L`obésité, une maladie pesante pour la santé

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MAGAZINE santé
Cette page Magazine santé
est réalisée en collaboration
avec l’Hôpital du Jura
et le Service cantonal de la
santé publique.
L’obésité, une maladie pesante pour la santé
៑ QUALIFIÉE DE FLÉAU PAR L’OMS, l’obésité ne cesse de progresser dans nos sociétés. Rencontre avec l’équipe
de l’Unité d’endocrinologie, de diabétologie, du métabolisme et de nutrition (UEDMN) de l’Hôpital du Jura
L’
Unité d’endocrinologie,
de diabétologie, du métabolisme et de la nutrition (UEDMN) de l’Hôpital du Jura réunit les spécialistes
de la nutrition, de l’activité physique
et de la psychologie de la santé. Elle
prend en charge les personnes, hospitalisées ou non, souffrant d’obésité ou de surpoids. Son médecinchef, le Dr Jean-Jacques Grimm, est
spécialiste FMH en endocrinologie
et diabétologie.
– Face à l’évolution de l’obésité en
Suisse (voir encadré), l’Office fédéral
de la santé publique parle de situation
alarmante. Partagez-vous ce point de
vue?
Dr Jean-Jacques Grimm: – Oui, sans
hésiter. Ce qui m’inquiète, c’est la situation observée chez les enfants, surtout chez les 6-12 ans. En Suisse, 20%
des jeunes de cette classe d’âge sont
en surpoids et, parmi eux, un sur trois
est obèse! Des proportions qu’on retrouve sans doute dans le Jura. L’évolution pourrait même devenir effrayante, si, comme on peut le craindre, la tendance observée aux EtatsUnis, où 59% de la population est aujourd’hui en surpoids, se développait
en Suisse.
Pour mesurer le caractère véritablement alarmant de ce problème, il faut
savoir que le surpoids et l’obésité
constituent des facteurs de risque sérieux pour les maladies cardiovasculaires et respiratoires, le diabète, l’hypertension et certains cancers. Des
risques, qui touchent des personnes
de plus en plus jeunes et qui, au final,
se traduisent par une mortalité précoce.
– Comment en est-on arrivé là?
– Il faut remonter le temps. Si l’on
comptait relativement peu d’obèses
jusqu’au milieu du siècle dernier,
c’est parce que l’activité physique faisait partie du quotidien des gens. Aux
champs, à l’usine, à domicile, partout
on s’activait.
Aujourd’hui, quand on parle d’activité physique, tout le monde pense
tennis ou fitness... La corrélation entre inactivité physique et obésité est
alors évidente. Pour les enfants et les
adolescents, des études révèlent une
relation directe entre le surpoids et le
nombre d’heures passées devant la télévision, l’ordinateur ou la console de
jeux.
L’aquagym figure au nombre des activités physiques proposées par l’UEDMN.
– Une mauvaise alimentation peut
aussi avoir de fâcheuses conséquences?
– C’est une autre cause importante
de l’obésité. Progressivement, nos assiettes se sont remplies de produits industriels, plus gras, plus salés et plus
sucrés. Les fruits et légumes sont souvent relégués au second plan. Autre
élément aggravant, les aliments les
plus sains restent sont fréquemment
les plus chers. Ce n’est pas un hasard
si l’obésité est plus fréquente dans les
milieux défavorisés.
– Y a-t-il un facteur héréditaire?
– Nous ne sommes pas égaux face à
l’obésité! Outre le mode de vie, les gènes ont aussi une influence: c’est bien
connu, la nourriture profite davantage
à certains qu’à d’autres. Ceci s’explique par des prédispositions généti-
ques. De plus, il y a tout un système de
régulation hormonale, différent selon
les individus, de l’appétit et de la satiété.
Il faut aussi relever les risques liés à
l’obésité chez les adolescents. Si l’adage, «obèse à quinze ans, obèse tout le
temps» n’est pas absolu, il sera difficile, si l’on ne fait rien, de ne pas le rester en vieillissant.
– Quels sont les autres facteurs qui
favorisent l’obésité?
– On constate que tout notre environnement socioculturel a subi de fortes mutations favorisant l’obésité:
concentration de la population dans
les villes, voitures, aliments industriels, temps passé devant les écrans,
poussées de stress, manque de sommeil, etc.
៍Des mots et des chiffres
L’Indice de masse corporelle
(IMC) permet de mesurer l’excès
de poids. Il s’obtient en divisant
le poids en kg, par le carré de la
taille en mètre. Par exemple,
l’IMC d’une personne de 1,80 m
pesant 80 kg est de:
80:(1,8x1,8)=24,69 points.
Poids normal: IMC de 20 à 25
points. Surpoid: IMC de 25 à 30
points. Obésité: IMC supérieur
à 30 points.
En 2007, en Suisse, près de 40%
des personnes de plus de 15 ans
présentaient un excès de poids.
L’obésité touchait 8,2%
de la même population, contre
respectivement 35% et 6,9% en
1997.
Coûts: selon l’Office fédéral de
la santé publique, en Suisse, les
coûts engendrés en 2001 par
l’excès de poids et l’obésité s’élevaient à 2,7 milliards de francs.
98.4% de ces coûts sont engendrés par les complications liées à
l’obésité et 1,6% seulement par
son traitement même. JS
JACQUES STADELMANN
Bien plus qu’une affaire d’alimentation
«Prise en charge
extraordinaire»
Domiciliée à Delémont, infirmière à la résidence La Promenade, Aline Geley, 45 ans,
raconte: «A 35 ans, suite de
deux grossesses, je pesais 95
kg pour une taille de 1,60 m.
Soit un IMC (lire encadré) de
37 points! J’étais mal, je ne
pouvais plus respirer. Ça ne
pouvait plus durer. J’ai suivi
les conseils d’une diététicienne de l’équipe du Dr Jean-Jacques Grimm. A un rythme de
deux kilos par mois, j’ai perdu
une trentaine de kilos. Il y a
deux ans, alors que j’étais
stressée, j’ai eu des ennuis
cardiaques. Du coup, j’ai été
contrainte d’arrêter de fumer.
Ça a marché trois à quatre
mois avant que je ne reprenne
10 kg. J’ai alors renoué avec
PHOTO ROGER MEIER
L’obésité n’est pas seulement
une question de «malbouffe»
et de manque d’exercice.
Aline Geley.
PHOTO DANIÈLE LUDWIG
l’unité du Dr Grimm. On m’a
conseillé une prise en charge
globale, avec soutien psychologique, suivi diététique et activité physique. Cet accompagnement m’a été d’un secours
extraordinaire. Il m’a permis
de revoir mon mode vie et ma
manière de fonctionner. Car,
si on veut se soigner il faut
bouger dans son corps et dans
sa tête. Aujourd’hui, je suis
encore en surpoids, mais je
me sens beaucoup mieux et je
ne fume plus. Surtout, je
prends plaisir à me bagarrer
JS
avec mes kilos.»
14 | Mercredi 26 août 2009 | Le Quotidien Jurassien
Le stress, les gènes, les facteurs psychologiques, l’éducation et un mode de vie
trop sédentaire jouent favorisent l’obésité. D’où l’approche pluridisciplinaire de
l’UEDMN dans la prise en charge des personnes souffrant de surcharge pondérale.
«Souffrance», le mot revient souvent
dans la bouche des trois spécialistes de
l’unité, Liz Moseley, psychologue de la
santé, Laure Schlup, spécialiste de l’activité physique et Gérard Bichof, diététicien.
A leurs yeux, on oublie souvent que beaucoup de malades ressentent leur obésité
comme une souffrance et une source de
discriminations.
Prise en charge
personnalisée
«Pluridisciplinaire, notre prise en charge place le patient au centre de nos inter-
ventions», explique Gérard Bischof. Il
s’agit, poursuit-il, «d’une approche personnalisée sur le principe du bouger et
manger futé. Des séances d’activité physique se déroulent en petits groupes et sont
prolongées par des cours mensuels théoriques et pratiques». Car, il n’y a malheureusement pas de régime miracle. Tout
l’enjeu du partenariat engagé avec le patient vise à lui faire changer ses habitudes
afin, par exemple, qu’il découvre une autre manière d’éprouver les plaisirs alimentaires. Il est primordial que le patient
devienne acteur de sa thérapie. Son implication est essentielle: l’obésité ne se soigne pas à coups de médicaments et son
traitement s’inscrit dans le long terme.
Confiance
réciproque
Patients hospitalisés mis à part,
l’UEDMN assure un traitement ambulatoire. La première consultation sert à déterminer le pourquoi de l’obésité. Est-elle
liée à des problèmes alimentaires, psychologiques, physiques ou endocriniens?
Le diagnostic aiguille le patient vers le ou
les spécialistes: diététicien, psychologue,
spécialiste de l’activité physique ou encore vers le Dr Jean-Jacques Grimm.
Le plus souvent, la cause de l’obésité
n’est pas unique. Selon Liz Moseley,
«près de la moitié des patients en excès de
poids connaissent des problèmes psychologiques». Un traitement personnalisé,
discuté avec le patient, lui est alors proposé. Un procédé qui permet d’établir un
rapport de confiance entre le corps médical et le patient.
S’agissant de perdre du poids, il faut
aussi travailler sur le long terme. «Au départ, on vise à stabiliser», note Laure
Schlup. «J’évite de mettre mes patients au
régime et les invite plutôt à manger futé»,
ajoute Gérard Bischof. Un secret «Il faut
que les avantages du traitement soient supérieurs à l’effort fourni», conclut Liz Moseley.
JS
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