de la marche (> 6 sec pour 5 m),
dépression, altérations cognitives, épisodes de délire, dont on peut constituer un index. Il est alors un
prédicteur indépendant du risque opératoire, augmentant de 2 à 4 fois la mortalité [3]. Le hazard ratio
(HR) est de 4.9 pour les complications cardiovasculaires; pour la mortalité, il est de 2.6 – 3.7 dans les
opérations en CEC et de 3.2 dans les TAVI (pose de valve aortique par cathétérisme) [1,14].
L'association avec les maladies cardiovasculaires est élevée (OR 4.1) [1]. La fragilité est une
vulnérabilité extrême liée à l'effet cumulatif du déclin de nombreux systèmes avec l'âge. Sa prévalence
est de 16% entre 80 et 84 ans, et de 26% au-delà de 85 ans [6]. Cette perte de la résilience entame
tellement les réserves physiologiques que des stresseurs minimes peuvent déclencher des altérations
disproportionnées de l'état clinique. Le diagnostic de fragilité est très important parce que ces patients
sont gravement péjorés par le stress majeur d'une intervention cardiaque, quand bien même leur âge
chronologique n'est pas en soi une contre-indication [5].
L’indication opératoire à un remplacement valvulaire est facile à poser lorsque les malades sont
symptomatiques ou qu’ils répondent aux critères de valvulopathie sévère (voir Chapitre 11 Apparition
des symptômes), mais il est plus difficile de décider d’une opération chez un patient asymptomatique
ou paucisymptomatique. Dans ces conditions, le suivi échocardiographique permet de repérer le
moment où les dimensions du ventricule ou de l’oreillette se modifient significativement (diamètre
télésystolique VG > 2.5 cm/m2, diamètre télédiastolique VG > 4 cm/m2, diamètre de l’OG > 5.5 cm).
Une diminution de performance systolique ou l’apparition d’arythmies (fibrillation auriculaire)
déterminent aussi le moment d’intervenir [2].
Indices de risque
Plusieurs indices de risque permettent de calculer la mortalité probable d'une intervention de chirurgie
cardiaque en fonction des comorbidités des malades et des risques propres à l'intervention:
EuroSCORE I et II, STS-score, etc. Leur corrélation avec la mortalité réelle est bonne (r = 0.8).
Références
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14
Consultation préopératoire
Prise de contact
La visite préopératoire est le premier contact du patient avec l’anesthésiste. C’est l’occasion d’établir
une relation thérapeutique basée sur la confiance et le respect mutuel. C’est aussi le moment
d’expliquer au malade les différentes procédures de l’anesthésie et leurs risques, le déroulement de
l'induction et le réveil aux soins intensifs. Il est important de discuter avec lui de ses propres options
lorsque des choix sont possibles. Sans pour autant l’effrayer, il faut aborder avec le malade la question
de la réanimation, au cas où une situation grave devait s’installer. Il est capital de connaître son
opinion de manière à pouvoir respecter son autonomie s’il n’était plus en état de communiquer. Ce
dialogue est complété par un document écrit co-signé par le malade et l’anesthésiste, qui entérine le
contrat moral qu'a ce dernier avec son patient.
Anamnèse
Outre les données habituelles à toute anamnèse, plusieurs points particuliers sont à rechercher chez les
patients de chirurgie cardiaque.


Coagulopathies : saignements au brossage des dents, hématomes spontanés, etc.
Allergies :
• A cause de l’utilisation peropératoire de protamine (originaire du sperme de saumon),
il est important de rechercher une allergie aux poissons, une administration antérieure
d’insuline NPH (protamine-zinc), ou une intervention précédente ayant nécessité
l’administration de protamine (chirurgie cardiaque ou vasculaire dans les 6-12
derniers mois).
• L’aprotinine induit des réactions importantes, particulièrement chez les personnes qui
ont des allergies alimentaires à la viande et au blanc d’œuf, et chez celles qui ont été
en contact avec cette substance dans les 6-12 derniers mois. Actuellement,
l’aprotinine n’est plus utilisée (voir Chapitre 7 Antifibrinolytiques).
 Affections respiratoires (BPCO, asthme) : l’état respiratoire du malade doit être optimalisé
pour l’intervention au moyen de bronchodilatateurs, de mucolytiques, de physiothérapie et
d’antibiothérapie si nécessaire. Il est parfois malaisé de distinguer l’importance de l’affection
respiratoire de celle de la composante pulmonaire due à la stase gauche (maladie mitrale,
insuffisance congestive du VG). Le dosage du BNP/NT-proBNP est utile pour différencier
l'étiologie de la dyspnée: le taux est normal dans une affection respiratoire, alors qu'il est
supérieure à la norme lorsque le VG est dilaté ou insuffisant. Sauf situations extrêmes et
irréversibles (capacité vitale < 1 L par exemple), les affections broncho-respiratoires ne sont
pas une contre-indication à la chirurgie cardiaque, mais un facteur de risque supplémentaire
impliquant un séjour prolongé en soins intensifs. Si la SpO2 à l'air ambiant est < 90%, il faut
prévoir des tests de fonction pulmonaire, une gazométrie artérielle à l'air ambiant et une
consultation avec un intensiviste.
 Symptôme neurologiques : une histoire d’accident vasculaire cérébral (AVC), d’accident
ischémique transitoire (AIT) ou d’amaurose fugace doit commander des investigations
neurologiques (Doppler carotidien) ; une sténose carotidienne significative doit être opérée
avant l’intervention cardiaque (voir Souffle carotidien).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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






Symptômes urinaires : toute infection urinaire doit être traitée ; une symptomatologie
prostatique peut rendre la cathétérisation vésicale difficile et nécessiter la mise en place d’un
drainage sus-pubien.
Hémorragies digestives : la cause doit en être recherchée systématiquement (endoscopie) vu
les risques lors de l’héparinisation en circulation extra-corporelle (CEC).
Cure de varices : l’absence de saphène ou la présence de varices importantes obligent à
prélever les veines pour les pontages coronariens sur la jambe controlatérale ou aux membres
supérieurs, ou à utiliser des greffons artériels (artères mammaires, radiale, épigastrique, etc).
Toute infection dentaire ou de la sphère ORL doit être investiguée et traitée.
Tabagisme : un fumeur doit cesser sa consommation au moins 2-3 semaines avant l’opération,
idéalement 2 mois ; un arrêt de quelques jours n’est probablement d’aucun bénéfice.
Alcoolisme : recherche de cirrhose hépatique, d’hémorragies digestives et de troubles
neurologiques ; les patients dans la catégorie Child A restent candidats à une intervention en
CEC, les stades B et C sont en général considérés comme une contre-indication opératoire.
Diabète : rechercher les complications (insuffisance artérielle, rénale, etc) ; le régime
antidiabétique doit être continué jusqu’au jour opératoire (voir médication préopératoire);
contrôle de l'Hb A1c (< 7%).
Status physique
Outre l'auscultation cardio-pulmonaire, l’examen physique du patient doit mettre en évidence quelques
points précis en plus du status général et de l’examen cardiaque.







Examen des sites de ponction pour la mise en place du cathéter artériel (pouls radial, test
d'Allen, pouls fémoral, souffle fémoral) et du cathéter veineux central (jugulaire ou sousclavier).
Différence de pression artérielle entre les deux bras : une sténose sous-clavière empêche
l’utilisation de l’artère mammaire interne ou la canulation de CEC de ce côté-là. Aucune
ponction artérielle ou veineuse n'est possible sur le bras où est prévu le prélèvement de l'artère
radiale.
Artériopathie périphérique : recherche des pouls radiaux et fémoraux (cathéter de monitorage
artériel, contre-pulsion intra-aortique, assistance circulatoire).
Status veineux des membres : recherche de varices en cas de PAC veineux.
Eventuelles infections cutanées dans les sites opératoires (sternum, prélèvements veineux,
sites de canulation).
Caries dentaires : toute implantation de matériel prosthétique (valves) commande un
assainissement dentaire préopératoire.
Status ORL : recherche et traitement de foyers infectieux avant une mise en place de valve.
Tolérance à l’effort
La tolérance à l’effort est un des déterminants majeurs du risque opératoire, car elle traduit la réserve
fonctionnelle du myocarde. L’évaluation de la capacité fonctionnelle se fait habituellement en
équivalent métabolique ou MET, qui équivaut à la consommation en oxygène d’un adulte sain (40 ans,
70 kg) au repos (3.5 ml/kg/min). On peut estimer la réserve fonctionnelle du patient par l’évaluation
des activités qu’il est susceptible d’effectuer, en les classant par ordre croissant (Tableau 3.3) [8].
La capacité fonctionnelle est divisée en trois catégories : excellente (> 9 MET), modérée (4-8 MET)
ou faible (< 4 MET). Le niveau de discrimination entre faible et bonne tolérance à l'effort est situé
entre 4 et 5 MET, ce qui correspond à la capacité de monter un ou deux étages d'escaliers (4 MET =
VO2max de 15 ml/kg/min). Cette stratification est une estimation clinique très pertinente de la réserve
fonctionnelle du patient; la mortalité opératoire augmente significativement en dessous du seuil de 4
MET. Bien que cette valeur soit supérieure à la consommation d'O2 postopératoire (5-7 ml O2/kg/min),
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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elle correspond aux besoins réels, car la période qui suit une intervention chirurgicale majeure est
l'équivalent d'un exercice soutenu et prolongé. Or un individu ne peut maintenir sur 24 heures qu'un
débit cardiaque correspondant à 45% de sa VO2 maximale ; les 45% de 4 MET correspondent donc
aux besoins minimaux de la période postopératoire [1]. Du point de vue strictement cardiologique,
l'estimation la plus simple de la réserve fonctionnelle du myocarde en l’absence de valvulopathie est la
fraction d’éjection (FE) du ventricule gauche.
Tableau 3.3
Equivalents métaboliques
1-4 MET
Ménage, activités à domicile
Marche à plat sur 500 m à vitesse moyenne (4 km/h)
Escaliers sur 1 étage
5-9 MET:
Marche à la montée
Escaliers sur 2 étages ou plus
Travail lourd mais sédentaire
Activités sportives modérées (golf, randonnées)
> 10 MET:
Sports intenses (tennis, natation, vélo, montagne)
Travail physique astreignant (ouvrier de chantier)
[D’après référence 8]
Souffle carotidien
La présence d’un souffle carotidien doit toujours inciter à en rechercher l’importance et la cause. Une
sténose carotidienne de plus de 50% est présente chez 10-20% des malades porteurs de vasculopathie
artérielle ou de coronaropathie [9]. Une sténose asymptomatique supérieure à 75% est accompagnée
d’un risque d'AVC de 5% par an. Lorsqu’il existe une anamnèse d’AVC, le risque d’accident
neurologique est de 25% la première année et de 12% par an par la suite ; il descend à 2%/an en cas
d’AIT ou d’amaurose fugace [7]. Pour la chirurgie cardiaque, ce risque impose d’investiguer tous les
malades avec un souffle ou une anamnèse, ainsi que tous les patients de plus de 65 ans
symptomatiques ou non. La première étape d’investigation est un scan-Duplex, qui combine un
examen bidimensionnel et un examen du flux sanguin (Doppler) ; en cas de lésion présentant une
indication chirurgicale, il est complété par une angio-IRM, un angio-CT ou une angiographie
carotidienne.
Il est indiqué de procéder à une thrombendartérectomie carotidienne (TEAC) avant une opération de
chirurgie cardiaque pour les raisons suivantes (voir Chapitre 19, Indications opératoires) [6,7,11,12].
 Chez les patients symptomatiques, la TEAC réduit le risque d'AVC ipsilatéral de 12%/an
(sans intervention) à 2.5% (avec opération) ; la mortalité opératoire est inférieure à 1%.
 Chez les patients asymptomatiques, le taux d’AVC post-TEAC n’est que de 0.5-2%.
 En chirurgie cardiaque, l’incidence d’AVC postopératoire passe de 2% en moyenne à 6-12%
en cas de lésion carotidienne associée.
 Le risque d'un d'infarctus myocardique périopératoire lors de TEAC n'est que de 1.6%.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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Ces données démontrent que la TEAC est une intervention bénigne dont la mortalité et la morbidité
sont très basses. Les indications opératoires avant une intervention de chirurgie cardiaque ou noncardiaque sont basées sur la prévention de l’AVC ; ce sont [12] :




Sténose symptomatique (AIT, amaurose, ictus) de ≥ 60% ;
Sténose asymptomatique de ≥ 70% ;
Sténose ulcérée, même < 70% et asymptomatique ;
Une occlusion carotidienne chronique de 100% n'est pas une indication.
D'après la littérature, l'incidence de complications coronariennes (infarctus) et carotidiennes (ictus) est
plus élevée dans les opérations simultanées (7-11%) que dans les interventions en deux temps (5%)
[4,5] ; la mortalité est de 4-6% en cas d'opérations simultanées, alors qu'elle est de 1-2% pour les PAC
seuls et de < 1% pour la TEAC seule. Les risques respectifs de chaque intervention étant inférieurs à
ceux d’une intervention combinée, on procède en général à deux interventions étagées :
habituellement, la TEAC est entreprise dans un premier temps, et les PAC 2-4 semaines plus tard [11].
Ce délai est justifié par le fait que l'autorégulation vasculaire cérébrale est affectée pendant 2 semaines
après un AVC ou une TEAC et que le risque de complications neurologiques est décuplé pendant cette
période [2]. D'une manière générale, le syndrome le plus instable, qu'il soit coronarien ou carotidien,
est opéré en premier lieu.
Infarctus récent
Le risque opératoire est excessif dans les premiers jours après un infarctus constitué. Un délai de 4-7
jours est recommandé pour procéder à une revascularisation chirurgicale, sous peine d’étendre encore
la lésion [10]. Une menace d’infarctus (impending infarction), notamment lors d’un échec de
revascularisation percutanée, est une indication à des PAC d’urgence si les symptômes durent depuis
moins de 6 heures et que le territoire menacé est vaste. Les risque hémorragiques sont très importants
chez les patients qui ont bénéficié d’une thrombolyse dans les 12 heures qui précèdent ou qui sont
sous de hautes doses d’antiplaquettaires. En cas de souffrance hémodynamique, un ballon de contrepulsion intra-aortique préopératoire permet de maintenir la perfusion coronarienne.
Infarctus menaçant
Les patients qui présentent un angor instable et un infarctus menaçant sont en général au bénéfice
d'une perfusion de nitroglycérine et d'héparine ainsi que d’administration d’antiplaquettaires à dose
maximale, en attendant de subir des PAC dans un bref délai. Quelle que soit l'instabilité
hémodynamique qu'elle occasionne, la perfusion de dérivé nitré doit être impérativement poursuivie
jusqu'à l’opération. La perfusion d'héparine est continuée jusqu'à la canulation artérielle. Comme les
hémorragies peropératoires restent plus importantes que de coutume, il est judicieux de prévoir
suffisamment de poches de sang frais (en général 4) et de thrombocytes.
Examens de laboratoire et examens cardiologiques
Les examens de laboratoire demandés de routine pour la chirurgie cardiaque sont les suivants:







Formule sanguine complète, TP, PTT, thrombocytes, fibrinogène ;
Na+, K+, Mg++, Ca++, urée, créatinine, glycémie, protéines (albumine), CRP, tests hépatiques ;
CK-MB, troponines T/I si ischémie active ;
BNP/NT-proBNP si insuffisance ou dilatation ventriculaire;
Agglutinines froides ;
Hb A1c si diabète;
TSH si traitement d'amiodarone prévu;;
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




Culture d’urine et analyse d’urine complète ;
Recherche de sang occulte dans les selles ;
Groupe-rhésus et confirmation de groupe ;
Epreuves croisées (habituellement, commande de 2 concentrés érythrocytaires) ;
Gazométrie artérielle si SpO2 < 90%.
Une élévation de la créatininémie après angiographie impose de retarder l’intervention jusqu’à
normalisation (risque d’insuffisance rénale postopératoire). Les examens cardiologiques fonctionnels
sont les suivants :



ECG.
Echocardiographie transthoracique.
Radiographie thoracique face et profil: silouhette cardiaque, taille de l'OG, médiastin, plèvres,
redistribution vasculaire pulmonaire, position des diaphragmes, recherche de calcifications
aortiques ou mitrales; en cas de reprise: position du VD sous le sternum, position des clips des
anastomoses précédentes, clips sur l'artère mammaire.
 Fonctions pulmonaires (facultatif) : si la FEV1 est < 65% de la capacité vitale (ou < 1.5-2 L),
les risques de ventilation postopératoire prolongée sont élevés ; une CV < 1 L est une contreindication opératoire si elle est d’origine pulmonaire.
 Tests d’effort (facultatif).
 IRM, CT-scan, cathétérisme et coronarographie, selon indications.
Pour les opérations valvulaires, on ajoute les examens suivants :




Rx dents OPG ;
Rx sinus antérieurs et postérieurs ;
Examens ORL et dentaire ;
Frottis de gorge.
Dans de nombreuses cardiopathies (valvulopathies, masses, endocardite, anomalies congénitales),
l’échocardiographie est devenue suffisamment performante pour apporter toutes les données
nécessaires à l’indication opératoire; un cathétérisme n’est pratiqué que dans les cas douteux.
Toutefois, l’échocardiographie est complétée par une coronarographie de routine au-delà de 45 ans
chez les hommes et de 50 ans chez les femmes, ou en cas de symptomatologie ischémique. Lorsque
l’évaluation suggère un risque périopératoire élevé et un séjour prolongé en soins intensifs
postopératoires, il est judicieux que le médecin responsable de cette unité soit mis au courant et, le cas
échéant, participe à la décision opératoire.
Consultation préopératoire en chirurgie cardiaque
La prise de contact avec le patient permet de le mettre au courant de la manière dont se déroulera
l'opération pour lui. L'anamnèse anesthésique est dirigée vers les éléments qui peuvent poser
problèmes lors d'une CEC et d'une anticoagulation. Outre l'auscultation cardio-pulmonaire, l'examen
clinique évalue les points de ponction pour les cathéters. Tout souffle carotidien commande une
investigation. Des examens de laboratoire spécifiques complètent la consultation.
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Médication préopératoire en chirurgie cardiaque
Le traitement déjà mis en oeuvre pour stabiliser le patient indique le degré d'altération fonctionnelle et
la direction dans laquelle doivent tendre les modifications liées à l'anesthésie. La majeure partie des
patients est sous une pharmacothérapie complexe : β-bloqueur, dérivé nitré, inhibiteur de l’enzyme de
conversion (IEC), bloqueur calcique, antiplaquettaire, statine, anti-arythmique, etc. La question se
pose souvent de savoir quels médicaments conserver jusqu'à l'opération et lesquels arrêter, et avec quel
délai.
Les β-bloqueurs
Les β-bloqueurs sont les seuls médicaments associés à une baisse de l'incidence d'événements
ischémiques peropératoires en chirurgie coronarienne [20,57]. Ils améliorent le pronostic à long terme
après infarctus myocardique et lors d’insuffisance cardiaque chronique. Il y a donc largement plus
d'intérêt à les continuer jusqu'à l'opération qu'à les interrompre en préopératoire, ce qui peut induire
une ischémie aiguë dans les 48 heures par effet rebond. Cependant, une analyse récente de la base de
données STS n’a mis en évidence aucun gain du β-blocage sur la mortalité, le taux d’AVC ou
l’insuffisance rénale (OR 0.96-1.04) après pontage aorto-coronarien chez les patients qui ne souffrent
ni d’infarctus ni d’ischémie myocardique active [7]. Dans cette étude, le β-blocage n’offre aucune
protection contre la FA.
Il était de routine de remplacer, à dose équipotente, les β-bloqueurs de longue durée d'action par des
substances d'activité plus courte (propanolol 10-40 mg) ou cardio-sélectives (métoprolol 50-100 mg),
leur effet pouvant être prolongé à la demande par des doses répétées ou une perfusion d'esmolol.
Actuellement, la tendance est de ne plus modifier le traitement en cours, et de le maintenir en
préopératoire, éventuellement en diminuant la dose à la prémédication. Le but est d'obtenir une
fréquence maximale de 60-65 battements/minute. Lorsque les patients sont au bénéfice d'un traitement
chronique à long terme, la protection n’est efficace que si la fréquence est strictement contrôlée, au
besoin par des doses supplémentaires en peropératoire. La fixité de la fréquence sous β-bloqueurs
limite significativement l'adaptabilité du débit cardiaque aux variations de la demande métabolique et
de l'hémodynamique peropératoires. En chirurgie cardiaque, le gain opéré sur la protection ischémique
jusqu'à la CEC surpasse largement les inconvénients d'une bradycardie, aisément réglée par un pacemaker ou par une augmentation des catécholamines à effet β.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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Les inhibiteurs de l’enzyme de conversions et les antagonistes de l’angiotensine II
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversions (IEC) et les antagonistes de l’angiotensine II (AA-II) sont
des antihypertenseurs de choix car ils baissent les résistances périphériques (vaisseaux résistifs) et le
retour veineux (vaisseaux capacitifs) sans provoquer de tachycardie ; d’autre part, ils ont une activité
inhibitrice sur le remodelage ventriculaire dans l’hypertension artérielle et dans l’insuffisance
cardiaque. Le système rénine-angiotensine est impliqué dans la régulation du volume circulant, de la
pression sanguine et des circulations régionales; il est activé par la baisse du volume sanguin effectif.
Alors que l'on en dépend peu en normovolémie, sa contribution au maintien de la pression artérielle
devient cruciale en hypovolémie [15]. Lorsque le système rénine-angiotensine est bloqué, la pression
artérielle dépend des deux autres régulations physiologiques : le tonus sympathique, système à
régulation rapide, et la vasopressine endogène, système compensatoire lent (délai 20 minutes) qui agit
sur les vaisseaux résistifs et non capacitifs [43].
L'anesthésie générale inhibant l'activité sympathique, le débit cardiaque du malade sous IEC/AA-II ne
s'adapte plus aux variations de charge que par la vasopressine (régulation lente) ; la pression artérielle
devient dépendante de la précharge. Il existe donc un risque majeur d'hypotension sévère à l'induction
et d'oscillations amples de la pression artérielle lors des variations de volume et de stimulation centrale
[14,50]. Le patient se comporte comme s’il était sur la partie basse de la courbe de Frank-Starling
(voir Chapitre 5, Figure 5.44). La PAM est abaissée de 12% et les RAS de 18%; 22% des patients
présentent un degré significatif de vasoplégie durant la CEC [10]. Ces effets sont encore accentués par
l’hypovolémie et la dysfonction diastolique ; ils sont potentialisés par l’utilisation simultanée de
diurétiques [30]. La littérature est assez contradictoire au sujet de l'interruption ou de la continuation
des IEC/AA-II en périopératoire chez les hypertendus [17]. Le débat porte surtout sur l'incidence
d'insuffisance rénale postopératoire. En effet, cette dernière peut être augmentée de manière marginale
(OR 1.18) par le maintien des IEC [2], ou au contraire diminuée de 45% [3]. C'est probablement la
gestion de l'hémodynamique peropératoire qui fait la différence.
Comme il n'existe pas d'effet rebond à l'arrêt du traitement, il est recommandé de stopper les IEC 24
heures avant l'intervention, ou selon leur durée d’action pharmacologique, lorsque l'indication est une
hypertension artérielle. Le risque de poussée hypertensive peropératoire n'est pas aggravé ; d'ailleurs,
les IEC n'en protègent pas le malade [15]. Traiter l'hypotension survenue au cours de l'anesthésie peut
être ardu car la réponse adrénergique est atténuée; dans les cas sévères, seule la vasopressine a un effet
significatif. Ces remarques s'appliquent également aux AA-II (sartans) et aux inhibiteurs directs de la
rénine (aliskiren).
Si l'indication aux IEC/AA-II est une insuffisance ventriculaire gauche congestive, l'incidence
d'hypotension à l'induction est moins sévère parce que la courbe de Frank-Starling de ces patients est
beaucoup moins inclinée : les variations de précharge modifient peu le volume systolique du cœur
défaillant. Lorsqu’ils sont prescrits dans le cadre de l'insuffisance congestive chronique, il est donc
plus prudent de maintenir les IEC puisqu'ils améliorent la fonction ventriculaire gauche, même si la
tolérance à l'hypovolémie peut en être réduite [21,33].
Les anti-calciques
Il est recommandé que les bloqueurs calciques soient continués jusqu'à l'intervention, bien que leur
interruption ne paraisse pas occasionner d'ischémie aiguë et que leur maintien puisse augmenter le
besoin en catécholamines et en volume, et prolonger l'effet des curares. Vasodilatateurs des vaisseaux
de résistance mais non de capacitance, ils provoquent une hypotension qui est fonction du niveau des
RAS [63]. La nifédipine et l'isradipine induisent une tachycardie réflexe, alors que le diltiazem et le
vérapamil ont des effets inotorope et chronotrope négatifs susceptibles d’induire une bradycardie
sévère en cas d’administration simultanée de β-bloqueur ou d’amiodarone.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
17
Autres hypotenseurs
Les alpha-2-agonistes (clonidine, dexmedetomidine) limitent la tachycardie et l'hypertension, et
induisent de plus une sédation et une analgésie; ces effets peuvent être bénéfiques en peropératoire en
diminuant les effets de la stimulation sympathique. Toutefois, ils inhibent la libération de noradrénaline aux terminaisons sympathiques, et interfèrent de ce fait avec l'activité de la dopamine, qui
est atténuée, et celle de la dobutamine, qui est accentuée [45]. En chirurgie cardiaque, les alpha-2
agonistes sont associés à une réduction de l'incidence d'ischémie myocardique (OR 0.65), mais non de
l'infarctus ni de la mortalité [65]; vu le nombre d'éléments en cause dans l'ischémie lors de
revascularisation coronarienne, il n'est pas possible de tirer des conclusions formelles de ce résultat.
Les diurétiques entraînent un risque d'hypotension par hypovolémie et baisse de précharge [30]. Ils
favorisent l'hypokaliémie, l'hyponatrémie, l’hypomagnésémie et l'alcalose métabolique. Il est
préférable de ne pas administrer les diurétiques le jour de l'intervention, de manière à conserver un
volume circulant élevé; cette précharge haute facilite l'équilibre lors de l'induction et de la ventilation
mécanique. Vu la haute teneur en K+ des solutions de cardioplégie, l’hypokaliémie n’est pas un risque
significatif, mais l’hypomagnésémie augmente le risque d’arythmies, particulièrement celui de
fibrillation auriculaire.
Les dérivés nitrés doivent être maintenus aux dosages habituels jusqu'à l'intervention; ils sont
administrés le matin du jour opératoire, car leur arrêt brusque peut induire une ischémie. La baisse de
la précharge qu'ils occasionnent s'associe à la chute du tonus sympathique lors de l'induction de
l'anesthésie; elle provoque une baisse souvent importante de la pression artérielle, qu'il faut compenser
par du volume (cristalloïde, colloïde) ou de faibles doses d'éphédrine (2-5 mg iv: effet α veineux
central prédominant). Quelle que soit l'instabilité hémodynamique qu'elle occasionne, une perfusion
de dérivé nitré en cours doit être impérativement poursuivie jusqu'à la CEC.
Les statines
Les inhibiteurs de la 3-hydroxy-3-méthylglutaryl coenzyme A réductase, ou statines, sont très
largement utilisés pour leurs effets hypolipémiants, anti-inflammatoires, anti-oxydants et stabilisateurs
des plaques athéromateuses. En chirurgie cardiovasculaire, ils présentent trois caractéristiques
intéressantes : 1) ils augmentent la production de NO, ce qui diminue l'aggrégation plaquettaire et
améliore la fonction endothéliale ; 2) ils diminuent la réaction inflammatoire et endothéliale à la CEC ;
3) ils freinent la prolifération de la musculature lisse, ce qui diminue le risque de resténose après PCI
(Percutaneous Coronary Intervention). Les statines sont associées à des effets secondaires
musculaires ; la plupart du temps mineurs (faiblesse, crampes myalgies dans 1-5% des cas), ils
peuvent aller jusqu'à la rhabdomyolyse et l’insuffisance rénale aiguë (1/107 cas). Dans le
postopératoire, il est important de surveiller la créatine-kinase et les transaminases, bien qu’aucun cas
n’ait été décrit jusqu’ici.
En chirurgie cardiaque, les statines diminuent non seulement la mortalité (OR 0.57) mais aussi le
risque d’AVC (OR 0.74) et celui de fibrillation auriculaire (OR 0.67) [38]. Lorsqu’on reprend le
traitement dès le premier jour postopératoire, elles diminuent l’incidence d’insuffisance rénale (OR
0.3) [5]. Leur effet sur le risque d’infarctus est variable, étant plus prononcé lorsque celui-ci est
associé à un status inflammatoire important (OR 0.56); elles tendent à diminuer le taux de troponine
postopératoire [51]. Ce tableau optimiste repose sur une série d'études comportant un nombre peu
élevé de cas [34]. Dans la plus récente et la plus vaste des études, la rosuvastatine n'a pas influencé le
taux de FA ni le taux de troponine postopératoires, mais a augmenté de 5% le risque d'élévation de la
créatinine après CEC [68]. Malgré ces contradictions, les statines ont probablement un rôle à jouer en
chirurgie cardiaque. Elles doivent être maintenues en préopératoire, y compris à la prémédication, et
reprises dans les pemières 24 heures postopératoires.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
18
Les anti-arythmiques
Les anti-arythmiques sont une protection à conserver pour la période périopératoire. Les antiarythmiques du groupe I posent des problèmes d'interférences médicamenteuses, car ils prolongent
l'effet des curares. L'amiodarone provoque un bloc sympathique alpha et béta non-compétitif qui peut
être à l'origine d'hypotension et de bradycardie sévères.
Les interférences médicamenteuses avec les digitaliques sont nombreuses, mais non avec les agents
d'anesthésie; la tolérance à la digitale est augmentée par l'isoflurane, la kétamine et le fentanyl. La
digoxine est essentiellement indiquée pour ralentir la réponse ventriculaire dans les tachyarythmies
supraventriculaires ; dans cette indication, elle est maintenue jusqu’à l’opération, mais n’est pas
administrée à la prémédication. Le bénéfice de la digitale dans le traitement de l’insuffisance
cardiaque est marginal, et largement remplacé par les catécholamines en peropératoire ; dans cette
indication, elle peut être suspendue sans risque.
Les antidiabétiques
L’insuline nécessaire à l’équilibre glycémique du patient est continuée jusqu’à la veille de l’opération
au soir. Le plus sûr est de ne pas administrer d’insuline à la prémédication, mais de maintenir la
glycémie sous contrôle (< 10 mmoles/L) au moyen d’une perfusion continue d’insuline rapide
(Actrapid®) dès l’arrivée en salle d’opération. Les antidiabétiques oraux (sulfonylurées) ont des effets
qui s'opposent à la protection myocardique par préconditionnement offerte par les halogénés ; ils ne
sont pas administrés le jour opératoire. Chez les malades à haut risque coronarien, ils devraient
probablement être stoppés quelques jours avant l'intervention. Il en est de même des inhibiteurs Cox-2
sélectifs. Les antidiabétiques oraux peuvent être remplacés par de l'insuline (voir Chapitre 21
Diabète).
Médicaments préopératoires en chirurgie cardiaque
Une série de médicaments sont couramment utilisés chez les patients de chirurgie cardiaque. Leur
administration ou non à la prémédication est variable:
- β-bloqueurs : maintien et contrôle de la fréquence cardiaque à 60-65 batt/min
- Inhibiteurs de l’enzyme de conversion et bloqueurs du récepteur angiotensine II :
Stop 24 heures si l'indication est l'hypertension artérielle
Maintien si l'indication est l'insuffisance VG
- Anti-calciques : maintien
- Dérivés nitrés : maintien
- Anti-arythmiques : maintien
- Statines: maintien
- Digitale : stop
- Diurétiques : stop
- Antidiabétiques : insuline selon besoin, stop antidiabétiques oraux le jour opératoire
Les anticoagulants
La demi-vie d’élimination des anticoagulants conditionne le délai qu’il faut prévoir entre l’interruption
du traitement et l’acte chirurgical. Alors qu’il existe des recommandations claires pour les délais à
respecter lors de traitement avec les héparines et les anti-vitamine K, on ne dispose pour les nouveaux
anticoagulants que de données basées sur la pharmacocinétique de ces substances (pour davantage de
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
19
détails, voir Chapitre 8, Les anticoagulants) [26]. Les délais d’interruption préopératoire
habituellement proposés avant la chirurgie cardiaque sont les suivants [11,18,26,27,58,62].









Héparine non-fractionnée
HBPM prophylactique
HBPM thérapeutique
Fondaparinux (Arixtra®)
Dabigatran (Pradaxa®)
Apixaban (Eliquis®)
Rivaroxaban (Xarelto®)
Edoxaban (Lixiana®)
Coumarines
0-4 h
12 h
24 h (48 heures si clairance créatinine < 50 mL/min)
72 h (4 jours si clairance créatinine < 50 mL/min)
48-72 h (4 jours si clairance créatinine < 50 mL/min)
48-72 h (4 jours si clairance créatinine < 50 mL/min)
48 h (≥ 3 jours si clairance créatinine < 50 mL/min)
48-72 heures (4 jours si clairance créatinine < 50 mL/min)
5 jours (Marcoumar® 10 jours) ; substitution par de l’héparine
Ces délais sont basés sur une attente correspondant à 5 demi-vies (taux sérique baissé à 3%) vu le
risque hémorragique élevé de la chirurgie cardiaque. En cas d’insuffisance rénale, ils sont prolongés
pour les substances éliminées par les reins (voir Tableaux 3.10 et 3.11, pages 118 et 121) [46].
Le degré d’anticoagulation obtenu par les différents médicaments est évalué par un certain nombre de
tests (voir Tableau 8.4 et Chapitre 8, Monitorage) [11,52].
 Antivitamine K : TP et INR.
 Héparine non-fractionnée (HNF) : aPTT (dosages standards), ACT (dosages élevés).
 Héparines à bas poids moléculaire (HBPM) : effet anti-Xa (spécifique) ; aPTT (modification
non-quantitative).
 Fondaparinux (Arixtra®) : effet anti-Xa calibré.
 Dabigatran (Pradaxa®) : effet anti-IIa, Hemoclot™ (spécifiques) ; TT, aPTT (nonquantitatifs).
 Rivaroxaban (Xarelto®), apixaban (Eliquis®), edoxaban (Lixiana®) : effet anti-Xa calibré
(spécifique) ; TP (non-quantitatif, valable seulement si le réactif utilisé est sensible au
rivaroxaban, comme la Néoplastine Plus).
Tableau 8.4 : Effets des anticoagulants sur les tests de laboratoire
Substance
Héparine non-fractionnée
HBPM
Fondaparinux (Arixtra®)
Bivalirudine (Angiox®)
Dabigatran (Pradaxa®)
Apixaban (Eliquis®)
Rivaroxaban (Xarelto®)
Edoxaban (Lixiana®)
Anti-vitamine K
aPTT
TP
INR
↑
↑
↑
(↑)
(↑)
(↑)
↑
↑
(↑)
↑
↑
↑
↑
(↑)
(↑)
(↑)
(↑)
↑
TT
ACT
↑
↑
↑
(↑)
Anti-Xa*
Anti IIa
↑
↑
↑
↑
↑
↑↑
↑
↑↑
↑↑
↑↑
↑
* spécifiquement calibré pour la substance dosée
La sensibilité des tests est la plus élevée pendant les 4-8 premières heures après l’administration
de la substance. L’INR a été spécifiquement conçu pour le suivi des AVK.
D’après: Chassot PG, Barelli S, Blum S, et al. Antiplatelet therapy and anticoagulation. In : Marcucci C, Schoetker P,
editors. Perioperative haemostasis. Coagulation for anaesthesiologists. Heidelberg : Springer Verlag, 2015, 109-30
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
20
La gestion des anticoagulants en préopératoire peut se résumer comme suit (voir Tableau 3.11, page
121) [18,26,27,46,58,62].
 Héparine non-fractionnée (HNF); interruption de la perfusion au plus tôt à l’induction
(syndrome coronarien aigu). Idem pour la bivalirudine.
o Contrôle: aPTT, ACT.
o Antidote spécifique: protamine.
 Héparines de bas poids moléculaire (HBPM); la durée de l’interruption est fonction de la dose
sous-cutanée.
o HBPM prophylactique (10’000-12’000 UI/24 h): interruption 12 heures.
o HBPM thérapeutique (≥ 20’000 UI/24 h): interruption 24 heures; éventuelle
substitution par HNF intraveineuse pendant 12-24 heures.
o Contrôle de l’effet résiduel : effet anti-Xa.
o La protamine est un antidote seulement partiel.
 Anti-vitamine K (AVK); arrêt préopératoire de 5 jours (warfarine, acénocoumarol) à 10 jours
(phenprocoumone). Une valeur d’INR < 1.5 est le minimum acceptable ; en cas de prothèse
mécanique mitrale, l’INR ne doit pas descendre < 2.0. Contrôler l’INR 24 heures avant la
chirurgie.
o Substitution si risque thrombo-embolique élevé (prothèse valvulaire mécanique, FA
haut risque): HNF dès 48-72 heures après la dernière dose selon l’INR minimum
tolérable.
o Antidote spécifique: vitamine K (Konakion®) 2.5-5 mg iv/12 h en cas d’urgence;
l’effet n’est obtenu qu’après 12 heures.
o Antidote non-spécifique: complexe prothrombinique.
 Fondaparinux (Arixtra®): interruption de 72 heures.
o Délai étendu à 4 jours si la clairance de la créatinine est < 50 mL/min.
o Substitution si risque thrombo-embolique très élevé: HNF iv dès 24 heures après la
dernière dose.
o Contrôle de l’effet résiduel : effet anti-Xa.
o Pas d’antidote spécifique.
 Dabigatran (Pradaxa®); délai d’interruption préopératoire de ≥ 48 heures.
o Délai de 3-4 jours si clairance créatinine < 50 mL/min.
o Contrôle de l’effet résiduel : temps de thrombine (TT), Hemoclot™ ; aPTT normal :
pas d’effet résiduel.
o Antidote spécifique: idarucizumab (Praxbend®), autorisé en cas d'hémorragie aiguée
sur dabigatran.
 Rivaroxaban (Xarelto®), apixaban (Eliquis®), edoxaban (Lixiana®); interruption du traitement
pendant 48 heures (rivaroxaban) ou 72 heures (apixaban, edoxaban).
o Délai étendu à 3-4 jours si la clairance de la créatinine est < 50 mL/min.
o Contrôle de l’effet résiduel : activité anti-Xa. TP prolongé: effet résiduel (non
quantitatif). TT, fibrinogène, facteur XIII et D-dimères ne sont pas influencés par les
xabans.
o Antidote spécifique: andexanet alfa (Andexa®), en fin d'essai clinique mais pas encore
commercialisé. Les complexes prothrombiniques 4-facteurs sont probablement
efficaces.
L’héparinisation intraveineuse continue pendant 2 à 4 jours préopératoires peut épuiser les réserves en
antithrombine III de l’organisme et empêcher une anticoagulation efficace en CEC, car la chute de
l’antithrombine est de 5-10% par jour. Le traitement est l’administration de concentré d’antithrombine,
sous forme humaine purifiée ou recombinante ; la dose recommandée est 500-1'000 UI pour un adulte.
Les bioprothèses ne nécessitent une anticoagulation que pendant 3 mois, alors que les prothèses
mécaniques réclament une anticoagulation à vie, quelle que soit leur position (aortique, mitrale ou
tricuspidienne) ; l’INR ne doit pas descendre en dessous de 1.5 en cas de prothèse aortique et de 2.02.5 en cas de prothèse mitrale [58].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
21
Toute une série de substances naturelles fréquemment consommées interfèrent avec la coagulation et
peuvent entraîner un risque accru d’hémorragie, notamment par potentialisation des effets des
anticoagulants et des antiplaquettaires: anis, clou de girofle, curcuma, gingko, gingembre, camomille,
vitamine E, pamplemousse. Leur consommation doit être interrompue le plus tôt possible.
Anticoagulants en chirurgie cardiaque
Interruption préopératoire des anticoagulants :
- Héparine non-fractionnée
0-4 h (maintenir si syndrome coronarien aigu)
- HBPM prophylactique
12 h
- HBPM thérapeutique
24 h (48 heures si clairance créatinine < 50 mL/min)
- Coumarines
5 jours (Marcoumar® 10 jours)
substitution par de l’héparine dès que INR < 2.0
®
- Fondaparinux (Arixtra )
72 h (4 jours si clairance créatinine < 50 mL/min)
- Dabigatran (Pradaxa®)
72 h (4 jours si clairance créatinine < 50 mL/min)
- Apixaban (Eliquis®)
72 h (4 jours si clairance créatinine < 50 mL/min)
- Edoxaban (Lixiana®)
72 h (4 jours si clairance créatinine < 50 mL/min)
- Rivaroxaban (Xarelto®)
48 h (≥ 3 jours si clairance créatinine < 50 mL/min)
Les antiplaquettaires
L’aspirine en prévention secondaire (75-325 mg/jour) diminue efficacement le taux de récidive
d’infarctus, d’AVC, de thrombose artérielle périphérique et de mortalité. Sa prise quotidienne est
capitale dans la prévention des thromboses de stents et de pontages, quel qu’en soit le type. C’est un
traitement à vie qui n’est jamais interrompu, sauf en cas de risque hémorragique excessif. En chirurgie
de revascularisation cardiaque, l’aspirine diminue presque de moitié la mortalité, le taux d’infarctus
postopératoire et celui de revascularisation secondaire lorsqu’elle est débutée en préopératoire et
reprise dès 6 heures après l’intervention, sans augmentation significative des pertes sanguines ni du
taux de transfusion [16,55]. En contraste avec ce consensus, une publication récente a mentionné que
la mortalité et le taux de complications cardiaques ne sont pas significativement abaissés (OR 0.94)
par une dose d'aspirine préopératoire (100 mg) comparée à un placebo, mais que le taux de reprise
pour hémostase passe de 1.8% à 2.1% et celui de tamponnade de 0.4% à 1.1% [44]. Cependant, cette
étude ne porte que sur une dose unique d'aspirine, et affiche un taux d'infarctus global de 14.8%, ce
qui laisse à penser que d'autres facteurs que l'antiplaquettaires entrent en ligne de compte. Les
recommandations européennes actuelles sont donc les suivantes (recommandations de grade I C) [55].
 Maintien de l’aspirine (75-160 mg/j) en préopératoire (PAC et OPCAB) ;
 Interruption de l’aspirine 3-5 jours avant l’intervention dans les cas à haut risque
hémorragique et chez les patients qui refusent les transfusions ;
 L’aspirine n’est pas interrompue chez les porteurs de prothèses valvulaires ou de stents
coronariens, ni chez les patients souffrant de syndrome coronarien aigu;
 Un AINS n'est pas une substitution pour l'aspirine [22].
Un double traitement antiplaquettaire (aspirine + clopidogrel ou ticagrelor ou prasugrel) est impératif
après un syndrome coronarien aigu ou une revascularisation percutanée avec pose de stent. La durée
d’administration de la bithérapie varie selon les situations (voir Tableau 3.9A page 77) [6,21,24,32,
33,37,56].



2 semaines après angioplastie avec ballon simple ;
12 semaines après angioplastie avec ballon à élution ;
4-6 semaines après stents passifs (BMS), mais 12 mois en cas de syndrome coronarien aigu ;
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
22





12 mois après implantation de stents actifs (DES) de 1ère génération ;
3-6 mois après implantation de DES de 2-3ème génération ;
12 mois après syndrome coronarien aigu avec ou sans revascularisation ;
> 12 mois dans les stents à très haut risque;
3 mois (DES 2-3ème gén) ou 6 mois (DES 1ère gén, SCA) si risque hémorragique très élevé.
Les données actuelles en chirurgie générale démontrent clairement que le risque d’infarctus et de
décès à l’arrêt des antiplaquettaires est plus élevé que celui d’hémorragie peropératoire lorsque le
traitement est maintenu (voir Chapitre 29 Les Antiplaquettaires, Recommandations pour la chirurgie
cardiaque) [12,19]. En chirurgie cardiaque, la situation est plus délicate à cause de l’héparinisation
complète lors de CEC ou partielle lors de pontage à cœur battant (OPCAB). Dans le cas de la CEC, la
prise de clopidogrel dans les 5 jours qui précèdent des pontages aorto-coronariens (PAC) est un
prédicteur indépendant du risque hémorragique (OR 1.8-4.7), des besoins transfusionnels (OR 2.2 –
5.7), des reprises chirurgicales pour hémostase (OR 4.6) et du séjour en soins intensifs (OR 3.14)
[4,29,36,67]. Bien que le nombre de poches de sang administrées (de 1.6 à 3 unités) soit
significativement augmenté (de 51% à 73% des cas), la mortalité des patients et leur devenir à long
terme ne sont pas affectés [29]. Une étude portant sur 4'794 cas démontre que la prise de clopidogrel <
5 jours avant l’opération n’augmente que de manière peu importante le risque hémorragique par
rapport à son arrêt > 5 jours préopératoires : OR 1.24 pour les reprises chirurgicales à visée
hémostatiques, OR 1.40 pour les transfusions sanguines [31]. Elle montre aussi un autre point capital :
le chirurgien qui réalise l’opération est le facteur le plus clairement associé à l’hémorragie ! Une métaanalyse (6'835 patients souffrant de syndrome coronarien aigu) confirme la modestie de
l’augmentation des saignements (OR 1.29) et des reprises (OR 1.53) lorsque le clopidogrel est
interrrompu < 5 jours préopératoires ; de surcroit, elle est accompagnée d’une diminution du taux
d’infarctus périopératoire (OR 0.68) [9]. Avec le prasugrel, qui est 10 fois plus puissant que le
clopidogrel, le risque de saignements au cours de PAC est augmenté de 4.7 fois [66]. Sous ticagrelor,
le risque hémorragique des PAC électifs est identique au risque sous clopidogrel si la substance est
interrompue ≥ 3 jours avant l’intervention [60]. Si le ticagrelor est maintenu jusqu’à l’opération à
cause d’un syndrome coronarien aigu, les pertes de sang sont aggravées de 20% (850 mL vs 680 mL)
et le taux de reprise pour hémostase augmenté de 4 fois (16% vs 4%) [54].
Bien que le taux d’hémorragie et de transfusion soit augmenté sous bithérapie, le risque de thrombose
coronarienne ou de thrombose de stent est très élevé lorsqu’on interrompt les antiplaquettaires (voir
Chapitre 29 Les Antiplaquettaires, Balance des risques). L’effet rebond sur l’activité plaquettaire et
l’hyperagrégabilité des thrombocytes due au syndrome inflammatoire de la chirurgie cardiaque
augmentent encore le risque de thromboses aiguës. Après syndrome coronarien aigu ou pose de stents,
l’interruption des antiplaquettaires est une décision lourde de conséquence sur le risque d’infarctus et
sur la mortalité ; elle doit être prise de manière collégiale entre cardiologues, chirurgiens et
anesthésistes en fonction de chaque cas particulier. En cas de maintien de la bithérapie jusqu’à
l’opération, les antifibrinolytiques peropératoires permettent de réduire le risque hémorragique [59].
Une autre solution est de procéder à une revascularisation chirurgicale à cœur battant (OPCAB), car
celle-ci nécessite une plus faible héparinisation : le saignement peropératoire et le taux de transfusion
sont peu augmentés chez les patients sous clopidogrel jusqu’à l’intervention.
Les recommandations actuelles concernant les durées d’interruption des antiplaquettaires avant des
pontages aorto-coronariens sont les suivantes (recommandations de grade I B) [11,32,55] :
 Clopidogrel :
 Ticagrelor :
 Prasugrel :
5 jours ;
5 jours ;
7 jours.
Par contre, le double traitement antiplaquettaire (aspirine + clopidogrel/prasugrel/ticagrelor) n’est
interrompu que 24-48 heures lorsqu’il est prescrit pour un syndrome coronarien aigu ou pendant la
phase de ré-endothélialisation après une angioplastie percutanée simple (2 semaines) ou après pose de
stents (stents passifs : 4-6 semaines ; stents actifs 1ère génération: 6-12 mois; stents actifs 2ème-3ème
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
23
génération: 3-6 mois). La revascularisation à coeur battant est particulièrement indiquée dans ces
circonstances parce que moins hémorragipare [27].
Des tests d’agrégabilité plaquettaire effectués avant l’héparinisation (Multiplate™, VerifyNow™, TEG
PlateletMapping™) permettent de mieux prévoir quels sont les patients qui réclameront le plus de
transfusions érythrocytaires et plaquettaires : une inhibition de > 60% identifie 72-91% des patients
polytransfusés [48,49,55]. Lorsque leurs plaquettes sont inhibées à > 70%, les patients ont 11 fois plus
de risque d’être transfusés, quelle que soit la durée d’interruption (surface sous la courbe ROC pour
valeur-seuil à 70% : 0.77) [35]. Mais les plaquettes possèdent plusieurs types de récepteurs, qui ne sont
pas tous bloqués par les agents habituels ; ceux-ci inhibent essentiellement le récepteur thromboxane
(aspirine) et le récepteur ADP (clopidogrel, prasugrel, ticagrelor). Ainsi, la mesure combinée de la
réactivité à la thrombine (récepteur PAR-1) améliore la corrélation avec le risque hémorragique
peropératoire chez les patients sous un agent inhibant le recepteur ADP P2 Y12 [49]. Chez des malades
sous ticagrelor < 5 jours avant l'opération, l'aggrégométrie par impédance (Multiplate™) prédit le
risque d'hémorragie sévère avec une valeur prédictive positive de 63% et négative de 85% [40]. Les
tests d’agrégabilité permettent également de mieux circonscrire la durée d’interruption des
antiplaquettaires, car ils ont une meilleure valeur prédictive pour le risque hémorragique que le délai
entre l’opération et la dernière prise de clopidogrel [28,39,47]. Des pontages aorto-coronariens en CEC
(180 patients) pratiqués 1 jour, 3-5 jours ou > 5 jours après l’arrêt du clopidogrel en fonction de la
réactivité résiduelle des plaquettes au TEG-PlateletMapping™ (MAADP respectivement > 50 mm, 35-50
mm et < 35 mm) ont présenté des pertes sanguines équivalentes à celles des malades sans
antiplaquettaire, et ceci avec un délai d’attente moyen de 2.7 jours seulement [39]. Dans le cas des
pontages à cœur battant (300 patients), le délai d’arrêt du clopidogrel est ramené à 3.6 jours et les
saignements diminués de 40% en testant la réactivité plaquettaire des patients et en y adaptant la durée
d’attente préopératoire [41]. Cette attitude est encouragée plutôt dans les cas à risque hémorragique et
thrombotique faible ou modéré [55]. Un faible répondeur souffrira moins de l’interruption du
clopidogrel qu’un malade qui y est très sensible, mais il peut bénéficier d’une augmentation
momentanée du dosage pour pallier à l’hyperactivité plaquettaire périopératoire. D’autre part, la durée
d’interruption peut être réduite car un faible répondeur saigne moins qu’un individu normal sous
antiplaquettaire [13]. Ces variations individuelles sont beaucoup moins prononcées avec le prasugrel et
le ticagrelor.
Pour éviter un trop long défaut de couverture antithrombotique chez les patients à haut risque
ischémique sans augmenter excessivement le risque hémorragique, on peut remplacer le
clopidogrel/ticagrelor/prasugrel par un agent antiplaquettaire de courte durée d’action [55]. Le tirofiban
(Aggrastat®, 0.1 mcg/kg/min) et l’eptifibatide (Intergilin®, 1-2 mcg/kg/min) sont des anti-GP-IIb/IIIa
avec une demi-vie de 2-2.5 heures. Après avoir stoppé le clopidogrel/ticagrelor 5 jours, ou le prasugrel
7 jours avant l’intervention, le tirofiban ou l’eptifibatide sont administrés en perfusion dès le 5ème ou le
4ème jour préopératoire, et sont arrêtés 6-8 heures avant l’opération [8,53]. Celle-ci a lieu pendant la
fenêtre de récupération fonctionnelle des plaquettes, ce qui réduit le risque hémorragique. La perfusion
est redémarrée dans les 12-24 heures postopératoires, et le clopidogrel, le ticagrelor ou le prasugrel
prennent le relai dès que possible, en général dans les 24-48 heures. L’aspirine n’est pas interrompue.
Cette stratégie n’a pour l’instant fait l’objet que d’études observationnelles qui ont prouvé sa faisabilité,
mais elle n’est pas une recommandation formelle (recommandation classe IIb) car le degré d'évidence
clinique est faible [61]. Le cangrelor intraveineux sera une alternative très intéressante, puisque sa
demi-vie est de 9 minutes et que son activité disparaît en < 1 heure. Commencée 3-5 jours auparavant,
la perfusion (0.75 mcg/kg/min) n’est interrompue que 1-2 heures avant l’opération. L’étude BRIDGE a
démontré que les patients sous cangrelor présentent une intense inhibition plaquettaire pendant la
perfusion, mais une récupération totale de la fonction plaquettaire au moment de l’intervention [1].
Pour l'instant, le cangrelor n'est commercialisé que dans le cadre de la PCI pour syndrome coronarien
aigu.
La compétence hémostatique est rétablie dès que plus de 60% des plaquettes sont fonctionnelles. Dans
l'attente des antidotes aux antiplaquettaires actuellement en préparataion, seuls le renouvellement
spontané des thrombocytes (10%/jour) ou une transfusion de thrombocytes frais peuvent rétablir la
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
24
coagulabilité sanguine. La demi-vie plasmatique du clopidogrel est de 6-8 heures. Comme le taux
circulant d’une substance n’est plus que de 12.5% après 3 demi-vies, on peut estimer que 24 heures
après la dernière prise de clopidogrel, ou 12 heures après la dernière prise de prasugrel (demi-vie: 4
heures), les thrombocytes transfusés ne sont plus inhibés, alors que les plaquettes du patient sont
encore complètement bloquées par leur liaison irréversible avec la substance [42]. Le tirofiban et
l’eptifibatide ont des demi-vies brèves (2 et 2.5 heures respectivement), alors que celle de l’abciximab
est de 23 heures ; les plaquettes transfusées restent donc fonctionnelles 6-8 heures après
l’administration de tirofiban ou d’eptifibatide, mais seulement 72 heures après l’arrêt de la perfusion
d’abciximab [25].
La situation est différente pour un inhibiteur réversible comme le ticagrelor, qui n’immobilise pas la
plaquette pour toute sa durée de vie. La demi-vie du ticagrelor est de 7 heures, mais celle de son
métabolite actif (30-40% de l’activité totale) est de 10-13 heures. Le taux plasmatique n’est donc
négligeable qu’après 39 heures [23]. Mais à cause de sa liaison réversible avec le récepteur, le
ticagrelor a la capacité de diffuser entre les plaquettes en fonction de l’équilibre de masse, de se lier
aux nouvelles plaquettes mises en circulation, et de migrer sur les plaquettes fraîchement transfusées.
La transfusion plaquettaire perd alors de son efficacité pendant au moins 48 heures. Bien qu’il
n’augmente pas le risque hémorragique par rapport au clopidogrel, le ticagrelor altère
considérablement l’efficacité d’une transfusion plaquettaire, si bien que l’hémorragie, lorsqu’elle
survient, est plus difficile à juguler.
Antiplaquettaires en chirurgie cardiaque
Gestion préopératoire de l’aspirine :
- Maintien de la prévention secondaire (75-160 mg/j) en préopératoire (PAC et OPCAB)
- Interruption 3-5 jours avant l’intervention dans les cas à haut risque hémorragique et chez les
patients qui refusent les transfusions
- Pas d’interruption chez les porteurs de prothèses valvulaires ou de stents coronariens, ni chez
les patients souffrant de syndrome coronarien aigu
Gestion préopératoire de la bithérapie (aspirine + clopidogrel/prasugrel/ticagrelor) :
- Interruption du clopidogrel : 5 jours
- Interruption du ticagrelor : 5 jours
- Interruption du prasugrel : 7 jours
- Interruption maximale de 24-48 heures (préférentiellement pas d’arrêt) en cas de syndrome
coronarien aigu ou de stents coronariens récents (BMS : < 6 semaines, DES : < 3-12 mois
selon le type de stent)
Substitution du clopidogrel/prasugrel/ticagrelor par un antiplaquettaire de courte durée en perfusion
(eptifibatide, tirofiban, cangrelor) en cas de risque hémorragique et de risque thrombotique très
élevés ; maintien de l’aspirine.
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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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Investigations cardiologiques préopératoires
Les investigations cardiologiques habituelles consistent en radiographie du thorax (face et profil),
ECG, échocardiographie transthoracique, tests d’effort et coronarographie. Elles révèlent quatre
aspects des cardiopathies.




L’anatomie et la fonction cardiaques (échocardiographie, CT-scan, IRM) ;
Une athéromatose ou des sténoses coronariennes (coronarographie, angio-CT, angio-IRM) ;
Un déficit de perfusion myocardique (scintigraphie, IRM au gadolinium) ;
Des anomalies électriques ou de contraction ventriculaire dues à l’ischémie (ECG d’effort,
échocardiographie de stress, angio-IRM).
Les tests d’effort ont pour but de mettre en évidence une ischémie myocardique en stressant le
myocarde par un exercice physique (bicyclette, tapis roulant), par une augmentation de sa
consommation d’O2 (dobutamine, atropine, pacing) ou par une vasodilatation coronarienne et un effet
de vol (dipyridamole, adénosine). On peut évaluer l’ischémie par les altérations électriques (ECG
d’effort), les modifications de la cinétique segmentaire (échocardiographie) ou les changements dans
la perfusion myocardique (scintigraphie au thallium 201 ou technetium-99m, SPECT, PET) [1,2]. Le
risque lié aux tests d’effort est < 0.03%. L’anatomie coronarienne, enfin, est démontrée par l’IRM, le
CT-scan et la coronarographie. La valeur pronostique des tests d’effort est analysée ici en fonction de
leur capacité à prédire les complications cardiaques postopératoires en chirurgie non-cardiaque.
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2
Echocardiographie
L’échocardiographie transthoracique simple est une technique non invasive permettant de mettre en
évidence un grand nombre de données diagnostiques et pronostiques au moyen de l’imagerie
bidimensionnelle, tridimensionnelle et Doppler (Figure 3.1) :









Fonction et dimensions du ventricule gauche ;
Fonction et dimensions du ventricule droit, évaluation de la pression pulmonaire ;
Diagnostic des cardiomyopathies ;
Diagnostic des valvulopathies ;
Cinétique segmentaire et localisation d’infarctus ;
Complications ischémiques : anévrysmes, CIV, thrombus, etc ;
Lésions péricardiques ;
Défauts anatomiques congénitaux ;
Lésions d’endocardite, masses intracavitaires (myxome, thrombus).
L'échocardiographie apporte souvent des réponses à l'évaluation préopératoire du risque chirurgical.
 Fraction d'éjection (FE), qui représente la réserve fonctionnelle des ventricules ; le risque
opératoire est directement proportionnel à son abaissement ; comme elle est très dépendante
des conditions de charge et de la dimension du ventricule, la FE n'est pas un critère valable de
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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




la fonction du VG en cas de valvulopathies. Une FE < 0.35 a une sensibilité de 50% et une
spécificité de 91% pour la prédiction des complications cardiaques postopératoires [2].
En cas de valvulopathies, les dimensions télédiastoliques et télésystoliques du VG ont
davantage de pertinence que la FE pour l’évaluation fonctionnelle.
Dimensions télédiastoliques du VG ; dans les cas de surcharge de pression (sténose aortique,
hypertension artérielle), le risque de dysfonction ventriculaire est élevé en cas de diamètre
(Dtd) > 4 cm/m2.
Dimensions télésystoliques du VG: dans les cas de surcharge de volume (insuffisance
aortique, insuffisance mitrale), le risque de dysfonction ventriculaire est probable en cas de
diamètre (Dts) > 2.5 cm/m2.
Présence d’une hypertension pulmonaire (évaluée par le biais d’une insuffisance
tricuspidienne) et d’une dysfonction ventriculaire droite.
Présence d’une dilatation ventriculaire et/ou d’une dysfonction diastolique, qui aggrave le
pronostic opératoire.
Figure 3.1 : Image
échocardiographique
transthoracique (ETT) des
4 chambres cardiaques
(vue apicale).
VD
VG
OD
OG
L’échocardiographie simple évalue les zones hypokinétiques (ischémie) et les akinésies (infarctus) au
repos, mais elle n’offre pas une vision dynamique du status coronarien, et ne dit rien sur le seuil
ischémique ni sur la réserve coronarienne.
L’échocardiographie transthoracique (ETT) est indiquée chez tout patient présentant une dyspnée et
une suspicion ou une anamnèse d’insuffisance cardiaque ou de valvulopathie. Mais l'ETT n’est pas un
examen de routine. Elle doit répondre à une question précise et n'a de sens que dans le cadre d'une
investigation ciblée dont le réultat modifiera la prise en charge anesthésique [1].
Echocardiographie
Evaluation non-invasive de la fonction ventriculaire (VD et VG), des valvulopathies, de la cinétique
segmentaire au repos, et du remodelage ventriculaire. Simple et peu onéreux, mais dépendant de
l’opérateur et de l’échogénicité du malade.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
29
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ECG d'effort (ergométrie)
L'ECG d'effort est le test de tolérance à l’effort le plus simple, le moins invasif et le moins cher. Il est
limité par les anomalies électrocardiographiques (BBG, digitale, par exemple) qui empêchent son
interprétation et par l'éventuel manque de mobilité du patient, ce qui est particulièrement le cas en
orthopédie et en chirurgie vasculaire (Figure 3.2A).
Repos (V4)
Effort (4’30’’)
Figure 3.2 A : ECG d’effort. Evolution du segment ST au repos (à gauche) et après 4 minutes et demi d’effort
maximal (à droite). Le sous-décalage ST est significatif. [Extrait de Extrait de: Zipes DP et al, eds. Braunwald's
Heart Disease, 7th ed. Philadelphia:Elsevier Saunders, 2005, Figure 10-4].
Il existe plusieurs protocoles d’ergométrie. Leur but est d’augmenter le travail cardiaque par paliers
jusqu’à une élévation maximale de la mVO2. Le protocole de Bruce, le plus utilisé, augmente
progressivement l’effort par tranches de 1-2 MET (voir Tableau 3.3 page 13) toutes les 3 minutes en
commençant à 4 MET et en allant jusqu’à 12-15 MET. Le but est d’atteindre au minimum le 85% de
la fréquence théorique maximale (FTM: 220 – âge chez l'homme, et 200 – âge chez la femme) ou un
double produit (fréquence x pression systolique) supérieur à 20'000 [2]. Le test est considéré comme
positif lorsque :
 L’abaissement du segment ST ≥ 1.5 mm (80 ms après le point J) apparaît dans au moins 5
dérivations (système à 12 dérivations ; ajouter V4R pour rechercher une ischémie droite) ;
 L’onde R augmente d’amplitude avec la tachycardie ;
 La pression systolique baisse de ≥ 10 mmHg ;
 Les modifications ECG apparaissent dans les 3 premières minutes du palier ;
 Les modifications ECG subsistent au moins 9 minutes après l’interruption de l’exercice ;
 La surélévation du segment ST est > 1 mm ; elle traduit une sténose proximale sévère, une
zone hibernante ou un phénompène de Prinzmetal ;
 Un angor et/ou des arythmies surviennent en cours d’examen, le plus souvent après les
modifications électriques.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
30
Le niveau d’effort auquel surviennent les symptômes est considéré comme le seuil d’ischémie. Le
risque cardiaque opératoire augmente significativement lorsque le patient n'a pas pu atteindre 85% de
la fréquence théorique maximale. L'impossibilité de pédaler plus de 2 minutes, d'atteindre 100
battements/minute ou la survenue d’une dépression horizontale ou descendante du segment ST de > 2
mm aux bas niveaux d’effort sont de mauvais pronostic, alors que les modifications du segment ST
qui n’apparaissent qu’à l’effort intense et disparaissent en moins de 30 secondes à l’arrêt sont un signe
peu fiable de coronaropathie et représentent probablement un faux positif. Une augmentation des
arythmies à l’effort est associée à une mortalité élevée, alors que la présence d’ectopies ventriculaires
isolées au repos n’est pas en rapport avec une modification du pronostic.
L’ergométrie a une spécificité modérée (75%), mais une sensibilité qui varie en fonction du nombre de
vaisseaux coronariens sténosés : respectivement 40, 60 et 70% pour des lésions mono-, bi- ou
tritronculaires [2]. Sa sensibilité est moindre si le test est sous-maximal. Environ un tiers des patients
avec une coronaropathie avérée ne présente pas de modifications significatives à l’ECG d’effort.
D'autre part, ce test est moins fiable et plus complexe à interpréter chez les patients vasculaires et chez
les femmes [1]. Mais comme il est facile et bon marché, l'ECG d'effort reste le premier choix parmi les
tests de dépistage pour les patients non vasculaires, notamment pace qu’il a une valeur prédictive
négative élevée (98%).
Ergométrie
L’ECG d’effort est simple, peu onéreux et non-invasif, mais il dépend de la mobilité du patient et de la
fiabilité de l’ECG pour l’ischémie. Sa spécificité est modérée (75%) et sa sensibilité (40-70%)
augmente avec le nombre de vaisseaux atteints.
Références
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Imageries de la perfusion myocardique
Plusieurs techniques permettent d’évaluer l’adéquation du flux coronarien dans les différents
territoires myocardiques. Elles sont basées sur l’utilisation d’un radiotraceur absorbé par les cellules
myocardiques et d’un vasodilatateur qui redistribue le flux coronarien. Comme le lit vasculaire est
maximalement dilaté au repos derrière une sténose, l’agent vasodilatateur augmente le flux dans les
zones saines seulement, ce qui baisse la pression de perfusion à travers la sténose et induit un
phénomène de vol sur la zone ischémiée dont la perfusion diminue. Deux agents sont utilisés à cet
effet.
 Le dipyridamole ; il bloque les récepteurs de l’adénosine et augmente la concentration libre de
cette dernière ; une dose de 0.85 mg/kg augmente de 4 à 5 fois le flux coronarien. Les effets
secondaires sont une hypotension systémique (30% des cas), des céphalées et des nausées. La
substance est contre-indiquée en cas de bloc AV, d’asthme et de traitement bronchodilatateur.
L’effet, qui dure plusieurs heures, peut être renversé par l’aminophylline.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
31
 L’adénosine ; vasodilatateur physiologique, elle a une durée de vie de quelques secondes ; elle
provoque une tachycardie et une hyopotension. Les effets secondaires sont plus fréquents et
plus importants que ceux du dipyridamole.
Scintigraphie au thallium-dipyridamole
La scintigraphie au thallium-dipyridamole (STP) par gamma-caméra utilise les propriétés du thallium201 de pénétrer rapidement dans les cellules myocardiques de manière analogue au potassium, en
combinaison avec l’effet vasodilatateur du dipyridamole sur les territoires sains. Le thallium 201 est
éliminé des cellules en 2-3 heures ; l’imagerie répétée à 3-4 heures représente la situation de repos. Le
tissu normal présente les même images aux deux temps, alors que les zones infarcies affichent les
mêmes défauts de perfusion (défauts fixes). Par contre, les zones présentant une ischémie active
n’affichent le traceur que dans les séquences au repos ; elles apparaissent comme des zones muettes
sous l’effet du dipyridamole (Figure 3.2B).
Repos
Stress
Figure 3.2 B : Scan thallium-dipyridamole au repos et après injection du vasodilatateur (stress). La zone nonperfusée apparaît comme une lacune (flèche) [Extrait de: Zipes DP et al, eds. Braunwald's Heart Disease, 7th ed.
Philadelphia:Elsevier Saunders, 2005, Figure 13-24A].
Le risque cardiaque est proportionnel à l’étendue de ces défauts réversibles: il est doublé lorsque la
réversibilité est de 30% et décuplé lorsqu’elle est de 50% [2]. Les défauts fixes ont peu de valeur
pronostique pour le risque d’infarctus périopératoire. D’une manière générale, les défauts réversibles
prédisent les accidents périopératoires et les défauts fixes les évènements à long terme [3].
Techniquement, la scintigraphie nécessite l'emploi de matériel radioactif, le jeûne du patient, et des
images répétées jusqu'à 24 heures. Elle est contre-indiquée en cas d'angor instable ou de BPCO sévère.
La technique scintigraphique permet en outre d’apprécier la cinétique des parois ventriculaires, de
quantifier leur taille, et de calculer la fonction globale des ventricules. Un test négatif a une haute
valeur prédictive négative (97%) pour les accidents ischémiques, dont l'incidence est alors inférieure à
1%/an [5]. Comme pour l’ergométrie, la valeur prédictive positive est basse (11%) [4].
SPECT et PET-scan
La tomographie computérisée par émission de proton (SPECT) au technetium-99m (99mTc sestamibi et
99m
Tc tetrofosmine) permet une analyse analogue des défauts de perfusion sous vasodilatation au
dipyridamole. La tomographie par émission de positrons (PET-scan) utilise les isotopes de certains
éléments comme le carbone, l’azote, l’oxygène ou le fluor qui ont la particularités d’émettre des
positrons. Le 13N-ammonium ou le rubidium-82 évaluent la perfusion, et le 18F-déoxyglucose teste le
métabolisme [1]. On peut alors suivre ces éléments avec une caméra et obtenir des images de la
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
32
perfusion (en mL/min) ou du métabolisme glucidique myocardique (moles/gm/min) selon que
l’élément reste extracellulaire ou est métabolisé. Ces examens permettent d'évaluer la viabilité
myocardique et le degré de réversibilité de l'ischémie en cas de revascularisation.
Imagerie de la perfusion myocardique
Scan Thallium-dipyridamole : diagnostic des zones d’ischémie active et des zones infarcies, mais
coûteux et matériel radio-actif.
SPECT et PET-scan : imagerie de la perfusion et du métabolisme myocardique
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Echocardiographie de stress à la dobutamine
L'échocardiographie de stress à la dobutamine (ESD) met à profit les propriétés chronotrope et
inotrope de cette catécholamine administrée en perfusion de 20-40 mcg/kg/min. Si les 85% de la
fréquence théorique maximale ne sont pas atteints, on peut ajouter de l’atropine. La demi-vie de la
dobutamine est de 2 minutes. Les effets secondaires les plus fréquents sont des palpitations, des
céphalées, une dyspnée et une hypotension. La présence d’une sténose aortique serrée ou d’une
sténose sous-aortique dynamique sont des contre-indications relatives à l’ESD. Le résultat du test
dépend largement de l'échogénicité transthoracique du patient et de la performance diagnostique du
cardiologue. Comme la scintigraphie au thallium-dipyridamole (STP), l'ESD permet de quantifier la
fonction ventriculaire, mais offre en outre la possibilité d'une évaluation cardiaque complète comme
toute échocardiographie : anatomie fonctionnelle, présence de valvulopathie, etc. L’ESD permet de
quantifier la fonction segmentaire des 17 segments dans lesquels est divisé le VG [2]. Chaque segment
est évalué sur une échelle de contractilité de 5 points : 1) normal, 2) hypokinésie légère, 3)
hypokinésie sévère, 4) akinésie, 5) dyskinésie ; l’addition des points divisée par le nombre de
segments observés fournit un score d’ischémie. L’hypokinésie et l’akinésie surviennent lorsque le flux
coronarien est diminué respectivement de 50% et de 80% (Figure 3.3).
A l’effort, la perfusion coronarienne ne peut pas subvenir aux besoins myocardiques en O2 dans les
zones desservies par des vaisseaux sténosés ; il apparaît donc une hypokinésie ou une akinésie dans les
segments correspondants (demand ischaemia). Les segments dont l’akinésie persiste sans changement
au cours du test sont des zones infarcies ; ceux qui récupèrent une certaine activité à l’effort
correspondent à des territoires hibernants, donc pouvant récupérer lors d’une revascularisation. Outre
la mise en évidence des altérations de la cinétique segmentaire, l’ESD est considérée comme positive
en cas d’altérations électriques significatives ou d’angor. Le test peut être interrompu en cas
d’hypotension, d’hypertension (> 220/120 mmHg) ou d’arythmies malignes. Le pronostic est fonction
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
33
du nombre de segments touchés, de leur degré d’altération cinétique, de leur localisation et de la durée
nécessaire à la récupération de leur contractilité.
5
11
CD
4
10
16
6 12 13 17 15 9
CX
3
14
7
IVA
2
1
Vue court axe TG
8
Vue schématique
CD
CX
0°
90°
Ant
IVA
Post
Lat
Apex
© Chassot 2016
Vue 2 cavités
Vue 4 cavités
Figure 3.3 : Représentation des segments ventriculaires gauches dont la contractilité est quantifiée à
l’échocardiographie de stress (dobutamine). Territoires coronariens en vue court axe transgastrique (TG), en
vues 2 cavités et 4 cavités rétrocardiaques, et en vue schématique. Cette dernière est une projection circulaire de
la vascularisation des différents segments avec l’apex au centre et la base en périphérie. La numérotation des
segments commence à la base et tourne dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Le VG est divisé en trois
parties (basale, moyenne, distale) ; la partie apicale est le 17ème segment. Chaque segment est évalué sur une
échelle de contractilité de 5 points : 1 = normal, 2 = hypokinésie légère, 3 = hypokinésie sévère, 4 = akinésie, 5 =
dyskinésie. CD : artère coronaire droite (bleu). CX : artère circonflexe (rouge). IVA : artère interventriculaire
antérieure (vert).
Echo de stress à la dobutamine
L’ESD permet le diagnostic des zones d’ischémie active et des zones infarcies, ainsi que de la fonction
ventriculaire ; c’est le test le plus sensible mais il dépend de l’opérateur et de l’échogénicité du
malade. Sa sensibilité augmente avec le nombre de vaisseaux coronariens sténosés à > 70%, mais elle
est très faible en cas de plaques instables peu sténosantes. L’ESD possède une très haute valeur
prédictive négative mais une faible valeur prédictive positive.
Alors qu’elle a une sensibilité (86%) voisine de celle de la scintigraphie, l’ESD est plus spécifique,
mais cette spécificité est fonction du nombre de vaisseaux atteints : elle est respectivement de 69, 89 et
100% en cas de maladie mono-, bi- ou tritronculaire [5]. Sa valeur prédictive négative est très élevée
(> 95%), mais sa valeur prédictive positive reste modeste (25-37%) [3]. L’ESD a une forte valeur
prédictive chez les patients à risque intermédiaire ou élevé, et chez les malades de chirurgie vasculaire
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
34
[4]. Elle permet d’identifier les patients chez qui une revascularisation coronarienne préopératoire doit
être envisagée, en fonction du nombre de segments ventriculaires gauches qui présentent des
altérations de leur cinétique lors du test. Lorsque plus de 30% du VG est sévèrement hypokinétique au
test (> 5 segments touchés), le risque de complications cardiaques est 10 fois plus élevé que lorsque le
test est faiblement positif [1]. Chez les patients situés dans les catégories de risque inférieures, l'ESD
ne permet pas de prédire le risque cardiaque périopératoire avec plus de précision que les autres tests.
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Choix du test d’effort
Un test d’effort ne se justifie que s’il modifie la prise en charge du patient. Il s'adresse à des malades
présentant une coronaropathie active, programmés pour des interventions chirurgicales non cardiaques
majeures, notamment vasculaires. Il n’a pas de sens dans les catégories à bas risque clinique ni pour
des opérations intermédiaires ou mineures. La comparaison entre l’échocardiographie de stress à la
dobutamine (ESD) et la scintigraphie au thallium-dipyridamole (STP) montre que, dans les deux
méthodes, un défaut de perfusion ou de contraction modéré à sévère augmente le risque d’infarctus
postopératoire de plus de 8 fois, mais que le taux de faux-négatifs est plus faible avec l’ESD [2]. La
corrélation avec la prédiction des évènements postopératoires est un peu meilleure pour l’ESD,
notamment chez les malades polyvasculaires. En effet, un tiers des complications cardiaques
postopératoires surviennent chez des malades dont le STP était normal avant l'opération [2]. La valeur
prédictive négative de ces tests est satisfaisante, mais leur valeur prédictive positive est très faible (1020%) [1,12]. La sensibilité et la spécificité des différents tests dans la détection des sténoses
coronariennes chez les malades qui présentent un angor sont rapportées dans le Tableau 3.4.
Le choix du meilleur test pour un malade donné tient à plusieurs critères [6] :
 Capacité à marcher ou pédaler ; l’ECG d’effort est inadapté aux malades polyvasculaires ou
orthopédiques ;
 Echogénicité thoracique ; une faible échogénicité empèche de lire les altérations cinétiques
segmentaires à l’ESD ;
 Asthme et cardiomyopathie obstructive sont des contre-indications au STP et à l’ESD,
respectivement ;
 Facteurs économiques : l’ECG d’effort est moins cher que l’ESD ; la scintigraphie est le test le
plus coûteux ;
 Facteurs institutionnels : le meilleur test est celui dans lequel les médecins de référence ont le
plus d’expérience et de savoir-faire.
D'une manière générale, le test ne doit pas être interprété seulement en termes de positivité ou
négativité. Il faut également quantifier le nombre de segments atteints, le degré et l'étendue des
altérations cinétiques apparues, leur position anatomique, et leur vitesse de récupération. Chez les
patients β-bloqués, les tests d'effort perdent de leur sensibilité et de leur valeur diagnostique, mais
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
35
déterminent efficacement le niveau de stress maximal toléré dans les conditions du β-blocage; ils
conservent donc toute leur valeur pronostique dans le cadre de l'évaluation préopératoire en chirurgie
non-cardiaque [13]. Bien qu'aucun test n'imite totalement les conditions opératoires, l'ESD est celui
qui se rapproche le plus de l'augmentation de la consommation d'O2 caractéristique de cette période.
Tableau 3.4
Comparaison des différents tests d'effort
Avantages
Défauts
Sensibilité
Spécificité
ECG d'effort
Simple,
Non-invasif
Peu onéreux
Anomalies sur ECG
Mobilité du patient
Valeur prédictive ↓
chez polyvasculaires
68 %
77 %
Thallium-dipyrid
Défauts de perfusion
réversibles ont une
valeur prédictive ↑
Fonction VG
Matériel radioactif
Jeûne, images retardées
CI: angor instable,
BPCO
83 %
73 %
Imagerie myocard
Thallium, Technetium 99,
PET scan, IRM gadolinium
83%
86%
85 %
82 %
Echo dobutamine
Val prédictive ↑ en
chir vasculaire
Fonction VG
Anatomie fonctionnelle
Dépend d’échogénicité
Risque de CMO
Opérateur-dépendant
CI: sténose aortique,
arythmies, anévrysme
(D'après référence 10)
Il existe trois limites majeures à l'utilité des tests d’effort dans le dépistage avant chirurgie noncardiaque.
 Les tests ont une très haute valeur prédictive négative mais une faible valeur prédictive
positive.
 La moitié environ des infarctus périopératoires ne survient pas dans les territoires les plus
sténosés à l'angiographie, mais est liée à la thrombose de plaques athéromateuses instables. Or
celles-ci apparaissent comme des sténoses peu significatives (< 60%) à la coronarographie et
ne déclenchent pas d’ischémie à l’effort [4,8].
 La cardioprotection périopératoire (β-bloqueurs, statines, anti-plaquettaires) et le strict
contrôle de la fréquence cardiaque (60-65 batt/min) limitent suffisamment le risque cardiaque
pour que les épreuves d’effort deviennent redondantes, sauf pour identifier les malades qui ont
besoin d’une revascularisation [3].
Pour limiter les épreuves d'effort aux patients chez qui elles ont le plus de chance d'être positives et de
conduire à une modification de la prise en charge thérapeutique, il est actuellement suggéré de doser
d'abord les biomarqueurs (troponines-HS I/T et BNP/NT-proBNP) chez les patients à risque avant des
interventions majeures [6,11]. Ce dosage est une étape rapide et peu onéreuse qui offre l'avantage d'un
pouvoir discriminatif élevé et évite de ce fait de nombreux examens inutiles (voir Indices de risque)
[5,7,9,14].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
36
Choix du test d’effort préopératoire
ECG d’effort : simple, peu onéreux et non-invasif, mais dépendant de la mobilité du patient et de la
fiabilité de l’ECG pour l’ischémie
Scan Thallium-dipyridamole : diagnostic des zones d’ischémie active et des zones infarcies, mais
coûteux et utilisation de matériel radio-actif
Echo de stress dobutamine : diagnostic des zones d’ischémie active et des zones infarcies, fonction
ventriculaire ; le plus sensible mais dépendant de l’opérateur et de l’échogénicité du malade
La sensibilité des tests d’effort augmente avec le nombre de vaisseaux coronariens sténosés à > 70%.
Les tests d’effort ne sont pas sensibles pour les plaques instables peu sténosantes. Ils ont une très haute
valeur prédictive négative mais une faible valeur prédictive positive. Ils ne sont indiqués que chez des
malades à risque, de faible capacité fonctionnelle et prévu pour de la chirurgie majeur. Un dosage
préalable des biomarqueurs permet de sélectionner les patients qui ont le plus de chance d'avoir une
épreuve positive.
Références
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IRM et CT-scan
Imagerie par résonance magnétique (IRM)
La résonance magnétique nucléaire cardiaque se développe rapidement et devient progressivement un
examen de premier choix pour visualiser l’anatomie, évaluer la fonction ventriculaire et les débits, et
quantifier l’ischémie et la viabilité tissulaire (Figure 3.4).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
37
A
B
VD
VD
VG
OD
VG
OG
C
D
IdM
VD
Th
VD
OD
VG
VG
OD
OG
Figure 3.4 : Images d’une coupe du cœur à l’IRM. A : vue 4-cavités d’un cœur normal. B : vue court-axe du VD
et du VG. C : Présence d’un thrombus (Th) dans le VG. D : absence de réhaussement dans une zone antéroseptale infarcie (IdM, infarctus du myocarde) au passage tardif du gadolinium (X. Jeanrenaud, Cardiologie,
CHUV, Lausanne).
Sa résolution spatiale est de l’ordre de 1.5 mm (à peine inférieure à celle de l’échocardiographie), et sa
résolution temporelle (< 60 ms) est de 30-40 images/sec (échocardiographie : jusqu’à 160 images/sec),
mais l’acquisition des images prend 10-20 minutes [5]. Elle offre des réponses très précises et très
spécifiques à des questions anatomo-pathologiques particulières, notamment lorsque
l’échocardiographie est de mauvaise qualité, car elle offre une caractérisation adéquate des tissus mous
et ne souffre pas d’artéfacts. L’utilisation de produit de contraste non-iodé (gadolinium) et l’absence
d’irradiation ionisante sont des avantages considérables. Malheureusement, l’IRM est exclue chez les
malades trop claustrophobes, obèses, porteurs de matériel métallique (pace-maker, pompe, prothèse)
ou arythmiques (l’image est reconstruite à partir de plusieurs cycles cardiaques réguliers au cours
d’une apnée de 12 secondes). Le prix et la complexité de l’installation sont considérables. L’IRM est
particulièrement performante dans certaines indications [5,7].

Mesure la plus rigoureuse des volumes ventriculaires du VG et du VD ; calcul de la FE, de la
fraction de régurgitation, du shunt, etc ; mesure très précise de l’épaisseur et de la masse
ventriculaire.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
38





Caractérisation précise des structures tissulaires : zones inflammatoires, fibrose et cicatrice
ischémiques, zone d’hypertophie ventriculaire asymétrique, infiltration fibro-graisseuse de la
dysplasie arythmogène, infiltration amyloïde, sarcoïdose, oedème, hyperémie et nécrose de la
myocardite.
Reconstruction tridimensionnelle et angiographie de l’aorte : dissection, anévrysme, thrombus,
hématome intramural, artérite (aortite).
Bonne résolution spatiale des feuillets valvulaires et des prothèses, mais résolution temporelle
plus lente que celle de l’échocardiographie ; le calcul des gradients n’est pas performant mais
celui des flux permet une bonne quantification de l’insuffisance aortique.
Grande précision dans les détails anatomiques des cardiopathies congénitales, notamment
dans les localisation difficiles pour l’échocardiographie : coarctation de l’aorte, retours
veineux anormaux, CIV complexe, récidive après correction chirurgicale.
Excellente définition de la perfusion myocardique (ischémie active) et de la viabilité tissulaire.
Lors d’ischémie myocardique, l’IRM de stress (perfusion myocardique au gadolinium sous adénosine
ou sous dobutamine) représente la meilleure alternative en cas d’échogénicité insuffisante pour une
échocardiographie. Un enregistrement de 3 coupes en court-axe permet de visualiser 16 segments
myocardiques. La sensibilité et la spécificité sont de 91% à 86% [2,13]. En enregistrant les images 1020 minutes après la perfusion de gadolinium (late gadolinium enhancement), on peut différencier
l’état de la région ischémique : obstruction microvasculaire (zone sombre), oedème (zone à risque),
cicatrice (infarctus, fibrose), ou hibernation (zone non fonctionnelle mais viable) [5]. L’avantage
principal est une excellente évaluation de la viabilité du tissu, donc de sa capacité à récupérer lors
d’une revascularisation. De plus, les thrombus intracavitaires sont très bien différenciés. Le
gadolinium est contre-indiqué lorsque la clairance de la créatinine est < 30 mL/min.
On peut obtenir des coronarographies de haute qualité, mais limitées aux vaisseaux proximaux, parce
que la tortuosité des petits vaisseaux qui entourent le coeur et la résolution spatiale plus faible que
celle de l’angiographie limitent les performances de l’IRM [6] ; de plus, les calcifications vasculaires
ne sont pas visibles. La résolution temporelle et l’imagerie dynamique de l’IRM sont supérieures à
celles de l’angio-CT.
Angio-CT
Le CT-scan multibarettes (64 à 320 détecteurs) permet de visualiser les artère coronaires et de réaliser
une coronarographie non invasive (Figure 3.5).
Sa résolution spatiale (0.4 mm) et temporelle (280-420 msec) restent toutefois inférieures à celle de
l’angiographie, même si la résolution spatiale est supérieure à celle de l’IRM. D’autre part, les plaques
calciques atténuent fortement les rayons X, apparaissent plus importantes que la réalité et masquent les
lésions voisines. Sa sensibilité est de 93% et sa spécificité de 76% [8]. Le score de calcium, qui chiffre
le degré de calcification du réseau coronarien, est un bon indice du risque ischémique (OR 2.6) [12]; il
est bien corrélé au risque de complication cardiaque (r = 0.762) [1]. Les macrocalcifications sont
associées aux plaques stables, alors que les microcalcifications sont plutôt liées aux plaques instables.
Cette différentiation est affinée par l’utilisation de produits de contraste iodés qui met en évidence
l’aspect excentrique et nécrotique des secondes. La présence d’hémorragie et de thrombus mise en
évidence par la détection de methémoglobine signale une plaque à haut risque de provoquer un
syndrome coronarien aigu [5]. La sensibilité de 93% et la spécificité de 96% de l’angio-CT en font
une excellent technique pour la détection de sténose > 50% [11]. Comme il a une valeur prédictive
négative très élevée (96-100%), l’angio-CT permet d’exclure efficacement une maladie coronarienne
lorsqu’il est normal, mais il ne remplace pas l’angiographie pour la définition précise des lésions
coronariennes lorsqu’il en décèle [10]. Ses indications peuvent être réparties en quatre catégories [3,4].
 Investigations avant chirurgie non-cardiaque : angor instable, faible tolérance à l’effort ou
dysfonction ventriculaire chez un patient symptomatique à risque intermédiaire ou élevé, tests
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
39
fonctionnels (stress) non conclusifs ; bien qu’il ne procure pas d’information sur la perfusion
myocardique, le CT-scan a l’avantage, par rapport aux tests d’effort, de fournir une vision
anatomique de l’arbre coronarien et du cœur. Il améliore l'estimation du risque chez les
patients qui ont une complication cardiovasculaire postopératoire, mais il tend à surestimer le
risque chez ceux qui ne subissent pas d'accident coronarien [9].
 Chirurgie cardiaque : dépistage de coronaropathie avant une intervention valvulaire ou avant
une autre opération cardiaque non-coronarienne ; sa haute valeur prédictive négative et sa
moindre invasivité en font un bon test en remplacement de la coronarographie.
 Chirurgie de revascularisation coronarienne : la coronarographie reste indispensable pour la
définition précise des lésions coronariennes chirurgicales, mais le CT-scan lui est supérieur
pour la visualisation des structures lors de reprise chirurgicale : position des pontages
précédents, trajet de la mammaire interne, anatomie de la paroi sternale et des cavités
cardiaques ; il permet également une bonne définition des calcifications présentes dans la
paroi de l’aorte ascendante.
 Douleurs thoraciques en urgence : le CT-scan et l’angio-CT coronarien permettent un
diagnostic différentiel rapide entre une ischémie myocardique sur sténose coronarienne, un
anévrysme ou une dissection aortique, et une embolie pulmonaire [5].
CX
IVA
A
B
Sténose IVA
Figure 3.5 : Coronarographie par CT-scan multibarettes [d’après réf 3]. A : coronaires normales. B : sténose de
l’IVA.
IRM et CT-scan
IRM : complexe, coûteux et lent (durée d’acquisition 10-20 minutes), mais précision maximale dans le
diagnostic anatomo-pathologique et ischémique ; mesure la plus précise des volumes ventriculaires et
de la viabilité myocardique. Absence de radiation ionisante.
Angio-CT : imagerie coronarienne non-invasive et rapide (acquisition < 12 sec), avec meilleure
résolution spatiale (< 1 mm) et haute valeur prédictive pour la coronaropathie, mais insuffisante pour
le diagnostic cardio-chirurgical précis des lésions coronariennes
Les deux techniques donnent d'excellents résultats pour identifier les pathologies aortiques
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
Cathétérisme cardiaque et coronarographie
Le cathétérisme cardiaque droit et/ou gauche permet des mesures hémodynamiques plus précises que
l’échocardiographie en cas de valvulopathies, de dysfonction ventriculaire, de défauts congénitaux ou
d’hypertension pulmonaire (PAP, PtsVG, PtdVG, DC, RAP, RAS). La coronarographie reste l’étalonor pour l’évaluation des lésions coronariennes, pour les indications à une revascularisation et pour le
choix du type de revascularisation.
La coronarographie consiste à introduire un cathéter dans l’ostium du tronc coronaire et à y injecter du
produit de contraste pour visualiser les trois troncs coronariens et leurs principales banches (jusqu’à
une lumière de 1 mm) (Figures 3.6 et 3.7).
La ponction se fait pas voie fémorale, humérale ou radiale. Le degré de sténose des vaisseaux est
quantifié en pourcentage de rétrécissement de la lumière ; le seuil de signification est un
rétrécissement de diamètre de > 50% (rétrécissement de surface de section > 75%). Il est également
défini en terme de longueur et de tortuosité de la sténose. Basé sur ces données angiographiques, le
score SYNTAX a une bonne valeur prédictive pour le pronostic de la revascularisation
(http://www.syntaxscore.com/) [3]. La coronarographie présente certains risques: la mortalité en est de
0.01% et la morbidité de 0.03- 0.25%. Elle n'a de sens que si elle s'adresse à des malades qui peuvent
potentiellement bénéficier d'une revascularisation. Ses indications sont les mêmes qu’en-dehors du
contexte chirurgical [1,2] :

Patients à haut risque: angor instable stade III-IV, angor ne répondant pas au traitement
médical, angor résiduel après infarctus ou revascularisation, angor et insuffisance cardiaque,
syndrome coronarien aigu avec ou sans surélévation du segment ST ;
 Patients dont le test d'effort a révélé une coronaropathie significative ou est équivoque ;
 Patients de > 45 ans (hommes) et de > 50 ans (femmes) devant subir une intervention de
chirurgie cardiaque en CEC.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
41
TC
CX
CD
IVA
Intermédiaire
Marginale D
IVP
Diagonales
Marginales G
RVP
Figure 3.6 : Schéma de l'arbre coronaire. TC: tronc commun. CD: artère coronaire droite. IVA: artère
interventriculaire antérieure. CX: artère circonflexe). Marg D: marginale droite. RVP: rétroventriculaire
postérieure. IVP: interventriculaire postérieure. Marg G: marginales gauches.
TC
IVA
A sin
CX
Diag
CD
Marg
Marg
Figure 3.7 : Images angiographiques de coronaires normales. CD: coronaire droite. A sin: artère du noeud du sinus.
Marg: branche marginale droite. TC: tronc commun. CX: artère circonflexe. IVA: interventriculaire antérieure. D:
branche diagonale. M: branche marginale gauche.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
42
Lorsque la probabilité est élevée de rencontrer une maladie diffuse des petits vaisseaux (ischémie
sous-endocardique, absence d'altérations cinétiques segmentaires, diabète) ou que l’âge du patient
exclu toute intervention, la coronarographie n’a pas d'intérêt. Ne sont pas considérés comme une
indication à la coronarographie:



Angor stable, bonne tolérance à l'effort, tests d'effort faiblement positifs ;
Patient asymptomatique après revascularisation coronarienne ;
Patients non candidats à une revascularisation coronarienne.
Si la valve aortique n’est pas trop sténosée, la coronarographie est complétée d’une ventriculographie
qui permet d’évaluer la cinétique segmentaire, la fonction ventriculaire (fraction d’éjection) et la
présence d’une insuffisance mitrale ou aortique. L’injection d’un bolus de produit de contraste
hypertonique élève momentanément la pression télédiastolique (Ptd) du VG.
Coronarographie
Investigation invasive et coûteuse, la coronarographie est indiquée chez les patients candidats à une
revascularisation (angor instable, angor réfractaire, syndrome coronarien aigu, patients de chirurgie
cardiaque > 50 ans). Ces indications sont les mêmes qu’en-dehors du contexte chirurgical.
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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
43
Evaluation cardiovasculaire en chirurgie non-cardiaque
Concept de base
La haute prévalence des maladies cardiovasculaires en Occident, le vieillissement de la population et
la tendance vers des opérations de plus en plus lourdes chez des malades de plus en plus atteints, font
que l'évaluation et la préparation préopératoires sont devenus des aspects majeurs de la pratique
anesthésique générale. Environ 10-15% des malades à risque cardiovasculaire souffrent d'une
complication cardiaque dans les 30 premiers jours après une intervention de chirurgie générale et 1.5%
en meurt [14]. Le but de l'évaluation préopératoire en chirurgie non-cardiaque est donc triple:
 Identifier les patients à risque;
 Mettre en balance le risque opératoire et le gain attendu de l’intervention chirurgicale;
 Préparer le patient de manière à diminuer la mortalité et les complications cardiaques
(cardioprotection).
Pour avoir tout sons sens, la consultation préopératoire doit avoir lieu le plus tôt possible avant
l'intervention, afin de pouvoir organiser les investigations et les traitements éventuels [2]. En effet, la
question qui se pose le plus fréquemment est celle des examens complémentaires: faut-il procéder à
des investigations cardiologiques particulières ? Si celles-ci confirment la présence d'une cardiopathie,
l'anesthésiste se retrouve avec deux questions supplémentaires: faut-il envisager un traitement invasif
ou une préparation médicale ? L'intervention chirurgicale prévue doit-elle être repoussée ou est-elle
impérative ? Le but de cette section est de tenter de répondre à ces interrogations.
L’estimation du risque repose sur une évaluation de l’importance de la maladie cardiovasculaire, de sa
stabilité ou de son instabilité, de sa durée, de la réserve fonctionnelle du malade, et de la gravité de
l’intervention prévue. La plupart des études cliniques sur lesquelles sont fondées les recommandations
actuelles [5,9] concernent des patients vasculaires chez lesquels le risque ischémique est élevé, mais
qui ne représentent que 10% de la patientèle chirurgicale et sont le plus souvent des hommes. En effet,
les complications cardiaques périopératoires restent assez rares, puisqu'elles surviennent en moyenne
dans moins de 5% des cas : l’incidence est de 1.4% dans la population générale, toutes interventions
confondues ; elle s'élève à 2.5% au-dessus de 40 ans, et jusqu’à 10% chez les patients souffrant de
cardiopathie stable [1,10]. L'incidence d'infarctus postopératoire est de < 1% dans la population
générale, mais sa mortalité reste élevée (15-25%) [6]. D’autre part, les interventions sont grevée d'un
taux de complications cardiaques variable selon leur nature: 0.05% en chirurgie ambulatoire, 0.5% en
chirurgie viscérale, 2.7% en orthopédie et jusqu'à 8.5% en chirurgie vasculaire [1]. Le lien entre
cardiopathie et vasculopathie artérielle est très étroit chez la femme, mais moins évident chez
l’homme, car de nombreux facteurs confondants interviennent dans cette relation. Pour référence, la
mortalité liée à l'anesthésie est de 0.7:100'000 [12].
Les études épidémiologiques doivent être interprétées dans le cadre des données propres à chaque
population humaine, parce que la prévalence d’une affection et son impact sur le devenir des malades
varient considérablement d’une contrée à une autre [11]. Dans le cas des anévrismes de l’aorte
abdominale, par exemple, l’incidence d’angor clinique est de 20% en France et de 49% en Suède, et
celui d’infarctus respectivement de 16% et 50%. Au Japon, la prévalence de la maladie coronarienne
n'est qu'un dixième de celle de l'Europe et des USA, mais l'incidence des complications cardiaques
postopératoires dans cette population n'est pas différente d'un continent à l'autre [13]. Il faut donc
rester réservé sur les possibilités de transposer les résultats d’une population à une autre. D’autre part,
le risque cardiovasculaire des malades est en moyenne plus élevé dans les pays industrialisés que dans
les pays à bas revenu, et plus élevé dans les agglomérations urbaines que dans les campagnes. Par
contre, la mortalité cardiovasculaire est presque 3 fois plus basse dans les pays à haut revenu que dans
les pays à bas revenu [15]. La génomique commence à mesurer l'impact de la variabilité génétique sur
l'effet des pathogènes et des traitements, et à individualiser les réponses spécifiques de certains
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
44
malades. Dans le futur, on pourra probablement identifier génétiquement les répondeurs et les nonrépondeurs à une thérapeutique spécifique.
L’évaluation préopératoire est basée sur quatre éléments cliniques :




Les facteurs de risque liés à l’anamnèse du patient ;
Le retentissement de la pathologie sur les organes-cibles ;
La capacité fonctionnelle du patient ;
Les risques propres à l’intervention chirurgicale.
A partir de ces données, on juge de la nécessité de procéder ou non à des investigations cardiologiques
(épreuves d'effort, écho de stress, IRM, CT, coronarographie). Pour limiter celles-ci aux patients chez
qui elles ont le plus de chance d'être positives et de conduire à une modification de la prise en charge
thérapeutique, il est actuellement suggéré de doser d'abord les biomarqueurs (troponines-HS I/T et
BNP/NT-proBNP) chez les patients à risque avant des interventions majeures [5,9]. Ce dosage est une
étape rapide et peu onéreuse qui offre l'avantage d'un pouvoir discriminatif élevé (voir Indices de
risque, page 53) [4,7,8,16]. Cette attitude débouche alors sur une décision:
 Opération sans préparation ;
 Opération sous cardioprotection pharmacologique ;
 Traitement cardiologique préalable (revascularisation coronarienne, traitement de
l’insuffisance cardiaque, pace-maker, etc) ; cette option impose un délai pour la chirurgie noncardiaque de 2 semaines à 12 mois selon les situations.
Cette démarche est illustrée dans la Figure 3.8 qui montre le cheminement dans le cas de patients
souffrant de coronaropathie [3].
Face à l’envol des coûts de la médecine, il est important de restreindre les investigations
préopératoires aux situations dans lesquelles elles modifient la prise en charge. Un examen doit
répondre à une question. S'il n'y a pas de sanction thérapeutique, c'est un examen inutile [2]. Il faut
toutefois se souvenir que ce sont les complications qui coûtent le plus cher. Les éviter par des mesures
préventives représente au contraire une économie, dans la mesure où cette prise en charge améliore
l'état du malade avant l'intervention chirurgicale.
Evaluation préopératoire
L’évaluation du risque cardiovasculaire a trois buts essentiels :
- Identifier les patients à risque
- Mettre en balance le risque opératoire et le gain attendu de l’intervention chirurgicale
- Préparer le patient de manière à diminuer la mortalité et les complications cardiaques
Les investigations préopératoires renchérissent le coût de la médecine et retardent l’opération. Elles
doivent répondre à des questions précises, et n’ont de sens que si elles modifient significativement la
prise en charge du patient.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
45
Facteurs intermédiaires
Maladie coronarienne stable
infarctus anamnestique
Insuffisance cardiaque
compensée, AVC, diabète,
insuffisance rénale
Complications : 1-6%
CF ≥ 5 MET
Opération
mineure,
intermédiaire
ou majeure
Facteurs de risque majeurs
Syndome coronarien instable
SCA, revascularisation < 6 sem
Stent actif < 3-6 mois
Insuffisance cardiaque
décompensée, arythmie maligne
Complications: ≥ 15%
CF ≤ 4 MET
Opération
majeure
CF 1-10 MET
Opération élective
Délai ≥ 6 sem possible
Opération vitale
Délai impossible
ECG + Echocardiographie + biomarqueurs
(Troponines, BNP/NT-proBNP)
Si positifs:
1) Ergométrie : ECG d'effort, Echo-stress
dobutamine, Scan thallium dipyridamole
2) IRM, CT-scan
3) Coronarographie
Investigations
Opération Clinique du patient
Facteurs de risque mineurs
Marqueurs de risque de maladie
cardiovasculaire, mais non
facteurs de risque opératoire
indépendants
Absence de cardiopathie clinique
Complications cardiaques: < 1%
Décision
Pas de
revascularisation
Opération
sans
préparation
β-bloqueur
si coronaropathie active
Indication à la
revascularisation
PCI + stent ou PAC
+ aspirine ou bithérapie
Délais 6 sem – 12 mois*
Opération
+ β-bloqueur + statine
+ antiplaquettaires*
© Chassot 2016
Figure 3.8 : Algorithme d'évaluation du patient ischémique ou à risque coronarien pour la chirurgie noncardiaque (modifié d'après référence 3). Les patients à risque mineur et intermédiaire avec une bonne capacité à
l'effort peuvent subir une intervention sans investigation ni préparation particulière. Des investigations
cardiologiques sont indiquées chez les patients à risque intermédiaire avec une mauvaise performance à l'effort
lors d'opération majeure, et chez les patients à risque majeur (cardiopathie instable), pour autant que les délais le
permettent. L'ECG, l'échocardiographie et les biomarqueurs sont une étape intermédiaire qui permet de
sélectionner les malades chez qui les investigations cardiologiques sont le plus utiles. La revascularisation
coronarienne impose des délais importants (variables selon le mode de revascularisation) avant de procéder à la
chirurgie. Complications cardiaques: ischémie myocardique, infarctus, défaillance ventriculaire, arythmie grave,
décès cardiovasculaire. Dans le syndrome coronarien instable, le risque de thrombose coronarienne à l'arrêt des
antiplaquettaires (aspirine + clopidogrel/prasugrel/ticagrelor) est en général plus grave que celui d'hémorragie
chirurgicale sur continuation de ces derniers. MET: équivalent métabolique. PCI: Percutaneous Coronary
Intervention. PAC: pontage aorto-coronarien. SCA: syndrome coronarien aigu. *: voir Tableaux 3.9A et 3.9B, et
Antiplaquettaires.
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Facteurs de risque
Les éléments prédicteurs de risque cardiaques propres au patient sont en général classés en trois
catégories, basées sur les données de la clinique: prédicteurs mineurs, intermédiaires et majeurs [8]. A
cela s'ajoutent des facteurs comme l'âge, l'anémie ou la tachycardie [31].
Facteurs de risque mineurs
Les prédicteurs mineurs sont des marqueurs de maladies cardiovasculaires qui indiquent la présence
d’un terrain favorable à une cardiopathie ou une coronaropathie, mais ne sont pas en eux-mêmes des
prédicteurs indépendants du risque opératoire. Ces patients ne présentent aucune évidence clinique de
cardiopathie et sont asymptomatiques sans traitement particulier. Le taux d'accident cardiaque
périopératoire est en moyenne de 0.7%. Ces facteurs mineurs sont les suivants.








Anamnèse familiale de coronaropathie ou de cardiopathie;
Age > 70 ans (voir ci-dessous);
Status polyvasculaire;
Hypertension artérielle traitée;
Tabagisme;
Hypercholestérolémie, CRP élevée;
Hypertrophie ventriculaire gauche et/ou bloc de branche à l’ECG;
Syndrome métabolique; état prédiabétique qui consiste en : périmètre abdominal > 100 cm,
triglycérides > 150 mmol/L, PA > 135/85 mmHg, glycémie > 11 g/L, âge > 45 ans (hommes)
ou > 55 ans (femmes);
 HIV: les porteurs ont un risque d’infarctus 1.5 fois supérieur à celui de la population
correspondante non-infectée [36].
Facteurs de risque intermédiaires
Les prédicteurs intermédiaires comprennent 6 facteurs de risque qui signent la présence d’une
cardiopathie ou d’une affection médicale stable et contrôlée [25]. La présence de ces éléments
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
47
implique un taux de complications cardiaques de 1-5%, qui augmente proportionnellement au nombre
de facteurs.
 Coronaropathie stable ;
• Angor stable (stade I-II) ;
• Patient asymptomatique sous traitement médicamenteux optimal ;
• Ancien infarctus asymptomatique ;
• Episodes d’ischémie silencieuse documentés ;
• Evènement coronarien aigu depuis > 6-12 mois (SCA), ou > 3 mois si infarctus simple
sans complication;
• Revascularisation par PAC ou stents passifs depuis > 6 semaines;
• Revascularisation par stents actifs depuis > 3 mois (DES 2ème et 3ème génération), ou
depuis > 6 mois (DES 1ère génération);
 Insuffisance cardiaque compensée ;
 Maladie cérébro-vasculaire (anamnèse d’AVC) ;
 Diabète insulino-requérant ;
 Insuffisance rénale (créatininémie > 200 µmol/L) ;
 Sténose aortique serrée asymptomatique;
Facteurs de risque majeurs
Les prédicteurs majeurs sont les indicateurs d'une cardiopathie décompensée et/ou d’une
coronaropathie instable.







Syndrome coronarien aigu, angor instable (stade IV) ;
Angor résiduel malgré un traitement médical maximal ;
Evénement coronarien (infarctus ou revascularisation) datant de < 6 semaines ;
Stents actifs datant de < 3 mois (2ème-3ème génération) à < 6 mois (1ère génération) ;
Insuffisance cardiaque décompensée ;
Sténose aortique ou mitrale symptomatique, valvulopathie décompensée ;
Arythmies malignes.
Ces facteurs multiplient le risque opératoire par un facteur de cinq ; le risque de complications
cardiaques lors d’interventions majeures est alors ≥ 15%. Ces malades réclament des investigations
complémentaires et une prise en charge intensive pour rééquilibration préopératoire. Seules des
interventions vitales sont justifiées dans cette catégorie de patients.
Age
L'âge en soi est un facteur mineur, mais il est un marqueur de la durée d'exposition de l'individu à des
pathologies affectant les organes-cibles: hypertension artérielle, polyvasculopathie, insuffisance
rénale, hépatique ou cardiaque [6]. Ceci fait que l'âge physiologique n'est pas l'équivalent de l'âge
chronologique, car la vieillesse en soi a moins de poids que les comorbidités médicales qui lui sont
associées [7]. Or un tiers des malades de > 65 ans souffre d'au moins une affection chronique [23]. Le
risque d'infarctus postopératoire double entre 50 et 80 ans [19]. Du point de vue hémodynamique, la
vieillesse est caractérisée par une dysfonction diastolique et une rigidification de l'arbre artériel (voir
Chapitre 21 Le patient âgé). La sénescence est caractérisée par une dégradation de la réserve de
performance, car les organes subissent une perte fonctionnelle d'environ 1% par an au-delà de 40 ans
[13]. Alors que la capacité de base est bien maintenue, la capacité maximale s'érode inexorablement, si
bien que la réserve en cas d'effort ou de stress devient de plus en plus faible. Cet état de fait a trois
conséquences.
 L'état clinique au repos ne prédit pas le comportement sous stress;
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
48
 Aucune compensation n'est possible au-delà des conditions de base ou de la situation d'un
effort minimal (≤ 4 MET);
 Une chirurgie majeure est envisageable pour autant que l'hémostase soit rigoureusement
maintenue et que ne survienne aucune complication.
La fragilité (frailty) est une vulnérabilité extrême liée à l'effet cumulatif du déclin de nombreux
systèmes avec l'âge. Sa prévalence est de 16% entre 80 et 84 ans, et de 26% au-delà de 85 ans [12].
Cette perte de la résilience entame tellement les réserves physiologiques que des stresseurs minimes
peuvent déclencher des altérations disproportionnées de l'état clinique. Le diagnostic de fragilité est
très important parce que ces patients sont gravement péjorés par le stress majeur d'une intervention
chirurgicale, quand bien même leur âge chronologique n'est pas en soi une contre-indication [9].
L'association avec les maladies cardiovasculaires est élevée (OR 4.1), et sa présence triple la mortalité
en chirurgie non-cardiaque majeure (OR 3.1) [2]. La fragilité est constituée de différents éléments:
faiblesse, fatigabilité, chutes répétitives, inactivité, perte pondérale, malnutrition, rapetissement
corporel, dépendance, lenteur de la marche (> 6 sec pour 5 m), dépression, altérations cognitives,
épisodes de délire, anémie, immunodéficience, dont on peut constituer un index. Il est alors un
prédicteur indépendant du risque opératoire, augmentant de 2 à 4 fois la mortalité [3].
Autres facteurs
L'anémie préopératoire est un élément majeur dans la survenue des complications postopératoires et de
la mortalité hospitalière. Elle touche environ 30% des patients. Elle est considérée comme modérée
lorsque le taux d'Hb est situé entre 100 et 120 g/L et sévère lorsqu'il est inférieur à 100 g/L. Dans une
série de 39'309 patients avec un risque cardiaque de base de 0.7%, l'anémie modérée double le risque
opératoire (OR 1.99) et l'anémie sévère le triple (OR 2.82) [4]. Elle multiplie par cinq le taux de
transfusion [24] et augmente la mortalité de toutes les opérations [30]. Comme elle est souvent le
marqueur de comorbidités graves, les maladies qui lui sont associées péjorent encore le pronostic (OR
4.69) [34]. Il est donc inacceptable qu'un patient qui ne saigne pas soit laissé anémique avant une
opération élective, car la prévention de ce taux de complication est simple: administration de fer, de
vitamine B12 et d'acide folique, éventuellement d'érythropoïétine (voir Chapitre 28 Phase
préopératoire) [10].
Le nombre de battements cardiaques étant limité à environ 2 milliards au cours de l'existence humaine,
il est logique que la tachycardie soit un facteur de risque à long terme ou lors d'évènements stresseurs
comme la chirurgie [14,28]. Effectivement, la fréquence de base en préopératoire est directement
associée à l'ischémie myocardique, à l'infarctus et à la mortalité postopératoire à 30 jours. Sur un
collectif de 15'087 patients, un nombre de battements/minute > 96 au repos augmente
significativement le taux de souffrance myocardique (OR 1.48), d'infarctus (OR 1.71) et de mortalité
(OR 3.16) [1]. Un rythme < 60 batt/min, au contraire, diminue la mortalité postopératoire (OR 0.50).
Le contrôle de la fréquence par un agent bloqueur β1-sélectif prend ici tout son sens car il vise à
rétablir un équilibre perturbé (voir β-bloqueurs).
Capacité fonctionnelle
La capacité fonctionnelle (CF) est divisée en trois catégories : excellente (> 9 MET), modérée (4-8
MET) ou faible (< 4 MET) (voir Tableau 3.3 page 13) [20]. Le niveau de discrimination entre faible et
bonne tolérance à l'effort est situé entre 4 et 5 MET, ce qui correspond à la limite située entre le
franchissement de un ou de deux étages d'escaliers (VO2 11-15 mL/kg/min, correspondant au seuil
anaérobique). En dessous du seuil de 4 MET, la mortalité opératoire augmente significativement : une
CF < 4 MET a une valeur predictive positive pour les complications cardio-pulmonaires de 89% [17].
Le taux d’ischémie myocardique, d’insuffisance cardiaque et d’événements cérébro-vasculaires passe
de 10% au-dessus de 5 MET à 20% en dessous de 4 MET [33]. Le risque de complications cardiaques
augmente de 2.7 fois entre un patient indépendant et un patient totalement dépendant [33].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
49
A défaut de pouvoir pratiquer une ergométrie et de déterminer le seuil anaérobique (voir ECG d’effort,
page 30), on peut calculer la distance parcourue pendant 6 minutes de marche. Les patients parcourant
> 560 mètres ne réclament aucune investigation préopératoire, alors que ceux qui franchissent < 400 m
en 6 minutes sont à risque opératoire élevé et réclament une prise en charge adaptée [35].
Intervention chirurgicale
Le risque lié à l'opération varie en fonction de sa gravité, de sa durée et des délabrements tissulaires ou
des altérations hémodynamiques/volémiques qui lui sont associées. On peut classer les interventions
chirurgicales en trois catégories de risque (majeur, intermédiaire et mineur), et par ordre d’importance
décroissant au sein de chaque catégorie (Tableau 3.5) [8].
Tableau 3.5
Risque lié à l'intervention chirurgicale
 Risque mineur (risque de complications cardiaques < 1%)
• Chirurgie endoscopique, chirurgie ambulatoire
• Chirurgie de paroi, chirurgie du sein
• Chirurgie plastique et reconstructive
• Ophtalmologie
 Risque intermédiaire (risque de complications cardiaques 1-4%)
• Chirurgie carotidienne, chirurgie vasculaire périphérique simple
• Chirurgie abdominale et thoracique
• Neurochirurgie, chirurgie ORL, orthopédie & traumatologie
• Chirurgie prostatique
 Risque majeur (risque de complications cardiaques ≥ 5%)
• Opérations intermédiaires et majeures en urgence
• Chirurgie aortique, chirurgie vasculaire périphérique majeure
• Chirurgie de longue durée ou hémorragipare
• Chirurgie accompagnée de pertes liquidiennes majeures
• Chirurgie chez la personne âgée (> 70 ans)
• Situations hémodynamiques instables
La chirurgie majeure est associée à une mortalité cardiaque de 1.5% et à un taux de complications
cardiovasculaires de 3.5% [8]. La mortalité opératoire des malades polyvasculaires est plus élevée,
aussi bien en chirurgie vasculaire (5-9%) qu'en chirurgie cardiaque (3-6%) ; le taux d'infarctus varie en
fonction du site opératoire : 5-14% en chirurgie de l'aorte abdominale, 4-6% en chirurgie vasculaire
périphérique, 1.4% en chirurgie carotidienne [5,15,26,29]. Les interventions en urgence sont toujours
grevées d'un risque plus élevé.
Les risques liés à l'intervention chirurgicale ne doivent pas être mesurés en valeur absolue, mais
doivent être mis en balance avec le pronostic de l'affection sans intervention, et avec la qualité de la
vie sans la thérapeutique proposée. L'alternative sans opération peut être dramatique: évolution rapide
d'un cancer, accidents hémorragiques ou thrombotiques, alitement strict, douleurs, iléus, étouffement
par lésion de la sphère ORL, etc. Pour équilibrer les risques, il peut être nécessaire de réduire
l'importance de l'intervention : se limiter à une opération de confort, par nature palliative, permet de
soulager un malade sans lui faire courir de risques excessifs, mais sans lui dénier le droit à toute
thérapeutique au nom du danger opératoire. En traumatologie, par exemple, une ostéosynthèse rapide
est souvent le seul moyen de permettre la physiothérapie et la mobilisation, d'éviter l'encombrement
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
50
respiratoire, les lésions de décubitus ou l’embolie pulmonaire, et de calmer la douleur. En chirurgie
aortique, l’endoprothèse réduit significativement le risque opératoire par rapport à la cure ouverte,
mais donne de moins bons résultats à long terme.
Bien qu’apparemment moins invasive que la laparotomie, la laparoscopie ne présente pas d’avantage
par rapport au risque cardiaque, à cause des effets hémodynamiques majeurs du pneumopéritoine et de
la position de Trendelenburg: baisse du retour veineux, élévation de la PVC et de la PAP,
augmentation de la PAM et des RAS. Le risque cardiaque en peropératoire est plus élevé que celui de
la laparotomie [23,27]. Son intérêt réside essentiellement dans la facilitation des suites postopératoires.
La chirurgie endovasculaire de l'aorte et des grandes artères présente moins de risque immédiat que la
chirurgie à ciel ouvert et abaisse de près de trois fois la morbi-mortalité à court terme [16,23]. La
mortalité à longue échéance n'est pas différente. Comme le problème est lié ici au taux de
complications et de reprises à long terme qui est supérieur à celui de la voie ouverte, la voie
endovasculaire est particulièrement bien adaptée aux personnes âgées dont l'espérance de vie est plus
courte [18].
Les performances propres de l’institution peuvent également introduire une variation dans l’estimation
du risque chirurgical [22]. Des facteurs marginaux prennent toute leur importance chez des malades
compromis: qualité de l'opérateur et de l'anesthésiste, accélération du tempo opératoire, hémorragie
minimale, chirurgie peu délabrante, positionnement ne compromettant pas l'hémodynamique, voie
d'abord interférant peu avec la ventilation spontanée, disponibilité de soins intensifs postopératoires.
En effet, certains facteurs peropératoires sont des prédicteurs indépendants des accidents cardiaques
postopératoires au même titre que les facteurs de risque clinique préopératoires. Ce sont [21] :




Durée opératoire > 3.8 heures ;
Transfusion de > 1 flacon de sang ;
Episode d’hypotension artérielle (pression moyenne < 50 mmHg ou abaissée de > 40%) ;
Episode de tachycardie > 100 batt/min pendant > 15 minutes.
L’association d’une hémorragie nécessitant une transfusion de > 3 flacons, d’une hypotension sévère
(PAM < 40 mmHg pendant > 15 minutes) et d’une tachycardie rebelle (> 100 batt/min pendant > 15
minutes) est liée à une augmentation de onze fois des risques de complications cardio-vasculaires [32].
La prise en charge préopératoire en fonction des facteurs de risque est illustrée dans la Figure 3.8
(page 46) qui montre le cheminement dans le cas de patients souffrant de coronaropathie [8].
Facteurs de risque opératoire
Facteurs mineurs : marqueurs de risque cardiovasculaire mais non facteurs de risque opératoire. Taux
de complications cardiaques postopératoires identique à celui de la population générale (0.7%)
Facteurs intermédiaires : coronaropathie stable, insuffisance cardiaque compensée, accident cérébrovasculaire, diabète insulino-requérant, insuffisance rénale (créat > 200 µmol/L), sténose aortique
asymptomatique, chirurgie majeure. Risque cardiaque opératoire : 1-6%.
Facteurs majeurs : coronaropathie instable, stent coronarien non encore endothélialisé, insuffisance
cardiaque décompensée, sténose aortique ou mitrale serrée symptomatique, arythmies malignes.
Risque cardiaque opératoire : ≥ 15%.
L'âge est facteur aggravant dans la mesure où il est un marqueur de la durée d'exposition aux
pathologies. L'anémie pénalise lourdement le pronostic de toutes les interventions; il est inacceptable
qu'un malade qui ne saigne pas soit anémique avant une intervention élective. Une capacité
fonctionnelle < 4 MET est un facteur de risque supplémentaire.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
51
Facteurs chirurgicaux: les interventions sont classées en 3 catégories selon leur gravité, leur durée, le
degré de délabrement tissulaire et les altérations hémodynamiques/volémiques. Le risque cardiaque
peropératoire de la laparoscopie est supérieur à celui de la laparotomie équivalente. La chirurgie
endovasculaire de l'aorte est au contraire mieux tolérée que la voie ouverte.
Les patients à risque mineur et intermédiaire avec une bonne capacité à l'effort peuvent subir une
intervention sans investigation ni préparation particulière. Des investigations cardiologiques sont
indiquées chez les patients à risque intermédiaire avec une mauvaise performance à l'effort lors
d'opération majeure, et chez les patients à risque majeur (cardiopathie instable), pour autant que les
délais le permettent. L'ECG, l'échocardiographie et les biomarqueurs permettent de sélectionner les
malades chez qui les investigations cardiologiques sont le plus utiles. La revascularisation
coronarienne impose des délais importants (variables selon le mode de revascularisation) avant de
procéder à la chirurgie.
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34
35
36
Indices de risque
Indices préopératoires
Les indices de risque servent à sélectionner les malades à risque cardiovasculaire élevé, chez qui la
cardioprotection pharmacologique et les investigations cardiologiques ont le maximum d’impact et le
plus de chance de modifier la thérapeutique. Ils sont utiles pour identifier les 4-5% des patients à
risque intermédiaire ("zone grise") qui risquent de développer des complications cardiaques [4,6].
D’une manière générale, ils ont une bonne valeur prédictive négative mais une faible valeur prédictive
positive. Les critères postopératoires utilisés pour justifier la prédiction sont les complications cardiovasculaires et la mortalité. Toutefois, cette dernière est biaisée par le fait que les décès cardiaques ne
représentent que le 45% de la mortalité postopératoire [4]. Parmi les nombreux indices imaginés, les
plus fréquemment utilisés sont le score ASA, le Revised Cardiac Risk Index (RCRI), l'indice du
National Surgical Quality Improvement Program (NSQIP), et l'indice du New England Vascular Study
Group (NEVSG).
Le score ASA comprend cinq catégories de risque: I (patient sain), II (maladie systémique modérée),
III (maladie systémique sévère non-incapacitante), IV (maladie incapacitante menaçant la survie) et V
(malade moribond). Entre les stades II et IV, l'augmentation du risque d'accident cardiaque est de
presque 10 fois [4,11].
Le Revised Cardiac Risk Index de Lee est basé sur une cohorte de 4'315 patients de la NouvelleAngleterre, âgés de > 50 ans et opérés d’une intervention chirurgicale majeure élective. Cet indice a
été validé dans une cohorte prospective de 2'893 patients. Sa valeur discriminative est satisfaisante
(ROC = 0.76) [16]. Il comprend les six variables suivantes (Tableau 3.6A) :






Intervention chirurgicale majeure ;
Présence ou anamnèse de coronaropathie ;
Présence ou anamnèse d’insuffisance cardiaque;
Anamnèse d’AVC ou d’AIT, avec ou sans séquelles ;
Diabète insulino-requérant ;
Insuffisance rénale (créatininémie > 200 µmol/L).
Basée sur la présence de zéro, un, deux ou trois de ces facteurs, l’incidence de complications
cardiaques majeures est respectivement de 0.4%, 1%, 5% et 10%. Différents points peuvent être
ajoutés pour améliorer la performance de cet indice: clairance à la créatinine (< 30 mL/min) au lieu de
la créatininémie [6], âge, sténose aortique serrée, capacité fonctionnelle (< 4 MET), vasculopathie,
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
53
différentiation des coronariens revascularisés par rapport à ceux qui ne le sont pas (infarctus, angor
stable, angor instable), catégorisation du type de chirurgie [4]. Les diabétiques insulino-requérants
doivent être considérés de facto comme des coronariens; en effet, le diagnostic de diabète type I
(diabetes mellitus) est équivalent à un diagnostic de maladie coronarienne puisque les diabétiques sans
anamnèse coronarienne souffrent de la même mortalité cardiovasculaire à 5 ans que les patients nondiabétiques qui ont fait un infarctus [2,17].
Tableau 3.6 A
Index de risque cardiaque
Revised Cardiac Risk Index
Chirurgie à risque majeur
Ischémie myocardique active
Infarctus ou revascularisation anamnestiques
Onde Q sur l'ECG
Test d'effort positif
Angor clinique
Utilisation de dérivés nitrés
Insuffisance cardiaque
Anamnèse d'insuffisance congestive ou d'OAP
Dyspnée à < 4 MET
Orthopnée
Râles de stase, galop (B3), redistribution vasculaire
Troubles neurologiques; anamnèse d'AVC ou d'AIT
Diabète insulino-requérant
Insuffisance rénale: créatininémie > 200 µmol/l
Nombre de facteurs de risque
0
1
2
≥3
Risque de complication cardiaque
0.4%
1.0%
5.0%
10.0%
OAP: oedème aigu du poumon. MET: équivalent métabolique; < 4 MET correspond
à un étage d'escalier. AVC: accident vasculaire cérébral. AIT: accident ischémique
transitoire [16].
L’indice de Lee définit bien les malades qui présentent peu de facteur de risque (1-2), mais il n'est pas
performant pour discriminer ceux qui sont à risque élevé (≥ 3) ; il est également peu efficace pour
évaluer les patients vasculaires (ROC = 0.59) et les malades souffrant de SIDA [9]. En effet, pour être
efficace un indice doit quantifier des affections dont l’incidence est basse dans les bons cas et élevée
dans les hauts risques ; or les malades vasculaires souffrent quasiment tous de diabète, d’athéromatose
et d’hypertension, ce qui rend ces affections non discriminantes dans cette catégorie. Malgré ses
limites et sa faible performance pour les groupes à haut risque comme la chirurgie vasculaire, cet
index est un standard dans l’évaluation préopératoire.
Par régression logistique multivariée à partir d'un collectif de 211'410 patients, le National Surgical
Quality Improvement Program (NSQIP) de l'American College of Surgeons a mis au point un premier
indice comprenant 5 facteurs indépendants [13]:





Type de chirurgie (21 opérations spécifiées);
Status fonctionnel (indépendant, peu dépendant, totalement dépendant);
Créatininémie (< 200 µmol/L ou > 200 µmol/L);
Classe de risque ASA (I à V);
Age (en clair).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
54
Malgré l'absence de pathologies comme la coronaropathie ou l'insuffisance cardiaque, cet indice a une
bonne corrélation (ROC 0.88) avec les deux complications postopératoires choisies comme critères
d'évaluation: l'infarctus et l'arrêt cardiaque [13]. L'indice NSQIP a été modifié et complété en 2013; il
comprend maintenant 21 facteurs (Tableau 3.6 B).
Tableau 3.6 B
Index de risque cardiaque
National Surgical Quality Improvement Program, NSQIP
Facteurs de risque
Age (par groupe d'âge)
Sexe
Status fonctionnel
Degré d'urgence
Classe ASA
Utilisation de stéroïdes pour affection chronique
Ascite dans les 30 jours précédents
Sepsis dans les 48 heures précédentes
Dépendance du respirateur
Cancer disséminé
Diabète insulino-requérant
Hypertension nécessitant des médicaments
Evènement cardiaque antérieur
Défaillance cardiaque congestive dans les 30 jours
Dyspnée
Tabagisme dans l'année précédente
BPCO
Dialyse
Insuffisance rénale aiguë
Classe BMI
Risque lié à l'opération (liste fournie)
Devenir postopératoire
Complication cardiaque (infarctus, arrêt)
Complication sévère (autre)
Complications mineures
Infection du site opératoire
Infection urinaire
Thrombo-embolie
Insuffisance rénale
Pneumonie
Transfert en soins intensifs
Reprise chirurgicale
Durée du séjour hospitalier
Réadmission
Mortalité
[D'après référence 18]
Le calculateur de risque se présente comme un formulaire téléchargeable qu'il suffit de remplir et qui
donne le taux de risque d'une série de complications postopératoires, dont l'infarctus, l'arrêt cardiaque
et la mortalité (http://www.riskcalculator.facs.org/RiskCalculator/index.jsp). La corrélation avec le
devenir des malades est améliorée par rapport à la première version: 0.90 pour l'arrêt cardiaque et
l'infarctus, 0.94 pour la mortalité [18].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
55
Le Vascular Study Group of New England Cardiac Risk Index (VSG-CRI) est dédié particulièrement à
la chirurgie vasculaire, pour laquelle les indices classiques sont peu performants. Il comprend neuf
items différents [3].









Age : > 80 ans (4 points), 70-79 ans (3 points), 60-69 ans (2 points) ;
Insuffisance cardiaque congestive (2 points) ;
BPCO (2 points) ;
Coronaropathie active (2 points) ;
Créatinine > 200 µmol /L (2 points) ;
Tabagisme (1 point) ;
Diabète insulino-dépendant (1 point) ;
Béta-blocage de longue durée (1 point) ;
Anamnèse de coronaropathie (pontage, PCI) (1 point).
Le risque de morbi-mortalité postopératoire est quantifié comme suit selon l’échelle des points
obtenus.






0-3 points :
4 points :
5 points :
6 points :
7 points :
≥ 8 points :
2.5% ;
3.5% ;
6% ;
6.6% ;
8.9% ;
≥ 14%.
Pour simplifier l’évaluation, un nouvel indice, basé sur une cohorte de près de 300'000 malades,
permet un calcul rapide en ne se basant que sur trois critères simples [12].
 Status ASA : I (0 point), II (2 points), III (4 points), IV (5 points), V (6 points) ;
 Type de chirurgie : risque intermédiaire (1 point) ou risque élevé (2 points) ;
 Urgence (1 point).
La mortalité postopératoire est corrélée à cette échelle de la manière suivante :
 0-4 points :
 5-6 points
 > 6 points :
< 0.5% ;
1.5-4.0% ;
> 10%.
Plus de 25 calculateurs de risque cardiovasculaire sont actuellement disponibles sur le Web. Bien que
leur utilisation soit recommandées par les directives internationales [8,15], leur degré de concordance
est malheureusement faible (67%): un même patient est classé dans 2 catégories différentes (risque
bas, modéré ou élevé) dans un tiers des cas. Au sein de la même catégorie, le risque de mortalité varie
de 1 à 5 selon le calculateur utilisé ; la variabilité est d’autant plus grande que le risque est plus élevé
[1]. De fait, la performance des calculateurs n’améliore guère celle du jugement clinique, qui n’est elle
aussi pertinente que dans 60 à 70% des cas. La situation est différente pour les scores de risque
coronariens spécifiques, comme le score SYNTAX basé sur une série de variables angiographiques
quantitatives. Combiné à des données cliniques (âge, sexe, BPCO, clairance de la créatinine, fraction
d’éjection), le score SYNTAX-II a une valeur prédictive élevée pour les accidents ischémiques, mais il
est essentiellement destiné à la chirurgie de revascularisation coronarienne (irnwr.ru/calculators/syntaxscore.htm) [25].
Indice peropératoire
Le poids des évènements peropératoires est tel qu'il peut faire perdre leur valeur prédictive aux indices
de risque préopératoire. La tachycardie et l'hypotension prolongées, ou les pertes sanguines et les
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
56
transfusions, sont des éléments particulièrement puissants pour engendrer des conséquences néfastes
dans le postopératoire. Le taux d'infarctus et de mortalité est multiplié par un facteur de 2 à 4 (OR 2.44.0) par une hémorragie massive entraînant des transfusions répétitives [13]. De ce fait, on a imaginé
un score d'Apgar chirurgical basé sur un maximum de 10 points, calculé à partir de 3 données [11].
 Pertes sanguines (mL): 0 (> 1'000), 1 (600-1'000), 2 (100-600), 3 (< 100).
 PAM minimale (mmHg): 0 (< 40), 1 (40-55), 2 (55-70), 3 (> 70).
 Fréquence la plus basse (batt/min): 0 (> 85), 1 (75-85), 2 (65-75), 3 (55-65), 4 (< 55).
Lorsque le score est 9-10, le taux de complications est de 3.6%; il est de 56% pour un score ≤ 4. Ceci
représente un risque 16 fois supérieur lorsque le score est au plus bas (RR = 16.1) [11]. Ce score peut
s'appliquer à tous les types de chirurgie [21].
Biomarqueurs
Deux marqueurs biologiques sont de bons traducteurs d’une souffrance myocardique : les troponines T
et I pour les lésions ischémiques, et le BNP/NT-proBNP pour l’insuffisance ventriculaire. Leur dosage
est réservé aux cas suspects d’ischémie active ou de distension myocardique, mais il s'avère qu'ils ont
une forte valeur pronostique pour les complications postopératoires.
Même une faible élévation de leurs taux (troponine T > 0.02 ng/mL) reflète une lésion cellulaire
significative et prédit une aggravation du pronostic cardiovasculaire postopératoire. Les tests à haute
sensibilité capables d’identifier des traces de troponine T (TnT-hs) permettent de détecter des lésions
myocardiques minimes et d’augmenter la pertinence de l’évaluation préopératoire. Ainsi, les patients
qui ont un taux de TnT-hs préopératoire > 14 ng/L ont un risque d’infarctus postopératoire
significativement plus élevé (8.6%) après chirurgie non-cardiaque majeure que ceux qui ont un taux
inférieur à cette valeur (2.5%) (OR 3.67) [19].
Définie par les troponines à haute sensibilité (TnT-hs), une ischémie myocardique postopératoire est
présente chez 8-19% des patients à risque intermédiaire et élevé, bien que 58% d’entre eux ne
remplissent pas les critères d’un infarctus et que 84% soient asymptomatiques [5,23]. Ils souffrent de
ce qu’il est convenu d’appeler MINS (Myocardial Injury after Noncardiac Surgery) [5]. Cette
souffrance myocardique sans traduction clinique ni électrocardiographique correspond toutefois à une
pathologie bien réelle, puisqu'elle est associée à une péjoration significative du pronostic et à une
mortalité 3 fois plus élevée (OR 2.9) [20]. Cette mortalité est proportionnelle au taux de troponine.
Ainsi, une élévation de 0.02 ng/L, 0.03-0.25 ng/L et de ≥ 0.3 ng/L est associée à une élévation de la
mortalité postopératoire de 2.41, 5.0 et 10.5 fois respectivement [24]. Toutefois, l’élévation du taux de
troponine postopératoire à des valeurs inférieures à celles admises pour le diagnostic non-équivoque
d’infarctus est un marqueur de risque pour les complications cardiovasculaires et générales (embolie
pulmonaire, insuffisance respiratoire, AVC, sepsis) plus que pour l’infarctus per se [23]. La question
est de savoir si la mise en évidence de MINS réclame une sanction thérapeutique, bien que le taux de
troponine soit faible et l’ECG sans altération. Une étude portant sur 667 patients de chirurgie
vasculaire a montré que le traitement correspondant à celui d’une ischémie myocardique stable
asymptomatique (antiplaquettaires, statine, béta-bloqueur, inhibiteur de l’enzyme de conversion et, à
long terme, modifications du style de vie) est bénéfique: le risque de complication est nettement
diminué (HR 0.63) chez les patients traités activement alors qu'il est augmenté chez ceux qui ne l'ont
pas été (HR 2.8) [10]. Ce traitement est parfaitement concevable comme préparation préopératoire
également.
Le dosage préopératoire du BNP/NT-proBNP prédit assez bien le risque de décompensation
ventriculaire, d'infarctus et de décès postopératoire. Ces complications surviennent chez 22% des
patients dont la valeur préopératoire est au-dessus du seuil (BNP 92 ng/L, NT-proBNP 300 ng/L),
comparé à 4.9% lorsque cette valeur est inférieure à ces seuils (OR 3.4) [22]. Le risque est
proportionnel au taux des biomarqueurs: l'incidence de complications est de 5.1%, 11.6% et 26.3%
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
57
lorsque le BNP est respectivement < 100, 100-250 ou > 250 ng/L; elle s'élève jusqu'à 39.5% lorsque le
NT-proBNP est > 3000 ng/L [22]. La capacité discriminante du BNP et du NT-proBNP est du même
ordre de grandeur que celle d'un test d'effort, comme le montre leur valeur prédictive: ROC 0.75 et
0.81, respectivement [14].
Pour affiner le pronostic préopératoire et pour pouvoir juger de l'élévation postopératoire, il est donc
actuellement suggéré (recommandation classe IIb, degré d'évidence B) de doser les biomarqueurs chez
les patients à risque intermédiaire et majeur avant des interventions majeures [8,15]. Cette attitude
permet de limiter les investigations cardiologiques (épreuves d'effort, IRM, coronarographie) aux
patients chez qui elles ont le plus de chance d'être positives et de conduire à une modification de la
prise en charge thérapeutique (Figure 3.8, page 46) [7]. Mais ceci permet aussi de déceler des malades
à troponines élevées que leur absence de symptômes n'aiguillerait pas vers des tests cardiologiques,
alors qu'ils présentent un risque de complications cardiovasculaires de 5-40%.
Indices de risque opératoire
De nombreux indices permettent d'identifier les malades à risque cardiovasculaire avant une opération.
Bien que leur concordance soit modeste, ils offrent la possibilité de calculer la mortalité prévisible
d'une intervention. Le plus couramment utilisé est le RCRI qui comprend 6 facteurs: opération
majeure, ischémie myocardique, insuffisance cardiaque, AVC, diabète et insuffisance rénale. Comme
ils ont une influence prépondérante, les évènements peropératoires doivent aussi être pris en compte.
L'élévation des marqueurs biologiques comme les troponines T et I ou le BNP/NT-proBNP a une forte
valeur pronostique pour le risque d'ischémie myocardique ou de décompensation ventriculaire,
respectivement. Leur élévation préopératoire est une indication à des investigations cardiologiques.
Références
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19
20
21
22
23
24
25
Cardiopathies
Infarctus anamnestique
Le risque opératoire après un infarctus myocardique tient moins à son âge qu'à sa taille, à sa
localisation, à son degré de complications, à la quantité de muscle à risque d'ischémie subséquente, et
au status fonctionnel du ventricule. Par sécurité, on admet une limite de 3-6 mois après l'évènement
comme délai opératoire, mais un petit infarctus non compliqué sans angor résiduel autorise une
chirurgie non-cardiaque impérative après 2-3 mois déjà. A l'opposé, un patient avec un infarctus
étendu, des symptômes résiduels et une FE < 0.4 présente un risque ischémique élevé même après 6
mois. Le délai pour opérer après un infarctus est habituellement subdivisé en trois catégories de risque
[8,23] :

Moins de 6 semaines après l'évènement: période à haut risque (taux de ré-infarctus : 25-33%,
mortalité : ≥ 15%) ; une intervention chirurgicale est contre-indiquée.
 Entre 6 semaines et 3 mois: période à risque intermédiaire (taux de ré-infarctus : 8-19%,
mortalité : 11%), permettant une chirurgie impérative; le délai de 6 semaines représente la
durée minimum pour la cicatrisation des lésions de la zone infarcie et la ré-endothélialisation
des vaisseaux [29] ;
 Au-delà de 3 mois: période à risque faible (taux de ré-infarctus : 5-9%, mortalité : 9%), pour
autant qu'il n'y ait ni complications ni symptômes résiduels. La persistance de symptômes
nécessitant un traitement médical continu autre que la thérapeutique préventive place le
malade dans la catégorie à risque intermédiaire.
La survenue d'un infarctus dans le mois qui précède une intervention est grevée d'un risque de récidive
très élevé (RR 9.9-44.3) et d'une mortalité triplée (RR 1.8-3.8); un délai de 2 mois donne des valeurs
de 4.5-21.9 et 1.25-2.9, respectivement [23].
Valvulopathies
Les valvulopathies sténosantes imposent une restriction hémodynamique qui ne permet aucune
adaptation du débit cardiaque. Le volume systolique devient fixe, et dépend de la fréquence : la
bradycardie diminue linéairement le débit cardiaque, et la tachycardie empêche un remplissage
adéquat (sténose mitrale) ou une éjection satisfaisante (sténose aortique). Les critères de sévérité sont
les suivants [30,36] :
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
59
 Sténose aortique serrée : surface < 0.6 cm2/m2, gradient moyen > 45 mmHg, gradient maximal
≥ 100 mmHg ;
 Sténose aortique modérée : surface 0.6 – 1.0 cm2/m2, gradient moyen 25-44 mmHg ;
 Sténose mitrale serrée : surface < 0.6 cm2/m2, gradient moyen ≥ 12 mmHg.
Environ 5% des patients de > 65 ans souffrent d’une sténose aortique significative. La présence d’une
sténose aortique modérée aggrave le risque opératoire et celle d’une sténose sévère symptomatique le
multiplie trois à cinq fois, quelle que soit la catégorie de risque du patient ou le nombre de facteurs de
risque associés [19]. La présence de sténose aortique serrée comparée à son absence pour le même
type d'opération triple le taux d'infarctus (3.0% vs 1.1%) et double la mortalité à 30 jours (2.1% versus
1.0%) [1]. Le risque opératoire est lié à 6 facteurs :






La sévérité de la sténose ;
La symptomatologie du patient (angor, syncope, dyspnée, insuffisance congestive) ;
La présence de coronaropathie associée ;
La présence d'une insuffisance mitrale sévère ;
La fonction et la dimension du VG ;
La gravité de l’opération chirurgicale planifiée.
Selon les recommandations habituelles, une sténose aortique serrée découverte dans le préopératoire
de chirurgie générale doit être opérée (remplacement valvulaire aortique, RVA) avant de procéder à
l’intervention non-cardiaque lorsqu’elle est symptomatique (angor, syncope et/ou dyspnée) [13,21].
Lorsque le patient porteur d’une sténose aortique serrée est asymptomatique et qu’il doit subir une
intervention élective majeure (chirurgie de l’aorte abdominale, chirurgie hépato-pancréatique), il est
également conseillé de prévoir un RVA préopératoire. Par contre, s’il doit subir une chirurgie
intermédiaire ou mineure, le RVA préopératoire ne se justifie pas (Figure 3.9A) [7,9].
Toutefois, le RVA lui-même présente des risques et une mortalité qui lui sont propres (2-4%) [31]. Si
la mortalité prévisible est > 5-10%, il peut être judicieux de remplacer l'opération en CEC par une
implantation valvulaire par cathétérisme, ou TAVI (transcatheter aortic valve implantation), qui se
conduit par voie trans-apicale ou trans-fémorale (voir Chapitre 10, Implantation valvulaire aortique)
[34]. La valvuloplastie aortique par dilatation au ballon donne des résultats décevants dans les sténoses
dégénératives et/ou calcifiées chez l'adulte âgé. En cas de coronaropathie associée, on procède à des
PAC simultanément au RVA. Le type de prothèse du RVA conditionne le traitement médical
ultérieur : après pose de prothèse mécanique, une anticoagulation complète est requise à vie, alors
qu’après une prothèse biologique, l’anticoagulation n’est nécessaire que pendant 3 mois ; l’aspirine est
maintenue à vie. Par ailleurs, traiter d'abord la valve aortique retarde considérablement l'intervention
non-cardiaque, ce qui peut présenter un risque en soi en cas d'anévrysme en voie de rupture, de
néoplasme envahissant ou de lésion orthopédique invalidante.
Avec les progrès de la prise en charge anesthésique basée sur un contrôle hémodynamique rigoureux,
les dernières études comparatives entre porteurs de sténose aortique serrée et malades sans sténose
tendent à montrer que les résultats de la chirurgie non-cardiaque sans RVA préalable sont acceptables,
même si le risque est plus élevé [1,35]. Les porteurs de sténose serrée ont davantage de complications
cardiaques (18.8% versus 10.5%), surtout liée à la décompensation ventriculaire, mais la mortalité à
30 jours est peu modifiée par rapport aux contrôles: patients symptomatiques 5.9% versus 3.1%,
patients asymptomatiques 3.3% versus 2.7% [35]. Ces valeurs sont superposables à celles de la
chirurgie à risque élevé et à risque intermédiaire dans la population générale. Du fait de ces bons
résultats, il est proposé de restreindre le RVA aux malades symptomatiques. La chirurgie noncardiaque intermédiaire et majeure peut être conduite sans danger excessif chez les porteurs de sténose
aortique serrée asymptomatiques. Si la mortalité prévisible du RVA est supérieure à 5%, il peut être
préférable de procéder directement à la chirurgie non-cardiaque, selon son risque, en prenant soin de
conduire l'anesthésie sous monitorage invasif et contrôle strict de l'équilibre hémodynamique. Le
TAVI (implantation valvulaire aortique sur cathétérisme par voie trans-apicale ou trans-fémorale)
présente lui-même un risque opératoire de 5-8% (Figure 3.9B) [31,34].
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Sténose aortique modérée
2
2
2
S 1.0-1.5 cm (0.6-1 cm /m )
Gradient moyen < 45 mmHg
Sténose aortique serrée
2
2
2
S < 1.0 cm (< 0.6 cm /m )
Gradient moyen > 50 mmHg
Asymptomatique
Chirurgie
intermédiaire
& mineure
Symptomatique
Chirurgie
majeure
Dysfonction
du VG
RVA
Risque élevé :
TAVI (implantation
percut/transapicale)
Coronaropathie
associée
Opération
sans
préparation
RVA
+ PAC si néc
Opération vitale/urgente:
ad op chir non-cardiaque
(monitoring invasif)
© Chassot 2016
Figure 3.9 A : Algorithme classique de prise en charge du malade porteur d’une sténose aortique [9].
Lorsqu’elle est symptomatique (angor, syncope et/ou dyspnée), une sténose aortique serrée découverte dans le
préopératoire de chirurgie générale doit être opérée (remplacement valvulaire) avant de procéder à l’intervention
non-cardiaque. Lorsque le patient doit subir une intervention élective majeure (chirurgie de l’aorte abdominale,
chirurgie hépato-pancréatique), il est prudent de prévoir un remplacement valvulaire aortique (RVA) en cas de
sténose serrée même asymptomatique ; par contre, une chirurgie intermédiaire ou mineure ne justifie pas un
RVA préopératoire chez un patient asymptomatique. Dans les RVA à haut risque (mortalité prévisible > 10%), le
remplacement en CEC peut être substitué par l’implantation percutanée ou transapicale d’une prothèse valvulaire
montée dans un stent (TAVI). La présence d’une dysfonction du VG aggrave le pronostic et renforce l’indication
à un RVA préopératoire. En cas de coronaropathie associée, on procède à des PAC simultanément au RVA. Si
l’intervention est vitale ou urgente, on procède à la chirurgie générale sous cardioprotection d’aspirine et
éventuellement de β-bloqueur s’il y a une indication, et sous couvert d'une prise en charge spécifique (anesthésie
comme pour un RVA, monitoring avec ETO, Swan-Ganz, etc).
L’attitude générale est la même pour une sténose mitrale : si elle est serrée (< 0.6 cm2/m2),
accompagnée d’une hypertension pulmonaire (PAP systolique > 50 mmHg) ou si le patient est
symptomatique, il faut procéder en préopératoire à un remplacement valvulaire (RVM) ou à une
valvuloplastie percutanée [21]; cette dernière donne de meilleurs résultats pour la mitrale que pour la
valve aortique. Si la sténose est modérée (> 1 cm2/m2), la PAPsyst < 50 mmHg et le patient
asymptomatique, on peut procéder à une intervention non-cardiaque sans risque majeur. Le contrôle
de la fréquence cardiaque est primordial ; il faut éviter la tachycardie. En cas de FA et/ou de dilatation
massive de l’OG, l’anticoagulation est requise à cause de la stagnation sanguine dans l’oreillette.
Contrairement aux sténoses, une insuffisance valvulaire est moins contraignante: elle représente une
surcharge de volume et n'impose pas de restriction au débit cardiaque, car les ventricules sont de
bonnes pompes-volume. La chirurgie n’est pas contre-indiquée en cas d’insuffisance valvulaire
mitrale, aortique ou tricuspidienne modérées à sévères, pour autant qu’elles soient
paucisymptomatiques et n’entraînent pas de décompensation ventriculaire (dilatation du VG, FE <
0.4). L’hémodynamique peut être maintenue adéquate par une postcharge basse et un effet inotrope
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
61
positif ; il faut éviter la bradycardie et l’augmentation des RAS [21]. Toutefois, la mortalité en cas
d’insuffisance aortique est plus élevée (9%) qu’en cas d’insuffisance mitrale (2%) [13]. La fraction
régurgitée maximale supportée chroniquement par le VG sans décompenser est de 40%.
Sténose aortique modérée
2
2
2
S 1.0-1.5 cm (0.6-1 cm /m )
Gradient moyen < 45 mmHg
Sténose aortique serrée
2
2
2
S < 1.0 cm (< 0.6 cm /m )
Gradient moyen > 50 mmHg
Asymptomatique
Symptomatique
Toute
chirurgie
Opération
noncardiaque
sans
préparation
Opération
noncardiaque
Prise en charge
& monitoring
spécifiques
RVA à
bas risque
Mortalité
1-4%
RVA à
haut risque
Mortalité
> 5%
RVA
préopératoire
Opération
noncardiaque
sans
préparation
TAVI éventuel
Opération noncardiaque
Prise en charge &
monitoring spécifiques
© Chassot 2016
Figure 3.9 B : Algorithme de prise en charge du malade porteur d’une sténose aortique selon les propositions
récentes [31,34]. La chirurgie non-cardiaque intermédiaire et majeure peut être conduite sans danger excessif
chez les porteurs de sténose aortique serrée asymptomatique. Le RVA préopératoire est indiqué chez les malades
symptomatiques si sa mortalité prévisible est basse (1-4%). Si elle est supérieure à 5%, il peut être préférable de
procéder à la chirurgie non-cardiaque, selon son risque. Le TAVI (implantation valvulaire aortique sur
cathétérisme par voie trans-apicale ou trans-fémorale) présente lui-même un risque opératoire de 5-8%.
Les malades porteurs de prothèses valvulaires ne présentent pas de risque particulier si la prothèse
fonctionne normalement et si le ventricule ne présente pas de défaillance. L’anticoagulation orale est
remplacée par de l’héparine après l’arrêt des agents antivitamine-K dès que l’INR est < 1.5 (prothèse
aortique) ou < 2.0 (prothèse mitrale) (voir Les Anticoagulants, Substitution).
Insuffisance ventriculaire
L’insuffisance ventriculaire est une condition dans laquelle le débit cardiaque ne correspond plus aux
besoins de l’organisme. Elle peut revêtir trois aspects.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
62
 Systolique : insuffisance éjectionnelle (FE < 0.4, bas débit cardiaque) caractérisée par la
fatigabilité, la faiblesse et la dysfonction éventuelle des organes-cibles ; elle est le plus
souvent accompagnée de tachycardie.
 Diastolique : défaut de compliance et élévation des pression de remplissage, caractérisées par
la stase pulmonaire et la dyspnée ; la fonction systolique est préservée (FE ≥ 0.5) ; 25-40% des
insuffisances cardiaques congestives sont de ce type [5,39].
 Droite : caractérisée par une stase systémique (hépatomégalie, oedèmes) ; elle est
généralement secondaire à la défaillance gauche ou à une hypertension pulmonaire.
L'insuffisance cardiaque (IC) touche 10-15% des malades de plus de 70 ans [21]. Sa mortalité est
inversement proportionnelle à la valeur de la fraction d’éjection et directement proportionnelle à celle
de l’âge [5]. La découverte fortuite d’une FE abaissée < 0.5 ou des signes de dysfonction diastolique à
l’échocardiographie chez des malades asymptomatiques double le risque de complications
cardiovasculaires (OR = 2.3) lors de chirurgie majeure, et quadruple celui de mortalité cardiaque à
long terme (OR = 4.6) [14]. L’insuffisance cardiaque symptomatique (stade III) triple le risque
opératoire (mortalité à 30 jours : 9-15%). En cas de décompensation (stade IV), cette mortalité est
encore doublée (15-30%) [21]. La mortalité de la défaillance diastolique est de 5-8% [28]. Le taux de
complications cardiovasculaires après chirurgie non-cardiaque est de 49% en cas d’insuffisance
systolique symptomatique, de 23% en cas d’insuffisance systolique asymptomatique, et de 18% en cas
d’insuffisance diastolique (taux en l’absence d’insuffisance ventriculaire : 9%) [14]. En chirurgie
endovasculaire, seule l’insuffisance ventriculaire symptomatique est associée à une péjoration du
pronostic (OR = 1.8) [14].
L'attention s'est longtemps focalisée sur les risques opératoires liés à la coronaropathie, alors que le
danger de l'insuffisance cardiaque est beaucoup plus grave. Dans une série de 38'047 patients, la
mortalité à 30 jours après chirurgie non-cardiaque est de 9.2% en cas d'insuffisance cardiaque, 6.4%
en cas de FA, mais seulement 2.9% en cas d'ischémie myocardique. La comparaison des mortalités
entre insuffisance cardiaque et coronaropathie donne un OR de 2.9 en défaveur de la première [37].
Dans une autre étude, la mortalité est de 11.7% chez les patients en insuffisance cardiaque, mais de
6.6% chez ceux souffrant de coronaropathie, valeur voisine de celle des contrôles (6.2%) [4]. Même
pour des interventions mineures, l'insuffisance ventriculaire représente un risque 2 à 3 fois plus élevé
que celui de la coronaropathie [15]. De plus, elle entraîne des complications non-cardiaques qui
contribuent significativement à sa mortalité, comme l'insuffisance rénale (RR 1.85) ou la pneumonie
(RR 1.73) [24].
Le diagnostic est posé sur la symptomatologie clinique, l'échocardiographie et le taux des peptides
natriurétiques. Les meilleures corrélations avec les complications cardiaques postopératoires ont été
observées pour les éléments suivants [16,32].








Stase pulmonaire, dyspnée, OAP anamnestique, stase périphérique ;
Galop protodiastolique (B3) ;
Fraction d'éjection du VG inférieure à 0.35 ;
Dilatation du VG: diamètre télédiastolique > 6 cm (> 3.5 cm2/m2);
Insuffisance mitrale degré ≥ II ;
BNP > 35 ng/L (IC chronique), > 100 ng/L (IC aiguë);
NT-proBNP > 125 ng/L (IC chronique), > 300 ng/L (IC aiguë);
CRP > 3.4 mg/L.
Les examens paracliniques nécessaires sont les suivants.
Laboratoire : Na+, K+, Ca2+, Mg2+, urée, créatinine, albumine, TP, tests hépatiques (foie de
stase), gazométrie artérielle (échanges gazeux, équilibre acido-basique), lactate, BNP et NTproBNP.
 ECG : élargissement du QRS.

Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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
Rx thorax : cardiomégalie, agrandissement sélectif d'une cavité, vascularisation pulmonaire,
stase, lignes de Kerley, épanchements.
 Echocardiographie transthoracique : c'est l'examen qui présente le meilleur rapport coût –
bénéfice dans l'évaluation fonctionnelle cardiaque. Il permet l'évaluation de l'anatomie
dynamique et de la fonction ventriculaire droite et gauche, du remodelage des cavités, de
valvulopathie associée, du degré de dilatation ventriculaire ou auriculaire, de la détection de
compression péricardique, de zones akinétiques ou dyskinétiques, et la quantification de la
fonction ventriculaire droite et gauche.
 Fonctions pulmonaires : réduction de la capacité vitale, augmentation du volume résiduel,
syndrome obstructif (diminution du FEV1, diminution de la compliance).
 Coronographie: seulement en cas d'ischémie coronarienne avérée; elle n'a de sens que si une
intervention de revascularisation est envisageable.
En cas de dysfonction du VG, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC), les antagonistes du
récepteur de l’angiotensine (AA-II) ou des minéralocorticoïdes, les diurétiques, les β-bloqueurs, les
statines et l’aspirine diminuent le risque de décompensation et de décès postopératoire [12]. Ils doivent
être maintenus sans interruption en périopératoire, sauf les diurétiques qui sont en général arrêtés pour
24 heures [21,32]. La dose d'IEC ou d'AA-II peut être sautée à la prémédication si l'on craint une
hypotension trop sévère à l'induction. En préopératoire, tout doit être entrepris pour améliorer l’état du
malade [21]. Un délai de 10 jours à 3 mois est nécessaire pour rééquilibrer un patient en insuffisance
congestive selon la thérapeutique nécessaire:






Baisse de postcharge: vasodilatateurs (IEC, sartans) ;
Diminution du volume liquidien extra et intracellulaire: diurétiques ;
Amélioration de la fonction systolique: agents inotropes, pace-maker bi-caméral ;
Antiarhythmiques ;
Apport nutritionnel et protéique ;
Repos strict.
Le β-blocage ne fait pas partie du traitement aigu de la décompensation ventriculaire. Le temps requis
varie selon l'excédent liquidien à éliminer (5 à 20 litres suivant les cas) et selon le degré de cachexie
métabolique et nutritionnelle à compenser (hyperalimentation, carnitine, etc). Le risque opératoire
diminue directement avec le degré d’amélioration obtenu. Il est donc capital de ne programmer un
malade en insuffisance cardiaque que lorsqu'il est compensé au mieux des possibilités que permet son
état.
Arythmies
Les arythmies malignes qui présentent des risques opératoires majeures et qui doivent être contrôlées
avant de procéder à une intervention chirurgicale sont celles qui sont associées à des maladies
structurelles, à des pathologies de la conduction ou à des altérations hémodynamiques graves (voir
Chapitre 20 Arythmies dangereuses) :




Bloc atrio-ventriculaire complet, Mobitz II ;
Arythmies supraventriculaires (FA) avec réponse ventriculaire rapide non contrôlée ;
Arythmies ventriculaires symptomatiques, épisodes récurrents de TV ;
Bradycardie symptomatique (maladie du sinus).
Les causes traitables doivent être investiguées : hypokaliémie, hypomagnésémie, hypoxie, etc. Il
n’existe aucune évidence que les ESV isolées et les épisodes occasionnels de TV non-soutenue
aggravent le pronostic opératoire [21]. Par contre, la fibrillation auriculaire avec réponse ventriculaire
inadéquate est responsable d’une mortalité postopératoire augmentée de 6.4% [37]. La thérapeutique
est un traitement pharmacologique (correction électrolytique, béta-bloqueur, amiodarone, bloqueur
calcique), un électro-entraînement par pace-maker ou la pose d’un défibrillateur [2,3]. Les indications
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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au pace-maker sont les mêmes que dans le cadre non-chirurgical (voir Chapitre 20 Indications au
pace-maker). Les pace-makers et les défibrillateurs réclament un certain nombre de précautions dans
le cadre de la chirurgie [10,13] ; elles sont décrites au Chapitre 20, Chirurgie avec pace-maker et
Chirurgie avec défibrillateur.
Hypertension artérielle
L’hypertension artérielle (HTA) n’est pas un prédicteur de risque majeur. En-dehors de la poussée
hypertensive maligne, la valeur de la pression artérielle n’est pas corrélée aux complications
périopératoires, sauf à une certaine instabilité hémodynamique à l’induction et lors des stimulations
chirurgicales. Par contre, les dommages causés aux organes-cibles, comme la néphropathie ou
l’hypertrophie ventriculaire gauche, ont un impact marqué sur l’augmentation du risque opératoire
(voir Chapitre 21, Hypertension artérielle Risque cardiovasculaire) [17,22]. Il n’y a donc pas lieu de
renvoyer une intervention chirurgicale pour optimiser la pression du patient [21]. La meilleure prise en
charge médicale de l’HTA consiste à se conformer aux recommandations les plus récentes [25].
Les patients souffrant d’hypertension pulmonaire (HTAP) doivent être soigneusement évalués en
préopératoire. Leur pronostic dépend prioritairement de la fonction ventriculaire droite. Leur taux de
mortalité (4-26%) et de morbidité (6-42%) est très élevé, quel que soit le type de chirurgie [13].
Maladie cérébrovasculaire
Une anamnèse d'AVC survenu moins de 6 semaines avant une intervention chirurgicale est associée à
un risque d’accident cérébral de 3-4%, ce qui représente une augmentation de 10 fois par rapport au
risque dans une population standard (0.2%) [11]. La mortalité liée à l’AVC périopératoire est de 1826%. Un certain nombre de facteurs sont des prédicteurs d’AVC périopératoire [27] :






Age > 60 ans ;
Anamnèse d’ictus ou d’ischémie cérébrale transitoire ;
Infarctus myocardique < 6 mois ;
Insuffisance rénale ;
BPCO ;
Tabagisme.
En cas de sténose carotidienne, les indications opératoires sont basées sur la prévention à long terme
de l’accident vasculaire cérébral (voir Chapitre 19, Indications opératoires). En préopératoire, elles
sont identiques à celles reconnues en neurologie [21]. Après un AVC, l'autorégulation vasculaire
cérébrale est affectée pendant environ 2 semaines. Il est donc recommandé d’attendre au minimum 4
semaines après un AVC symptomatique ou hémorragique pour procéder à une intervention
chirurgicale, quelle qu’en soit la nature ; un délai de trois mois est préférable pour une intervention
purement élective [6,13,33]. L’aspirine et le dipyridamole ne sont pas interrompus en préopératoire.
Insuffisance rénale
La dysfonction rénale est un prédicteur indépendant de complications cardiovasculaires qui a autant de
poids que bien des cardiopathies. Un taux de créatinine supérieur à 200 µmol/L augmente la mortalité
et les complications cardiovasculaires de 5 fois (OR 5.2) en chirurgie vasculaire [18]. Ces dernières
s’élèvent (OR 3.9) dès que la clairance de la créatinine descend en dessous de 50 mL/min [26].
L’évolution postopératoire de la fonction rénale est prédictive de la survie : une péjoration transitoire
entraîne une mortalité de 5%, alors qu’une péjoration non-réversible cause un taux de décès de 13%
[38]. Les facteurs de risque les plus importants pour le développement d’une insuffisance rénale
postopératoire sont les suivants [20] :
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







Age > 60 ans ;
Sexe masculin ;
Insuffisance cardiaque ;
Présence d’ascite ;
Chirurgie d’urgence ou intrapéritonéale ;
Créatinine préopératoire > 150 µmol/L ;
Diabète ;
Hypertension artérielle.
Cardiopathies et chirurgie non-cardiaque
Infarctus (non compliqué) : délai minimal de 6 semaines pour opération vitale, de 3-6 mois pour
opération élective (idéalement > 6 mois) ; maintien des antiplaquettaires
Sténose aortique serrée :
- Patient symptomatique : RVA ou TAVI préopératoire
- Patient asymptomatique : opération mineure ou intermédiaire possible ; opération majeure
élective : RVA/TAVI préopératoire préférable; opération majeure vitale possible mais risque
cardiovasculaire plus élevé
Sténose mitrale serrée :
- Patient symptomatique : RVM ou valvuloplastie percutanée préopératoire
- Patient asymptomatique : opération mineure ou intermédiaire possible ; opération majeure
élective : RVM ou valvuloplastie préopératoire conseillé
Sténose aortique ou mitrale modérée : chirurgie noncardiaque possible
Insuffisance valvulaire : pas de contre-indication sauf en cas de décompensation ventriculaire
Insuffisance ventriculaire systolique : risque opératoire doublé si l’insuffisance est compensée
(mortalité 10%), risque quadruplé si elle est décompensée (mortalité 30%). Insuffisance diastolique :
risque augmenté, mais inférieur de moitié au risque de l’insuffisance systolique. Le risque opératoire
de l'insuffisance cardiaque est 3 fois plus élevé que celui lié à la coronaropathie.
AVC préopératoire : délai de 4 semaines pour opération vitale, délai de 3 mois pour opération élective
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Ischémie et infarctus périopératoires
L'incidence d'infarctus varie considérablement selon le type d'intervention chirurgicale [1] :
 0.05% en chirurgie ambulatoire,
 0.5% en chirurgie viscérale,
 2.7% en orthopédie,
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
67
 4.7-8.5% en chirurgie vasculaire.
L'incidence d'infarctus postopératoire varie aussi avec la manière de le définir. Selon que l'on utilise le
taux de CK-MB, les critères de l'OMS, la troponine I (seuil 1.5 ng/L) ou la troponine T, il varie
respectivement entre 1.4%, 3%, 12% ou 17% (voir Chapitre 9, Méthodes diagnostiques) [13]. La
mortalité de l’infarctus postopératoire est de 8 à 25% [7,10,13].
La période en salle d'opération est un moment privilégié, car le malade est endormi, analgésié, pris en
charge de manière optimale et étroitement surveillé; le taux d'ischémie et d'infarctus y est près de la
moitié du taux périopératoire [13]. C’est la période postopératoire qui est la plus dangereuse ; le taux
d’infarctus y est quatre fois plus élevé (Figure 3.10) [11].
Noradrénaline
(mg/ml)
mVO2
2
(ml/min/m )
2
300
200
1
100
Temps
Taux d’infarctus
J 1-3
J7
Préop.
Perop.
Postop.
Temps
Figure 3.10 : Evolution du taux de noradrénaline, de la consommation d'oxygène du myocarde (mVO2) et
représentation schématique de l’incidence d’infarctus dans la période périopératoire. La stimulation sympathique
et la demande en oxygène sont abaissées pendant l'opération, mais très élevées dans le postopératoire. Le taux
d’infarctus postopératoire est directement lié à l’incidence des épisodes ischémiques survenus dans les deux
premiers jours après l’intervention ; l’incidence est maximale pendant les premières 24 – 72 heures, et reste
élevée jusqu’au septième jours postopératoire [D’après : Metzler H. Perioperative myocardial ischemia. New
aspects of incidence, pattern and risk factors. Paris: JEPU, Arnette Blackwell SA, 1995, 15-22].
Les épisodes ischémiques per- et post-opératoires sont liés à la survenue d’infarctus [7,8]. L'ischémie
survient en général dans les premières heures après l’intervention (jusqu’à 72 heures) ; elle est le plus
souvent précédée ou accompagnée de tachycardie. L’infarctus postopératoire est silencieux dans la
grande majorité des cas : l'angor n'est présent que chez 14% des patients, et des symptômes clinique
n'apparaissent que dans 53% des cas [7,8]. La période postopératoire précoce est particulièrement
dangereuse parce qu'elle s’accompagne d’une triple vulnérabilité du patient.
 Augmentation de la demande myocardique en O2 (mVO2) (stress, douleur, tachycardie,
hypertension, hypothermie) et diminution de l'apport en O2 (DO2) (anémie, hypotension,
baisse des échanges gazeux) ;
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
68
 Déstabilisation de plaques athéromateuses coronariennes instables sous l'effet du stress et
du syndrome inflammatoire liés à la chirurgie ;
 Hypercoagulabilité sanguine par augmentation de l'adhésivité plaquettaire et baisse de la
fibrinolyse.
Dans le contexte chirurgical, on rencontre deux types d’infarctus : celui dû au déséquilibre DO2/VO2
sur sténose serrée et celui dû à la thrombose d’une plaque instable. Toutefois, ces deux phénomènes
ont une répartition particulière. Alors que la rupture de plaque instable est à l’origine de 70% des
infarctus aigus en cardiologie, elle ne représente que 45% des infarctus postopératoires [2,6]. (Figure
3.11).
Taux de
troponine
Infarctus lié aux
ruptures de
plaques
100
Infarctus lié à
l’ischémie due au
stress
Lésions
cellulaires sans
infarctus
10
1
0
1
2
3
4
5
6
7
Jours postop
Figure 3.11 : Evolution du taux de troponine I (cTnI) après chirurgie de l'aorte abdominale dans une étude
portant sur 1'152 patients [10] :
 Elévation de la cTnI inférieure au seuil de 1.5 ng/L chez 9% des patients (courbe violette) ; lésion
myocardique sans infarcissement (mortalité 7%) ;
 Pic de cTnI (> 1.5 ng/L) à 74 heures chez 3% ; infarctus secondaire à une ischémie persistante sur
déséquilibre de la demande et de l'apport myocardique en oxygène (courbe jaune), dont la
stimulation sympathique est une cause majeure (douleur, tachycardie, stress, hypothermie,
hypotension, anémie) ; la mortalité est de 21% ;
 Pic de cTnI (> 1.5 ng/L) à 37 heures chez 2% : infarctus probablement secondaire à des ruptures de
plaques instables avec mortalité de 24% (courbe rouge).
De manière simplifiée, on peut différencier ces phénomènes en deux formes différentes.

L’infarctus sur déséquilibre DO2/VO2 (55% des cas) est caractérisé par plusieurs éléments
[8,9,10] :
• Il survient sur des sténoses serrées (> 75%) à l’angiographie ; les épreuves d’effort
préopératoires sont en général positives.
• Il est de type non-Q, accompagné de sous-décalage du segment ST, correspondant à
une lésion sous-endocardique. Il survient fréquemment chez des malades âgés,
diabétiques, insuffisants cardiaques, ou souffrant d'angor avec modifications du
segment ST et ancien infarctus à l'ECG. Son étendue est inversement proportionnelle
au degré de collatéralisation.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
69
•
•
•

L’infarctus postopératoire est précédé dans 60% des cas de longs épisodes de
tachycardie et de sous-décalage du segment ST ; la durée de ce sous-décalage est
directement associée à la valeur du pic de troponine enregistré ultérieurement ;
l’ascension des troponines est tardive (72 heures), et l’accident survient en général au
3ème ou 4ème jour.
La meilleure prévention contre cet accident est le contrôle strict de
l’hémodynamique : fréquence (60-65 batt/min par β-blocage) et PAM (> 60 mmHg).
Un bas débit (hypotension sévère), une viscosité élevée (déshydratation) et/ou une
vasoconstriction locale (endothéline) peuvent causer une thrombose aiguë lorsque la
sténose est très serrée.
L’infarctus sur rupture de plaque instable (45% des cas) est un phénomène différent
[2,3,4,10] :
• Il apparaît en-dehors des sténoses les plus serrées à la coronarographie, mais en
relation avec une rupture de plaque (45% des autopsies d’infarctus postopératoires) ;
80% des lésions coronariennes en relation avec ce type d'infarctus ne sont pas
considérées comme significatives lors d'un examen préopératoire. Les tests d'effort
ont une très faible valeur prédictive pour cet évènement, car ils sont le plus souvent
objectivement négatifs.
• Il n’est pas précédé de modifications du segment ST mais accompagné d’une
surélévation du segment ST et d'onde Q ; il correspond à une lésion transmurale.
• Il survient plus tôt, en général dans les 36 premières heures, mais il peut apparaître
n’importe quand dans les dix jours qui suivent l’intervention.
• L’élévation des troponines est brusque et précoce.
• La seule prévention possible est les antiplaquettaires (aspirine, clopidogrel, prasugrel,
ticagrelor), les anticoagulants et les statines.
• La rupture de plaque est facilitée par le stress de cisaillement (hyperdynamisme) et
par l’hypertension ; la thrombose est liée à l'hyperaggrégabilité plaquettaire et au
syndrome inflammatoire (corrélation positive entre infarctus et CRP) ; tous ces
phénomènes sont proportionnels à la stimulation sympathique et au stress opératoire.
Infarctus postopératoire
La période postopératoire est plus à risque que la période peropératoire
Il existe 2 types d’infarctus (répartition environ 50/50)
Infarctus sur déséquilibre DO2/VO2 :
- Sténose coronarienne serrée, angor d’effort
- Infarctus non-STEMI, non-Q, précédé de sous-décalage ST
- Lié à tachycardie, HTA, douleur, stress
- Prévention : maintien de la stabilité hémodyamique, β-bloqueurs
Infarctus sur rupture/thrombose de plaque instable :
- Sténose coronarienne < 60%, tests d’effort non-discriminants
- Infarctus STEMI avec onde Q, survenue brutale et précoce
- Lié au syndrome inflammatoire et à l’hyperactivité plaquettaire
- Prévention : antiplaquettaires, anticoagulants, statines
Bien qu'il soit satisfaisant de trouver des correspondances entre la clinique, la pathologie et les
examens de laboratoires, la répartition de l'infarctus périopératoire en deux catégories tranchées n'est
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
70
pas absolument rigoureuse car il existe de nombreuses zones de superposition. Par exemple, 20-40%
des syndromes coronariens aigus surviennent suite à des thromboses apparues au niveau de plaques
non ulcérées, donc théoriquement stables [5]. Même sur une plaque rupturée, un thrombus peut rester
mural est ne pas devenir occlusif si la fibrinolyse fonctionne normalement ou si l'adhésivité
plaquettaire est diminuée [12]. La modulation du syndrome inflammatoire modifie l'évolution d'une
lésion athéromateuse vers la stabilisation comme vers l'instabilité. La stimulation sympathique, déjà
responsable de la tachycardie et de l'augmentation de la demande en O2, peut facilement induire un
vasopasme chez le coronarien, dont l'endothélium vasculaire répond par une vasoconstriction
paradoxale aux stimulations catécholaminergiques et métaboliques. Face à la multiplicité des
mécanismes en jeu, il n'est pas étonnant que la survenue d'un infarctus soit hautement imprédictible. Il
est donc d’autant plus important de faire profiter les patients du maximum de protection
périopératoire.
Références
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Revascularisation coronarienne préalable
Les études des années quatre-vingt-dix avaient montré que la meilleure protection périopératoire pour
la chirurgie non-cardiaque est une revascularisation complète, parce que dans ce cas, l'incidence de
complications ischémiques (infarctus 0.8%, mortalité cardiaque 1.7%) est équivalente à celle de la
population générale présentant les facteurs de risque équivalents mais sans maladie coronarienne
[1,16]. Il existe toutefois des limites à ces données (Figure 3.12A).
 Toute manipulation coronarienne transforme une sténose en lésion instable ; cette période
d'instabilité correspondant à la durée nécessaire à la ré-endothélialisation (6 semaines à 12
mois selon le type de revascularisation), pendant laquelle le risque de thrombose et d'infarctus
est augmenté de 5-10 fois.
• La mortalité de la chirurgie non-cardiaque à 3 semaines, à 6 semaines et à > 3 mois
après PAC est respectivement de 21%, 4% et 1% [3,16,32].
• La mortalité de la chirurgie non-cardiaque après angioplastie percutanée et pose de
stents passifs (BMS) est superposable : elle est de 26%, 4% et 1% à < 3 semaines, à 6
semaines et à > 3 mois, respectivement [39].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
71
•
•
Après des stents actifs (DES) de 1ère génération, la mortalité de la chirurgie noncardiaque est en moyenne de 35%, 15%, 8% et 1-5% à 6 semaines, 3 mois, 6 mois et
12 mois, respectivement [37,43].
Le bénéfice de la revascularisation n’est complet qu’après 3-12 mois, lorsque
l’incidence d’accident cardiovasculaire devient identique à celle des patients non
coronariens; il est donc logique d’attendre au moins 3 mois après PCI (Percutaneous
Coronary Intervention) + stents passifs ou PAC (pontages aorto-coronariens) pour
toute chirurgie élective. Après des stents actifs, le bénéfice n’apparaît qu’après 3-6
mois pour les DES de 2ème génération et 6-12 mois après des DES de 1ère génération
(Figure 3.12B) [37,43,46].
Mortalité (%)
20
21
< 1 mois
PAC (3-6%) +
Chir NC (3-6%)
15
β-blocage
+ Chir NC
(3.4%)
6-12 semaines
10
3.9
5
> 3 mois
<1
A
B
C
3
4.5
3.4
D
E
© Chassot 2010
Figure 3.12A : Mortalité cardiaque chez les patients coronariens opérés en chirurgie non-cardiaque. A: mortalité
moins d'un mois après pontages aorto-coronariens (21%). B: mortalité entre 6 et 12 semaines après pontages
aorto-coronariens (4%). C: mortalité au-delà de trois mois après pontages aorto-coronariens (< 1%) [3]. Aux
mêmes délais, la mortalité de la chirurgie non-cardiaque après angioplastie percutanée et pose de stents passifs
est superposable (mortalité à < 3 semaines, à 6 semaines et à > 3 mois : respectivement 26%, 4% et < 1%) [39].
D: mortalités combinées du pontage aorto-coronarien "prophylactique" (PAC) et de la chirurgie vasculaire (Chir
NC): environ 7.5%. E: mortalité de la chirurgie vasculaire sous β-bloqueur : 3.4% [36]. Ces chiffres démontrent
que la cardioprotection médicamenteuse est plus efficace que la revascularisation préopératoire dans les cas de
coronaropathie stable, et que la revascularisation impose un délai de 3 mois pour pouvoir être bénéfique.
 Les mortalités de la chirurgie non-cardiaque et de la revascularisation sont additionnelles. La
revascularisation a une certaine mortalité (PAC 1.7%; PCI 0.1%) et fait courir un risque
d'infarctus (PAC 2.4%; PCI 0.9%); chez les polyvasculaires, la mortalité des PAC est de 36%, celle de la PCI de 0.5-1%. Si l'on ajoute cette mortalité à celle de la chirurgie majeure ou
vasculaire (1-5%), on trouve un résultat supérieur à celui de l'intervention sous préparation
médicale optimale (β-bloqueur, antiplaquettaires, statines) mais sans revascularisation
[3,16,32].
 La revascularisation, lorsqu'elle est réussie, a un effet limité dans le temps; la protection
offerte par des pontages aorto-coronariens dure plus longtemps (6 ans, puis diminution
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
72
progressive) que celle d'une angioplastie percutanée (Percutaneous Coronary Intervention,
PCI) (< 3 ans) ; la moitié des récidives survient dans un territoire différent de celui qui avait
été revascularisé, traduisant ainsi la progression de la maladie [6,11].
 L’effet protecteur de la revascularisation est le plus prononcé dans les cas de maladie tritronculaire, de diabète et de dysfonction ventriculaire gauche, probablement parce que la
revascularisation est assurée en général par des PAC plutôt que par une PCI [21,30,47].
 Le bénéfice de la revascularisation préopératoire est limité par le fait que près de la moitié des
infarctus périopératoires survient sur des plaques instables (sténose < 60%) non dépistables
par les épreuves d’effort ni par la coronarographie. D’autre part, la corrélation est faible entre
la localisation des nouvelles ACS survenue à l’écho de stress préopératoire et celles survenues
à l’ETO peropératoire [10].
Taux d’accidents (%)
BMS (stent métallique nu)
50
PAC (pontage aorto-coronarien)
40
DES (stent à élution, stent actif)
30
DES > 1 an :
persistance d’un risque cardiaque
supérieur au risque standard
20
10
© Chassot 2014
1
2
3
6
Mois
12
Figure 3.12 B : Evolution du risque d’accidents cardiaques périopératoires (mortalité, infarctus, thrombose de
stent) chez les malades revascularisés, en fonction du délai entre la revascularisation et l’opération noncardiaque. Le risque est d’autant plus grand que le délai est plus bref: il est 20 fois plus important dans les 6
premières semaines par rapport à un délai de > 6 mois. Une opération vitale peut être conduite dès 6 sem après
BMS ou PAC et 6 mois après DES 1ère génération (sous bithérapie) ; elle peut être envisagée dès 3 mois après
DES de 2ème génération au prix d’un certain risque (environ 5% d’accidents cardio-vasculaires) [22,37,43,46].
Chez les malades souffrant d’ischémie stable sans infarctus ni syndrome coronarien aigu, les études
comparant des malades ischémiques revascularisés en vue d'une intervention de chirurgie vasculaire
majeure à des malades non revascularisés mais traités médicalement (β-bloqueurs, antiplaquettaires,
statines) n'ont pas montré de différence dans l'incidence d’infarctus et de décès cardiaques
postopératoires [12,28]. La condition est un strict maintien de l’hémodynamique (fréquence cardiaque
< 70 batt/min, PAM > 70 mmHg) pendant et après l’intervention. La revascularisation préopératoire
n’est donc pas indiquée en cas d’angor stade I ou II (coronaropathie stable), ni dans le seul but de
réduire le risque d’événement cardiaque périopératoire [9]. Elle n'a de sens que si certaines conditions
sont remplies [47,49].
 L'indication n'est pas prophylactique mais cardiologique (voir plus loin); elle est la même
qu'en dehors du contexte chirurgical; elle est liée à la présence d’un syndrome coronarien
instable.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
73
 L'ischémie est liée à un déséquilibre du rapport DO2/VO2 dû à une sténose serrée.
 Les délais imposés entre la revascularisation et l'opération non-cardiaque (6 semaines à 12
mois) doivent être compatibles avec l'évolution de l'affection chirurgicale (tumeur, anévrysme,
fracture, etc).
 Les risques de la revascularisation sont plus élevés chez les malades polyvasculaires (mortalité
des PAC : 6% au lieu de 1.7%) qui sont les plus fréquemment concernés par ce débat.
 Les risques additionnés de la revascularisation (PAC ou PCI) et de la chirurgie non-cardiaque
doivent être inférieurs au risque de l'intervention sous simple protection médicamenteuse (βbloqueurs, antiplaquettaires, statines). Or la revascularisation augmente le risque de
complications cardiaques dans le postopératoire immédiat (OR 1.5) ; à long terme, les PAC
diminuent le risque cardiaque chez les polyvasculaires (OR 0.6) davantage que la PCI [2].
Chez les patients souffrant de maladie coronarienne stable, la PCI avec stents n’offre aucun bénéfice
en terme de mortalité, d’infarctus ou de revascularisation ultérieure comparée au traitement médical,
sauf en cas de dysfonction ventriculaire ou dans les suites d’un infarctus récent [19]. L’étude
COURAGE, qui analyse la survie et les récidives d’ischémie chez deux groupes de patients souffrant
de coronaropathie stable strictement randomisés entre traitement médical optimal et traitement
médical avec PCI, n’a révélé aucune différence entre les deux groupes ni dans la mortalité, ni dans
l’incidence d’infarctus, ni dans le taux d’ictus au cours d’un suivi de 3 ans [45]. L’analyse d’un sousgroupe de cette étude comprenant des malades souffrant d’angor stade III n’a pas non plus démontré
de différences [25]. Toutefois, lorsqu’elle est guidée par le calcul de la FFR (fraction de flux de
réserve), la PCI abaisse la mortalité et le risque d’infarctus chez les malades qui souffrent d’ischémie
active, même en cas de coronaropathie stable (OR 0.32) [7]. La revascularisation a donc une place
dans la coronaropathie stable lorsqu’on peut démontrer la présence d’une ischémie active persistante
(voir Chapitre 9, Traitements interventionnels). D’une manière générale, par contre, on peut conclure
que la revascularisation ne fait pas partie de la préparation préopératoire des malades
asymptomatiques (angor stable à fonction ventriculaire conservée), puisqu’elle ne confère aucun
bénéfice en terme de morbi-mortalité périopératoire par rapport à un traitement médical optimal
[9,21,47,49].
Chez les malades qui ont fait un infarctus ou qui ont souffert d’un syndrome coronarien aigu (nonSTEMI), la situation est différente. Leur mortalité à 1 an après chirurgie non-cardiaque et leur
incidence de réinfarctus à 30 jours postopératoires est d’environ 50% plus basse s’ils ont été
revascularisés que s’ils ont été traités médicalement : 18% versus 35% et 5% versus 10%,
respectivement [24]. Pour obtenir ce bénéfice, le délai entre la revascularisation et l’opération doit être
d’au moins 1 mois, car dans les 4 premières semaines, le risque de réinfarcissement est 6 fois plus
élevé. D’autre part, les PAC offrent une meilleure protection que la PCI avec stents : le taux de
réinfarctus est de 3.5% versus 6.1%, respectivement. Cette différence est d’autant plus marquée que le
délai entre la devascularisation et la chirurgie est plus court [24]. L’avantage des PAC sur la PCI est
particulièrement important en cas de coronaropathie tritronculaire, de lésion du tronc commun, de
diabète et de dysfonction ventriculaire [32].
Le bénéfice de la revascularisation devient plus évident à long terme, puisqu'elle traite la maladie de
base du coronaropathe. Les indications à une revascularisation en préopératoire sont donc les mêmes
qu'en dehors du contexte chirurgical [15,35,47,49] : syndrome coronarien aigu (SCA) ou instable
(stade III-IV), ischémie étendue ou symptomatique malgré un traitement médical optimal, tests
d’effort significativement positifs, ischémie active au calcul de la FFR, anamnèse de SCA ou
d’infarctus. Les indications relatives de la chirurgie (PAC) et de l’angioplastie (PCI) peuvent se
formuler comme suit (voir Chapitre 9, Comparaison des thérapeutiques) [30,40,47,49].





Angor stable (stade I-II) à fonction ventriculaire conservée : traitement médical.
Maladie mono- ou bi-tronculaire sans IVA proximale : angioplastie et stent.
Maladie mono- ou bi-tronculaire avec IVA proximale : préférence à la chirurgie.
Maladie tritronculaire : préférence à la chirurgie ; angioplastie possible si anatomie favorable.
Tronc commun : préférence à la chirurgie.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
74
 Maladie tritronculaire avec tronc commun, fonction ventriculaire diminuée et/ou diabète :
chirurgie.
 En chirurgie vasculaire, les PAC semblent offrir une protection supérieure à celle de la PCI
lorsqu’une revascularisation coronarienne est indiquée [44].
Revascularisation coronarienne préopératoire
La mortalité de la revascularisation et de la chirurgie sont additionnelles
Le risque cardiaque est très augmenté pendant 6 semaines après la revascularisation (mortalité 25%)
Le plein bénéfice n’apparaît qu’après 3 mois pour les BMS et les PAC (mortalité < 1%) et qu’après 36 mois pour les stents actifs (DES) de 2ème-3ème génération, ou 6-12 mois pour les DES de 1ère
génération
L’angor stable (I-II) n’est pas une indication à la revascularisation préopératoire
Après syndrome coronarien aigu ou infarctus, la revascularisation coronarienne améliore le pronostic
de la chirurgie non-cardiaque.
Délais après revascularisation chirurgicale
Après des PAC, le risque opératoire est d'autant plus élevé qu'on est proche de la revascularisation; il
est nettement dégressif au-delà de 6 semaines, mais il faut attendre 3 mois pour bénéficier du plein
effet de l’intervention et rejoindre le taux de mortalité des malades non-coronariens. Le taux de
complications ischémiques en cas de chirurgie non-cardiaque est de 30% (mortalité opératoire: 20%)
pendant 4-6 semaines; il est d'environ 4% entre 2 et 3 mois, et de 1% au-delà de 3 mois (voir Figure
3.12B). On peut donc considérer un délai de 6 semaines comme le minimum pour envisager une
opération non cardiaque nécessaire ou vitale; le délai de sécurité pour une intervention élective est de
3 mois [3].
Délais après angioplastie et pose de stents
Après PCI et pose de stent, la durée du délai est liée à celle de la réendothélialisation du stent. Dans un
stent métallique simple, ou stent passif (bare metal stent, BMS), l’armature est en contact direct avec
le sang pendant plusieurs semaines. Il faut attendre 6 semaines pour qu’elle soit recouverte par une
couche cellulaire, qui n’est faite que de cellules musculaires lisses ; ce délai représente également la
durée minimum pour la cicatrisation des lésions après un infarctus [29]. Ce n’est pas avant 3 mois que
les parties métalliques sont complètement enfouies dans le tissu cicatriciel et la surface recouverte
d’une néo-intima (Figure 3.13) [13].
Tant que le stent passif n’est pas entièrement recouvert, le risque de thrombose par adhésion des
thrombocytes nécessite une bi-thérapie antiplaquettaire : aspirine + clopidogrel ou prasugrel ou
ticagrelor pendant 6 semaines ; l’aspirine est continuée à vie. Le taux de thrombose est ainsi inférieur à
2% pendant le premier mois et < 0.1% au-delà. Cependant, le néo-endothélium tend à proliférer, ce
qui provoque un taux de resténose de 12-20% à 9-12 mois [38].
Pour remédier à la haute incidence de resténose dans les stents passifs, on a développé des stents à
élution, dits stents actifs (drug-eluting stents, DES), qui libèrent progressivement des produits
antiprolifératifs. Le taux de resténose est ainsi passé à 3% à 1 an et 6% à 3 ans, sans modification de la
mortalité [38]. Toutefois, ce progrès s’accompagne d’un ralentissement considérable de la
réendothélialisation. En effet, l’endothélialistion des stents à élution de 1ère génération ne dépasse pas
60% de leur surface jusqu’à 40 mois, alors que le 95% de la surface des stents passifs est entièrement
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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recouverte entre 3 et 6 mois. Ce retard est plus important chez les patients avec des thromboses que
chez ceux dont les stents sont perméables (Figure 3.14) [18,20].
A
B
Endothélialisation (%)
100
Stents passifs
80
60
40
Stents actifs
20
Mois
6
12
18
40
Figure 3.13 : Sections de stents passifs (BMS) prises lors d'autopsies. A : Au 11 ème jour, le stent n'est
recouvert que d'une fine membrane; une armature métallique est apparente, libre dans le courant sanguin (flèche
bleue). B : Après 3 mois, le stent est complètement protégé par le néo-endothélium, les armatures (S) étant
profondément enfouies sous une couche cellulaire [13].
Figure 3.14 : Endothélialisation des stents actifs et des stents passifs sur une durée de 40 mois (étude
d’autopsies) [18]. Alors que les stents passifs sont entièrement endothélialisés à < 6 mois, les stents actifs (1ère
génération) ne sont jamais recouverts à plus de 56% par une néo-intima.
Alors qu'il est de 1-3% pendant le premier mois, le risque de thrombose de stent diminue ensuite à 0.40.6%/an dans les DES de 1ère génération et à 0.1-0.2%/an dans les DES de 2ème génération [33,41]. Bien
qu’elle soit un événement rare, la thrombose de stent est extrêmement dangereuse, car elle correspond à
l’occlusion abrupte et totale d’un vaisseau dont le flux était normal et la collatéralisation faible. Elle est
grevée d’un taux d’infarctus allant de 10% jusqu’à 60% et d’une mortalité de 9-45% (moyenne 25%). La
resténose, au contraire, est un événement bénin dont la mortalité est < 1%. Les prédicteurs de la
thrombose de stent sont par ordre croissant d’importance [26,48] :
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
76






Les comorbidités : diabète, insuffisance rénale, dysfonction ventriculaire, âge avancé ;
La progression et l’évolutivité de la maladie coronarienne ;
Les indications hors recommandations (off-label indications) et les problèmes techniques;
La pose de stents lors de syndrome coronarien aigu ;
Le type de chirurgie et le délai entre la revascularisation et l’acte opératoire ;
L’interruption prématurée des antiplaquettaires ; cet élément est le plus important.
Sous antiplaquettaires, un stent est l’équivalent d’une coronaropathie stable ; lorsqu’on les arrête, il se
comporte comme une plaque instable (voir Chapitre 29 Antiplaquettaires et maladies vasculaires). Cette
situation requiert donc une double thérapie antiplaquettaire prolongée (Tableau 3.9A).
Tableau 3.9A
Recommandations pour la durée du traitement antiplaquettaire après un évènement coronarien
 Aspirine (50-100 mg/jour)
à vie sans interruption
 Ticagrelor (2 x 90 mg/j), prasugrel (10 mg/j) ou clopidogrel (75 mg/jour)
• Angioplastie
2 semaines (ballon simple), 3 mois (ballon à élution)
• Stents passifs
minimum 4-6 semaines*
• Stents actifs 1e génération
12 mois
• Stents actifs 2e génération
3-6 mois si coronaropathie stable**
• Stents actifs 2e génération
12 mois si SCA**
• Stents actifs haut risque
> 12 mois si risque ischémique élevé
• Infarctus
6-12 mois
• Syndrome coronarien aigu
12 mois (avec ou sans revascularisation)***
• Risque hémorragique élevé
3 mois (DES 2ème gén), 6 mois (DES 1ère gén, SCA)
 Coronaropathie stable
aspirine seule (si pas d'IdM ni de revascularisation)
 Pontages aorto-coronariens
aspirine à vie sans interruption
bithérapie si SCA ou stent préop (durée habituelle)
* : prolongé à 12 mois en cas de syndrome coronarien aigu, selon le risque hémorragique et la tolérance du patient
**: y compris stent actifs de 3ème génération et stents biorésorbables
***: préférence pour le ticagrelor (ou le prasugrel) plutôt que pour le clopidogrel
CS: coronaropathie stable. IdM: infarctus du myocarde. SCA: syndrome coronarien aigu (± STEMI ou N-STEMI)
Le données concernant les nouveaux DES (armature en alliage de magnésium ou en polymère de
lactate biorésorbables) et les nouvelles substances antiprolifératives (zotarolimus, everolimus, biolimus)
montrent en effet qu’une bithérapie antiplaquettaire de 3-6 mois seulement ne modifie pas le pronostic
par rapport à un traitement de 12 à 24 mois dans le cas de stents à bas risque et chez des malades nondiabétiques [14,42]. Dans ces cas particuliers, on peut formuler les propositions suivantes pour la durée
de la bithérapie [23,31,34].
 DES 2ème-3ème génération et risque ischémique faible mais risque hémorragique très élevé ou
opération vitale impérative: 3 mois.
 DES 2ème-3ème génération et risque ischémique faible (stent simple, coronaropathie stable, pas
de SCA): 6 mois.
 DES 2ème-3ème génération et risque ischémique modéré sur SCA, ou DES 1ère génération: 12
mois.
 DES 2ème-3ème génération et risque ischémique élevé (SCA avec infarctus, thrombose préalable,
stent complexe, diabète), DES 1ère génération à risque, risque hémorragique faible:
prolongation > 12 mois.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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Ces recommandations sont à mettre en balance avec le risque hémorragique, qui augmente
parallèlement à l'intensité et à la durée de la bithérapie, en gardant néanmoins à l'esprit que la mortalité
liée à une thrombose coronarienne est plus importante que celle liée à une hémorragie [27].
Cesser la bithérapie après 3 ou 6 mois dans une situation à bas risque et une coronaropathie stable n’est
malheureusement pas un scénario extrapolable sans restriction à la période périopératoire, qui est une
période à haut risque accompagnée d’un syndrome inflammatoire massif et d’une hyperactivité
thrombocytaire puissante. La faisabilité d’un traitement de seulement 3-6 mois avec les nouveaux stents
dans le cadre d'une coronaropathie stable n’est en aucun cas un argument pour interrompre une thérapie
en cours afin de programmer une intervention chirurgicale dans des délais raccourcis. D'autre part, le
manque d’expérience avec les nouveaux stents dans le périopératoire oblige à rester très prudent. Le
raccourcissement du délai à 3 ou 6 mois ne concerne que des cas de coronaropathie stable sans SCA ni
infarctus pour des opérations vitales hémorragipares dont le renvoi met la vie du malade en danger.
Dans les autres situations, le maintien de la bithérapie en cours pendant 12 mois et un délai idéal d’un
an pour toute intervention élective restent une précaution prudente. Quel que soit le risque propre des
stents en fonction du délai, le pronostic du patient est très fortement dépendant de son risque
cardiovasculaire (anamnèse de SCA, infarctus, FE basse, AVC, etc) et de la gravité de l’intervention
chirurgicale [17].
Les délais recommandés entre la revascularisation coronarienne et une intervention non-cardiaque sont
donc variables selon les situations (Tableau 3.9B) [4,5,8] (voir Antiplaquettaires, et Chapitre 29
Recommandations pour la chirurgie non-cardiaque).
Tableau 3.9B
Recommandations pour les délais entre la revascularisation coronarienne
et la chirurgie non-cardiaque

Angioplastie sans stent

Stents passifs (BMS)
• Chirurgie vitale
• Chirurgie élective
Pontages aorto-coronariens
• Chirurgie vitale
• Chirurgie élective
Stents actifs (DES 1ère génération)*
• Chirurgie vitale
• Chirurgie élective
Stents actifs (DES 2ème génération)**
• Chirurgie vitale
• Chirurgie élective



2-4 semaines (ballon simple)
3 mois (ballon à élution)
6 semaines
3 mois
6 semaines
3 mois
6 mois (sous bi-thérapie)
12 mois
3 mois (sous bi-thérapie)
6 mois
*: DES toute génération si SCA ou stent à très haut risque
**: comprend les DES 2ème et 3ème génération et les DES biodégradables
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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Délais pour la chirurgie après revascularisation
Dilatation simple
2-4 semaines (ballon simple)
3 mois (ballon à élution)
Stent métallique simple (BMS, stent passif) ou pontages aorto-coronariens (PAC)
Opération vitale
6 semaines
Opération élective
3 mois
Stents à élution (DES 1ère génération)
Opération vitale
Opération élective
6 mois (sous bithérapie)
12 mois
Stents à élution (DES 2ème génération)
Opération vitale
3 mois (sous bithérapie)
Opération élective
6 mois
Syndrome coronarien aigu
12 mois
Références
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Impact des investigations cardiologiques
D’une manière générale, les indices de risque et les investigations cardiologiques ont une bonne valeur
prédictive négative mais une faible valeur prédictive positive, car l’impact de l’évaluation
préopératoire est limitée par plusieurs facteurs [4].
 Faible prévalence des évènements dans la population générale ;
 Variabilité dans les définitions et les critères utilisés pour quantifier les pathologies et les
complications ;
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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 Identification des facteurs de risque limitée à un nombre restreint, qui peut englober des
entités différentes ;
 Effet de la durée d’une maladie non quantifié ;
 Evènements peropératoires inconnus au moment de l’évaluation ;
 Biais statistiques et différences méthodologiques entre les études.
L’insuffisance cardiaque, par exemple, peut être causée par une ischémie, une valvulopathie, une
arythmie ou une cardiomyopathie. Classée sous le même terme, cette disparité n’est pas prise en
compte par un indice de risque, alors que l’impact sur le devenir et la prise en charge périopératoire
sont très différents selon les étiologies.
La plupart des indices ne tient pas compte de la durée d’évolution d’une maladie ni de sa gravité, mais
seulement de sa présence ou de son anamnèse par un jeu de "oui/non". Or les affections cliniques se
présentent comme un continuum, non comme une dichotomie dont le seuil de séparation est forcément
arbitraire. Plusieurs points méritent d’être relevés.
Théorème de Bayes
La probabilité de découvrir une lésion pathologique par une investigation spécifique est fonction
directe de la probabilité d’existence de cette maladie dans la catégorie clinique à laquelle appartient le
patient ; c’est une application du théorème de Bayes [19]. On n’obtient que des informations très
limitées en soumettant à des tests d’effort des individus qui présentent une probabilité très haute ou
très basse d’être porteur de la maladie recherchée. Par exemple, l’absence d’angor, d’infarctus
anamnestique, de diabète et d’insuffisance cardiaque classe le malade, quel que soit son âge, dans une
catégorie dont le risque de souffrir de pathologie coronarienne est inférieur à 4% [23]. Un angor
atypique n'a que 12% de chance de correspondre à une coronaropathie chez la femme de moins de 40
ans, alors que le risque est de 94% chez l'homme de plus de 60 ans qui présente un angor classique
[22]. Une modification du segment ST à l’effort chez un jeune sportif en pleine santé n’est très
probablement pas un marqueur de maladie coronarienne, mais un faux positif ou l’effet d’un tonus
sympathique élevé; dans ce cas, l’investigation pouvait être évitée car il était prévisible que ses
conclusions n’entraîneraient aucune sanction thérapeutique. A l’inverse, un examen cherchant à
prouver l’existence d’une coronaropathie est inutile lorsque la probabilité d’existence de cette maladie
est très élevée et que la prise en charge en tiendra compte quoiqu’il en soit. La portée d’un examen de
dépistage est donc la plus efficace dans la catégorie de risque intermédiaire, car c’est là où l’on a le
plus de chance de faire des découvertes inattendues conduisant à une sanction thérapeutique.
Etant donné leur très faible incidence de complications, les interventions mineures chez des patients
stables ne réclament pas d’investigations préopératoires car il est peu probable que ces dernières
modifient la prise en charge [18]. Les tests d’effort sont également inutiles chez les patients à risque
intermédiaire qui ont une bonne capacité fonctionnelle (> 5 MET), même en cas de chirurgie majeure.
Ils ne sont indiqués que si la capacité d’effort est réduite (< 4 MET) ou si les patients présentent des
facteurs de risque majeurs (cardiopathie instable). De toute manière, ils n'ont de sens que si leurs
résultats modifient la prise en charge périopératoire [10,18]. Le dosage des troponines et des BNP/NTproBNP chez les malades à risque permet de restreindre les investigations cardiologiques aux patients
dont les valeurs sont supérieures au seuil de signification (respectivement 92 et 300 ng/L) (Figure 3.8,
page 46) [15,25,31].
Cardiopathie ischémique
Le but des investigations cardiologiques consiste à améliorer le pronostic à long terme des malades.
Ces investigations n'ont de sens que si elles ont une probabilité certaine de conduire à un traitement
étiologique de la maladie coronarienne, et que si les délais imposés par l’éventuelle revascularisation
peuvent être respectés. En-dehors de ces conditions, elles relèvent d'un rituel anxiolytique et d'un
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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gaspillage financier. Les études qui ont montré l’effet cardioprotecteur des β-bloqueurs, des
antiplaquettaires et des statines ont fait évoluer la prise en charge préopératoire : alors que l’on
cherchait auparavant à stratifier le risque par de multiples examens qui retardaient l’intervention, on
s’est acheminé ces dernières années vers un paradigme pro-actif donnant la priorité à une
pharmacoprotection optimale et ne proposant des investigations ergométriques que pour déceler le
petit groupe (4-5%) de patients qui a des chances de bénéficier à long terme d’une revascularisation
[5]. On peut omettre les tests d’effort chez des malades souffrant de coronaropathie stable puisque leur
devenir postopératoire est identique, qu’ils soient revascularisés ou pris en charge avec une thérapie
médicale optimale [20].
D’autre part, plusieurs facteurs se conjuguent pour limiter l’impact des investigations cardiologiques
sur le devenir postopératoire des patients coronariens.
 Bien qu’il identifie les patients à risque, le test d’effort prédit mal la localisation et l’étendue
de l’ischémie peropératoire [10].
 La moitié des accidents cardiaques postopératoires est lié à la thrombose d’une plaque
instable ; or la présence de cette dernière échappe aux tests d’effort ou aux tests
pharmacologiques car ele représente une sténose hémodynamiquement peu importante tant
qu’elle ne thrombose pas [9,12].
 En cas de coronaropathie stable sans anamnèse d’infarctus, la mortalité et le taux d’infarctus
après chirurgie vasculaire ne sont pas diminués chez les patients revascularisés par rapport à
ceux traités médicalement, même si leur coronaropathie est sévère [13,20].
 La morbi-mortalité cumulée de la revascularisation préopératoire et de la chirurgie noncardiaque est très généralement plus élevée que celle de la chirurgie non-cardiaque
accompagnée d’un traitement médical optimal, et le retard imposé à l’intervention prévue peut
être une source de complications ou de décès intercurrents [6,7].
 La moitié des récidives d'accidents ischémiques survient en-dehors du vaisseau impliqué en
premier lieu; l'évolution de la maladie coronarienne a donc autant de poids que le risque lié à
un vaisseau sténosé ou stenté [8,12].
Un test d'effort a trois fonctions : mesurer la capacité fonctionnelle, rechercher une ischémie, et
déceler un potentiel arythmique. D'une manière générale, la valeur prédictive négative de ces tests est
bonne (> 90%), voire excellente (> 98% pour l'ESD), mais leur valeur prédictive positive oscille entre
20% (ECG d'effort) et 38% (ESD) [16]. Ceci s'explique par la faible incidence des évènements
ischémiques périopératoires (< 10% des cas) et par leur caractère multifactoriel. D’une manière
générale, les tests pharmacologiques ont une meilleure valeur discriminative que les tests d’exercice.
L’écho de stress à la dobutamine est probablement le test de la plus grande spécificité [2]. Le test
d’effort préopératoire n’est indiqué qu’en cas d’angor instable ou d’arythmies majeures ; chez les
patients à haut risque (≥ 3 facteurs de risque dans l’indice de Lee), il peut identifier les patients qui
bénéficient d’un traitement cardioprotecteur périopératoire [1].
Effet sur les organes-cibles
Le risque opératoire représenté par le diabète, l’athéromatose ou l’hypertension ne tient pas tant à
l’affection elle-même qu’à leurs effets sur les organes-cibles, c’est-à-dire à la présence d’ischémie
myocardique, d’ictus ou d’insuffisance rénale. Pour être efficace, un indice doit accorder davantage
d’importance aux complications qu’à la maladie elle-même. Ainsi la créatiniémie est un critère de
risque bien plus performant que la valeur de la pression artérielle, parce qu’elle traduit l’importance
des dégats causés par l’HTA. La durée de la maladie a bien plus de poids sur le devenir du patient que
l’estimation de sa prévalence, parce que la dysfonction organique s’aggrave avec le temps
d’exposition à cette maladie [4,11]. D’autre part, l’atteinte polyorganique progressive potentialise les
effets délétères de l’affection. La durée d’exposition à l’affection de base est la raison pour laquelle
l’âge avancé est un facteur de risque en soi [7].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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Importance des évènements peropératoires
Lorsqu’on tente de mettre en rapport des éléments préopératoires (indices de risque, tests fonctionnels)
avec le devenir postopératoire (infarctus, décompensation, mortalité), on scotomise les évènements
peropératoires comme la durée réelle de l’intervention, les déplacements liquidiens, les épisodes de
bas débit cardiaque, l’hémorragie et les transfusions. Or ces évènements ne sont pas réellement
prévisibles, ni en importance ni en durée. Plusieurs études prospectives ont démontré une nette
amélioration de la prédictibilité du devenir postopératoire lorsque ceux-ci sont pris en compte. La
valeur de la courbe ROC passe ainsi à 0.76 - 0.81 [17,24,26] lorsqu’on inclut dans le modèle
l’importance de l’hypotension artérielle (baisse de > 25% de la PA), sa durée (> 15 minutes), la
tachycardie (> 100 batt/min) ou les transfusions (> 1 unité). Une PAM inférieure à 55 mmHg est
directement liée à l’incidence d’insuffisance rénale et de lésion myocardique postopératoires de
manière proportionnelle à sa durée (OR 1.32 à 1.82) [28].
L’hypotension, la transfusion et la tachy-bradycardie réduisent de moitié la portée de l’évaluation
préopératoire mais triplent le risque postopératoire [24]. A elle seule, l’anémie aiguë (chute de l’Hb >
35%) supprime l’effet cardioprotecteur des béta-bloqueurs et augmente le risque de complications
cardiaques postopératoires [3].
Impact
Le choix des tests tient aussi à leur chance de déboucher sur des modifications décisionnelles. Aucun
examen ne doit être envisagé s'il ne répond pas à une question spécifique, ni si ses résultats ne vont
pas modifier la prise en charge du patient. Un examen qui ne conduit à aucune sanction thérapeutique
est un examen inutile ! Par sanction thérapeutique, il faut entendre plusieurs éléments: introduction
d'un nouveau traitement médical, indication à une intervention supplémentaire (revascularisation
coronarienne, remplacement valvulaire), modification de la stratégie opératoire (opérations étagées,
interventions a minima), modification de la technique d’anesthésie et du suivi postopératoire (séjour
en soins intensifs), ou contre-indication à l’intervention prévue. Ainsi il est inutile d'investiguer un
patient dont l'âge ou les délais opératoires contre-indiquent toute intervention coronarienne, même s'il
présente de l'angor clinique. Une coronographie n’a de sens que si elle peut conduire à une
revascularisation percutanée ou chirurgicale. Elle est inutile s'il existe des contre-indications à ces
options thérapeutiques. Il s’avère aujourd’hui que les indications aux investigations cardiologiques ou
à la revascularisation coronarienne préopératoires sont identiques à celles définies en cardiologie endehors du contexte chirurgical [14,21,27,29,30].
Tests cardiologiques préopératoires
Un test préopératoire doit répondre à une question précise
Un test sans conséquence thérapeutique est un test inutile
Les tests d’effort ont une haute valeur prédictive négative mais une faible valeur prédictive positive
La durée et les complications organiques d’une affection sont des déterminants plus significatifs que
sa prévalence
Les incidents peropératoires potentiels sont inconnus au moment de l’évaluation préopératoire
La préparation pharmacologique préopératoire a davantage d’impact sur le devenir des patients que les
tests préopératoires
Les indications aux investigations cardiologiques ou à la revascularisation coronarienne préopératoires
sont identiques à celles définies en cardiologie en-dehors du contexte chirurgical
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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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Cardioprotection préopératoire
La priorité donnée à la préparation médicale plutôt qu’à des investigations cardiologiques est une
attitude qui s’est développée depuis que l’on a démontré l’absence de bénéfice de la revascularisation
coronarienne en cas de coronaropathie stable aussi bien en préopératoire qu’en-dehors du contexte
chirurgical [1,2,3]. La cardioprotection périopératoire est basée essentiellement sur quatre agents
thérapeutiques :




Les β-bloqueurs ;
Les antiplaquettaires ;
Les statines ;
Les pace-makers et défibrillateurs.
A cela s’ajoute bien évidemment tous les traitements nécessaires à l’équilibre hémodynamique du
patient : anti-hypertenseurs, dérivés nitrés, diurétiques, anti-arythmiques, anticoagulants, etc.
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Les β-bloqueurs
Etudes cliniques
Les β-bloqueurs diminuent de 20 à 30% la mortalité et la morbidité cardiaques après infarctus,
pontages aorto-coronariens (PAC) ou insuffisance cardiaque. Comme ils inhibent efficacement la
réaction sympathique, baissent la consommation d’O2 myocardique et diminuent le taux d’arythmies,
il paraît logique de s'attendre à ce qu’ils présentent aussi un effet protecteur en chirurgie noncardiaque. Au début des années 2000, les indications aux β-bloqueurs ont été fondées sur huit études
contrôlées (11'468 patients) conduites sur des patients de chirurgie vasculaire. Les deux premières ont
découvert des bénéfices considérables au β-blocage avec de l’aténolol [21] ou du bisoprolol [24] :
baisse de 3 fois du taux d’ischémie, de 5 fois du taux d’infarctus, réduction de 89% de la mortalité.
L’étude DECREASE-IV combinant le bisoprolol et la fluvastatine a démontré une diminution
surprenante de 66% de l’incidence de décès et d’infarctus chez les patients recevant le bisoprolol (OR
0.34) [64]. Mais ces études souffraient d'importants biais méthodologiques [26]. Quatre études plus
rigoureuses menées chez des patients vasculaires ou diabétiques n’ont trouvé qu’une diminution de
moitié du taux d’ischémie chez les malades sous métoprolol, mais pas d’effet sur la mortalité ni sur le
taux d’infarctus [11,23,35,36]. Ces derniers essais comprenaient cependant une forte proportion de
malades à bas risque et un β-blocage de courte durée [32]. Une revue de 38'770 opérations a montré
que placer les patients sous β-bloqueur, ou continuer le β-blocage s’il est déjà prescrit, diminue la
mortalité à 1 mois (OR 0.52 et 0.68, respectivement) et à 1 an (OR 0.64 et 0.82) ; par contre,
l’interruption du β-blocage augmente clairement la mortalité aux mêmes échéances (OR 3.93 et 1.96)
[29]. Dans toutes ces études, le β-blocage est débuté quelques heures à quelques jours avant
l’intervention, et poursuivi pendant un minimum de 1 à 4 semaines. Le β-blocage chronique, par
contre, ne protège que partiellement les malades contre le stress opératoire ; dans une étude, leur
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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risque d’infarctus est même doublé par rapport à celui des malades non-β-bloqués, probablement parce
que la régulation à la hausse de leurs récepteurs β (up-regulation) induit une réponse excessive aux
stimuli sympathiques [16]. Il est donc essentiel de maintenir ou de renforcer leur β-blocage pendant la
période opératoire.
Pendant une dizaine d'années, on a donc largement utilisé un β-blocage périopératoire prophylactique
chez les malades à risque ou supposés tels. Cet enthousiasme a été refroidi par la grande étude
canadienne POISE [9], par trois méta-analyses [4,7,31], par une revue systématique [34] et par trois
études observationnelles de larges cohortes [2,815,20].
 L’étude POISE comprend 8'351 patients randomisés entre placebo ou métoprolol 3 heures
avant l’opération et pendant 1 mois postopératoire; la dose de metoprolol est de 100 mg
(forme extended-release) 2-4 heures avant et 6 heures après l'intervention, puis de 200
mg/jour pour 30 jours. Les malades ont été sélectionnés selon plusieurs caractéristiques:
présence de coronaropathie, de vasculopathie artérielle, d'anamnèse d'ictus ou d'insuffisance
cardiaque, et intervention de chirurgie vasculaire majeure. Les données recherchées sont la
mortalité et les complications cardio- et cérébro-bvasculaires à 30 jours. L'étude a démontré
une baisse de 27% du taux d’infarctus chez les malades β-bloqués par rapport aux contrôles,
mais accompagnée d’une augmentation significative de la mortalité (3.1% versus 2.3%, HR
1.33) et du taux d’ictus (1.0% versus 0.5%, HR 2.17). Par ailleurs, l'étude a mis en évidence
moins de fibrillation auriculaire (HR 0.76) dans le groupe β-bloqué, mais davantage
d'épisodes de bradycardie (HR 2.74) et d'hypotension artérielle (HR 1.55) [9].
 Une analyse de 33 études contrôlées et randomisées (12'306 patients) n'a trouvé aucune
association entre le β-blocage et une quelconque réduction de mortalité ou d'insuffisance
cardiaque. Au contraire, elle a mis en évidence une augmentation de mortalité (HR 1.2) et
d'AVC (HR 2.16). Le bénéfice ne porte que sur une réduction du risque ischémique: HR 0.36
pour l'ischémie myocardique et HR 0.65 pour l'infarctus non létal. Le traitement est
accompagné d'un excès d'hypotension (HR 1.62) et de bradycardie (HR 2.74) par rapport au
placebo [4].
 Plus récemment, une méta-analyse s'est attachée à analyser uniquement les 11 études (10'529
patients) contrôlées, randomisées, en double aveugle et basées sur une intention de traitement,
dont les données peuvent être considérées comme sûres. Cette attitude a notamment exclu les
études DECREASE I à V (voir ci-dessous), qui avaient rapporté les résultats les plus
spectaculaires en faveur des β-bloqueurs et qui ont, de ce fait, biaisé les méta-analyses
précédentes. Cette étude a mis en évidence que les β-bloqueurs sont responsables d'une
augmentation de mortalité globale de 27% (HR 1.27). Comme précédemment, elle a
également trouvé une diminution du risque d'infarctus non-létal (HR 0.73) mais une
augmentation du taux d'AVC (HR 1.73) et d'hypotension (HR 1.51) [7].
 Une méta-analyse portant sur 8 études observationnelles de cohortes (470'059 patients) n'a pas
mis en évidence d'effet significatif sur la mortalité (RR 0.88), ni sur l'infarctus (RR 1.3) ni sur
l'ictus (RR 1.17) par le β-blocage, mais au contraire une augmentation de mortalité (RR 1.9)
chez les patients dont le traitement a été introduit immédiatement avant l'opération [31].
 La revue de 17 essais randomisés introduisant un β-blocage "aigu" dans les 24 heures qui
précèdent l'intervention démontre une diminution du risque d'infarctus (RR 0.69), mais une
augmentation de celui d'ictus (RR 1.76) et de mortalité (RR 1.30). Par ailleurs, le taux
d'hypotension et de bradycardie peropératoire est plus élevé (RR 1.47 et RR 2.61,
respectivement) [34].
 Une cohorte rétrospective de 136'745 patients a montré que la réduction de mortalité était
proportionnelle au nombre de facteurs de risque du RCRI: RR 0.63 pour 2 facteurs, RR 0.54
pour 3 facteurs et RR 0.40 pour 4 facteurs. Le taux d'infarctus et d'arrêt cardiaque est diminué
(RR 0.67) en chirurgie non-vasculaire [20].
 Chez 28'263 patients danois, le β-blocage n'a pas apporté de bénéfice chez les malades
souffrant d'ischémie myocardique (RR 1.11 pour les complications cardiaques et 1.15 pour la
mortalité), sauf chez ceux qui avait fait un infarctus dans les deux ans précédents (RR 0.60
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
86
pour la récidive et 0.80 pour la mortalité). Chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque,
par contre, le β-blocage est bénéfique: RR 0.78 pour les complications cardiaques et 0.80 pour
la mortalité [2].
 Dans une cohorte de 314'114 patients, le β-blocage s'est révélé utile pour baisser la mortalité
chez les malades avec 3 ou 4 facteurs de risque (RR 0.63); il est sans effet chez ceux qui n'en
ont que 1 ou 2, mais tend à augmenter la mortalité de ceux qui n'en ont aucun (RR 1.19) [15].
A ces nouveautés s'est ajoutée la découverte d'une falsification de données dans les études
DECREASE conduites à l'Université Erasmus de Rotterdam [6,10,24], invalidant ainsi les principaux
piliers sur lesquels se sont appuyées les recommandations internationales en faveur du β-blocage. En
effet, ces études étaient les seules à trouver une réduction majeure de la mortalité.
Deux autres phénomènes limitent la portée des β-bloqueurs.
 La pharmacogénomique prouve que le polymorphisme génétique, particulièrement sur le
récepteur β1-Arg389Gly, commande la réactivité des récepteurs adrénergiques aux
catécholamines et aux β-inhibiteurs [28]. Cette hétérogénéité génotypique crée des sousgroupes de malades qui répondent différemment aux β-bloqueurs ; ainsi, une étude a démontré
que le génotype des récepteurs adrénergiques a davantage de pouvoir déterminant sur le
devenir cardiaque postopératoire des patients à risque d’ischémie coronarienne que le contrôle
de la fréquence cardiaque par le bisoprolol [36].
 La moitié des infarctus postopératoires survient sur une rupture de plaque instable et n’est pas
liée à un déséquilibre du rapport entre la demande et l’apport myocardique en oxygène, qui est
le point d’impact principal des β-bloqueurs [8,17]. Ces derniers ont donc peu d’effet
protecteur contre cet événement, que seuls les antiplaquettaires, les anticoagulants et les
statines peuvent prévenir.
Les connaissances actuelles ne corroborent plus les larges indications aux β-bloqueurs qu'ont
préconisées les recommandations publiées au cours des quinze dernières années. Les revues
systématiques trouvent toutes que ces substances diminuent l’incidence d’infarctus mais augmentent
celle d’ictus; elles élèvent aussi la mortalité générale et la mortalité cardiovasculaire. Sous βbloqueurs, l’incidence des épisodes d’hypotension et de bradycardie est accrue en peropératoire. La
mortalité à 1 mois augmente de manière prédominante chez les patients à risque faible [19]. Il faut
noter toutefois que ces méta-analyses sont très hétérogènes, largement influencées par le poids de
l'étude POISE, et modifiées par l'inclusion ou non des travaux de la série DECREASE [25]. Les
patients β-bloqués réclament donc une prise en charge hémodynamique peropératoire particulièrement
rigoureuse, puisque le blocage de la fréquence cardiaque limite les possibilités de compenser les
variations de volume circulant et altère la réponse tachycardique à l'anémie aiguë [5,25]. D'autre part,
les β-bloqueurs peu β1-sélectifs comme le métoprolol ont une activité de blocage β2 qui freine la
vasodilatation périphérique, y compris cérébrale; en cas de stimulation sympathique, la
vasoconstriction n'est plus inhibée, et l'oxygénation cérébrale peut être compromise à des taux d'Hb de
90-100 g/L déjà [3,25]. Pour ces deux raisons, il est possible que les malades β-bloqués bénéficient
d'un seuil de transfusion plus élevé que les recommandations habituelles [25].
Il s’avère aussi que seules certaines catégories de malades peuvent tirer un avantage du β-blocage, à
savoir les patients avec > 2 facteurs de risque (Revised Cardiac Risk Index de Lee), et les patients à
risque coronarien élevé programmés pour des opérations majeures, mais ceux-ci sont le plus souvent
déjà traités [6,20,34]. Le contrôle de la fréquence cardiaque par un β-blocage est bénéfique lorsque
cette dernière est excessive, puisque la tachycardie (> 96 batt/min) augmente significativement le taux
de souffrance myocardique (OR 1.48), d'infarctus (OR 1.71) et de mortalité (OR 3.16), alors qu'un
rythme < 60 batt/min diminue la mortalité postopératoire (OR 0.50) [1]. Mais un traitement
indiscriminé est néfaste. Les patients à risque bas ou modéré ne bénéficient pas du traitement, qui est
inutile et potentiellement dangereux dans leur cas [19]. Le peu de bénéfice observé chez les malades
vasculaires est plus surprenant et n'a pas d'explication claire pour l'instant [25]. Chez les patients
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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souffrant de syndrome coronarien instable, le β-blocage fait partie de la thérapeutique mais est
insuffisant à lui seul pour diminuer la mortalité. Ainsi le traitement prophylactique de routine des
malades à faible risque cardio-vasculaire n'est pas indiqué. Seuls les patients déjà β-bloqués et ceux
chez qui il existe une indication cardiologique au β-blocage peuvent tirer un avantage du traitement
périopératoire.
β-bloqueurs préopératoires
Les β-bloqueurs β1-sélectifs diminuent l’incidence d’ischémie et d’infarctus postopératoires d'environ
25%, pour autant qu’ils soient titrés de manière à maintenir la fréquence cardiaque à 60-65 batt/min et
à éviter l’hypotension artérielle (PAM ≥ 70 mmHg). Mais ils augmentent la mortalité à 1 mois
d'environ 25%, doublent le risque d'AVC, et accroissent le risque d’hypotension et de bradycardie
peropératoires lorsqu'ils sont administrés de manière indiscriminée.
Les données récentes incitent à revoir leurs indications périopératoires à la baisse par rapport aux
recommandations préconisées jusqu'ici, et à les restreindre aux malades déjà béta-bloqués ou à ceux
qui en ont des indications cardiologiques (ischémie myocardique active, arythmie, HTA, insuffisance
cardiaque).
Modalités d’administration
Les conditions nécessaires à une prévention efficace sont liées à une imprégnation suffisante en βbloqueurs pour affronter l’opération et la période postopératoire. Le meilleur marqueur en est le
ralentissement de la fréquence cardiaque à 60-70 batt/min. L’impact clinique est moins bon avec un
traitement quelques heures ou de quelques jours qu’avec un traitement de plus longue durée [33]. Le
β-bloqueur ne doit pas être débuté le jour opératoire [12]. Le métoprolol est peut-être en cause dans
l’incidence d’AVC, car le taux d’ictus est plus faible avec des agents davantage β1-sélectifs [22]. Les
modalités idéales sont les suivantes [12,14,18,34].




Administration d’un agent β1-sélectif (aténolol, bisoprolol, etc) [3] ;
Début du traitement 5-7 jours avant l’intervention, en doses progressives ;
Réduction de la fréquence cardiaque à 60-65 batt/min ;
Administration à la demande d’un agent intraveineux (esmolol, bisoprolol) en salle
d’opération pour maintenir la fréquence cardiaque à 60-65 batt/min ; éviter la bradycardie
(éphédrine, isoprénaline) ;
 Maintien rigoureux de la pression artérielle (systolique > 100 mmHg, moyenne ≥ 70 mmHg)
et de l’Hb ; éviter l’hypotension (vasopresseurs, perfusions) [30] ;
 Contrôle identique de l’hémodynamique dans le postopératoire ;
 Continuation du traitement pendant un mois en postopératoire.
La dose de β-bloqueur doit être soigneusement titrée pour régler la fréquence cardiaque à 60-65
batt/min sans hypotension artérielle, ce qui implique de commencer par de faibles doses et
d’augmenter progressivement jusqu’au résultat désiré. Cet ajustement prend au minimum une semaine
de préparation préopératoire si l’on tient compte de la grande variabilité individuelle de la réponse.
Les travaux mentionnés démontrent bien que l'administration "aiguë" dans les heures qui précèdent
l'opération est un facteur aggravant pour le pronostic du malade.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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Indications et contre-indications
Les indications au β-blocage préopératoire communément admises jusqu'à ces dernières années étaient
très étendues, puisqu'elles concernaient les patients avec de simples facteurs de risque de
coronaropathie et les patients subissant une intervention de chirurgie vasculaire ou de chirurgie
majeure [13].
Or la littérature récente a mis en évidence que, lorsque l'indication n'est pas ciblée, la diminution du
taux d'infarctus non-fatal par le β-blocage est du même ordre de grandeur que l'augmentation de la
mortalité (environ 25%), à quoi s'ajoute un doublement du risque d'AVC. Elle a montré aussi que le
type de chirurgie a peu d'influence et que seuls les patients qui souffrent d'ischémie myocardique,
d'arythmie ou d'insuffisance cardiaque tirent un réel bénéfice du traitement périopératoire. D'autre
part, les patients déjà sous β-bloqueur doivent continuer leur traitement en périopératoire, car l’effet
rebond lors de l’interruption du traitement double le risque d’infarctus et de décès postopératoires
[27]. Le β-blocage n'est donc justifié que lorsqu'il existe une indication cardiologique [12,18,34].
 Patients déjà chroniquement sous β-bloqueurs; le traitement est continué en périopératoire;
 Patients souffrant d'ischémie coronarienne avérée chez lesquels il existe une indication propre
au β-blocage;
 Arythmie ou tachycardie persistantes.
Il est recommandé de ne pas commencer le médicament à dose fixe juste avant l'opération. C'est la
prescription indiscriminée à tout-venant qui est abandonnée. Ce ne devrait pas être une surprise, car il
est évident qu'un médicament n'a de sens que sur une indication précise et à un dosage adapté.
Les contre-indications au β-blocage préopératoire sont l’hypotension artérielle, l’hypovolémie, la
bradycardie, les blocs AV sans pace-maker et l’asthme sévère. L’insuffisance cardiaque (FE < 0.4)
non traitée par β-blocage est une contre-indication à démarrer un traitement en préopératoire. Les
bloqueurs β1 cardiosélectifs sont sans effets sur la FEV1 en cas de BPCO, et maintiennent normale la
réactivité aux β2-stimulants. La vasculopathie périphérique (stade IV) ne fait pas partie des contreindications; toutefois, il peut être judicieux de prescrire un agent à effet béta et alpha bloqueur tel le
carvedilol pour diminuer le risque de vasconstriction artérielle. Mais la principale contre-indication est
l’absence d’indication formelle.
Indications aux β-bloqueurs selon les données récentes
Le indications actuellement recommandées sont:
- Patients déjà β-bloqués
- Patients souffrant d’ischémie coronarienne active (indication cardiologique)
- Arythmie ou tachycardie persistantes
De fait, les indications sont restreintes à celles de la cardiologie. Les indications périopératoires
prophylactiques sont abandonnées. Débuter le traitement dans les heures qui précèdent l'opération est
contre-indiqué.
La préférence est pour l'aténolol ou le bisoprolol, soigneusement titrés pendant plusieurs jours pour
une fréquence cardiaque de 60-65 batt/min. Les patients β-bloqués sont moins tolérants à
l'hypotension, à l'anémie et à l'hémorragie. La pression artérielle, le rythme cardiaque et le transport
d'O2 (Hb) doivent donc être stabilisés de manière rigoureuse en peropératoire (PAM ≥ 70 mmHg).
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Références
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Les antiplaquettaires
Le sujet des antiplaquettaires est traité en détail dans le Chapitre 29, Les antiplaquettaires (Les
antiplaquettaires en chirurgie cardiaque et non-cardiaque). Le lecteur pourra s’y référer, en particulier
pour la pharmacologie de ces agents et pour les tests d’agrégabilité plaquettaire, non mentionnés ici.
Pharmacologie
Selon le type de récepteur bloqué sur les thrombocytes, on distingue plusieurs classes de substances
antiplaquettaires (Figure 3.15, Tableaux 3.7 et 3.8).
Inhib COX-1:
Aspirine
AINS
Inhib thrombine:
Vorapaxar
Atopaxar
Inhib ADP
irréversibles:
Clopidogrel
Prasugrel
Thrombine
TXA2
ADP
PAR1
PAR4
TPα
TPβ
COX-1
P2Y12
P2Y1
↑ Ca2+
↓ cAMP
PDE3
TXA2
ADP
Inhib ADP
réversibles:
Ticagrelor
Cangrelor
Elinogrel
GPIb/V/IX
IPDE-3:
Cilostazol
GP IIb-IIIa
Anti-adhésion:
DZ 697b
ARC1779
Facteur von
Willebrand
Collagène
Fi
b
Fibrinogène
FvW
Anti-GP2b/3a:
Abciximab
Eptifibatide
Tirofiban
© Chassot 2016
Figure 3.15 : Les différentes catégories d’agents antiplaquettaires, classés selon le récepteur bloqué. Inhib :
inhibiteurs. IPDE : inhibiteur des phospho-diestérases. FvW : facteur von Willebrand. Fi : fibrinogène.
 Bloqueur irréversible de la cyclo-oxygénase-1 (COX-1) : aspirine.
 Bloqueurs réversibles de la COX-1 : anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS).
 Bloqueurs du récepteur ADP (P2Y12) : irréversibles (ticlopidine, clopidogrel, prasugrel) ou
réversibles (ticagrelor, cangrelor, elinogrel).
 Antagonistes des récepteurs glycoprotéine (GP) IIb/IIIa : abciximab, tirofiban, eptifibatide.
 Inhibiteur des phosphodiestérases (IPDE) ; IPDE-3 : cilostazol ; IPDE-5 : dipyridamole.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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 Bloqueur réversible du récepteur de la thromboxane A2 : terutroban.
 Bloqueurs réversibles du récepteur de la thrombine : vorapaxar, atopaxar.
 Bloqueurs des molécules d’adhésion : DZ697b, ARC1779.
Tableau 3.7 : Activité et voie d’administration des antiplaquettaires
Aspirine
Clopidogrel
Prasugrel
Ticagrelor
Cangrelor
Elinogrel*
Vorapaxar*
Terutroban*
Récepteur
COX-1 (TXA2)
ADP P2Y12
ADP P2Y12
ADP P2Y12
ADP P2Y12
ADP P2Y12
Thrombine PAR1
Thromboxane A2
Liaison
Irréversible
Irréversible
Irréversible
Réversible
Réversible
Réversible
Réversible
Réversible
Biotransformation
Aucune
P450 hépatique
P450 hépatique
Aucune
Aucune
Aucune
Aucune
Aucune
Voie
Orale
Orale
Orale
Orale
Intraveineuse
Orale et iv
Orale
Orale
* En essai clinique, non encore commercialisés.
Tableau 3.8 : Pharmacocinétique des antiplaquettaires
Aspirine
Clopidogrel
Prasugrel
Ticagrelor
Cangrelor
Tirofiban
Eptifibatide
Abciximab
Dose de charge
160-325 mg
300-600 mg
60 mg
180 mg
30 mcg/kg
0.4 mcg/kg/min
180 mcg/kg
0.25 mg/kg
Entretien
50-160 mg/j
75 mg/j (150 mg/j)
10 mg/j
2 x 90 mg/j
Perf 4 mcg/kg/min
0.1 mcg/kg/min
1-2 mcg/kg/min
0.125 mcg/kg/min
Délai d’action
<1h
3-8 h
1h
2h
15 min
30 min
20 min
10 min
Demi-vie
< 1 h*
7.5 h (métab 1 h)*
3.7 h (métabolite)*
7-13 h
3-6 min
2h
2.5 h
23 h
Le délai d’action est le temps entre la prise de la substance et son pic d’activité. Pour le clopidogrel, il est inversément
proportionnel à la dose de charge. Perf : perfusion continue. iv : administration intraveineuse. Métab : métabolite. * : la demivie pharmacologique ne correspond pas à celle de l’effet clinique puisque l’inhibition plaquettaire est irréversible ; la
récupération dépend du renouvellement des plaquettes (10%/jour).
Tous les patients ne réagissent pas avec la même intensité aux antiplaquettaires : 2-15% (moyenne
6%) des patients ne répondent pas à l'aspirine, particulièrement les diabétiques et les femmes, et 635% (moyenne : 15%) résistent à l'effet du clopidogrel [53]. Ces résistances expliquent partiellement
la prévalence de récidive d'infarctus ou de thrombose de stents chez certains malades. La vaste
fourchette de l'incidence des résistances est liée à plusieurs phénomènes.
 Type de test utilisé pour juger de l'efficacité de la substances sur l'adhésivité plaquettaire ;
avec un test spécifique à la COX-1, par exemple, la prévalence de la résistance à l’aspirine est
< 5% [56].
 Génomique : les malades hétérozygotes sur certains récepteurs conservent une agrégabilité
plaquettaire marquée sous des doses d'aspirine qui bloquent l'agrégation chez les homozygotes
[21]. Il existe un important polymorphisme génétique dans les récepteurs GP IIb/IIIa et dans
les variantes CYP2C19 du cytochrome hépatique responsable de la métabolisation du
clopidogrel. Les porteurs des allèles commandant des enzymes non-fonctionnels (30% de la
population en Occident) ont un risque doublé d'accident cardiovasculaire sous clopidogrel
[59,80]. D’autre part, certains tests d’agrégabilité plaquettaire tendent à démontrer que les
non-répondeurs à la dose de charge (600 mg), qui représentent environ 15% des coronariens,
présentent un risque plus élevé de thrombose de stents et de mortalité à 6 mois par rapport aux
patients qui répondent normalement [78,80]. Mais ces modifications génétiques n’expliquent
que le 12-20% de la variabilité de réponse au clopidogrel [92].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
92
 Interactions médicamenteuses : plusieurs substances interfèrent avec le métabolisme du
clopidogrel et diminuent la production de métabolite actif : statines, bloqueurs calciques,
midazolam, cimétidine, inhibiteurs de la pompe à proton [23]. Toutefois, cet effet ne semble
être significatif que pour l’atorvastatine et l’oméprazole [63]; d'autre part, les données récentes
démontrent que les tests génomiques n’ont pas d’impact sur le devenir à long terme [4].
 Comorbidités : le diabète est accompagné d’une hyperactivité des estérases sériques qui
détruisent le clopidogrel.
 Non-compliance du patient : près d’un quart de la population ne prend pas régulièrement ses
médicaments ou en modifie la posologie.
Plusieurs solutions sont possibles pour contrecarrer ces phénomènes chez les malades résistants aux
antiplaquettaires classiques.
 Augmenter les doses de clopidogrel à 150 mg/jour.
 Remplacer le clopidogrel par le prasugrel, une thiénopyridine plus puissante qui présente
moins de résistance (≤ 3%), ou par le ticagelor, un antiplaquettaire réversible plus efficace que
le clopidogrel et quasi sans résistance.
 Sélectionner le meilleur traitement (stent passif, stent actif ou revascularisation chirurgicale)
en fonction de l’agrégabilité plaquettaire du patient (réponse après une dose de charge); les
tests d’agrégabilité permettraient de déterminer quels sont les patients résistants, qui ont
davantage de risque de thrombose de stent sous clopidogrel.
 Malheureusement, ni l’augmentation des doses de clopidogrel (150 mg/j) ni le passage au
prasugrel ne se sont révélés efficaces pour réduire le taux d’infarctus, de thrombose de stent
ou de mortalité chez les hyporépondeurs [69].
Le risque hémorragique est directement lié à l’efficacité antiplaquettaire ; à taux équivalent de
métabolite actif et d’inhibition plaquettaire, les saignements sont identiques avec le clopidogrel et le
prasugrel, légèrement moindres avec le ticagrelor [16]. Les patients répondeurs sont mieux protégés
contre les accidents cardiaques, mais sont aussi ceux qui ont le plus d’épisodes de pertes sanguines.
Aspirine
L’aspirine bloque irréversiblement la cyclooxygénase-1 (COX-1), ce qui inhibe la formation de
thromboxane A2 et de prostacycline PGI2. Elle est efficace à des doses de 50 à 160 mg ; les doses
supérieures n’augmentent pas l’effet (sauf en cas de poids corporel élevé), mais accroissent le risque
d’hémorragie spontanée. Après arrêt de l’aspirine, la fonction plaquettaire est récupérée en 5 jours. En
prévention secondaire, l’aspirine est un traitement à vie qui ne doit plus être interrompu. En prévention
primaire, l’aspirine n’est indiquée que si le risque d’accident cardiovasculaire est ≥ 5% / an.
Clopidogrel
Le clopidogrel (Plavix®) est la thiénopyridine d’utilisation la plus courante. C’est un précurseur inactif
(demi-vie 6-8 heures) dont le 85% est détruit par les estérases circulantes et dont le 15% restant doit
être oxydé par des cytochromes hépatiques en un métabolite actif (demi-vie 1-2 heures). Ce dernier
bloque irréversiblement le récepteur ADP P2Y12 de manière covalente pour toute la durée de vie de la
plaquette. Bien qu’irréversible, l’inhibition n’est pas totale ; la réduction de l’agrégation plaquettaire
est de 40-60% [40].
L’effet du clopidogrel est dose-dépendant ; il s’installe en 3 jours lorsque la dose de charge est de 75
mg, en 8 heures lorsqu’elle est de 300 mg, et en 4 heures lorsqu’elle est de 600 mg. La dose
d’entretien est de 75 mg/jour. Cinq jours après l’arrêt du clopidogrel, 57% des individus ont ≤ 20%
d’inhibition plaquettaire résiduelle, et 87% ont une agrégabilité normale [69]. Le clopidogrel présente
cinq inconvénients majeurs [16] :
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
93




Sa biodisponibilité est faible et sa biotransformation variable ;
Son degré d’inhibition plaquettaire n’est que de 40-60% ;
Son effet s’installe lentement et met plus de 5 jours à disparaître ;
Son inhibition plaquettaire est irréversible ; il faut attendre le renouvellement des plaquettes
(10%/jour) pour que son effet cesse ;
 Son activité antiplaquettaire est sujette à une grande variabilité interindividuelle (12-35% de
non-répondeurs).
Le clopidogrel peut remplacer l’aspirine en cas d’allergie ou de non-réponse. Le risque hémorragique
est identique pour l’aspirine ou le clopidogrel lorsqu’ils sont administrés seuls.
Anti-GP IIb/IIIa
Les antagonistes des récepteurs glycoprotéine (GP) IIb/IIIa sont des agents intraveineux prescrits pour
24-48 heures après PCI à très haut risque. L'abciximab (RheoPro®) a une demi-vie sérique de 23
heures, alors que le tirofiban (Aggrastat®) et l'eptifibatide (Integrilin®) ont une demi-vie de 2 heures et
2.5 heures respectivement. L’activité des thrombocytes est récupérée 6 heures après l’administration
de tirofiban, 8 heures après celle d’eptifibatide, mais seulement 72 heures après l’arrêt de la perfusion
d’abciximab. L’arrivée d’antiplaquettaires plus efficaces (prasugrel, ticagrelor, cangrelor) a réduit leur
utilisation au sauvetage dans les cas à risque thrombotique très élevé (diabète, troponines très élevées,
stents complexes) mais à risque hémorragique faible, et dans les cas de complications thrombotiques
[98].
Prasugrel
Le prasugrel (Efient®) est une nouvelle thiénopyridine qui suit les mêmes processus pharmacologiques
que le clopidogrel mais s’en distingue par une métabolisation indépendante des variantes du
cytochrome CYP450, une activité plus précoce (< 1 heure après une dose de charge de 60 mg), une
puissance supérieure (80% d’inhibition plaquettaire au lieu de 55%) et une plus faible incidence de
non-répondeurs (3% au lieu de 25%) [100]. Après PCI, le prasugrel est deux fois plus efficace que le
clopidogrel dans la prévention de la thrombose de stent (OR 0.48) (étude TRITON-TIMI 38). Après
syndrome coronarien aigu, il diminue davantage le risque d’accident cardiovasculaire,
particulièrement chez les diabétiques (OR 0.60) et après infarctus STEMI (OR 0.74) [64,100].
Malheureusement, il présente un risque augmenté d’hémorragies majeures par rapport au clopidogrel
(OR 1.51) ; les personnes âgées (> 75 ans), les malades de petite taille (< 60 kg) et les patients
souffrant d’ictus sont particulièrement exposés au risque de saignement spontané ; dans ces cas, il est
conseillé de réduire la dose à 5 mg/j. Au cours d’opérations cardiaques, les pertes sanguines sont
augmentées plus de quatre fois (OR 4.73) par rapport au clopidogrel [100]. D’une manière générale, le
prasugrel est contre-indiqué en cas d’anamnèse d’accident vasculaire cérébral, d’âge avancé et de
risque hémorragique élevé. De ce fait, il est préférable de ne pas l’utiliser si une intervention
chirurgicale est envisagée dans un futur proche, Il est déconseillé chez les malades dont l’anatomie
coronarienne n’est pas encore connue, d'autant plus que le prétraitement au prasugrel avant PCI ne
réduit pas le risque ischémique mais augmente le risque hémorragique [62]. Les indications du
prasugrel sont les situations où il donne de meilleurs résultats que le clopidogrel :






Infarctus de type STEMI (effet clinique en < 1 heure) ;
SCA/infarctus non-STEMI si PCI certaine (anatomie coronarienne connue, pas de chirurgie) ;
SCA, infarctus et PCI chez les diabétiques ;
Stents à haut risque ou anamnèse de thrombose de stent sous clopidogrel ;
Résistance au clopidogrel selon le génotypage ou les tests d’activité plaquettaire;
Le prasugrel est actuellement en perte de vitesse face au ticagrelor.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
94
Compte tenu de son haut degré d'inhibition plaquettaire, il est recommandé d’arrêter le prasugrel 7
jours avant une opération chirurgicale. Cette recommandation, proposée pour des raisons de sécurité
[50], est confirmée par une étude montrant que l’agrégabilité plaquettaire est récupérée à 78% au 7ème
jour d’interrruption [70].
Ticagrelor
Le ticagrelor (Brilinta®, Brilique®), est un antagoniste direct du récepteur ADP P2Y12 dont il modifie
la configuration de manière réversible. Il produit une inhibition plaquettaire plus forte, plus rapide et
plus constante que celle du clopidogrel : 2 heures après la dose de charge (180 mg), l’inhibition est de
93% (31% pour le clopidogrel) ; après l’arrêt du traitement, la chute de l’effet est de 1% par heure
(0.5%/heure pour le clopidogrel) [40]. Après 72 heures d’interruption, l’inhibition plaquettaire n’est
plus que de 20%, soit le même niveau que 5 jours après l’arrêt du clopidogrel. En 36 heures, la
récupération est suffisante pour permettre une activité plaquettaire significative, ce qui oblige à une
prise très régulière du médicament (dose d’entretien : 2 x 90 mg/j ou 2 x 60 mg). Le ticagrelor (demivie 7 heures) produit un métabolite actif (30-40% de l’effet) dont la demi-vie moyenne est de 10
heures (jusqu’à 12.8 heures).
Par rapport au clopidogrel, il diminue le risque de décès et d’infarctus après syndrome coronarien aigu
(OR 0.84) et le taux de thrombose après stent actif ou passif (OR 0.63), mais il ne modifie pas le taux
d’ictus (OR 1.08) (étude PLATO) [15,91] ; il assure une inhibition plaquettaire en dessous du seuil
ischémique même chez les patients résistants au clopidogrel [41]. Le risque hémorragique spontané ou
lors de pontages aorto-coronariens n’est pas augmenté (OR 0.99 et OR 0.89 respectivement). La
combinaison d’une meilleure efficacité et d’un plus faible taux d’hémorragies conduit à une baisse de
la mortalité cardiovasculaire (OR 0.82). Ses effets secondaires sont une dyspnée (incidence 10%), une
bradyarythmie (pauses ventriculaires) et une élévation de la créatinine. Le ticagrelor est actuellement
recommandé en première intention dans l’angor instable et le SCA / infarctus avec ou sans élévation
du segment ST (STEMI ou NSTEMI). Ses indications particulières sont définies par sa rapidité
d’action et sa réversibilité :




Syndrome coronarien aigu, angor instable, STEMI et NSTEMI ;
PCI en urgence (anatomie coronarienne inconnue) ;
SCA présentant une probabilité de revascularisation chirurgicale ;
Prévention secondaire après infarctus.
Vu la décroissance assez rapide de son effet, le délai d'interruption préopératoire théorique du
ticagrelor devrait être de 3 jours, mais cette donnée doit être tempérée par quatre éléments.
 L'inhibition plaquettaire est quasi-totale lorsque le récepteur est occupé par le ticagrelor, c’està-dire pendant la durée de fixation de la substance et de son métabolite actif, ainsi que pendant
la période où les molécules peuvent rediffuser sur de nouvelles plaquettes.
 Bien que réversible, la liaison au récepteur plaquettaire est forte, et dure plus longtemps
(environ 3 jours) que la durée de vie plasmatique du ticagrelor et de son métabolite ; ceci
repousse le délai de sécurité au-delà de 3 jours.
 Etant fixées de manière réversible sur le récepteur plaquettaire, les molécules de ticagrelor
peuvent migrer sur les nouveaux thrombocytes mis en circulation et sur les plaquettes
fraîchement transfusées. La transfusion plaquettaire perd ainsi de son efficacité.
 Aux tests d’agrégabilité, les plaquettes ne fonctionnent normalement que 4.5 jours après
l’arrêt.
Ces faits incitent donc à repousser à 5 cinq jours le délai d'interruption préopératoire du ticagrelor pour
des raisons de sécurité [36,49,50,83,99].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
95
Cangrelor
Le cangrelor (Kangrexal®) est un analogue de l’ATP et un inhibiteur réversible direct du récepteur
P2Y12 . Il n'existe que sous forme intraveineuse. Son action est très rapide : elle est maximale en 15
minutes après un bolus (> 95% d’inhibition plaquettaire), et sa demi-vie est de 3-6 minutes [90]. La
fonction plaquettaire est récupérée en 20 minutes après l’arrêt de la perfusion. Son efficacité est
superposable à celle de l’abciximab, mais le risque hémorragique est moindre [2,39]. Bien que les
premières études n’aient pas prouvé que le cangrelor soit supérieur au clopidogrel dans la prévention
de l’infarctus et du décès au cours de PCI, le nouvel essai CHAMPION-PHOENIX démontre une
réduction de l’infarctus et de la thrombose de stent à 48 heures avec le cangrelor (HR 0.78) [7]. Avec
sa rapidité d'effet et sa flexibilité, cette substance est une option séduisante dans les angioplasties
d’urgence chez des malades non prétraités par ticagrelor, incapables de prendre un médicament oral
(choc cardiogène) ou potentiellement candidats à des pontages aorto-coronariens en urgence. Le
cangrelor a été commercialisé en Europe et aux USA dans le cadre de la PCI pour SCA en 2015.
D’autre part, le cangrelor peut être une excellente solution de substitution au clopidogrel ou au
prasugrel dans la période préopératoire, car il suffit d’interrompre la perfusion pendant 1 heure pour
que l’agrégation plaquettaire soit normale. Dans l’étude BRIDGE, l’arrêt du clopidogrel pour 5 jours,
ou du prasugrel pour 7 jours, est suivi d’une perfusion continue de cangrelor pendant 3 ou 5 jours
préopératoires (0.75 mcg/kg/min) ; celle-ci est interrompue au moins 1 heure avant l’opération [3]. Par
rapport au placebo, les patients sous cangrelor ont présenté une intense inhibition plaquettaire pendant
la perfusion, mais une récupération totale de la fonction plaquettaire au moment de l’intervention ; leur
risque hémorragique chirurgical n’est pas significativement différent de celui des témoins (HR 1.1).
La perfusion est redémarrée dans les 6-12 premières heures postopératoires.
Les antiplaquettaires (I)
Aspirine : bloqueur irréversible de la COX-1 ; dosage : 50-160 mg/j. Traitement à vie sans interruption
(prévention secondaire seulement). Taux de non-répondeurs : 6%. Sauf exceptions, pas d’interruption
avant chirurgie ; si l’interruption est indispensable, stop 3-5 jours.
Clopidogrel : thiénopyridine bloquant irréversiblement le récepteur ADP (P2Y12) et réduisant
l’agrégation plaquettaire de 40-60%. Métabolisme particulier :
- Faible biodisponibilité et oxydation en un métabolite actif par des cytochromes hépatiques ;
- Compétition pour ces cytochromes avec de nombreuses substances ; seuls l’atorvastatine et
l’oméprazole semblent diminuer l’efficacité clinique du efficacité clinique ;
- Demi-vie du clopidogrel 6 heures, demi-vie du métabolite 1-2 heures ;
- Taux moyen de non-répondeurs : 15%.
Administré seul, il a le même effet et le même risque hémorragique que l’aspirine ; en double thérapie
(aspirine + clopidogrel), il réduit le risque cardiovasculaire de 36%, mais augmente le risque
hémorragique de 2.1%/an. Dose de charge : 300-600 mg, entretien : 75 (150) mg/j. Inconvénients :
biotransformation variable, inhibition plaquettaire incomplète mais irréversible, grande variabilité
interindividuelle. Durée d’interruption recommandée avant chirurgie : 5 jours.
Anti GP-IIb/IIIa : bloqueurs de la liaison plaquette – fibrinogène d’utilisation très restreinte
(syndrome coronarien aigu et de pose de stents à très haut risque) ;
- Abciximab : demi-vie 23 heures ;
- Eptifibatide : demi-vie 2.5 heures ;
- Tirofiban : demi-vie 2 heures.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
96
Les antiplaquettaires (II)
Prasugrel : thiénopyridine 10 fois plus puissante que le clopidogrel, bloquant irréversiblement le
récepteur ADP (P2Y12) et réduisant l’agrégation plaquettaire de 80%. Métabolisme particulier :
- Métabolisme hépatique stable, indépendant du phénotype ; demi-vie 3.7 heures ;
- Taux de non-répondeurs faible : 3% ;
- Durée d’interruption recommandée avant chirurgie : 7 jours.
Dose de charge : 60 mg (pic d’activité après 1 heure), entretien : 10 mg/j. Plus efficace que le
clopidogrel, mais risque hémorragique plus élevé: hémorragies spontanées 1.5 fois, hémorragie en
chirurgie cardiaque 4-5 fois. Indications:
- PCI dans STEMI et/ou diabète ;
- SCA / infarctus non-STEMI si PCI certaine ;
- Stents à haut risque, anamnèse de thrombose de stent, résistance au clopidogrel.
Contre-indications : malades âgés (> 75 ans) ou de petite taille (< 60 kg), anamnèse d’AVC, risque
hémorragique élevé.
Ticagrelor : inhibiteur direct (pas de biotransformation) et réversible du récepteur ADP (P2Y12) ;
réduction de l’agrégation plaquettaire > 90%.
- Installation et disparition rapides de l’effet : 3 jours après l’arrêt, inhibition résiduelle 20%;
- Durée d’interruption avant chirurgie : 5 jours (possibilité de 3 jours si urgence).
Dose de charge : 180 mg, entretien : 2 x 90 mg/jour. Plus efficace que le clopidogrel, risque
hémorragique semblable. Indications:
- Premier choix pour SCA, PCI et stents en urgence (anatomie coronarienne inconnue) ;
- STEMI et NSTEMI ;
- Potentielle revascularisation chirurgicale.
Contre-indications : bronchospasme, BPCO, bloc AV, insuffisance rénale, patient non-compliant.
Cangrelor : bloqueur direct et réversible du récepteur ADP, très puissant (> 95% d’inhibition
plaquettaire) et très rapide : pic d’activité 15 min après le démarrage de la perfusion, demi-vie : 9 min ;
disparition de l’effet en < 1 heure. Il est efficace et très manipulable en remplacement du prétraitement
par clopidogrel ou ticagrelor en cas de SCA (perfusion intraveineuse). Il est efficace comme
substitution préopératoire de substances à longue durée d’action (durée de la perfusion : 3-5 jours, arrêt
1-3 heures préopératoires).
Antiplaquettaires et revascularisation coronarienne
Après angioplastie et pose de stent, la durée du traitement antiplaquettaire est liée à celle de la
réendothélialisation du stent. Dans un stent métallique simple, ou stent passif (bare metal stent, BMS),
il faut attendre 6 semaines pour que l’armature soit recouverte par une couche cellulaire. Dans un stent
à élution, ou stent actif (drug-eluting stent, DES), la réendothélialisation est considérablement retardée
(20% à 3 mois). Tant que le stent n’est pas entièrement recouvert, le risque de thrombose par adhésion
des thrombocytes nécessite une bi-thérapie antiplaquettaire, car un stent non recouvert se comporte
comme une plaque instable. Avec les DES de 1ère génération, le risque de thrombose de stent est de 23% pendant le 1er mois, de 2% jusqu’à 6 mois et de 1% entre 6 mois et 1 an ; au-delà d’un an, le risque
de thrombose tardive est de 0.4-0.6%/an [25,79]. Avec les DES de 2ème et 3ème générations, des progrès
techniques (armature en chrome-cobalt, en magnésium ou en polylactate, matrice biorésorbable ou
biocompatible comme la phosphorylcholine) et de nouvelles substances anti-prolifératives
(zotarolimus, everolimus, biolimus) modifient les résultats, car l’endothélialisation y est plus rapide, la
stimulation des plaquettes moindre et le taux de thrombose 2 à 3 fois plus faible (0.1-0.2%/an) [68]. De
ce fait, il est possible de restreindre la durée de la bithérapie à 6 mois, ou même 3 mois dans les cas de
coronaropathie stable. Actuellement, la bithérapie est prescrite pendant une durée supérieure à celle
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
97
requise par la réendothélialisation des nouveaux stents essentiellement pour protéger de l'évolution de
la maladie coronarienne dans les autres vaisseaux.
Bien qu’elle soit un événement rare, la thrombose de stent est extrêmement dangereuse, car elle
correspond à l’occlusion abrupte et totale d’un vaisseau dont le flux était normal et la collatéralisation
faible. Elle est grevée d’un taux d’infarctus allant jusqu’à 60% et d’une mortalité de 9-35% (moyenne
25%). La resténose, au contraire, est un événement bénin dont la mortalité est < 1% [76]. La
thrombose de stent est un accident d’origine multifactorielle, dont les principaux prédicteurs peuvent
être classés par ordre d’importance décroissante : l’interruption du traitement antiplaquettaire, une
intervention chirurgicale, la présence d’un SCA lors de la pose de stent, les problèmes techniques lors
de l’implantation, l’évolution de la maladie coronarienne, les comorbidités, une inhibition plaquettaire
inadéquate [24,79,97]. Sous antipaquettaires, un stent est l’équivalent d’une coronaropathie stable ;
lorsqu’on les arrête, il se comporte comme une plaque instable.
Une double thérapie antiplaquettaire (aspirine + clopidogrel ou prasugrel ou ticagrelor) est prescrite
pour les durées suivantes selon les situations (Tableau 3.9A page 77) [9,36,44,50,81].
 2 semaines après angioplastie avec ballon simple ;
 12 semaines après angioplastie avec ballon à élution ;
 4-6 semaines après stents passifs (BMS), mais 12 mois en cas de syndrome coronarien aigu
(SCA) ;
 12 mois après l’implantation de stents actifs (DES) de 1 ère génération ;
 6 mois après implantation de DES de 2-3ème génération si risque ischémique faible ;
 12 mois après implantation de DES de 2-3ème génération si SCA;
 12 mois en cas de SCA, avec ou sans implantation de stent et quel que soit le type de DES ;
 > 12 mois dans les stents à haut risque ou si le risque ischémique est élevé ;
 Les anti-GP IIb/IIIa sont cantonnés au sauvetage pendant 48 h dans les stents à très haut risque;
 L'aspirine (50-100 mg/j) est maintenue à vie sans interruption;
 Si le risque hémorragique est élevé (anamnèse d'hémorragie digestive ou cérébrale,
coagulopathie, anémie, anticoagulation, etc), il est souhaitable de restreindre la bithérapie à sa
durée minimale: 1 mois après BMS, 3 mois après DES 2-3ème génération, 6 mois après DES 1ère
génération ou SCA.
Ces recommandations s’accompagnent d'un renvoi de toute opération élective pendant 3 mois après
stents passifs et pendant une année après stents actifs. Toutefois, certaines données suggèrent qu’il soit
possible de procéder à des interventions électives dès 6 mois après la pose des DES de 2-3ème
génération sans que le risque de thrombose soit augmenté [36]. L’aspirine est prescrite à vie et ne doit
pas souffrir d’interruption, quel que soit le type de stent.
Pendant plusieurs années, la crainte de la thrombose de stent a poussé vers un prolongement du
traitement antiplaquettaire au-delà d’un an chez 30% des patients. Cependant, l’expérience a montré
qu'un traitement au-delà d’un an ne modifiait la morbi-mortalité par rapport à un traitement de 6-12
mois que dans les cas à haut risque; par contre, il augmente le risque hémorragique [42,87]. D’autre
part, la nature de l’interruption a un impact significatif sur les complications : celles-ci sont 2 à 7 fois
plus fréquentes lors d’un arrêt « sauvage » que lors d’un arrêt préopératoire (+ 41%) ou d’un arrêt
programmé (- 37%) [60]. Toutefois, cesser la bithérapie après 3-6 mois, comme il est concevable dans
une situation à bas risque, une coronaropathie stable et un DES de 2ème-3ème génération [32], n’est pas
un scénario extrapolable à la période périopératoire, qui est une période à haut risque accompagnée
d’un syndrome inflammatoire massif et d’une hyperactivité thrombocytaire puissante. La faisabilité
d’un traitement de seulement 3 à 6 mois dans certaines circonstances n’est en aucun cas un argument
pour interrompre une thérapie en cours afin de programmer une intervention chirurgicale dans des
délais raccourcis.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
98
Antiplaquettaires et maladie vasculaire cérébrale ou périphérique
Alors qu’elle est bénéfique dans la maladie coronarienne où la majeure partie des accidents sont liés à
la rupture de plaques instables, l’inhibition antiplaquettaire intense ne semble pas efficace pour la
protection secondaire des AVC, où l’incidence des plaques instables est moindre et où le taux
d’hémorragies graves, particulièrement intracrâniennes, est dangereusement élevé. L’aspirine seule a
un rôle incontesté dans la prévention secondaire de l’AVC. L’association avec le clopidogrel n’offre
aucun avantage, et augmente le risque hémorragique. Par contre, la combinaison d’aspirine (75-325
mg) et de dipyridamole (400 mg) présente une diminution du risque de 20% par rapport à l’aspirine
seule, sans augmentation du risque hémorragique [31]. Le prasugrel est contre-indiqué chez les
malades qui ont fait un AVC car il augmente le risque d’hémorragie intracrânienne secondaire [100].
Lors d’artériopathie périphérique, le risque cardiovasculaire et le risque de ré-occlusion sont diminués
de 41% par l’aspirine et de 24% par le clopidogrel [43]. L’association d’un antiplaquettaire, d’une
statine et d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion offre une réduction du risque cardiovasculaire
cumulé à long terme, alors que le risque postopératoire intrahospitalier dépend davantage du status
cardiaque des patients [26,28]. La chirurgie carotidienne réclame une monothérapie à vie (aspirine),
mais les stents carotidiens nécessitent en plus une bithérapie (aspirine + clopidogrel) pendant 1 mois.
Délais pour la chirurgie non-cardiaque
Le risque opératoire est d’autant plus élevé que le délai entre l’événement coronarien et l’opération est
plus court, parce que la lésion est par nature instable tant qu’elle n’est pas complètement cicatrisée,
c’est-à-dire totalement recouverte d’un endothélium normal. Après PCI ou stent passif, les risques de
thrombose, d’infarctus et de mortalité sont de 15-35% pendant les 6 premières semaines ; l’incidence
décroît à 5-10% dès 6 semaines et devient inférieure à 2% au-delà de 3 mois [76,77]. Après des PAC, le
taux de complications ischémiques et de mortalité en cas de chirurgie non-cardiaque est de 10-30%
pendant 4-6 semaines ; il est d'environ 5% entre 2 et 3 mois, et de 1% au-delà de 3 mois [11]. Après des
stents actifs de 1ère génération, les risques sont plus élevés et les délais plus longs à cause de la très lente
endothélialisation: les taux d’accidents cardiaques postopératoires sont en moyenne de 15-40% pendant
le premier mois, de 5-15% à 3 mois, de 5-8% à 6 mois et de 2% dès 12 mois [45,95]. Six semaines
après des BMS ou des PAC et 6 mois après des DES, le risque devient celui d’une coronaropathie
contrôlée (risque intermédiaire de 3-6%, équivalent à 2 facteurs de risque du Revised Cardiac Index
[52]). Il faut attendre 3 mois après des BMS ou des PAC et 12 mois après des DES de 1ère génération
pour que le risque atteigne son plancher [95]. Avec les DES de nouvelles générations, certaines séries
montrent que le plein bénéfice est déjà atteint à 3-6 mois [45], mais quel qu'en soit le type, le taux de
complications cardiaques est 20 fois plus élevé (OR 20.08) lorsqu'on opère les malades dans les 6
premières semaines après la pose du stent [93]. Cette chronologie impose des délais entre la
revascularisation et une opération non-cardiaque subséquente (Tableau 3.9B, page 78) [19,29,36].
 Angioplastie sans stent
2-4 semaines (ballon simple)
3 mois (ballon à élution)
 Stents passifs (BMS)
• Chirurgie vitale
6 semaines
• Chirurgie élective
3 mois
 Pontages aorto-coronariens
• Chirurgie vitale
6 semaines
• Chirurgie élective
3 mois
 Stents actifs (DES 1ère génération)*
• Chirurgie vitale
6 mois (sous bi-thérapie)
• Chirurgie élective
12 mois
ème
 Stents actifs (DES 2 génération)**
• Chirurgie vitale
3 mois (sous bi-thérapie)
• Chirurgie élective
6 mois
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
99
*: DES toute génération si SCA ou stent à très haut risque
**: comprend les DES 2ème et 3ème génération et les DES biodégradables
Traitement antiplaquettaire
Après un événement cardiovasculaire ischémique (SCA, infarctus, PCI et pose de stent, pontages aortocoronariens, AVC, occlusion artérielle), l’aspirine est prescrite à vie et ne doit jamais être interrompue.
La bi-thérapie (aspirine + clopidogrel ou prasugrel ou ticagrelor) est prescrite pendant :
- 2 semaines après angioplastie au ballon simple, 12 semaines si ballon à élution
- 4-6 semaines après stents passifs (BMS) (12 mois en cas de SCA)
- 12 mois après l’implantation de stents actifs (DES) de 1ère génération
- 3-6 mois après implantation de DES de 2-3ème génération (coronaropathie stable)
- 12 mois après implantation de DES de 2-3ème génération en cas de SCA
- 12 mois après syndrome coronarien instable (SCA) (avec ou sans revascularisation)
- > 12 mois en cas de DES à haut risque ou d’anamnèse de thrombose de stent, mais au prix
d’une augmentation du risque hémorragique à long terme
Des durées plus courtes, concevables dans des situations stables en cardiologie, ne sont pas
transposables à la situation à haut risque d’une intervention chirurgicale.
Délais entre la revascularisation et une intervention chirurgicale :
- Opération vitale : 6 semaines après BMS ou PAC, 3-6 mois après DES (sous bi-thérapie et
selon le type de stent)
- Opération élective : 3 mois après BMS ou PAC, 12 mois après DES
Risques liés à l’arrêt des antiplaquettaires
Pendant des années, la crainte d'une hémorragie excessive a fait interrompre tout traitement
antiplaquettaire une dizaine de jours avant une intervention chirurgicale ou endoscopique. Comme ils
protègent efficacement contre les thromboses de stent et les récidives d'infarctus ou d'ictus, qu'advientil lorsqu'on supprime brusquement les antiplaquettaires ?
Une méta-analyse groupant 50'279 patients à risque de maladie coronarienne et sous prévention
secondaire par de l'aspirine révèle que le taux de complications cardiaques est triplé (OR 3.14) après
interruption du traitement ; ce risque est encore bien plus grand chez les porteurs de stents (OR 89.78)
[8]. De plus, on a rapporté de nombreux cas de thromboses tardives de stents lors de l’arrêt de
l’aspirine jusqu’à 10 ans après l’implantation. Le délai entre la thrombose de stent et l’arrêt de
l’aspirine ou du clopidogrel est respectivement de 7 et 9 jours [30,75]. Lors de prévention secondaire
après AVC, le risque d’accident ischémique cérébral est triplé lors de cessation de l’aspirine (OR 3.4)
[57]. Toutefois, après un ictus la double thérapie n’apporte de protection supplémentaire qu’avec
l’association aspirine et dipyridamole, mais non aspirine et clopidogrel; on peut donc interrompre le
clopidogrel dans ce cas. Une petite étude randomisée a montré que l’aspirine périopératoire diminue le
risque relatif d’accident cardiovasculaire de 80% (réduction absolue 7.2%) par rapport au placebo
[67]. Récemment, une vaste étude portant sur l’effet du retrait préopératoire de l’aspirine (10'010
patients randomisés entre aspirine continue ou interruption) a mis en évidence un taux d’infarctus et de
décès identique (7.0% vs 7.1%, HR 0.99) dans les 2 groupes et un risque hémorragique un peu
augmenté dans le groupe maintenu sous aspirine (HR 1.23) [27]. Ce résultat semble plaider en faveur
d’un arrêt de l’aspirine avant la chirurgie, mais le 56% des ces patients n’était pas sous aspirine avant
l’étude, qui a correspondu pour eux à une prévention primaire ; or on sait que l’impact clinique de
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
100
celle-ci est quasi-nul. D’autre part, l’étude ne comprend pas de malades à haut risque ni sous bithérapie, puisque les patients porteurs de stents ou ayant souffert d’un SCA dans un délai d’un an ont
été exclus. Ces résultats ne modifient donc pas la recommendation de maintenir l’aspirine en
périopératoire chez les patients ayant souffert d’un événement cardiovasculaire.
Au cours des 6 premiers mois après un événement coronarien, l’arrêt du clopidogrel est le facteur
pronostique indépendant le plus significatif pour la thrombose de stent, avec un hazard ratio (HR) de
4.6 à 57.13 ; le risque diminue par la suite (Figure 3.16) [46,77,93].
Hazard ratios (HR)
50
57.1
40
36.5
30
27
20
17
24.5
20 20.6
10
12
9.5
4.6 6.7
13.7
5.9
2.6
3.6
6 sem
2.6
2.2
2.4
1.4 1.8
1.4
6 mois
12 mois
© Chassot 2016
Figure 3.16 : Représentation graphique du risque (HR hazard ratio) de thrombose de stent, d’infarctus, d’AVC
et de décès lié à l’interruption du clopidogrel, en fonction du délai entre la pose de stent et l’arrêt de ce dernier
(données de 20 études différentes). Les données sont assez disparates selon les études. Elles montrent néanmoins
que l’interruption de la bithérapie est associée à des accidents cardio-vasculaires quelle que soit la durée du
traitement, mais que la corrélation devient faible au-delà de 6-12 mois (incidence 1-2%) alors qu’elle est
maximale pendant les 6 premières semaines et significative pendant les 6 premiers mois.
Si l’on arrête le traitement une dizaine de jours avant la chirurgie, on opère donc le malade au moment
du plus haut risque d’accident coronarien! Les études pratiquées en cardiologie ont révélé que la
mortalité à 6 et 12 mois des patients porteurs de DES (1ère génération) est 2.3 à 10 fois plus élevée
lorsque les malades ont arrêté précocément le clopidogrel [23,82]. Les stents actifs sont donc très
dépendants de la bithérapie pendant au moins 6 mois. Il est concevable, probablement à partir de 6
mois, d’interrompre le clopidogrel pendant quelques jours chez les malades qui n’ont pas souffert de
SCA, pourvu que l’on continue l’aspirine [30] : le risque de complications cardiaques est peu
augmenté (HR 1.3) ; il l’est davantage si l’on interrompt l’aspirine (HR 1.9) ou les deux médicaments
(HR 2.7) [34].
La situation est beaucoup plus dangereuse dans le contexte chirurgical, à cause de l’hypercoagulabilité
et du syndrome inflammatoire postopératoires. L'arrêt des antiplaquettaires pour permettre une
opération majeure dans les 3 premières semaines après PCI et stent s'est soldé par une mortalité allant
de 30% à 86% [33,77]. Lors de chirurgie vasculaire majeure réalisée dans les deux premiers mois
après implantation de stents actifs, l’incidence de thrombose de stent est de 31% chez les malades qui
ont stoppés les antiplaquettaires, mais de 0% chez ceux qui les ont continué [74]. Lorsque le
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
101
traitement antiplaquettaire est suspendu, la mortalité est directement liée au délai entre la
revascularisation et la chirurgie non-cardiaque (Figure 3.17A) [74,77,93].
Figure 3.17 A : Mortalité des
complications cardiovasculaires postopératoires chez les patients porteurs
de stents coronariens dont le
traitement antiplaquettaire a été
interrompu avant une opération noncardiaque, en fonction du délai entre la
revascularisation et la chirurgie.
Courbe construite à partir de 12 études
observationnelles (29’941 patients)
[29]. Deux d’entre elles ont des
données comparatives pour les
malades opérés sous antiplaquettaires
(points jaunes) ; leur mortalité est de
5% et de 0%. Dans une seule étude
[45], l’arrêt ou la continuation des
antiplaquettaires ne crée pas de
différence, mais les 2/3 de ses cas
relèvent d'une chirurgie mineure.
Mortalité postopératoire (%)
100
85
75
80
60
Sans antiplaquettaires
57
Avec antiplaquettaires
31
40
25
22
12
20
6
1
2
3
8 8 7 5
8
6
2
4
10
12
Mois
© Chassot 2015
Le profil du taux d’infarctus et de thrombose de stent postopératoires est différent selon le type de
stents. Alors qu’il baisse rapidement dans les 3 premiers mois pour les stents passifs et n’est plus que
2.8% à 6 mois, il reste beaucoup plus constant (environ 6%) pendant toute la première année pour les
stents actifs (1ère génération) (Figure 3.17B) [65,71].
Accidents cardiaques & mortalité (%)
Figure 3.17 B : Incidence des
accidents
cardiaques
(infarctus ou thrombose de
stent) et de la mortalité
postopératoire globale en
fonction du délai entre la
revascularisation
(stents
passifs et stents actifs de 1ère
génération) et la chirurgie
non-cardiaque [65,71]. La
mortalité secondaire à la
thrombose de stent est
respectivement de 50% et de
65% pour les DES et les
BMS.
10.5
Stents passifs (BMS)
10
Stents actifs (DES)
8
6.4
5.9
5.7
6
3.3
3.8
4
2.8
2
2
4
6
8
10
15
12
Mois
La mortalité de la thrombose de stent reste très élevée dans les deux cas (50-65%). Avec une mortalité
moyenne de 25% et un taux d’infarctus jusqu’à 60%, la thrombose de stent sur arrêt des
antiplaquettaires est donc un évènement extrêmement dangereux. Dans une situation chirurgicale, le
risque est aggravé par la phase d'hypercoagulabilité postopératoire, et par le taux de complication
cardiaque propre à l'intervention. Il apparaît donc clairement que seules des situations exceptionnelles
peuvent justifier l’interruption des antiplaquettaires ; sans eux, la situation passe d’un état
correspondant à une coronaropathie stable à un état de coronaropathie instable [18,19,29].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
102
Interruption des agents antiplaquettaires
L’arrêt des antiplaquettaires est un facteur indépendant majeur de risque cardiovasculaire et le principal
déclencheur de la thrombose de stent, tout particulièrement pendant les 6 premiers mois après
implantation. La mortalité de la thrombose de stent est en moyenne 25%. Le délai moyen entre
l’interruption des antiplaquettaires et l’accident thrombotique est de 7-9 jours. Le risque est d’autant
plus élevé qu’on est proche de l’événement coronarien ; il est maximal pendant les 6 premières
semaines. Entre 6 et 12 semaines après BMS ou PAC, et entre 6 et 12 mois après DES, le risque est
intermédiaire. Il correspond à celui d’une coronaropathie stable > 3 mois après BMS ou PAC et > 12
mois après DES (probablement > 3-6 mois avec les DES de nouvelles générations).
A cause de la réaction inflammatoire systémique, de l’activation plaquettaire et de l'inhibition de la
fibrinolyse liées au stress opératoire, la situation est encore plus grave en périopératoire. La mortalité de
la thrombose de stent y est en moyenne de 40%. L’incidence d’accidents cardiovasculaires est
maximale pendant les 6 premières semaines qui suivent le SCA et/ou la pose de stent (risque 20-40 fois
plus élevé qu'après 6 mois). Pour les DES de 1ère génération, le risque reste élevé pendant 12 mois.
Suspendre les antiplaquettaires en préopératoire transforme une coronaropathie stabilisée en syndrome
instable. Seules des situations exceptionnelles peuvent justifier l’interruption des antiplaquettaires. Si le
clopidogrel, le prasugrel ou le ticagrelor sont arrêtés, l’aspirine doit être maintenue.
Risque hémorragique
L’arrêt des antiplaquettaires en préopératoire est en général motivé par la crainte de saignements
chirurgicaux excessifs. Mais le risque hémorragique est-il suffisamment important pour justifier une
telle prise de risque ? Malheureusement, on ne dispose que de peu d’études contrôlées ou randomisées
sur le risque hémorragique chirurgical lié aux antiplaquettaires, mais la somme d’études
observationnelles et prospectives est suffisamment vaste pour avoir une idée cohérente de ce problème.
D’autre part, les données actuelles ne concernent que l’aspirine et le clopidogrel. La seule expérience
dont on dispose avec le prasugrel ou le ticagrelor est la série de patients revascularisés chirurgicalement
en CEC dans les études TRITON [100] et PLATO [91].
Chez les patients sous aspirine seule, le risque hémorragique moyen en chirurgie générale est
augmenté par un facteur de 2.5% à 20%, mais ceci ne conduit à aucune augmentation des
complications liées au saignement [14,67]. Ni la morbidité ni la mortalité chirurgicales ne sont
modifiées par l'aspirine en chirurgie dentaire, en ophtalmologie, en chirurgie viscérale, thoracique et
vasculaire, lors d'endoscopies ou lors de biopsies. En orthopédie, quelques études indiquent une
augmentation de 20% du taux de transfusion, mais elles sont en minorité. En chirurgie rachidienne,
l'aspirine n'entraîne pas un excès d'hémorragie, ni de transfusion, ni de complications postopératoires
[22]. Après amygdalectomie, le taux de reprise chirurgicale pour hémorragie secondaire est plus élevé
chez les malades opérés sous aspirine. Lors de prostatectomie transuréthrale, le risque transfusionnel
est doublé, mais la nouvelle technique de vaporisation sélective avec le laser potassium-titanylphosphate (KTP) élimine ce risque [29]. En neurochirurgie, enfin, l'aspirine est un facteur additionnel
dans le risque d'hématome intracrânien, dont certains ont contribué au décès du patient. Le risque
hémorragique sous clopidogrel seul est équivalent à celui sous aspirine [14].
Sous double thérapie antiplaquettaire (aspirine + clopidogrel/prasugrel/ticagrelor), par contre, le risque
hémorragique s'élève de 20-60%. En chirurgie viscérale, thoracique et vasculaire, en dentisterie, en
ophthalmologie et en endoscopie, on voit une aggravation des pertes sanguines, mais pas de différence
de morbidité ni de mortalité directement associées à l’hémorragie ; en orthopédie, les pertes sanguines
sont élevées mais ni les complications ni la mortalité [66]. Lors de TURP, l’incidence de saignement
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
103
passe de 10% à 85% [86]. La comparaison du taux de transfusion avec ou sans double thérapie
antiplaquettaire ne montre que rarement une différence statistiquement significative [71,74]. Sous
bithérapie, le nombre de poches administrées s’accroît lorsque des transfusions sont requises par une
chirurgie invasive, mais les opérations à faibles pertes de sang ne saignent pas au point de justifier une
transfusion [1]. Toutefois, on a décrit des hémorragies intracérébrales fatales après interventions
neurochirurgicales. La double thérapie antiplaquettaire induit en général un saignement diffus dont
l'hémostase chirurgicale directe est difficile; le risque hémorragique est aussi postopératoire. La
combinaison aspirine et prasugrel augmente de 30% le risque hémorragique et transfusionnel par
rapport à l’association aspirine et clopidogrel [100]. On voit donc que, même si les pertes sanguines et
les transfusions sont augmentées sous bithérapie, le pronostic chirurgical et la mortalité opératoire n'en
sont pas modifiés, à l'exception de la chirurgie en espace clos (crâne, rachis, chambre postérieure de
l’oeil) ou des interventions accompagnées de pertes sanguines massives et d’hémostase difficile. Par
contre, les études qui ont un comparatif avec des malades ayant arrêté des antiplaquettaires montrent
que ces derniers souffrent d’un taux d’infarctus et d’ictus postopératoires nettement plus élevé
[1,86,88].
Risque hémorragique peropératoire sur antiplaquettaires
L’aspirine augmente de 3-20% le risque hémorragique peropératoire.
La combinaison aspirine + clopidogrel augmente de 20-50% le risque hémorragique, mais n’augmente
pas la mortalité ni la morbidité opératoires, sauf en cas de :
- Chirurgie en espace clos (crâne, canal rachidien, chambre postérieure de l’œil)
- Chirurgie très hémorragique avec hémostase difficile
Le prasugrel augmente de 2-4 fois le risque hémorragique, alors que le ticagrelor ne semble pas le
modifier ; toutefois, on ne dispose pas de données sur ces deux substances en chirurgie non-cardiaque.
Balance des risques
Les antiplaquettaires ne sont pas tout-puissants et n’offrent qu’une protection relative, puisque environ
10% des patients manifestent des complications cardio- et cérébro-vasculaires alors qu’ils sont sous
antiplaquettaires, comme le démontrent les grands essais cliniques destinés à prouver l’efficacité de ces
médicaments, qui abaissent le risque cardiaque de 20% en moyenne dans les études de cardiologie
(réduction absolue : 1-3%) [35]. Par contre, ces substances accroissent le risque hémorragique
spontané : + 1.2% pour l’aspirine, + 2.1% pour la combinaison aspirine - clopidogrel, et + 2.4% pour la
combinaison aspirine - prasugrel (en augmentation absolue) [48].
En situation chirurgicale, arrêter les antiplaquettaires augmente le risque d'un accident ischémique,
mais les conserver augmente celui d'une hémorragie. Ce dilemme est fréquent, puisque 5-22% des
malades bénéficiant d'une revascularisation subissent une intervention non-cardiaque dans les 12 mois
qui suivent [45,89]. Pendant des années, on a opté habituellement pour la première solution. Mais les
données actuelles font clairement pencher la balance en faveur de la seconde. En effet, si l'on compare
les risques, on met dans un des plateaux de la balance les effets du maintien des antiplaquettaires
[18,19,29].

Augmentation du risque hémorragique de 20% (aspirine) à 50% (aspirine + clopidogrel) sans
modification de la mortalité chirurgicale, à l'exception des situations à risque hémorragique
excessif (chirurgie en espace clos, opération avec pertes sanguines massives et hémostase
difficile) ;
 Augmentation inconstante du taux de transfusion ; mais le taux de complications liées à la
transfusion n'est que de 0.4-1.3% à court terme [61] et 16% à long terme [85] ;
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
104

L'incidence des accidents ischémiques, variable selon l'importance de l'acte opératoire, est
similaire à celle des malades coronariens stabilisés : taux d'infarctus 2-6%, mortalité 1-5%
[17].
Dans l'autre plateau de la balance, on voit les effets de l'arrêt des antiplaquettaires:





Effet rebond avec hyperadhésivité plaquettaire ; la réaction inflammatoire post-chirurgicale et
le syndrome de stress augmentent la réactivité des thrombocytes et abaissent la fibrinolyse. De
plus, certaines pathologies (diabète, carcinomes) sont accompagnés d’une hypercoagulabilité.
Lorsque le patient a souffert d’un SCA, le taux d’infarctus est de 1-2% par jour pendant la
durée de l’interruption des antiplaquettaires [51].
En peropératoire, le taux de SCA et d’AVC est augmenté 3 à 9 fois [1,86].
Pendant la phase de ré-endothélialisation des stents coronariens, l'incidence moyenne
d'infarctus postopératoire est de 35% [71,77].
La mortalité moyenne de la thrombose de stent périopératoire s’élève jusqu’à 25-50% ; cela
correspond à une augmentation de 10 fois de la mortalité cardiaque postopératoire [84]. La
reperméabilisation d'un axe coronarien en urgence dans le postopératoire est plus difficile et
plus dangereuse que la transfusion de quelques poches de sang en peropératoire.
D'une manière générale, la mortalité des accidents hémorragiques (11%) et des transfusions (1%) est
plus basse que celle des thromboses de stent (31%) [18,19]. En periopératoire, elle est 5-7 fois plus
faible. La morbi-mortalité de la transfusion, à court terme (0.4-1.3%) comme à long terme (16%), est
nettement inférieure à celle d’un arrêt précoce des antiplaquettaires, dont le taux d’infarctus et la
mortalité sont en moyenne de 35% chacun [61,85]. Il paraît donc évident que les risques de l'arrêt des
antiplaquettaires sont en général largement supérieurs à ceux de leur maintien, et ceci d'autant plus que
le délai depuis l'événement coronarien est plus court.. Les exceptions à cette règle sont les situations qui
présentent un risque hémorragique excessif [18,19,29] :
 Chirurgie dans une cavité fermée (chambre postérieure de l'œil, canal rachidien, crâne) ;
 Intervention chirurgicale majeure accompagnée d’hémorragie massive et d’hémostase difficile.
Bien que l’anesthésiste doive traiter chaque cas sur une base individuelle en accord avec le chirurgien
et le cardiologue, il est évident qu’il faut abandonner la routine qui consiste à arrêter toute médication
antiplaquettaire 7 à 10 jours avant la chirurgie [18,19,29]. L’interruption, si elle a lieu d’être, doit être
sélective en fonction de la situation clinique et durer le temps minimum nécessaire (Tableau 3.9C).
Tableau 3.9C
Recommandations pour les délais d'interruption préopératoire des antiplaquettaires




Aspirine
Clopidogrel
Ticagrelor
Prasugrel
en principe pas d'interruption; si nécessaire: stop 3-5 jours
stop 5 jours
stop 5 jours; si urgence, stop 72 heures
stop 7 jours
Bien qu’ils soient admis par toutes les recommendations européennes et américaines, les délais
mentionnés dans le Tableau 3.9C sont en partie arbitraires et basés sur un double souci de précaution et
de simplification. Leur rationalité se fonde sur quelques études ex vivo qui ont évalué l’agrégabilité
plaquettaire au moyen de tests fonctionnels dont aucun ne peut être considéré comme une valeur de
référence absolue. Ces travaux ont montré que la récupération à l’arrêt du clopidogrel est de 85% à 5
jours et de 100% à 7 jours [6] ; la récupération est de 78% à 7 jours et de 100% à 9 jours après le
prasugrel [70] ; elle est de 79% à 3 jours et de 100% à 4.5 jours après le ticagrelor [40]. Pour ce dernier,
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
105
dont la liaison au récepteur est réversible, la contamination des plaquettes renouvelées oblige à
prolonger le délai de routine à 5 jours malgré les données de sa pharmacocinétique.
Antiplaquettaires en périopératoire (I)
D’une manière générale, le risque hémorragique sous antiplaquettaire est nettement moins important
que le risque ischémique lié à leur interruption. Font exception :
- Chirurgie en espace clos (crâne, canal rachidien, chambre postérieure de l’œil)
- Chirurgie très hémorragique avec hémostase difficile
Durée de l’interruption des antiplaquettaires (si nécessaire) :
- Aspirine
3-5 jours
- Clopidogrel 5 jours
- Ticagrelor
5 jours
- Prasugrel
7 jours
Recommandations
En se basant sur le principe de précaution et sur les données les plus récentes, il est possible de
proposer un algorithme décisionnel pour les situations cliniques les plus fréquentes (Figure 3.18)
[18,19,29,34,36,50,96,99].
Patients sous monothérapie
(aspirine ou clopidogrel)
Prévention
primaire,
risque
cardiovasculaire
faible
Patients sous bithérapie (aspirine +
clopidogrel, prasugrel ou ticagrelor)
Prévention secondaire
après événement
cardio-vasculaire.
Prévention primaire si
risque CV > 5%/an
Neurochirurgie
intracrânienne
à haut risque
Stop 3-5 jours
avant opération
si nécessaire
Toute
chirurgie
Haut risque cardiaque
< 6 sem après PCI, BMS, AVC
< 3 mois après infarctus
< 6-12 mois après DES ou SCA
> 12 mois si stents à haut risque
Chirurgie
élective
Renvoi
Chirurgie
vitale/urgent
Risque hémorrag
excessif***
Opération sous
traitement
continu
Situations
cardiaques à
risque faible**
+
Chirurgie à
haut risque
hémorragique
Stop bithérapie*
Maintien aspirine
Stop bithérapie* 5 j + substitution
Maintien aspirine
Reprise bithérapie* 24-48 h postop
© Chassot 2016
Figure 3.18: Proposition d'algorithme de prise en charge des patients sous traitement antiplaquettaire
préopératoire [18,19,29]. BMS : bare metal stent (stent passif). DES : drug-eluting stent (stent actif). AVC :
accident vasculaire cérébral. SCA: syndrome coronarien aigu. PCI: Percutaneous Coronary Intervention. CV :
cardiovasculaire. Le clopidogrel seul est l’équivalent de l’aspirine seule. Dosage de l’aspirine : 50-325 mg/j. * :
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
106
les mêmes prescriptions s’appliquent au clopidogrel, au prasugrel et au ticagrelor à l’exception des délais
d’interruption : clopidogrel 5 jours, ticagrelor 5 jours, prasugrel 7 jours. ** : Exemples de situations à risque
faible: absence de SCA, > 3 mois après stents passifs ou PCI sans stents, > 6 mois après DES 2ème génération,
infarctus ou ictus non compliqués, > 12 mois après DES 1ère génération. *** : Risque hémorragique excessif :
chirurgie en espace clos (neurochirurgie intracrânienne, chirurgie du canal médullaire, chirurgie de la chambre
postérieure de l'œil), présence de coagulopathie, chirurgie invasive accompagnée d’hémorragie massive et
d’hémostase difficile. Dans ces situations, le rapport risque / bénéfice doit être évalué au cas par cas. Stents à haut
risque: stents proximaux, multiples, malapposés, bifurqués ou en succession, situations où le vaisseau stenté
dessert un vaste territoire myocardique, patients ayant déjà thrombosé des stents précédents, stents pour SCA.
Substitution du clopidogrel/prasugrel/ticagrelor : perfusion d’eptifibatide ou de tirofiban 3-5 jours préop, stop 6
heures avant l’opération, reprise dans les 6-12 heures postopératoires; maintien de l’aspirine en continu. En cas
d’arrêt, les antiplaquettaires doivent être repris dans les 24-48 heures après l’intervention, éventuellement avec
une dose de charge pour le clopidogrel (300 mg), mais non pour le prasugrel ni le ticagrelor.
Malgré un large consensus, ces recommandations manquent de fondements objectifs solides (Classe
IIa – IIb) et de fort degré d’évidence (évidence B ou C). Il en découle néanmoins l’attitude pratique
suivante (Figure 3.19).

Patient sous aspirine en prévention primaire simple :
• Stop aspirine 5 j avant l’intervention, si nécessaire ;
 Patient sous aspirine (ou clopidogrel seul) en prévention primaire à haut risque (diabète I,
risque d’accident cardiovasculaire > 7.5%/an) ou en prévention secondaire après accident
vasculaire cérébral (AVC), infarctus du myocarde (IdM), stent coronarien, artériopathie des
membres inférieurs, pontage aorto-coronarien (PAC), syndrome coronarien aigu (SCA) :
• Poursuivre sans interruption le traitement d’aspirine (ou de clopidogrel) ;
• Patients sous aspirine et dipyridamole après AVC : poursuivre les deux
médicaments ;
• Seule exception : cas à haut risque de neurochirurgie intracrânienne (stéréotaxie).
 Patient sous aspirine + clopidogrel/prasugrel/ticagrelor, mais risque cardio- et cérébrovasculaire bas (> 3 mois après AVC, angioplastie coronaire, stent passif ou PAC, > 6 mois
après IdM sans complications, > 12 mois après SCA ou stent actif) :
• Poursuivre le traitement d’aspirine ;
• Stop avant l’intervention : clopidogrel ou ticagrelor 5 jours, prasugrel 7 jours ;
• Reprendre la bi-thérapie dans les 24-48 heures, si possible avec une dose de
charge* pour le clopidogrel et l’aspirine : Aspegic™ 250 mg + 150 mg/j ;
clopidogrel 300 mg + 75 mg/j ; prasugrel* 10 mg/j ; ticagrelor* 90 mg 2x/j.
 Patient sous aspirine + clopidogrel/prasugrel/ticagrelor, avec risque cardio- et cérébrovasculaire élevé (< 6 semaines après AVC, angioplastie simple, stent passif ou PAC, < 3 mois
après IdM, , < 6 mois après stent actif 2ème génération, < 12 mois après SCA ou stent actif 1ère
génération, ou davantage si stent à très haut risque).
Chirurgie élective :
• Renvoi à 1 mois après angioplastie simple ;
• Renvoi à 3 mois après AVC, angioplastie au ballon à élution, stent passif ou PAC ;
ème
• Renvoi à 6 mois après IdM ou stent actif 2 génération ;
ère
• Renvoi à 12 mois après SCA, stent actif 1
génération, ou IdM avec
complications;
• Après ces délais : maintenir/doubler aspirine ; si clopidogrel/prasugrel/ticagrelor
encore prescrits, discuter avec le cardiologue pour l’arrêt ou le maintien avant
l’intervention en fonction du risque thrombotique et du risque hémorragique de la
chirurgie.
Chirurgie urgente ou vitale :
• Retarder l’opération autant que possible : > 2 semaines après angioplastie simple, >
6 semaines après BMS ou PAC, > 3-6 mois après DES (selon le type de stent) ;
• Maintenir aspirine et clopidogrel/prasugrel/ticagrelor ;
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
107
•
•
•
Substitution du clopidogrel/prasugrel/ticagrelor par tirofiban ou eptifibatide en cas
d’intervention à risque hémorragique très élevé ou de coagulopathie ;
Après AVC/AIT, maintien de l’aspirine/dipyridamole, mais arrêt du clopidogrel
(sauf < 1 mois après stents carotidiens) ;
L’héparine est inefficace comme substitution des antiplaquettaires.
* : la dose de charge est rarement praticable pour le clopidogrel à cause du risque hémorragique ; son
indication devrait se fonder sur un test de réactivité plaquettaire. Elle est vivement déconseillée pour le
prasugrel et le ticagrelor.
Lorsqu’elle est en cours, la bithérapie doit être maintenue dans les opérations mineures car le risque
hémorragique y est faible, et dans les opérations majeures parce que le stress chirurgical et le risque
d’activation plaquettaire sont élevés. La chirurgie mineure, comme la chirurgie de paroi, la dentisterie,
l’ORL ou l’ohpthalmologie, s’accomnpagne de peu de réaction inflammatoire et fait courir moins de
risque cardiovasculaire que la chirurgie viscérale, vasculaire ou orthopédique. L’aspirine n’est jamais
interrompue, sauf dans certaines interventions neurochirurgicales intracrâniennes. Quel que soit le
risque propre des stents en fonction du délai, le pronostic est très fortement dépendant du risque
cardiovasculaire du patient (anamnèse de SCA, infarctus, FE basse, AVC, etc) et de la gravité de
l’intervention chirurgicale [45]. Les expériences chirurgicales récentes montrent que le risque
hémorragique sous prasugrel ou ticagrelor est considérable, et bien plus élevé que sous clopidogrel.
Pour prendre en compte l’efficacité redoutable de ces nouveaux antiplaquettaires, les recommendations
les plus récentes tendent à éviter d’opérer sous bithérapie, soit en repoussant l’intervention si c’est
concevable, soit en interrompant le ticagrelor ou le prasugrel et en le substituant par un anti-GP IIb/IIIa
(voir ci dessous) [10,36,50]. Pour l’instant, on manque de données pour définir une attitude claire.
Après un événement coronarien, toute chirurgie élective doit être renvoyée jusqu’à une période où le
risque cardiovasculaire est le plus bas (1-5%), soit 3 mois après des BMS ou des PAC, 6 mois après un
infarctus sans complication ou des DES de 2ème génération, et 12 mois après des DES de 1ère génération
ou un SCA [95]. Beaucoup de pathologies ne peuvent pas souffrir de tels délais : tumeurs malignes,
fractures invalidantes, anévrysmes menaçants, etc. Mais les opérer plus tôt ne signifie pas les opérer
trop tôt. L’idéal est d’attendre que soit passée la phase à haut risque (taux d’accident cardiovasculaire ≥
35%), et de procéder à l’intervention lorsque le malade est entré dans la phase à risque intermédiaire
(taux d’accident CV 3-6% [52]), c’est-à-dire 6 semaines après des BMS ou des PAC, 3 mois après des
DES de 2ème - 3ème génération et 6 mois après un SCA ou des DES de 1ère génération [11,45,76,77] (voir
Figure 3.12B, page 73). Les chiffres donnés pour ces délais ont forcément une part d’arbitraire. Il est
capital de les relativiser en fonction d’autres déterminants qui aggravent le risque cardiovasculaire :
présence d’un SCA au moment de la revascularisation, degré d’instabilité de la coronaropathie, masse
du myocarde à risque, type de stent (haut risque ou bas risque), critères anatomiques, comorbidités
(diabète, cancer), risque hémorragique spontané, importance de la réaction inflammatoire selon le type
de chirurgie, etc. Par exemple, un acte chirurgical mineur pratiqué pendant la première année après la
pose de DES n’entraîne que 0.6% de complications cardiaques, alors que ce taux oscille entre 10% et
20% lors de chirurgie majeure [12,45]. De ce fait, la manière dont sont gérés les antiplaquettaires en
périopératoire (arrêt versus continuation) modifie peu le devenir des patients dans les collectifs qui
contiennent une majorité de patients subissant des interventions mineures en ambulatoire [45], alors
qu’elle a des effets considérables dans les séries constituées de patients, de stents et d’opérations à haut
risque, dans lesquelles l’incidence de thrombose de stent est élevée et la mortalité des accidents
cardiovasculaires dramatique [72,74,77].
L’utilisation de tests d’activité thrombocytaire (Multiplate™, VerifyNow™, etc) devrait permettre de
mieux cibler la thérapeutique optimale en fonction du risque opératoire et du risque thrombogène. Ces
tests ont une meilleure valeur prédictive que le délai entre l’opération et la dernière prise de
clopidogrel [47]. Un faible répondeur souffrira moins de l’interruption du clopidogrel qu’un malade qui
y est très sensible, mais il peut bénéficier d’une augmentation momentanée du dosage pour pallier à
l’hyperactivité plaquettaire périopératoire. D’autre part, la durée d’interruption peut être réduite car un
faible répondeur saigne moins qu’un individu normal sous antiplaquettaire [20]. Ainsi, le délai d’attente
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
108
moyen avant des PAC a pu être abaissé à 2.7 jours sans augmentation du risque hémorragique chez les
patients qui ont une agrégabilité résiduelle satisfaisante [55]. Cependant, tous les travaux ne sont pas
aussi optimistes, et certains ne trouvent aucune relation entre le degré d'inhibition plaquettaire
préopératoire et l'incidence d'accident cardiaque postopératoire chez les porteurs de stents sous
bithérapie [21,93]. Ces discordances sont peut-être le fait du clopidogrel, car les variations individuelles
sont mineures avec le prasugrel et le ticagrelor. Les délais d'interruption préopératoire recommandés de
routine sont mentionnés dans le Tableau 3.9C (page 105).
Risque cardio- et cérébro-vasculaire
Prise en charge
des patients sous
agents antiplaquettaires
Risque hémorragique
chirurgical
Bas
> 3 mois après PCI,
BMS, PAC ou AVC
sans complications
> 6 mois après IdM
> 6 mois après DES
2ème génération
> 12 mois après DES
1ère génération
> 12 mois après SCA,
sans complications
< 6 semaines après
PCI, BMS, PAC, AVC
< 3 mois après IdM ou
DES 2ème génération à bas
risque
< 6 mois après SCA, DES
1ère génération ou stent à
haut risque
Chirurgie élective: OK
Traitement continu
avec
statine, aspirine,
& clopidogrel,
prasugrel ou ticagrelor
(si prescrits)
Chirurgie élective:
renvoi
Chirurgie vitale: OK
Maintenir statine
Maintenir aspirine
& clopidogrel,
prasugrel ou ticagrelor
Chirurgie
élective: OK
Traitement
continu avec
aspirine
(ou clopidogrel)
Chirurgie élective:
renvoi
Chirurgie vitale: OK
Maintenir aspirine,
statine
& clopidogrel,
prasugrel ou ticagrelor
(si prescrits)
Chirurgie élective:
renvoi
Chirurgie vitale: OK
Maintenir statine
Maintenir aspirine,
& clopidogrel,
prasugrel ou ticagrelor
Chirurgie
élective: OK
Continuer statine
Stop aspirine ou
clopidogrel
possible
(max 5 jours
préop)
Chirurgie élective:
renvoi
Chirurgie vitale: OK
Maintenir aspirine &
statine
Stop clopidogrel 5 j,
prasugrel 7 jours,
ticagrelor 5 jours
Reprendre 24-48 heures
postop
OK seulement pour
chirurgie vitale ou urgente
Maintenir aspirine
Stop clopidogrel 5 j,
prasugrel 7 jours,
ticagrelor 5 jours
Remplacer par
tirofiban/eptifibatide
ou cangrelor
Reprendre 24-48 h postop
Transfusions non
nécessaires
Risque intermédiaire
Transfusions
fréquemment requises
Chirurgie viscérale
& cardiovasculaire
Orthopédie, ORL et chir
reconstructive majeures
Urologie endoscopique
Risque élevé
Transfusions normalement
requises et hémostase
difficile
Risque d’hémorragie en
espace clos :
Neurochirurgie
intracrânienne
Chirurgie du canal
médullaire & chambre
postérieure de l’œil
Elevé
6-12 semaines après PCI,
BMS, PAC ou AVC (sans
complications)
3-6 mois après IdM
3-6 mois après DES 2ème
génération à bas risque
6-12 mois après DES 1ère
génération à bas risque
> 12 mois après DES 1ère
génération ou à haut
risque
Risque bas
Chirurgie générale,
périphérique, plastique,
biopsies, dermatologie
Orthopédie mineure
ORL & endoscopies
Chambre antérieure de l'oeil
Extraction dentaire
Intermédiaire
Chirurgie
élective: OK
Traitement
continu avec
aspirine
(ou clopidogrel)
© Chassot 2016
Figure 3.19: Prise en charge détaillée des patients sous antiplaquettaires en chirurgie non-cardiaque [modifié de
18]. BMS : stents passifs. DES : stents actifs. IdM : infarctus du myocarde. PCI : percutaneous coronary
intervention. SCA : syndrome coronarien aigu.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
109
Substitution préopératoire
Certains malades peuvent se trouver dans la combinaison malheureuse d’un risque thrombogène élevé
(stents ou SCA récents, par exemple) et d’une pathologie grave nécessitant une opération très
hémorragique ne souffrant pas de longs délais (néoplasie viscérale, anévrsyme en voie de rupture,
fracture invalidante, par exemple). Dans ces conditions, il est nécessaire de substituer les
antiplaquettaires irréversibles à longue demi-vie par des agents plus manipulables en périopératoire.
L’héparine, qui est un anti-thrombine, n’a pas d’activité antiplaquettaire. Or sur une surface étrangère
ou sur une plaque instable, le thrombus démarre par une agrégation de thrombocytes. Ni l’héparine
non-fractionnée ni celles de bas poids moléculaire n’offrent donc une protection adéquate en
remplacement d’un antiplaquettaire. On ne dispose d’aucune étude prouvant l’efficacité de cette
combinaison comme substitut à une bithérapie. La seule substitution adéquate est un agent
antiplaquettaire de courte durée d’action. Le tirofiban (Aggrastat®, 0.1 mcg/kg/min) et l’eptifibatide
(Intergilin®, 1-2 mcg/kg/min) sont des anti-GP-IIb/IIIa avec une demi-vie de 2-2.5 heures. Après avoir
stoppé le clopidogrel 5 jours, ou le prasugrel 7 jours avant l’intervention, le tirofiban ou l’eptifibatide
sont administrés en perfusion dès le 5ème ou le 3ème jour préopératoire, et sont arrêtés 6-8 heures avant
l’opération [73]. Celle-ci a lieu pendant la fenêtre de récupération fonctionnelle des plaquettes, ce qui
réduit le risque hémorragique. La perfusion est redémarrée dans les 12-24 heures postopératoires, et le
clopidogrel ou le prasugrel prennent le relai dès que possible, en général dans les 24-48 heures.
L’aspirine n’est pas interrompue. Cette stratégie n’a pour l’instant fait l’objet que d’études
observationnelles qui ont prouvé sa faisabilité, mais elle n’est pas une recommandation formelle.
Le cangrelor intraveineux sera une alternative très intéressante, puisque sa demi-vie est de 9 minutes et
que son activité disparaît en < 1 heure. Commencée 3-5 jours auparavant, la perfusion (0.75
mcg/kg/min) n’est interrompue que 1-2 heures avant l’opération. L’étude BRIDGE a démontré que les
patients sous cangrelor présentent une intense inhibition plaquettaire pendant la perfusion, mais une
récupération totale de la fonction plaquettaire au moment de l’intervention [3].
La substitution de l’aspirine par des AINS, même si elle est logique en terme d’effets antalgique et antiinflammatoire, est un non-sens en terme de protection cardiovasculaire : d’une part, les AINS sont des
compétiteurs de l’aspirine et en diminuent les effets protecteurs ; d’autre part, ils sont eux-mêmes
associés à une augmentation du risque cardiovasculaire (infarctus, AVC, tachyarythmies et décès) dans
la période périopératoire (HR 1.9 – 3.7) [37].
Stratégies pour prévenir la thrombose de stent
La première stratégie est de ne pas interrompre le traitement antiplaquettaire en cours, quel qu’il soit,
et de le reprendre au plus vite dans le postopératoire ; ceci implique d’accepter un risque hémorragique
accru au profit d’une plus grande sécurité sur le plan cardiaque. La deuxième consiste à ne pas
revasculariser le malade. En effet, les patients souffrant de coronaropathie stable (angor stade I-II),
même sévère, ne bénéficient pas d’une revascularisation en terme de mortalité mais seulement par
l’amélioration immédiate de l’angor [94]. En chirurgie vasculaire majeure, la mortalité et la survie des
patients ne sont pas modifiées par la revascularisation par rapport à un traitement médical optimal
avec un contrôle strict de la fréquence cardiaque [38,58]. En cas d’opération urgente ou semi-urgente,
l’intervention est moins dangereuse sous protection médicale que dans un délai trop court (< 6-12
semaines) après revascularisation.
Mais certains patients souffrent de syndrome coronarien instable requérant une revascularisation
rapide et d’une pathologie nécessitant une intervention vitale dans de brefs délais (tumeur
envahissante, anévrysme en voie de rupture, fracture invalidante, etc). Dans cette situation, trois
solutions sont possibles (Figure 3.20) [36,50].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
110
Coronaropathie instable + opération vitale
Opération semi-élective
mais vitale
Délai possible
≥ 6 semaines
Opération
semi-urgente
Délai possible
2-4 semaines
Opération urgente
Délai impossible
Coronarographie
PCI +
stent passif
ou PAC
Eventuellement
PCI sans stent
Pas de
coronarographie
Pas de PCI
Opération + β-bloqueur
+ aspirine + clopidogrel* + statine
Délais après stent actif :
Risque thromb élevé: > 12 mois
ème
DES 2
génération: 6 mois
ème
DES 2
gén, risque thombotique
faible, chirurgie vitale: 3 mois
Coronaropathie stable :
opération + β-bloqueur
+ traitement en cours
Pas de
revascularisation
© Chassot 2016
Figure 3.20 : Algorithme d'évaluation du patient souffrant de maladie coronarienne instable devant subir une
intervention urgente ou vitale (exemples: anévrysme, tumeur, fracture invalidante, drainage d'abcès, obstruction
ou infection digestive) [29]. Syndrome coronarien instable : angor instable (stade IV), angor de repos ou
persistant, non-réactivité aux nitrés, modification récente de la symptomatologie angineuse, période précoce (612 semaines) après revascularisation. PCI : angioplastie coronarienne percutanée. * : le clopidogrel peut être
remplacé par le ticagrelor ; les mêmes prescriptions s’appliquent aux deux substances. Les médicaments de
substitution (tirofiban, eptifibatide, cangrelor) en perfusion peuvent être requis en préopératoire si le risque
hémorragique est élevé.

L’opération peut être renvoyée de 6-8 semaines. Ceci permet de procéder à une PCI avec pose
de stents passifs et à une bithérapie antiplaquettaire de 6 semaines, ou à des pontages aortocoronariens (prescription d’aspirine mais non de clopidogrel) ; lorsque le délai entre la
revascularisation et la chirurgie est court, les PAC offrent une meilleure protection que les
stents [54]. L’opération est planifiée à > 4-6 semaines.
 Le délai possible pour l’intervention non-cardiaque n’est que de 2-4 semaines. En cas de flux
coronaire très instable, de sténose très proximale (tronc commun) ou de vaste zone de
myocarde à risque, on peut envisager une angioplastie simple sans pose de stent. En effet,
l’incidence de décès et d’infarctus liés à la chirurgie non-cardiaque pratiquée 2-4 semaines
après angioplastie simple est la même que 3 mois plus tard [13]. Bien que de nombreux
cardiologues y soient réticents à cause de l’imprévisibilité des résultats, cette attitude est une
stratégie défendable pour revasculariser des patients qui doivent être opérés dans de brefs
délais. La seule alternative est l’abstention de toute manoeuvre.
 Si l’opération doit avoir lieu dans les 24-72 heures, aucune revascularisation n’est
souhaitable ; une coronarographie est inutile parce que ses conclusions ne modifieront pas le
choix thérapeutique. Tout au plus, une échocardiographie transthoracique pourra déterminer la
fonction ventriculaire et la présence d’éventuelles valvulopathies qui influenceront sur le
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
111
choix de la technique d’anesthésie. Dans de rares cas de chirurgie vasculaire, on peut
envisager une intervention combinant simultanément des pontages aorto-coronariens et la
chirurgie non-cardiaque [50].
Dans toutes ces circonstances, il est recommandé d’opérer les malades sous traitement périopératoire
continu de β-bloqueur, aspirine, statine, clopidogrel (dose de charge 300-600 mg, puis 75 mg/j) ou
ticagrelor (dose de charge 180 mg, puis 2 x 90 mg/j), éventuellement anticoagulants. Ces médicaments
sont continués jusqu’à la prémédication et repris le plus tôt possible après l’intervention. Le prasugrel
est déconseillé à cause de son risque hémorragique excessif au cours de la chirurgie. Les stents actifs
ne sont pas une option dans ces circonstances, car l’intervention chirurgicale aurait lieu pendant la
période de ré-endothélialisation, lorsque le risque de thombose est le plus élevé. Des stents actifs de
2ème génération ne sont envisageables que si l'intervention chirurgicale peut attendre au moins 3 mois.
La thrombose de stent ou la rupture de plaque instable périopératoire se caractérise pas l’apparition
d’un infarctus de type STEMI, le plus souvent accompagnée d’un choc cardiogène. Cette pathologie
réclame un traitement agressif et rapide, à savoir une angioplastie dans les 90 minutes. C’est la raison
pour laquelle les cas à haut risque doivent être pris en charge dans des institutions qui ont la capacité
de procéder à une PCI à n’importe quelle heure du jour et de la nuit.
Antiplaquettaires en périopératoire (II)
Aspirine ou clopidogrel en prévention primaire : stop 3-5 jours
Aspirine ou clopidogrel en prévention secondaire : pas d’interruption
Aspirine + clopidogrel/ticagrelor/prasugrel, risque cardiovasculaire bas : continuer aspirine,
interrompre clopidogrel/ticagrelor 5 jours, prasugrel 7 jours
Aspirine + bithérapie, risque cardiovasculaire élevé, chirurgie élective :
- Renvoi à 3 mois après AVC, BMS, PAC
- Renvoi à 6-12 mois après infarctus
- Renvoi à 6 mois après DES 2ème – 3ème génération
- Renvoi à 12 mois après DES 1ère génération ou syndrome coronarien aigu (SCA)
- Continuer l’aspirine sans interruption
Aspirine + bithérapie, risque cardiovasculaire élevé, chirurgie vitale :
- Maintenir aspirine + bithérapie
- Si arrêt nécessaire clopidogrel/prasugrel, éventuelle substitution avec eptifibatide ou tirofiban
Risque clopidogrel seul = risque aspirine seule
Prasugrel : mêmes prescriptions que pour le clopidogrel, mais arrêt 7 jours préopératoires car risque
hémorragique plus élevé
Ticagrelor: arrêt 5 jours préopératoires; si intervention vitale: arrêt de 3 jours possible
Les antiplaquettaires sont repris dans les 24 heures postopératoires, éventuellement avec une dose de
charge de clopidogrel lorsque l’interruption est de ≥ 5 jours. Les patients à risque doivent être opérés
dans une institution disposant de toutes les facilités pour pratiquer une angioplastie coronarienne en
urgence.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
112
Anesthésie rachidienne et antiplaquettaires
L'ALR rachidienne n'étant pas une technique indispensable, il est de rigueur d'être très prudent dans ses
indications, notamment en respectant des délais prolongés après l'arrêt des substances qui modifient la
coagulation (risque d'hématome spinal). D'autre part, le risque d'occlusion de stent ou de thrombose
vasculaire est beaucoup plus élevé (morbi-mortalité 20-35%) que le bénéfice attendu d'une ALR
rachidienne. L’interruption des antiplaquettaires prescrits en prévention secondaire est injustifiée dans
le seul but de pratiquer une rachianesthésie ou une péridurale, car le taux de complications
cardiovasculaires de cet arrêt est largement supérieur au bénéfice escompté de la loco-régionale.
Délais d'interruption du traitement antiplaquettaire recommandés pour procéder à une anesthésie
rachidienne (rachianesthésie ou péridurale):
- Aspirine
si ≤ 300 mg/j : pas d'interruption
si > 300 mg/j: arrêt 5 jours
- Clopidogrel
5-7 jours
- Aspirine + clopidogrel
7 jours
- Prasugrel
7-10 jours
- Ticagrelor
5 jours
- Cilostazol
3-5 jours
- Abciximab
3-5 jours
- Tirofiban, eptifibatide
8 heures
Par sécurité, il est prudent d'appliquer les mêmes délais à tous les blocs nerveux, à l'exception des blocs
superficiels périphériques.
Transfusion de plaquettes
Il n’y a pas d’antidote aux antiplaquettaires. Lorsqu’ils sont irréversibles, leur effet ne disparaît que
par le renouvellement des plaquettes (10% par jour). Le sang récupère une capacité coagulatoire
normale dès que la moitié des thrombocytes est fonctionnelle. Dans l’attente, seule une transfusion de
thrombocytes frais peut rétablir la coagulabilité sanguine. Le taux plasmatique d’une substance étant
négligeable après 3 demi-vies (12.5% du taux initial), on peut estimer que les plaquettes transfusées
fonctionneront normalement, alors que celles du patient sont encore bloquées, dans un délai de 24
heures après la dernière prise de clopidogrel, (demi-vie 8 heures) et de 12 heures après la dernière
prise de de prasugrel (demi-vie 4 heures). La liaison de la thiénopyridine avec le récepteur bloque la
molécule sur la plaquette et l’empêche de diffuser vers les nouvelles plaquettes. L’effet clinique ne
dépend donc pas du taux sérique de la substance.
La situation est différente pour un inhibiteur réversible comme le ticagrelor, qui n’immobilise pas la
plaquette pour toute sa durée de vie. La demi-vie du ticagrelor est de 7 heures, mais celle de son
métabolite actif (30-40% de l’activité totale) est de 10-13 heures. Le taux plasmatique n’est donc
négligeable qu’après 39 heures [40]. Mais à cause de sa liaison réversible avec le récepteur, le
ticagrelor a la capacité de diffuser entre les plaquettes en fonction de l’équilibre de masse, de se lier
aux nouvelles plaquettes mises en circulation, et de migrer sur les plaquettes fraîchement transfusées.
La transfusion plaquettaire perd alors de son efficacité. Dans ce cas, l’inhibition de l’agrégabilité est
directement proportionnelle au taux sérique pour toutes les plaquettes. Bien qu’il n’augmente pas le
risque hémorragique par rapport au clopidogrel, le ticagrelor altère considérablement l’efficacité d’une
transfusion plaquettaire pendant les 2-3 jours qui suivent la dernière prise, si bien que l’hémorragie,
lorsqu’elle survient, est plus difficile à juguler.
Parmi les anti-GP IIb/IIIa, le tirofiban et l’eptifibatide, inhibiteurs compétitifs, ont des demi-vies
brèves (2 et 2.5 heures respectivement), alors que celle de l’abciximab, bloqueur irréversible, est de 23
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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heures. Les plaquettes transfusées redeviennent donc fonctionnelles 6-8 heures après l’administration
de tirofiban ou d’eptifibatide, mais seulement 72 heures après l’arrêt de la perfusion d’abciximab.
Toutefois, une transfusion prophylactique de plaquettes est contre-indiquée, car rétablir une
agrégabilité normale par l’administration de thrombocytes actifs en grand nombre peut déclencher une
thrombose au niveau de plaques instables ou dans des stents non encore endothélialisés. Il est capital
d’opérer ces patients dans un état d’hypocoagulabilité délibérée pour les protéger de la thrombose, et
de ne leur octroyer des agents procoagulants que dans la mesure où l’hémorragie est excessive.
Transfusion plaquettaire
Théoriquement, les plaquettes fraîches ou transfusées fonctionnent normalement dès que le taux
plasmatique des antiplaquettaires devient négligeable après 3 demi-vies :
- Clopidogrel
24 heures
- Prasugrel
12 heures
- Ticagrelor
38-72 heures
- Tirofiban, eptifibatide 6-8 heures
- Abciximab
72 heures
Ceci est vrai pour les bloqueurs irréversibles (clopidogrel, prasugrel, aspirine et abciximab), avec
lesquels il faut attendre le renouvellement des plaquettes (10% / jour) pour obtenir une normalisation de
la coagulation. Avec les antiplaquettaires à effet réversible (ticagrelor, tirofiban, eptifibatide), un délai
de 3 demi-vies n’est pas suffisant, car ces substances ont la capacité de diffuser entre les plaquettes en
fonction de l’équilibre de masse, de se lier aux nouveaux thrombocytes mis en circulation, et de migrer
sur les plaquettes fraîchement transfusées, réduisant ainsi l’efficacité de la transfusion plaquettaire.
Moyens thérapeutiques en cas d’hémorragie excessive sous antiplaquettaires :
- Transfusion de plaquettes
- Acide tranexamique (2 gm)
- Desmopressine (0.3 mcg/kg)
- Complexe prothrombinique, fibrinogène, facteurs de coagulation selon défauts
- Mesure de sauvetage : facteur rVIIa (20 mcg/kg)
Il est capital d’éviter la normalisation de la fonction thrombocytaire, car elle augmente dangereusement
le risque thrombotique chez les malades sous antiplaquettaires. Les patients à risque élevé de thrombose
vasculaire doivent être maintenus dans un état d’hypocoagulabilité volontaire. La transfusion
plaquettaire ne doit pas être prescrite à titre de prophylaxie, mais seulement en fonction du degré
d’hémorragie.
Postopératoire
Comme le syndrome inflammatoire et l’hypercoagulabilité sont maximales dans la période
postopératoire immédiate, il importe de reprendre le traitement antiplaquettaire dans les premières 24
heures après l’intervention. Si la voie orale est contre-indiquée, l’aspirine peut s’administrer par voie
intraveineuse (Aspégic® 250 mg) et le clopidogrel par sonde gastrique. Si ce dernier a été interrompu
pendant quelques jours, une dose de charge (300 mg) est théoriquement nécessaire pour rétablir l’effet
rapidement et contrebalancer la compétition sur le cytochrome hépatique par certains agents
d’anesthésie, mais le risque hémorragique est en général trop élevé et le traitement est repris le plus
souvent par une dose d’entretien dans les 24 heures.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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La thrombose de stent ou la rupture de plaque instable se caractérise pas l’apparition d’un infarctus de
type STEMI, le plus souvent accompagnée d’un choc cardiogène. Cette pathologie réclame un
traitement agressif et rapide, à savoir une angioplastie dans les 90 minutes. C’est la raison pour
laquelle les cas à haut risque doivent être pris en charge dans des institutions qui ont la capacité de
procéder à une PCI à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Mais la pose de stent est
problématique, car on est au pic de la réactivité plaquettaire et du syndrome inflammatoire. Les
mauvais résultats de la revascularisation coronarienne dans le postopératoire immédiat (mortalité
35%) plaident en faveur d’un maintien à tout prix des antiplaquettaires en préopératoire [5].
Ischémie postopératoire
La thrombose de stent/rupture de plaque instable provoque un infarctus STEMI avec choc cardiogène
nécessitant une revascularisation de toute urgence. Les patients à risque doivent donc être opérés dans
une institution disposant de toutes les facilités pour pratiquer une angioplastie coronarienne en urgence.
Références
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Les anticoagulants
Délais préopératoires
La demi-vie d’élimination des substances conditionne le délai qu’il faut prévoir entre l’interruption du
traitement et l’acte chirurgical (Tableau 3.10).
Tableau 3.10
Pharmacocinétique des anticoagulants et des antiplaquettaires
Héparine non-fractionnée
HBPM prophylactique
HBPM thérapeutique
Fondaparinux
Dabigatran
Rivaroxaban
Apixaban
Edoxaban
Acénocoumarol
Warfarine
Phénprocoumone
Bivalirudine
Argatroban
Aspirine
Clopidogrel
Prasugrel
Ticagrelor
Tirofiban
Eptifibatide
Abciximab
Mécanisme
Pic*
Inhibit indirect thrombine & Xa
Inhibit indirect Xa & thrombine
Inhibit indirect Xa & thrombine
Inhibiteur indirect facteur Xa
Inhibiteur direct thrombine
Inhibiteur direct facteur Xa
Inhibiteur direct facteur Xa
Inhibiteur direct facteur Xa
Inhibit fact vit K-dépendants
Inhibit fact vit K-dépendants
Inhibit fact vit K-dépendants
Inhibiteur direct thrombine
Inhibiteur direct thrombine
Bloc irréversible récept COX1
Bloc irréversible récept ADP
Bloc irréversible récept ADP
Bloc réversible récept ADP
Bloc révers récept GP IIb/IIIa
Bloc révers récept GP IIb/IIIa
Bloc irrévers récept GP IIb/IIIa
5 min
3-5 h
3-5 h
1.7 h
1-2 h
2-4 h
3-4 h
1-2 h
4 jours
4 jours
7 jours
10 min
15 min
<1h
3-8 h
1h
2h
30 min
20 min
10 min
tβ1/2
1-2.5 ha
4-5 h
4-5 h
16 h
9-15 h
6-12 h
12 h
10-14 h
11h
40 h
140 h
30 min
1h
1.5 h
8h
4h
10 h
2h
2.5 h
30 min
Elimination**
Monitorage***
Hépatique, SRE
Rénale
Rénale
Rénale
Rénale
Foie (2/3), reins (1/3)
Foie (3/4), reins (1/4)
Foie (1/2), reins (1/2)
Hépatique
Hépatique
Hépatique
Plasma, reins (1/4)
Hépatique
Rénale
Plasma, reins
Rénale
Foie (2/3), reins (1/3)
Rénale
Rénale
Rénale
aPTT, ACT
anti-Xa, (TT)
anti-Xa, (TT)
anti-Xa
anti-IIa,TT, (aPTT)b
anti-Xa, (TP)
anti-Xa, (TP)
anti-Xa, (TP)
TP, INR
TP, INR
TP, INR
aPTT, (TP)
(aPTT), (ACT)
Test agrégabilité
Test agrégabilité
Test agrégabilité
Test agrégabilité
Test agrégabilité
Test agrégabilité
Test agrégabilité
* Délai entre l'administration et le pic d'activité/concentration.
** La proportion de substance éliminée par les reins varie dans les publications selon qu'elle est calculée à partir de la dose
totale ingérée ou de la dose réellement absorbée (dépendant de la biodisponibilité); dans le deuxième cas, la proportion
éliminée par les reins est plus grande.
*** Les tests entre parenthèse sont modifiés mais n'ont pas de valeur quantitative pour doser l'effet de la substance.
a : Demi-vie variable selon la dose.
b : Des tests particuliers comme la mesure de l’inhibition directe de la thrombine (Hemoclot™) ou le temps de coagulation à
l’écarine (ECT) permettent un dosage du dabigatran.
Test anti-Xa: spécifique à chaque anticoagulant, permet le dosage quantitatif. Test d'agrégabilité: test rapide (VerifyNow™,
Multiplate™, etc) ciblé selon le récepteur (COX-1, ADP ou GP IIb/IIIa).
tβ1/2: demi-vie sérique d'élimination. HBPM : héparine de bas poids moléculaire. SRE: système réticulo-endothélial.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
118
Alors qu’il existe des recommandations claires pour les délais à respecter lors de traitement avec les
héparines et les anti-vitamine K, on ne dispose pas de suffisamment de données sur les nouveaux
anticoagulants pour pouvoir promulguer des règles concernant leur gestion périopératoire. Pour
l’instant, on est contraint de se satisfaire de propositions formulées par des groupes d’experts ; elles
sont basées sur la pharmacocinétique de ces substances [10]. Les délais d’interruption préopératoire
minimaux habituellement proposés sont les suivants (risque hémorragique standard, fonctions
hépatique et rénale normales) [6,10,13].













Héparine non-fractionnée
HBPM prophylactique
HBPM thérapeutique
Fondaparinux (Arixtra®)
Dabigatran (Pradaxa®)
Apixaban (Eliquis®)
Edoxaban (Lixiana®)
Rivaroxaban (Xarelto®)
4h
12 h
24 h (48 heures si clairance créatinine < 50 mL/min)
48 h (4 jours si clairance créatinine < 50 mL/min)
48 h (3-4 jours si clairance créatinine < 50 mL/min)
48 h (2-4 jours si clairance créatinine < 50 mL/min)
48 h (2-4 jours si clairance créatinine < 50 mL/min)
24 h (2-4 jours si clairance créatinine < 50 mL/min)
48 h si risque hémorragique élevé ou âge > 75 ans
Coumarines
5 jours (Marcoumar® 10 jours)
®
Désirudine (Iprivask )
10 h
Bivalirudine (Angiox®)
4h
Danaparoïde (Orgaran®)
48 h
Argatroban (Argatroban Inj®) 4 h
Pour davantage de détails sur ces substances, on se rapportera au Chapitre 8, Les anticoagulants.
Ces délais sont basés sur une attente correspondant à 3 demi-vies d’élimination (taux sérique baissé à
12.5%) pour les cas standards et à 5 demi-vies (taux sérique baissé à 3%) pour les cas à risque
hémorragique élevé; en cas d’insuffisance rénale, ils sont doublés pour les substances éliminées par les
reins [16]. A cause des risques inhérents à l’anesthésie loco-régionale, il est préférable d’attendre 5
demi-vies avant une ponction neuraxiale [6,9]. Vu le manque d’expérience clinique avec les nouveaux
anticoagulants et la non-disponibilité de leurs antagonistes sur le marché (sauf pour le dabigatran), il
est nécessaire de rester extrêmement prudent avec les indications à l’ALR rachidienne chez les
patients recevant l’un de ces médicaments. En comptant un délai de 3 demi-vies et en prenant les
valeurs hautes pour la demi-vie plasmatique de chacune des substances, on peut recommander, lorsque
la fonction rénale est normale, d’attendre 48 heures pour tous les nouveaux anticoagulants oraux
(NOAC), sauf pour le rivaroxaban dans les interventions simples chez des malades sans comorbidité
où ce délai peut être ramené à 24 heures. Pour les substances à élimination rénale, le délai est prolongé
à 2-4 jours lorsque la clairance de la créatinine est < 50 mL/min [7]. Les interventions mineures sans
risque hémorragique (dentisterie, ophthalmologie, chirurgie de paroi, etc) se déroulent sans
interruption des NOAC, en prenant toutefois soin d’opérer lorsque le taux sérique est bas (entre 12 et
18 heures après la dernière prise).
Gestion périopératoire détaillée
La gestion des anticoagulants en préopératoire peut se résumer comme suit (Tableau 3.11) [6,8,13,16].
 Héparine non-fractionnée (HNF); interruption de la perfusion 4-6 heures préopératoires. Idem
pour la bivalirudine.
o Contrôle: aPTT, ACT.
o Antidote spécifique: protamine.
 Héparines de bas poids moléculaire (HBPM); la durée de l’interruption est fonction de la dose
sous-cutanée.
o HBPM prophylactique (10’000-12’000 UI/24 h): interruption 12 heures.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
119
HBPM thérapeutique (≥ 20’000 UI/24 h): interruption 24 heures; éventuelle
substitution par HNF intraveineuse pendant 12-20 heures.
o Contrôle de l’effet résiduel : effet anti-Xa.
o Antidote partiel: protamine.
Fondaparinux (Arixtra®): interruption de 48 heures.
o Délai étendu à 4 jours si la clairance de la créatinine est < 30-50 mL/min.
o Substitution si risque thrombo-embolique très élevé: HNF iv dès 24 heures après la
dernière dose.
o Contrôle de l’effet résiduel : effet anti-Xa.
o Pas d’antidote spécifique.
Anti-vitamine K (AVK); arrêt préopératoire de 5 jours (warfarine, acénocoumarol) à 10 jours
(phenprocoumone). Une valeur d’INR < 2.0 est en général suffisante pour procéder à une
chirurgie à risque hémorragique modéré, alors qu’un INR < 1.5 est requis pour une chirurgie
majeure. Contrôler l’INR 24 heures avant la chirurgie. L’interruption des AVK n’est pas
nécessaire avant la chirurgie dermatologique, la dentisterie, l’ophthalmologie (cataracte),
l’endoscopie ou la pose de pace-maker (algorithme décisionnel: voir ci-dessous Substitution).
o Substitution si risque thrombo-embolique élevé: HNF dès 48-72 heures après la
dernière dose.
o Antidote spécifique: vitamine K (Konakion®) 2.5-5 mg iv/12 h en cas d’urgence;
l’effet n’est obtenu qu’après 12 heures.
o Antidote non-spécifique: complexe prothrombinique (en urgence).
Dabigatran (Pradaxa®); délai d’interruption préopératoire 48 heures, rallongé en fonction du
risque hémorragique de l’intervention et en fonction inverse de la clairance de la créatinine.
o Délai de 3-4 jours si clairance créatinine < 50 mL/min.
o Contrôle de l’effet résiduel : temps de thrombine (TT), Hemoclot™ ; aPTT normal :
pas d’effet résiduel.
o Antidote spécifique: idarucizumab (Praxbind®), autorisé depuis novembre 2015 en cas
d'hémorragie aiguë sur dabigatran.
Rivaroxaban (Xarelto®), apixaban (Eliquis®), Edoxaban (Lixiana®); l’interruption du
traitement pendant 24 heures (rivaroxaban) ou 48 heures (apixaban, edoxaban) est en général
suffisante, vu leur courte demi-vie.
o Délai étendu à 48 heures pour le rivaroxaban en cas d’opération à risque
hémorragique élevé ou d’âge > 75 ans.
o Délai étendu à 2-3 jours si la clairance de la créatinine est < 50 mL/min.
o Contrôle de l’effet résiduel : activité anti-Xa. TP normal : pas d’effet résiduel. TT,
fibrinogène, facteur XIII et D-dimères ne sont sont pas influencés.
o Antidote spécifique (andexanet alfa) en fin d'essai clinique mais pas encore
commercialisé.
o




Chez les malades à risque ou dans les cas d’urgence, la durée de l’interruption préopératoire des
NACO peut être décidée en fonction du taux plasmatique (dosé par l’effet anti-Xa ou anti-IIa). Si ce
dernier est élevé (> 100 ng/mL), il est préférable de prolonger le délai ; comme l’effet clinique est
proportionnel à ce taux, il n’y a pas lieu de prévoir de substitution puisque le malade est suffisamment
anticoagulé.
En se basant sur leur demi-vie, on peut formuler une recommandation simple pour le délai
d’interruption préopératoire des nouveaux anticoagulants oraux (NACO) [16,21].





Opération urgente: attendre au moins 1 demi-vie;
Opération à risque hémorragique modéré: attendre 3 demi-vies;
Opération très hémorragique, âge > 75 ans ou insuffisance rénale: attendre ≥ 5 demi-vies ;
Anesthésie loco-régionale (ALR) rachidienne, blocs profonds : attendre 5 demi-vies ;
D’une manière générale, le délai standard est de 48 heures (sauf rivaroxaban: 24 heures); le
délai de sécurité avant une intervention très hémorragique est de 3 jours (2 jours pour le
rivaroxaban).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
120
 L’absence d’antidote pour les NACO contraint à une attitude plutôt conservatrice et prudente.
Tableau 3.11
Délais proposés pour l’interruption préopératoire des anticoagulants et des antiplaquettaires*
Héparine non-fractionnée
iv, scut
HBPM prophylactique
scut
HBPM thérapeutique
scut
Fondaparinux (Arixtra®)
scut
Dabigatran (Pradaxa®)
po
Rivaroxaban (Xarelto®)
po
Apixaban (Eliquis®)
po
Edoxaban (Lixiana®, Savaysa®)
po
Acénocoumarol (Sintrom®)
po
Warfarine (Coumadine®)
po
Phénprocoumone (Marcoumar®) po
Bivalirudine (Angiox®)
iv
Argatroban (Argatroban Inj®)
iv
Aspirine
po
Clopidogrel (Plavix®)
po
Prasugrel (Efient®)
po
Ticagrelor (Brilique®, Brilinta®)
po
Tirofiban (Aggrasta®)
iv
Eptifibatide (Integrilin®)
iv
Abciximab (ReoPro®)
iv
Chirurgie
générale
Chirurgie
cardiaque**
Age > 75 ans
Clairance créat
< 50 mL/min
4-6 h
12 h
24 h
48 h
48 h
≥ 24 h
48 h
48 h
4 jours
6 jours
10 jours
2-4 h
4h
3-5 jours
5 jours
7 jours
5 jours
6 heures
8 heures
72 heures
6h
12 h
24 h
≥ 72 h
> 48 h
48 h
72 h
72 h
4 jours***
6 jours***
10 jours***
4h
4h
5 jours
5-7 jours
10 jours
5 jours
6-10 heures
12 heures
≥ 72 heures
4-6 h
12 h
24 h
≥ 72 h
> 48 h
48 h
48 h
48 h
4 jours***
6 jours***
10 jours***
4h
4h
5 jours
5-7 jours
contre-indiqué
5 jours
6-10 heures
12 heures
72 heures
4-6 h
24 h
48 h
4 jours
3-4 jours
2-4 jours
2-4 jours
2-4 jours
4 jours
6 jours
10 jours
6h
4h
5 jours
5 jours
7 jours
5 jours
12-24 heures
24 heures
72 heures
* Règle générale de sécurité déterminant la durée de l'interruption préopératoire (chirurgie élective): 3 demi-vies pour la
chirurgie générale et 5 demi-vies pour les situations à risque; doublement de la durée en cas d'insuffisance rénale pour les
substances à élimination rénale. Urgences: attendre si possible ≥ 1 demi-vie. Les durées mentionnées sont indicatives et
correspondent à un compromis entre la diminution du risque hémorragique et l'augmentation du risque thrombo-embolique
lors de l'interruption thérapeutique; pour les AVK, prévoir une substitution par HNF ou HBPM en cas de risque thromboembolique élevé. Tenir compte de la combinaison de situations augmentant l'effet pharmacologique.
** Chirurgie cardiaque et situations à risque: chirurgie à haut risque hémorragique (voir ci-dessous), combinaison
médicamenteuse augmentant le risque hémorragique.
Chirurgie à haut risque hémorragique: opérations accompagnées de pertes sanguines massives et d'hémostase difficile,
opérations dans un espace clos (neurochirurgie intracrânienne et intrarachidienne, chirurgie de la chambre postérieure de
l'œil).
*** Contrôle de l'adéquation du délai par la valeur du TP (> 75%) / INR (< 1.5).
Reprise postopératoire: J1 si risque hémorragique faible, J2-3 si risque hémorragique élevé.
Gestion périopératoire des anticoagulants
D’une manière générale, les délais d’interruption préopératoire sont basés sur la demi-vie de la
substance ; ils sont doublés en cas d’insuffisance rénale pour les substances éliminées par les reins.
- Opération urgente : attendre au moins 1 demi-vie
- Opération à risque hémorragique modéré : attendre 3 demi-vies
- Opération à risque hémorragique élevé, ALR rachidienne : attendre 5 demi-vies
Une substitution par de l’HNF est envisagée seulement dans les cas à risque thrombo-embolique
élevé si l’interruption dure > 48 heures.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
121
Délais périopératoire des anticoagulants
Délais recommandés entre la dernière prise d’anticoagulant et l’acte chirurgical :
- Héparine non-fractionnée
4h
- HBPM (prophylactique)
12 h
- HBPM (thérapeutique)
24 h (48 h si Cl créat < 50 mL/min)
- Fondaparinux
48 h (4 jours si Cl créat < 50 mL/min)
- Dabigatran
48 h (3-4 jours si Cl créat < 50 mL/min)
- Apixaban
48 h (2-3 jours si Cl créat < 50 mL/min)
- Rivaroxaban
24-48 h selon âge et risque hémorragique
(≥ 3 jours si Cl créat < 50 mL/min)
- Coumarines
5 jours (Marcoumar 10 jours) ; substitution nécessaire
En comptant un délai de 3 demi-vies et en prenant les valeurs hautes pour la demi-vie plasmatique de
chacune des substances, on peut recommander, de manière simplifiée, d’attendre 48 heures pour tous
les NOAC, sauf pour le rivaroxaban dans les interventions simples chez des malades sans
comorbidité où ce délai peut être ramené à 24 heures. Le délai pour la reprise de l’anticoagulant
dépend du risque hémorragique, de la qualité de l’hémostase et du degré de menace thromboembolique, mais il est en général de 12-48 heures.
Tests de laboratoire
Les valeurs des tests coagulatoires recherchées avant une intervention chirurgicale ou une anesthésie
rachidienne (intrathécale, épidurale) sont les suivantes :






INR < 1.5 ;
TP > 75% ;
aPTT ≤ 35 sec ;
ACT < 120 sec ;
Fibrinogène ≥ 1.5 g/L ;
Thrombocytes ≥ 70’000/mcL.
En préopératoire, le degré d’anticoagulation obtenu par les différents médicaments est évalué par un
certain nombre de tests (voir Tableau 8.4 page 20, et Chapitre 8, Monitorage) [4].
 Antivitamine K : TP et INR.
 Héparine non-fractionnée (HNF) : aPTT (dosages standards), ACT (dosages élevés).
 Héparines à bas poids moléculaire (HBPM) : effet anti-Xa (spécifique) ; aPTT (modification
non-quantitative).
 Fondaparinux (Arixtra®) : effet anti-Xa calibré.
 Dabigatran (Pradaxa®) : effet anti-IIa, Hemoclot™ (spécifiques) ; TT, aPTT (nonquantitatifs).
 Rivaroxaban (Xarelto®), apixaban (Eliquis®), edoxaban (Lixiana®) : effet anti-Xa calibré
(spécifique) ; TP (non-quantitatif, valable seulement en présence d’un réactif sensible au
rivaroxaban comme la Néoplastine Plus).
Un test normal indique que le malade n’est plus sous l’effet de la substance anticoagulante, mais il n’y
a pas de relation claire entre la valeur quantitative des résultats de laboratoire et l’importance du risque
hémorragique peropératoire [14]. Avec les HBPM, le fondaparinux et les NACO, le dosage doit être
effectué à distance du pic de concentration (8-12 heures après la dernière prise). Malheureusement, on
ne dispose d’aucune donnée clinique permettant de définir une valeur-seuil en dessous de laquelle le
risque hémorragique est normal [7].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
122
Antagonisme
Le renversement de l'anticoagulation est nécessaire en cas d'hémorragie grave ou d'intervention
chirurgicale intermédiaire ou majeure. Un antagonisme prophylactique n’est recommandé que lors
d’opérations à haut risque hémorragique chez des malades à faible risque thrombo-embolique. Les
patients ne doivent pas être équilibrés uniquement en fonction des besoins peropératoires, car la
normalisation de la coagulation présente un danger majeur d’accident vasculaire thrombo-embolique
chez les malades anticoagulés (voir Chapitre 8 Antagonisme). Les anticoagulants classiques possèdent
un antidote éprouvé qui permet d’en renverser l’effet.
 Héparine non-fractionnée (HNF): protamine. Un mg de protamine (100 UI) neutralise 1 mg
d'héparine (100 UI).
 Héparines à bas poids moléculaire (HBPM): la protamine est un antagoniste partiel. Une
neutralisation de 60% de l’effet anticoagulant est possible à raison de 1 mg de protamine pour
100 UI d’effet anti-Xa (dose maximale : 50 mg), à la condition d’être à moins de 8 heures
après l’administration.
 Agents anti-vitamine K: vitamine K (Konakion®) intraveineuse (2.5-5.0 mg, éventuellement
10 mg) administrée en > 20 minutes; effet maximal après 12-24 heures.
Les nouveaux anticoagulants anti-Xa et anti-thrombine présentent moins de risque hémorragique que
les AVK: réduction des hémorragies intracrâniennes de 51%, de l'ictus de 19% et de la mortalité de
10% [18]. Il est moins fréquemment nécessaire de devoir renverser leur effet parce que leur demi-vie
ne dépasse pas 12 heures. Vu cette demi-vie assez courte, le temps est leur antagoniste le plus simple ;
plus on attend, plus le risque de saignement diminue. En cas d’hémorragie persistante, on peut recourir
à un renversement non-spécifique, après s’être assuré que la calcémie, l’équilibre acido-basique et la
température du malade sont normaux (voir Chapitre 8, Facteurs de coagulation) [11,12,19].
 Complexe prothrombinique (PCC prothrombin complex concentrate); contient les facteurs II,
IX, X (préparations à 3 facteurs) et du facteur VII (préparations à 4 facteurs). Dosage: 25-50
UI/kg. Permet le renversement partiel de l’effet des xabans sur les tests de coagulation in
vitro, mais inefficace sur le dabigatran.
 Complexe prothrombinique activé (aPCC) et FEIBA® (Factor eight inhibitor bypass activity),
contient les facteurs II, IX, X et VII dont une partie sous formes de facteurs activés. Dosage:
30-50 UI/kg. Meilleure alternative pour le renversement de l’effet du dabigatran, ils sont aussi
plus efficaces que le PCC pour le renversement in vitro du rivaroxaban. Le PCC activé n'est
recommandé que lors d'hémorragie mettant la vie en danger en l'absence d'antidote spécifique
de l'anticoagulant.
 Facteur VII activé (rFVIIa, Novo-Seven®), 90 mcg/kg; le rFVIIa active le facteur X en Xa, ce
qui génère davantage de thrombine. Il peut être indiqué pour contrecarrer les anti-Xa. Bien
qu’il normalise les tests de coagulation, le rFVIIa ne diminue pas significativement les pertes
sanguines. Administré en excès, il présente un risque de thrombose. Bien qu’aucune étude
clinique n’ait démontré de succès clair dans le renversement de l’effet des nouveaux
anticoagulants, le rVIIa pourrait être utile en cas d’hémorragie sur fondaparinux.
 L’ordre d’efficacité croissant pour renverser l’effet des NACO sur les tests de coagulation est :
PCC < rFVIIa < aPCC ; toutefois l’effet est limité et ne dépasse pas 50% de correction.
Le PCC et le FEIBA sont les agents de premier choix dans les circonstances graves. Le plasma frais
décongelé (PFC) est inefficace car il contient de trop faibles concentrations des facteurs et fait courir
un risque de surcharge hémodynamique pour obtenir l’effet désiré (1.5-2 litres de PFC sont
nécessaires pour normaliser le taux des facteurs). Or il ne s’agit pas, avec les NACO, de compenser la
déplétion des facteurs comme dans le renversement des AVK, mais de surmonter leur inhibition par
une substance circulante [11].
Bien que la plupart des tests standards soit modifiée, leur éventuelle normalisation par le traitement
antagoniste n’assure malheureusement pas que l’hémostase soit normale en cours d’opération. D’autre
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
123
part, l’administration de facteurs de coagulation peut améliorer le bilan hémorragique sans que les
tests de laboratoire ne soient significativement modifiés [14]. Il n’existe donc pas de relation linéaire
et fixe entre les résultats de laboratoire et le taux de saignement peropératoire.
A défaut de renverser l’effet anticoagulant, on peut tenter de freiner l’absorption digestive du produit
avec du charbon actif si la dernière prise remonte à moins de 2-3 heures, ou d’éliminer la substance
par filtration : hémodialyse pour le dabigatran, plasmaphérèse pour le rivaroxaban et l’apixaban.
Enfin, il est possible d’atténuer les effets de l’anticoagulation par l’appoint d’un antifibrinolytique
(acide tranexamique, 2 g iv) ou d’une stimulation de la production de facteur VIII (desmopressine 0.3
mcg/kg iv).
La préparation d'antidotes spécifiques pour les NACO avance à grands pas. Il en existe actuellement
trois, dont un est déjà disponible [2,19].
 Idarucisumab (Praxbind®, actuellement commercialisé); liaison irréversible avec le dabigatran.
Normalisation du TT et de l'ECT, cessation de l'hémorragie en 11 heures, hémostase
chirurgicale normalisée dans 94% des cas [17].
o Début de l'action: < 5 minutes.
o Demi-vie: initiale 47 min, terminale 10.3 heures.
o Dosage: 2 x 2.5 g iv en 10 min à 15 minutes d'intervalle.
 Andexanet alfa; fonctionne comme un leurre et séquestre les inhibiteurs du facteur Xa
(xabans). L'activité anti-Xa est réduite de 90% en 5 minutes et l'effet dure 2 heures;
l'hémorragie est réduite de 79% [5]. La substance est en voie de commercialisation (Annexa®)
pour renverser l'effet du rivaroxaban, de l'apixaban et de l'edoxaban.
o Début de l'action: 2 minutes.
o Demi-vie: 6 heures.
o Dosage: 400-800 mg, bolus iv à 30 mg/min, puis perfusion 4-8 mg/min; dose requise
plus élevée pour le rivaroxaban que pour l'apixaban.
 Ciraparantag (aripazine); molécule polyvalente contenant 8 sites de fixation covalente,
efficace pour renverser l'effet des xabans, de l'argatroban, du fondaparinux, du dabigatran et
des héparines. Le temps de coagulation est normalisé en 10 minutes [1].
o Début de l'action: 5-10 minutes.
o Durée d'action de 24 heures.
o Dosage: 100-300 mg en bolus iv.
Le renversement de l'anticoagulation par ces antidotes est excessivement onéreux: une dose de PCC
activé (50 UI/kg) dépasse CHF 5'000.-, et celle de Praxbind® s'élève à CHF 3'400.- [19].
Renversement de l’effet des anticoagulants (I)
Le but est d’atteindre un niveau d’anticoagulation qui soit un compromis acceptable entre les pertes
sanguines peropératoires et le danger de thrombo-embolie postopératoire. Le renversement
prophylactique de l’anticoagulation n’est pas recommandé, sauf dans les opérations à haut risque
hémorragique et chez les malades à faible risque thrombo-embolique. Il n’existe pas de relation
directe entre les résultats de laboratoire et le taux de saignement peropératoire.
Antidotes spécifiques :
- Héparine non-fractionnée : protamine (1 mg protamine pour 1 mg héparine)
- HBPM : la protamine est un antagoniste partiel
- Agents anti-vitamine K : vitamine K (2.5-5 mg iv / 12 h)
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
124
Renversement de l’effet des anticoagulants (II)
Agents non-spécifiques :
- Acide tranexamique (2 gm), desmopressine (0.3 mcg/kg)
- Complexe prothrombinique (facteurs II, IX, X et une dose variable de facteur VII)
- Complexe prothrombinique activé (aPCC), FEIBA® (facteurs II, IX, X et VII partiellement
activés)
- Facteur VII activé (rFVIIa, Novo-Seven®) (mesure de sauvetage)
- Ordre d’efficacité (in vitro): PCC < rFVIIa < aPCC
Antidotes des nouveaux anticoagulants oraux (NACO):
- Idarucizumab (Praxbind®) pour le dabigatran (déjà commercialisé)
- Andexanet alfa pour les xabans
- Ciraparantag pour le dabigatran, l'argatroban, les xabans et les héparines
Substitution
Lorsque l’anticoagulation est assurée pas un agent de longue durée (AVK) et ne peut pas être
interrompue, comme c’est le cas dans la FA à haut risque ou la prothèse valvulaire mécanique, il est
d’usage de relayer le traitement par une héparine de courte demi-vie pour limiter à la durée de
l’intervention chirurgicale le temps pendant lequel le malade est hors de l’effet anticoagulant. Le but
est de trouver le meilleur compromis entre le risque hémorragique chirurgical et le risque thromboembolique de la maladie.
Bien qu’elle soit traditionnellement considérée comme une règle de l’art, la substitution par une
héparine est fortement remise en question, particulièrement pour les nouveaux anticoagulants [3]. En
effet, les études récentes démontrent qu’elle augmente 3 à 5 fois le risque hémorragique sans mettre à
l’abri des complications thrombotiques (incidence inchangée). Une méta-analyse portant sur 7'118
patients sous AVK ayant été substitués par une héparine en préopératoire montre que le risque de
saignement mineur et majeur est accru (HR 5.4 et 3.6, respectivement), alors que le risque thromboembolique est inchangé (HR 0.84) [20]. Un registre prospectif de 2'179 patients sous NACO
(rivaroxaban, apixaban et dabigatran) trouve une incidence d’évènements thrombo-emboliques
similaire chez les patients substitués (1.6%) et chez ceux qui ne le sont pas (0.8%), mais des pertes
sanguines cinq fois plus importantes chez les premiers (2.7%) par rapport aux seconds (0.5%) (OR
5.0) [22]. Dans l’état actuel de nos connaissances, la substitution n’est donc formellement indiquée
que chez les malades à très haut risque thrombotique (score CHADS élevé, prothèse valvulaire) qui
sont sous AVK. Dans les autres situations, elle est n’offre probablement aucun bénéfice et relève
d’une décision au cas par cas. Elle est particulièrement malheureuse dans les circonstances qui sont
des prédicteurs de risque hémorragique : hypertension, dysfonction rénale ou hépatique, ictus,
anamnèse de saignements, INR labile, âge > 65 ans, alcool ou substance contrecarrant la coagulation
(score HAS-BLED ≥ 3) [15].
La prise en charge périopératoire des patients sous AVK est basée sur une stratification du risque
thrombo-embolique en 3 catégories (Figure 8.13 et Tableau 8.8) [6,13].
 Les opérations mineures ou non-hémorragiques (dentisterie, excision cutanée, cataracte,
biopsie, endoscopie, pace-maker, etc) peuvent se dérouler sans interruption des AVK, bien
que le taux de saignement soit 3 fois plus élevé. En périopératoire, l’INR visé est à la limite
inférieure de la zone thérapeutique.
 Arrêt des AVK 5-6 jours avant les interventions à risque hémorragique intermédiaire ou
majeur (Marcoumar® : arrêt 10 jours).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
125
 Substitution avec une héparine 3 jours avant l’opération en fonction du risque thromboembolique.
o Cas à risque thrombo-embolique élevé : HNF 12-15 UI/kg/h en perfusion, sans bolus;
arrêt 4-6 heures avant l’intervention. Alternative : HBPM à dose thérapeutique (250
UI/kg/24 h) en 2 doses quotidiennes sous-cutanées; arrêt 24 heures avant
l’intervention ; si le risque hémorragique est élevé, la dernière administration (24 h
préop) est une demi-dose.
o Cas à risque thrombo-embolique modéré : HBPM à dose thérapeutique (250 UI/kg/24
h) en 2 doses quotidiennes sous-cutanées; arrêt 24 heures avant l’intervention.
Alternative dans les cas à risque hémorragique élevé: HBPM à dose prophylactique
(10’000 UI/24h sous-cut); arrêt 12-24 heures avant l’intervention.
o Cas à risque thrombo-embolique faible : pas de substitution.
 Démarrage de la substitution dès que l’INR est ≤ 2.
 Interruption de l’HNF 4 heures et de l’HBPM 12-24 heures avant l’intervention.
 Risque embolique élevé (< 1 mois après une thrombose veineuse des membres inférieurs ou
du petit bassin) et opération en urgence (substitution impossible): pose d’un filtre amovible
sur la veine cave inférieure.
Les nouveaux anticoagulants oraux (dabigatran, rivaroxaban, apixaban) ont des demi-vies d’environ
12 heures nécessitant une interruption de 24-48 heures, voir 3-4 jours chez les personnes âgées et les
insuffisants rénaux. Généralement, il n’y a pas lieu de mettre en route un relai avec une héparine pour
ces substances, sauf dans les cas à très haut risque de thrombose mais ces derniers sont de préférence
sous AVK [23]. En cas de doute dans le cadre préopératoire, la meilleure attitude est de doser
l’anticoagulant (effet anti-Xa pour le rivaroxaban, l'edoxaban et l’apixaban, Hemoclot™ pour le
dabigatran). Si le taux est élevé, la substitution n’est pas nécessaire ; s’il est bas, l’attente est inutile et
le malade est opérable sans délai.
Tableau 8.8 : Stratification des risques thrombo-emboliques
et substitution des AVK par héparine
Risque
INR visé
Prothèse valvulaire
mécanique
Elevé
INR ≥ 3
Prothèse mitrale
AVC ou AIT récent
(< 6 mois)
Modéré
INR = 2-3
Faible
INR = 2
Fibrillation
auriculaire
Thrombo-embolie
veineuse/artérielle
Substitution
CHADS2 ≥ 5
AVC ou AIT récent
Valvulopathie, RAA
TVP/embolie < 3 m
Thrombose artérielle
Coagulopathie
HNF iv:
12-15 UI/kg/h
HBPM scut:
250 UI/kg/24h
Prothèse aortique
mécanique avec: FA,
AVC, diabète, ICC,
âge > 75 ans
CHADS2 3-4
TVP/embolie 3-12 m
Récidive de TVP
Cancer actif
HBPM scut
10’000-20’000
UI/24h selon
risque hémorr.
Prothèse aortique
mécanique simple
CHADS2 0-2
TVP/embolie > 12 m
0 facteur de risque
En général pas
de substitution
Ce tableau reprend les données du Tableau 8.6 en y incorporant la substitution par l’héparine. CHADS2: score comprenant
5 éléments (congestive heart failure, hypertension, age, diabetes, stroke); chaque élément compte pour 1 point, sauf
l’AVC (stroke S2) qui compte double. ICC: insuffisance cardiaque congestive. m: mois. s: semaine. TVP: thrombose
veineuse profonde. m: mois. INR visé: valeur d’INR recommandée. HNF: héparine non-fractionnée. HBPM: héparine à
bas poids moléculaire. Adapté d’après références 6, 13.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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Substitution préopératoire des anticoagulants
La substitution des AVK par une héparine est réservée aux cas à haut risque thrombo-embolique.
Dans les autres situations, elle augmente 3 à 5 fois le risque de saignement sans diminuer le risque
thrombo-embolique. Elle n’est pas conseillée dans les interventions à haut risque hémorragique ni
chez les malades à bas risque thrombo-embolique. Elle n’est pas recommandée avec les nouveaux
anticoagulants oraux (dabigatran, rivaroxaban, apixaban, edoxaban).
Dans les situations à risque thrombo-embolique élevé (thrombose veineuse profonde récente, FA
CHADS2 > 4, prothèse mécanique mitrale), l’AVK est remplacé par une héparine de courte demivie. Le but n’est pas la normalisation de la coagulation, qui présenterait un danger majeur d’accident
vasculaire, mais le meilleur compromis entre le risque hémorragique chirurgical et le risque
thrombo-embolique de la maladie.
Substitution des AVK :
- Stop AVK 5 jours préop (Marcoumar 10 j)
- Substitution avec une héparine 3-5 jours avant l’opération
- Interruption de l’héparine 4-6 heures (HNF iv) à 24 heures (HBPM scut) préopératoires
Références
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Patient sous traitement par des agents anti-vitamine K (AVK)
Opération urgente
Vitamine K, 2-5 mg iv
PCC en perfusion*
Opération élective
Risque
hémorragique
modéré - élevé
Risque
hémorragique
faible
Stop AVK 5-6 jours préop.
Substitution par héparine selon le risque
thrombo-embolique
Risque thromboembolique faible:
Pas de substitution
J -1: si INR > 1.5,
vit K 1-2 mg po
Reprise AVK 24 h postop
Pas d’interruption
des AVK
Risque de
saignement triplé
Risque thromboembolique
modéré - élevé
J -3: début héparine
J -1: INR > 1.5, vit K 1-2 mg po si risque
hémorragique élevé
Risque thrombo-embolique modéré
Risque thrombo-embolique élevé
HBPM scut: 20’000 UI/24 h
Stop 24 heures préop.
HBPM scut: 10’000 UI/24 h
Stop 12 heures préop.
HNF iv: 20’000-24’000 UI/24 h
Stop 4 heures préop.
HBPM scut: 20’000 UI/24 h
Stop 24 heures préop.
Reprise AVK 24 h postop per os
Reprise héparine 24-72 h postop selon risque de saignements
et qualité de l’hémostase
Stop héparine lorsque INR thérapeutique (J + 5-7)
Figure 8.13: Algorithme de prise en charge des malades sous agents anti-vitamine K (AVK) en préopératoire de
chirurgie non-cardiaque, basé sur le risque hémorragique chirurgical et sur le risque de la maladie thromboembolique (adapté d’après références 6,23). PCC: prothrombin complex concentrate. *: selon pertes sanguines et
non à titre prophylactique.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
128
Les statines
Les inhibiteurs de la 3-hydroxy-3-méthylglutaryl coenzyme A réductase, ou statines, sont très
largement utilisés pour leurs effets hypolipémiants, anti-inflammatoires, anti-oxydants et stabilisateurs
des plaques athéromateuses. En chirurgie cardiovasculaire, ils présentent trois caractéristiques
intéressantes : 1) ils augmentent la production de NO, ce qui diminue l'aggrégation plaquettaire et
améliore la fonction endothéliale ; 2) ils diminuent la réaction inflammatoire et endothéliale à la CEC ;
3) ils freinent la prolifération de la musculature lisse, ce qui diminue le risque de resténose après PCI.
Les statines sont associées à des effets secondaires musculaires ; la plupart du temps mineurs
(faiblesse, crampes myalgies dans 1-5% des cas), ils peuvent aller jusqu'à la rhabdomyolyse et
l’insuffisance rénale aiguë (1/107 cas). Dans le postopératoire, il est important de surveiller la créatinekinase et les transaminases, bien qu’aucun cas n’ait été décrit jusqu’ici.
Les statines offrent une protection majeure contre l'ischémie dans les populations à haut risque.
L’utilisation des statines est associée à une réduction de la mortalité et de la morbidité cardiaques
opératoires de 20-40% [13,16]. Administrée pendant 30 jours avant et 6 mois après l'opération,
l’atorvastatine diminue le taux d'évènements cardiaques de 26% à 8% [7]. Les statines diminuent la
mortalité en chirurgie cardiaque (1.9% versus 3.1%) et en chirurgie vasculaire (1.7% versus 6.1%),
mais elles ont peu d’effet dans les autres types de chirurgie [9]. En chirurgie cardiaque, elles
diminuent non seulement la mortalité (OR 0.57) mais aussi le risque d’AVC (OR 0.74) et celui de
fibrillation auriculaire (OR 0.67) [12]. Lorsqu’on reprend le traitement dès le premier jour
postopératoire, elles diminuent l’incidence d’insuffisance rénale (OR 0.3) [2]. Leur effet sur le risque
d’infarctus est variable, étant plus prononcé lorsque celui-ci est associé à un status inflammatoire
important (OR 0.56) [15]. En chirurgie non-cardiaque, elles diminuent l’incidence d’ischémie
myocardique (OR 0.53) mais ont moins d’effet sur la mortalité cardiaque (OR 0.62) [4]. L'impact est
dose-dépendant et d'autant plus marqué que les patients sont à plus haut risque [14]. L'étude la plus
conséquente compare 2'845 patients sous statines à 4'492 contrôles en chirurgie non-cardiaque; elle
montre une diminution de la mortalité (OR 0.58), de l'ischémie myocardique (OR 0.86) et du taux
d'ictus (OR 0.83) à 30 jours [3]. Deux méta-analyses résument les données actuelles sur le sujet.
 Les statines abaissent la mortalité (OR 0.53), le taux d'infarctus (OR 0.62) et celui d'ictus (OR
0.51), sans effet significatif sur la fonction rénale (OR 0.90) [1].
 Elles diminuent la mortalité (OR 0.53), le taux d'infarctus (OR 0.54) et celui de FA (OR 0.53)
en chirurgie cardiaque; en chirurgie non-cardiaque, les résultats sont superposables pour la
mortalité (OR 0.50) et l'infarctus (OR 0.53), mais il n'y a pas d'effet sur la survenue de FA [6].
Toutefois, le bénéfice de ces substances se perd lorsque l'intervention entraîne des pertes sanguines
importantes et la transfusion de plusieurs flacons de sang [5]. Le degré d’évidence apporté par ces
différentes études justifie la prescription prophylactique de statine en chirurgie cardiaque et en
chirurgie vasculaire, mais pas pour toute la chirurgie non-cardiaque en dehors d'une maladie
cardiovasculaire avérée pour laquelle elles seraient déjà prescrites. Les recommendations concernant
les statines en périopératoire sont donc [8,10] :
 La continuation en périopératoire des statines déjà prescrites est formellement recommandée
(classe I) ;
 En chirurgie cardiovasculaire, la prescription est raisonnable, au minimum 2 semaines avant
l’intervention et 1 mois en postopératoire (classe IIa) ;
 En chirurgie non-vasculaire, les statines peuvent être envisagées chez les patients présentant
des facteurs de risque, mais aucune évidence ne soutient cette option (classe IIb).
L'interruption du traitement provoque un effet rebond dangereux et augmente de trois fois la mortalité
et le risque d’infarctus chez les patients souffrant de syndromes coronariens aigus [11]. Malgré les
faibles risques de rhabdomyolyse, le rapport entre les bénéfices et les dangers penche nettement en
faveur du traitement périopératoire continu. Il est donc recommandé de ne pas interrompre les statines
pour l'intervention, et de les reprendre le plus vite possible en postopératoire. En chirurgie cardio-
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
129
vasculaire, il est raisonnable de les prescrire chez les malades qui n'en prennent pas encore, au
minimum pendant 2 semaines préopératoires et 1 mois postopératoire.
Statines préopératoires
Les statines diminuent significativement le risque cardiovasculaire (ischémie, infarctus, ictus) et la
mortalité en chirurgie cardiaque et en chirurgie vasculaire si le traitement dure au moins 2 semaines
préopératoires et 1 mois postopératoire. La prescription de statines est bénéfique en chirurgie
vasculaire, mais l'évidence du bénéfice est insuffisante dans les autres interventions non-cardiaques.
Le traitement de statine déjà prescrit ne doit pas être interrompu.
Références
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Autres substances
α2-agonistes
La clonidine, la dexmedetomidine et le mivazérol (jamais commercialisé) sont des stimulants α2 et
partiellement α1 qui abaissent la stimulation sympathique et inhibent la libération de nor-adrénaline.
La dexmedetomidine est plus α2-sélective que la clonidine; sa durée d'action est plus courte et son
effet sédatif plus prononcé. Les α2-agonistes ont certains avantages: sédation, effet anti-émétique,
diminution possible des besoins en analgésiques ; ils ne préviennent pas la tachycardie, contrairement
aux β-bloqueurs. D'une manière générale, ils réduisent le taux de tachycardie, d'hypertension et
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
130
d'ischémie peropératoires [6,8]. Dans la plus large méta-analyse publiée jusqu'ici, les α2-agonistes
diminuent la mortalité (RR 0.66) et l'ischémie myocardique (RR 0.68), mais pas l'infarctus (RR 0.921.01); c'est en chirurgie vasculaire que leur effet est le plus marqué [10]. Par contre, ils sont associés à
une augmentation des épisodes d'hypotension de 32%, souvent sévère et parfois difficile à juguler.
L'étude POISE-2, qui porte sur la clonidine, ne trouve pas d'effet sur le taux de mortalité ni d'infarctus
(RR 1.08), mais une augmentation du risque d'arrêt cardiaque (RR 3.2), de bradycardie (RR 1.49) et
d'hypotension (RR 1.3) [1]; dans cette série, l'effet n'est pas différent en chirurgie vasculaire. La
clonidine intraveineuse n’a donc pas d’indication de routine en chirurgie non-cardiaque [2,4]. Les
données sont insuffisantes pour se prononcer sur la dexmedetomidine, mais tout porte à croire que
l'attitude doit être identique [7].
Anticalciques
Les anticalciques diminuent significativement le taux de tachyarythmies et modestement celui
d'ischémie peropératoire, mais non celui d'infarctus ni de décès postopératoires [9] ; ces effets
bénéfiques sont essentiellement dus à l’utilisation de diltiazem.
IEC et AA-II
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les bloqueurs du récepteur de l’angiotensine n’ont pas
d’effet protecteur particulier ; il est habituel de les suspendre 24 heures avant une intervention pour
éviter l’hypotension peropératoire lorsque leur indication est une hypertension artérielle, mais il est
recommandé de les continuer sans interruption lorsque l’indication est une insuffisance ventriculaire
(voir Médication préopératoire, page 11) [4].
Autres agents
Le nicorandil (Dancor®): très utilisé dans le traitement de l'angor, il est un inducteur de
préconditionnement ; il ouvre les canaux KATP, et a de ce fait un effet cardioprotecteur contre
l'ischémie myocardique; il diminue le risque ischémique chez les coronariens en chirurgie abdominale
majeure [3].
Les dérivés nitrés n’ont pas d’effet préventif sur l’incidence d’infarctus ou de décès postopératoire ; ils
n’ont aucune indication prophylactique [4].
Gestion préopératoire des médicaments
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion et bloqueurs du récepteur de l’angiotensine
- Hypertension artérielle : interruption 24 heures
- Insuffisance cardiaque : continuation périopératoire
Clonidine, dexmedetomidine, dérivés nitrés : aucune indication prophylactique
Diurétiques : corriger les perturbations électrolytiques en préopératoire.
L’ivabradine et la ranolazine sont des inhibiteurs spécifiques du noeud du sinus qui réduisent la
fréquence cardiaque sans inhibition sympathique ; elles ne provoquent ni baisse de contractilité ni
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
131
hypotension. Elles peuvent être envisagées en cas de contre-indication aux β-bloqueurs, notamment
parce qu’elles n’ont pas d’effet sur le tissu de conduction. Les résultats encore trop partiels en
périopératoire pour pouvoir formuler des recommandations [5].
Les diurétiques doivent être adaptés en préopératoire afin d’éviter l’hypovolémie et les troubles
électrolytiques ; l’hyponatrémie, l’hypokaliémie et l’hypomagnésémie doivent être corrigées avant
l’intervention.
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Pace-maker et défibrillateur
La consultation préopératoire peut révèler une anamnèse de syncope, de lipothymies, de palpitations
ou de pause dans le rythme cardiaque. Ces éléments doivent toujours éveiller le soupçon et conduire à
des investigations électrocardiographiques, surtout chez les jeunes adultes. Celles-ci peuvent
déboucher sur une indication à un pace-maker ou un défibrillateur (Pour les détails de fonctionnement,
voir Chapitre 20 Anesthésie et arythmies).
Pace-maker temporaire
Les pace-makers sont classés en fonction de la cavité entraînée et du mode d’entraînement au moyen
d’un certain nombre de lettres (Tableaux 3.12 et 3.13) [1,3].
L’indication à placer un pace-maker provisoire en préopératoire repose sur le risque de bradycardie
hémodynamiquement compromettante et sur le risque de passage en bloc AV complet [2]. Les
indications sont les suivantes :

Bradyarythmies
• Bloc complet symptomatique (syncope, palpitation, angor),
• Maladie du sinus symptomatique,
• Fréquence < 30 batt/min.
 Tachyarythmies
• Overdrive de torsades de pointe.
 Prophylactique
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
132
•
•
•
Mobitz II ou BB après infarctus,
Bloc de haut degré avant chirurgie majeure,
Défaut d’un pace-maker permanent.
La présence de symptômes (syncope, arythmie) est capitale pour l’indication à un pace-maker
temporaire, car il n’existe aucune évidence que l’anesthésie puisse être une cause de progression vers
un bloc AV complet. De fait, l’acte chirurgical ne modifie pas l’indication à un entraînement
électrosystolique ; les mêmes critères s’appliquent en préopératoire et en-dehors d’un contexte
chirurgical.
Indications au pace-maker préopératoire
Bloc complet ou bradyarythmie symptomatique
Mobitz II ou BB après infarctus
Défaut de pace-maker permanent
Tableau 3.12
Dénomination des codes de pace-maker
1 : chambre entraînée
A = oreillette
V = ventricule
D = double chambre (A + V)
O = aucune
2 : chambre détectée
A = oreillette
V = ventricule
D = double chambre (A + V)
O = aucune
3 : réponse à la détection
I = inhibée
T = stimulée
D = double (inhibée et stimulée)
O = aucune
4 : programmation
R = modulation de fréquence
(senseur dans le boîtier)
O = aucune
5 : entraînement multisite
A = oreillette
V = ventricule
D = double chambre (A + V)
O = aucune
Référence : codes NASPE/BPEG [3].
Pace-maker implanté permanent
Le critère majeur pour l’indication au pace-maker est la présence de symptômes clairement en relation
avec le trouble du rythme [5]. Les indications reconnues sont les suivantes.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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
Dysfonction du nœud du sinus :
• Bradycardie sinusale, pause ou arrêt sinusal, bloc sino-auriculaire, souvent associé à
une tachydysrythmie paroxystique supraventriculaire ;
• Hypersensibilité du sinus carotidien : asystolie de > 3 secondes avec chute importante
de la pression artérielle, due à un arrêt sinusal ou à un bloc AV.
 Blocs de conduction :
• BAV III : intermittent ou permanent ;
• Bloc AV II : le BAV II de type 2 (Mobitz II) évolue fréquemment vers un BAV
complet ; le pace-maker supprime les symptômes et augmente la survie. Par contre, le
BAV II de type 1 (Wenckebach) a une faible probabilité de progresser vers un bloc de
plus haut degré ; le pace-maker n’est pas indiqué ;
• Bloc bi- et tri-fasciculaire (BBF et TBF) : ils sont une indication en cas de BAV III
périodique et de syncope, ou si la conduction intraventriculaire est ralentie après un
infarctus (temps de conduction His-Purkinje > 100 ms). Les BBF et TBF sans
symptômes ni BAV III épisodique ne sont pas une indication au pace-maker ;
• BAV II type 2 ou BAV III chez les enfants avec cardiopathie congénitale ;
l’indication est basée sur les symptômes plutôt que sur la fréquence cardiaque.
 Autres indications (pace-maker double chambre) :
• Cardiomyopathie hypertrophique obstructive ;
• Cardiomyopathie dilatative ;
• Status post-transplantation cardiaque ;
• Prévention de tachydysrythmies supraventriculaires ou ventriculaires (en général
couplé dans un défibrillateur).
On place presque exclusivement des boîtiers assurant une synchronisation AV (AAI ou DDD), car
l’hémodynamique est nettement améliorée (gain de ≥ 20% du remplissage ventriculaire), le risque
thrombo-embolique est plus faible et le taux de passage en FA est diminué. La possibilité d’avoir une
fréquence adaptée à l’activité (-R) améliore le confort et la mobilité du patient.
Tableau 3.13
Modes d’électro-entraînement les plus fréquents
AAI
VVI
VDD
DDI
DDD
-R
AOO
VOO
Entraînement auriculaire sur demande, inhibé par la détection d’une activité auriculaire
Indications : bradycardie sinusale avec conduction AV intacte
Entraînement ventriculaire sur demande, inhibé par la détection d’une activité ventriculaire
Indications : épisodes intermittents de bradycardie, FA chronique avec bradycardie,
synchronisation AV non maintenue
Entraînement ventriculaire, détection auriculaire et ventriculaire ; stimule de ventricule après
un délai préfixé, en synchronisation avec l’activité auriculaire
Indications : bradycardie par bloc AV avec fonction sinusale conservée ; si bradycardie
sinusale, correspond à VVI
Entraînement et détection auriculaire et ventriculaire ; la seule réponse à une détection
auriculaire ou ventriculaire est l’inhibition
Indications :dysrythmie auriculaire ; synchronisation AV seulement lorsque le pace-maker
entraîne l’oreillette
Entraînement et détection auriculaire et ventriculaire ; stimule le ventricule après un délai
préfixé, en synchronisation avec l’activité auriculaire
Indications : tout type de bradycardie, synchronisation AV assurée
Indication que la fréquence peut varier dans des limites préfixées en fonction des informations
du senseur
Entraînement auriculaire asynchrone à fréquence fixe ; n’est utilisé que lors de pacing
temporaire
Entraînement ventriculaire asynchrone à fréquence fixe ; n’est utilisé que lors de pacing
temporaire
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2016, version 5 – 03 Evaluation préopératoire
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Chirurgie chez les malades munis de pace-maker
Un ECG permet d’objectiver le rythme du malade et/ou celui du pace-maker selon la fréquence
cardiaque au moment de l’enregistrement. Une radiographie du thorax visualise l’appareil et les
sondes ; un cliché très pénétré permet de lire le code inscrit sur le boîtier lorsque ce renseignement
n’est pas accessible autrement. Un point essentiel est de définir le degré de dépendance du patient visà-vis du pace-maker. Si tous les QRS visibles sur l’ECG sont précédés d’une onde de stimulation
(spike), même à fréquence basse (stimulation vagale), le malade est probablement entièrement
dépendant. La manière d’en être sûr est de programmer le pace en mode VVI à basse fréquence et
d’observer si des complexes autonomes se manifestent. Dans le doute, il faut considérer le patient
comme dépendant [7]. Une reprogrammation de l’appareil en mode asynchrone n’est requise que si
deux conditions sont remplies : 1) le patient est dépendant du pace-maker, et 2) l’opération comporte
de hauts risques d’interférences électriques (bistouri unipolaire, par exemple). Placer un aimant sur le
boîtier a le même effet : il convertit le pace-maker en mode asynchrone (AOO, VOO, DOO) à une
fréquence préprogrammée (en général 60-70 batt/min). Tous les systèmes mis en service depuis
l’année 2000 reprennent automatiquement leur mode préalable à l’ablation de l’aimant.
Si des interférences électro-magnétiques sont très probables au cours de l’intervention prévue, les
fonctions sophistiquées comme la fréquence variable doivent être momentanément supprimées ; les
vibrations des interventions orthopédiques, par exemple, interfèrent avec le réglage de la fréquence par
les systèmes d’accélérométrie, et la ventilation mécanique peut déclencher une tachycardie avec les
modèles activés par la bioimpédance thoracique. Le pace-maker DDD est reprogrammé à une
fréquence fixe (VVI, VOO ou DOO) légèrement supérieure à la fréquence de base du patient; sinon, la
possibilité d’utiliser un aimant pour convertir en asynchrone en cours d’intervention doit être
confirmée par le consultant de cardiologie, car l’aimant peut induire des réponses variables selon les
appareils et les modes de programmation [4,6].
Chirurgie sous pace-maker
Anamnèse, âge du boîtier, dernier contrôle (< 12 mois). ECG et radio du thorax (sondes, code du
boîtier)
Déterminer le degré de dépendance du patient vis-à-vis du pace-maker
Reprogrammer en mode asynchrone si :
- Patient dépendant du pace-maker
- Interférences électriques peropératoires majeures inévitables
Un aimant placé sur le boîtier convertit le pace-maker en mode asynchrone (AOO, VOO, DOO) à
une fréquence préprogrammée (en général 50-70 batt/min)
Défibrillateurs
Le défibrillateur abaisse le risque relatif de mort subite de 35% par rapport au traitement médical chez
les patients présentant des épisodes prolongés de tachycardie ventriculaire après infarctus ou dans les
cas de mort subite sur tachycardie/fibrillation ventriculaire non ischémique. L’indication est moins
claire dans les cardiomyopathies et les arythmies sans cause structurelle (syndrome de Brugada, de QT
long). Les indications actuelles sont donc fondées sur la prévention de la mort subite dans les
tachyarythmies ventriculaires [5] :


Status après arrêt cardiaque sur TV ou FV sans cause externe ou réversible ;
TV spontanée et soutenue avec syncope ;
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
TV non soutenue mais dans le cadre d’une ischémie myocardique, d’un infarctus ou d’une
dysfonction ventriculaire grave (FE < 0.35) ;
 Arythmies potentiellement léthales ayant déjà causé des syncopes :
• Syndrome du QT long (torsades de pointe),
• Syndrome de Brugada,
• Dysplasie arythmogène du VD,
• Cardiomyopathie hypertrophique.
Comme pour les pace-makers, l’indication au défibrillateur en préopératoire est la même qu’en-dehors
du contexte chirurgical.
Chirurgie chez les malades munis de défibrillateur
L’anamnèse révèle les éventuels chocs administrés par le défibrillateur. Si l’on utilise des appareils
électro-magnétiques au cours de l’intervention prévue (électrocoagulation, choc électrique,
lithotripsie), les fonctions de cardioversion/défibrillation en cas de tachyarythmie doivent être
impérativement supprimées, car elles pourraient déclencher des chocs intempestifs par mauvaise
interprétation des interférences électriques [4]. Il faut également désenclencher la fonction
cardioversion/défibrillation avant une intervention où le moindre mouvement peut être catastrophique
(ophthalmologie, par exemple) ou avant la mise en place d’un cathéter pulmonaire dont la stimulation
mécanique peut déclencher un choc [6]. Un aimant n’est pas utilisable pour reprogrammer en
fréquence fixe la fonction pace-maker d’un défibrillateur, mais il inhibe en général le déclenchement
des chocs électriques en cas de TV ou de FV. Il est prudent de se renseigner sur la réponse propre de
chaque cas, car les nouveaux systèmes ont des réactions différentes et pourraient être reprogrammés
de manière aléatoire si une interférence électromagnétique intervient pendant que l’aimant est appliqué
sur le boîtier. Certains modèles ignorent les effets de l’aimant (appareils de Boston Scientific™ et de
St Jude™). Si le mode asynchrone est recherché pour le peropératoire, il est nécessaire de
reprogrammer l’appareil [4,7].
Chirurgie en présence d’un défibrillateur
Anamnèse, âge du boîtier, dernier contrôle (< 6 mois), nombre de chocs. ECG et radio du thorax
(sondes, code du boîtier).
Les interférences électriques sont interprétées comme des arythmies et l’appareil déclenche des
chocs de défibrillation. Les fonctions de cardioversion/défibrillation doivent donc être
impérativement supprimées avant l’intervention. Un défibrillateur externe (patches collés au malade)
assure la veille en salle d’opération.
L’application d’un aimant inhibe en général la fonction défibrillatoire (variable selon les modèles)
mais ne convertit pas le pace-maker en mode asynchrone.
Références
1
2
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4
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CROSSLEY GH, POOLE JE, ROZNER MA, et al. The Heart Rythm Society (HRS) / American Society of Anesthesiologists
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STONE ME, SALTER B, FISCHER A. Perioperative management of patients with cardiac implantable electronic devices. Br J
Anaesth 2011; 107(S1): i16-i26
Conclusions
L’évaluation préopératoire a évolué vers un paradigme mettant davantage de poids sur la préparation
et la cardioprotection pharmacologiques plutôt que sur la stratification des risques en multipliant les
examens. En effet, un test cardiologique n’est utile que s’il conduit à une modification de la
thérapeutique et de la prise en charge périopératoire. La cardioprotection comprend 4 volets :
 Continuation des médicaments nécessaires à l’équilibre hémodynamique et rythmologique ;
 β-bloqueurs : mêmes indications qu’en cardiologie ;
 Anti-plaquettaires : les risques liés à leur interruption sont plus élevés que ceux liés au risque
hémorragique ; en particulier, l’aspirine en prévention secondaire ne doit jamais être
interrompue ;
 Statines : elles diminuent le risque opératoire des coronariens.
Le contrôle de la fréquence cardiaque (60-65 batt/min) et la stabilité hémodynamique per- et
postopératoire sont les éléments-clés de la prévention des accidents cardiaques. Le contexte
chirurgical ne modifie en rien les indications à la revascularisation coronarienne, qui sont
essentiellement le syndrome coronarien aigu et l’angor réfractaire, mais non la coronaropathie stable.
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