« L’avenir des offices de commercialisation agricole dans le contexte canadien et québécois » Mémoire présenté par : Sylvain Charlebois, DBA Professeur agrégé en marketing à l’Université de Régina Devant la : Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois Audiences nationales (Québec) 28 août 2007 Introduction1 Les travaux de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois, en particulier en ce qui a trait à l’avenir des offices de commercialisation agricole (aussi connus sous différents vocables comme les systèmes de quotas, la gestion de l’offre, les arrangements de commercialisation ordonnée, notamment) permettent de soulever des questions importantes pour les producteurs agricoles dont la subsistance dépend du commerce agroalimentaire, non seulement avec les États-Unis ou d’autres pays, mais également pour les échanges intérieurs (Labrecque et Charlebois, 2006; Moens, 2006). Le Québec vend à l’extérieur de ses frontières plus de 60 % de sa production intérieure brute de biens et services, dont les deux tiers à l’international. Toute perturbation commerciale peut nuire à son bien-être économique. L’industrie agroalimentaire canadienne est présentement sujette à des pressions internationales sans précédent qui ont provoqué de l’incertitude et des appels au changement dans la gestion de la chaîne d’approvisionnement agroalimentaire. Ce mémoire se concentre particulièrement sur le système canadien d’offices de commercialisation agricole et sur le fait que ce modèle agricole subit de lourdes pressions pour qu’on lui retire son mandat protectionniste, qu’il cesse de restreindre la production et qu’il devienne plus ouvert à la concurrence locale et internationale, particulièrement pour des denrées comme les produits laitiers, les œufs et la volaille. Avant la réunion de Genève sur le commerce mondial en 2004, les membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont accepté de lancer un processus de réduction des subventions agricoles. La rencontre, tenue en août, a isolé le Canada des autres pays membres à cause de son soutien aux offices de commercialisation agricole, au point où le président de la Commission canadienne du blé aurait affirmé : « C’était un contre 146. Nous n’avions absolument aucun allié à la table de négociation, alors il ne fait pas de doute que l’OMC ne sera une amie ni de la gestion de l’offre ni de la Commission canadienne du blé ». Pendant les négociations commerciales multilatérales du cycle de Doha en 2005 et 2006, le Canada a encore dû défendre les quotas de lait dont profitent les producteurs laitiers depuis 40 ans, suite à des plaintes d’autres pays, notamment les États-Unis et la Nouvelle-Zélande (Corcoran, 2005b; Vieira, 2005, Petkantchin, 2006). L’OMC a averti le Canada qu’il ne respectait pas ses engagements envers une libéralisation commerciale (Gervais et Larue, 2005; Hart, 2005a; Petkantchin, 2006). Il est ironique de constater que le Canada ait accepté de limiter ses restrictions à l’importation de produits laitiers et de la volaille pendant le cycle de l’Uruguay du GATT, en vertu des dispositions de l’Accord sur l’agriculture entrées en vigueur en janvier 1995, au même moment que la mise en place de l’OMC. Cependant, les restrictions commerciales sont passées de quotas non tarifaires à l’importation (c’est-à-dire des limites quantitatives) à des quotas tarifaires pour les importations de produits agricoles sous l’égide de la gestion de l’offre (Veeman, 1997). Ces tarifs élevés s’appliquent au-delà d’une quantité plutôt faible de biens importés et ils seront progressivement réduits avec le temps. Les tarifs à l’importation se situent présentement à des niveaux de l’ordre de 299 % pour le beurre, 246 % pour le fromage, 238 % pour le poulet et 168 % pour les œufs, des taux presque 1 Note : le présent mémoire est une version remaniée d’un article paru récemment dans le British Food Journal (Robert D. Tamilia et Sylvain Charlebois, « The importance of marketing boards in Canada: a twenty-first century perspective », British Food Journal, Vol. 109, No. 2, 2007, pp. 119-144). 2 obscènes pour des denrées aussi communes (Hart, 2005a). L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a estimé que les prix canadiens du lait ont été de deux à trois fois plus élevés que les prix mondiaux depuis 1986 (Petkantchin, 2005). Il faut noter que les comparaisons de prix de l’OCDE ne sont pas au détail, mais à la sortie de la ferme, ce qu’on appelle les prix industriels du lait (Lippert, 2001). De plus, dans les dix dernières années, les prix du lait au Canada ont augmenté de près de 50 % et d’un peu plus de 10 % dans les deux dernières années de la période, alors que la consommation de lait par habitant a diminué de près de 15 % entre 1986 et 2003 (Corcoran, 2005b; Petkantchin, 2005). Après près de huit décennies d’existence des offices de commercialisation au Canada et de longs débats provoqués par des économistes agricoles préconisant des réformes depuis longtemps nécessaires, le Canada doit maintenant faire face à des pressions mondiales sérieuses qui demandent la modification de son système de gestion de l’offre. Objectif de ce mémoire Depuis les années 1930, l’industrie agricole canadienne a répondu assez bien aux changements politiques, économiques et technologiques. En particulier, les offices de commercialisation agricole ont fonctionné plus ou moins comme prévu, du moins du côté de l’offre (c’est-à-dire du point de vue des fermiers ou producteurs) ainsi que d’après les objectifs du gouvernement. Malgré la diversité des produits impliqués (blé, poulet, lait, etc.) et la compétence partagée du Parlement fédéral et des provinces en agriculture, cette industrie n’est pas bien connue des consommateurs. L’agriculture évoque souvent une image bucolique et même romantique de la ferme familiale où les fermiers, « pris d’un amour profond pour la Terre et pour l’archarnement salutaire du travail agricole, luttent pour gagner leur pitance grâce à leur dévouement héroïque » (Corcoran, 2005a). Pourtant, seulement 18 500 producteurs laitiers possèdent l’autorisation légale de produire du lait au Canada. Même si nous incluons leur famille immédiate, cela ne représente que 0,26 % de la population canadienne (Stanbury, 2002; Hart, 2005a, p. FP15). De plus, il devient de plus en plus difficile d’accepter leur statu quo étant donné « le nombre décroissant de producteurs laitiers et de volaille qui constituent moins de 1 % de l’économie canadienne qui continuent à résister aux pressions tant locales qu’internationales » (Hart, 2005b, p. FP23). Ce mémoire se concentre sur l’importance des offices de commercialisation dans le marché mondial actuel en constante évolution et de la nécessité de les réformer en fonction de l’économie de marché. Premièrement, nous traitons des différentes façons de définir les offices de commercialisation agricole. Ensuite, nous présentons une courte histoire de leur mise en place ainsi que leurs objectifs et leur importance pour l’économie canadienne. La nature politique et juridique de ces organismes est aussi traitée puisqu’ils posent des questions de droit civil et constitutionnel qui sont relativement peu connues et rarement discutées. Nous présentons une analyse expliquant comment ont été déréglementées certaines agences de gestion de l’offre dans certains pays, notamment les offices de commercialisation du lait en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni. La façon dont la libéralisation des marchés a été amenée dans ces pays est très pertinente pour le contexte agricole canadien actuel. Finalement, nous effectuons quelques recommandations pour rendre le secteur agricole plus adapté à l’économie d’aujourd’hui afin que le Québec et le Canada puissent faire face à la concurrence locale et mondiale. 3 Qu’est-ce qu’un office de commercialisation agricole? Les offices de commercialisation agricole ne sont pas uniques au Canada, mais existent aussi en Europe et ailleurs. Cependant, on n’en trouve aucun aux États-Unis (Green, 1982). Plusieurs définitions ont été proposées pour décrire la nature et la fonction d’un office de commercialisation. En vertu de l’argument des industries naissantes, ils sont aussi plus présents dans les pays en voie de développement que dans les pays développés. Les offices de commercialisation canadiens peuvent être de nature fédérale, provinciale, interprovinciale ou peuvent même être des sociétés d’État comme la Commission canadienne du blé. On les classifie souvent selon leurs fonctions de commercialisation (c’est-à-dire les services commerciaux qui doivent être rendus pour amener les produits de la ferme aux marchés), dépendamment de leur implication dans le processus. Bien qu’il existe plusieurs types d’offices de commercialisation (par exemple les régies, les organismes de stabilisation des prix et les commissions détenant un monopole des exportations), les organismes de gestion de l’offre sont le centre d’attention principal de ce mémoire. Nous étudions aussi brièvement la nature des organismes de promotion ci-après. Les organismes de promotion peuvent mener des études de marché, promouvoir les ventes et même prélever des droits de la part des producteurs pour effectuer ces tâches. Cependant, les organismes de promotion ne sont pas impliqués dans les opérations de commercialisation en tant que telles (par exemple acheter et vendre des produits ou autres tâches transactionnelles). Ils agissent davantage comme la branche publicitaire et promotionnelle d’une denrée agricole et sont donc impliqués dans la stimulation de la demande générique (même si l’organisme peut promouvoir la demande d’une marque particulière s’il en possède). De tels organismes ne sont pas ceux qui donnent une mauvaise réputation aux offices de commercialisation, du moins au Canada. Les organismes de gestion de l’offre sont les plus problématiques d’un point de vue de politiques publiques, puisqu’ils contrôlent l’approvisionnement en accordant des quotas de production individuels à des producteurs. De tels organismes de gestion de l’offre ressemblent à un cartel et fonctionnent comme un monopole autoréglementé (Loyns, 1980). Ils contrôlent la production de chaque producteur, mais aussi l’accès à l’industrie et fixent les prix payés par les acheteurs. Il n’est pas surprenant qu’ils aient été la principale question traitée dans la littérature agricole canadienne. Plusieurs pays développés (comme le Canada, l’Australie et le Royaume-Uni) et la plupart des pays en voie de développement ont présentement ou ont eu par le passé de tels organismes. Nous préférons employer la définition des offices de commercialisation donnée par Forbes (1982) puisqu’elle est plus adéquate pour les organismes de gestion de l’offre : « une organisation obligatoire de commercialisation horizontale de produits agricoles primaires ou transformés agissant en vertu d’une autorité déléguée par le gouvernement » (p. 2). Son aspect obligatoire signifie que toutes les fermes produisant une certaine denrée dans une région spécifique (une province par exemple) doivent respecter les règles imposées par l’office et accepter son plan de commercialisation. Le statut de membre est non seulement obligatoire, mais on empêche aussi les autres de le devenir à moins que certaines conditions d’accès au marché soient remplies, comme la capacité d’acheter un quota déjà existant. L’aspect horizontal signifie que l’office possède le contrôle direct et indirect de toute l’offre agrégée de la denrée grâce à son contrôle de la production de toutes les fermes participant au processus de commercialisation. En d’autres mots, l’office fixe des limites à la production. L’aspect délégation signifie que le gouvernement a confié des pouvoirs juridiques aux offices en ce qui 4 concerne le prix, la production et d’autres domaines économiques ou non influençant les opérations de l’office. En pratique, l’office fonctionne comme un agent de facto pour les différents ordres de gouvernement. C’est pourquoi Lippert (2001) préfère les appeler des « cartels supervisés par le gouvernement ». Les États-Unis n’ont pas d’offices de commercialisation agricole, mais ont des programmes volontaires de soutien de prix, des accords de commercialisation et des ordres de commercialisation qui sont aussi présents dans plusieurs autres pays, même ceux qui possèdent des offices de commercialisation pour des denrées qui ne sont pas sous l’autorité de la gestion de l’offre (par exemple le Canada). Selon Hoos (1979), les États-Unis ont déjà réfléchi à la possibilité de mettre en place des offices de commercialisation. Toutefois, les pouvoirs monopolistiques dont ils auraient profité, notamment sous forme de quotas, seraient allés à l’encontre de l’idéologie de libéralisation des marchés adoptée par la Federal Trade Commission, le ministère de la Justice et plusieurs autres intervenants, même au niveau des États. Leur création aux États-Unis aurait certainement été contestée devant les tribunaux et ils auraient sans doute été jugés illégaux. La structure organisationnelle des offices de commercialisation Il existe essentiellement autant de structures organisationnelles qu’il existe d’offices de commercialisation. Chaque office est organisé de manière à refléter les sources de conditions d’approvisionnement particulières à la denrée en cause. La plupart des offices de commercialisation canadiens ont un dirigeant (directeur) élu par les producteurs membres eux-mêmes (Lippert, 2001). Les deux ordres de gouvernement nomment d’autres personnes pour diriger l’office. Des consommateurs peuvent aussi être membres mais comme Forbes (1982) l’expliqua, ils sont trop souvent des représentants symboliques, non familiers avec la commercialisation agricole, plus susceptibles d’être des femmes ou des épouses dont le mari est un puissant fermier. En d’autres mots, la composition des offices de commercialisation est lourdement axée en faveur des intérêts des producteurs. Tous les offices de commercialisation établissent des plans afin de coordonner et de contrôler les activités d’achat et de vente de leur denrée. La collecte d’information, la fixation des prix et la gestion de l’offre pour les marchés intérieur et d’exportation sont quelques-unes des activités dont s’occupent les offices de commercialisation. Le budget d’exploitation de la Commission canadienne du lait, par exemple, est d’environ 6 millions $ par année. D’autres offices ont des budgets plus importants, mais incluent aussi leurs activités de promotion. Les coûts administratifs comme les frais de bureau, les salaires, les dépenses juridiques et de comptabilité, les voyages, les coûts d’élections, de même que les coûts de gestion des programmes d’aide et l’accomplissement de certaines fonctions de commercialisation (par exemple les fonctions d’accumulation, de tri, d’allocation et d’assortiment) qui nécessitent des infrastructures à forte intensité en capital et la notation, l’étiquetage, la promotion et les relations publiques – font qu’elles sont une solution de rechange coûteuse à un mécanisme de marché ou même à des coopératives agricoles. En général, les offices de commercialisation ont tous les attributs d’une organisation commerciale qui opère dans un environnement sans marché. Quelques offices de commercialisation agissent tout au long d’une longue chaîne d’approvisionnement, par exemple pour les produits laitiers, les œufs, la dinde, le poulet ou le tabac. Dans ces cas, les offices de commercialisation s’enorgueillissent d’un grand contrôle et de beaucoup de pouvoir au sein de l’industrie, partout au pays. Les facteurs qui différencient un office de 5 commercialisation d’un autre influencent leur impact sur le réseau commercial de la denrée et ultimement sur les prix du marché. Les offices de commercialisation ont influencé la mise en marché des produits agricoles non seulement au pays, mais également à l’international. La plupart des offices de commercialisation financent leurs opérations grâce à des frais de licence ou à des paiements sur le rendement des producteurs. À cause de la nature transactionnelle du secteur agroalimentaire, il est difficile d’estimer si les offices de commercialisation ont été financièrement viables pour les producteurs agricoles depuis leur mise en place dans les années 1930. Le développement des offices de commercialisation agricole au Canada Les offices de commercialisation agricole canadiens ont été mis en place à une époque où notre compréhension des marchés était bien moins avancée qu’aujourd’hui. Par ailleurs, il existait beaucoup plus de producteurs agricoles et la taille moyenne de chacun était bien plus petite qu’aujourd’hui. Les offices de commercialisation agricole ont acquis leur notoriété dans les années 1930 au moment de la Grande Dépression, à une époque où l’économie canadienne était significativement moins industrialisée qu’aujourd’hui. Le secteur agroalimentaire comptait pour une portion plus importante de l’activité économique du pays, non seulement en termes d’emplois, mais aussi en proportion de la taille de l’économie canadienne. Le secteur des produits laitiers et de la volaille ne compte plus que pour moins de 1 % de l’économie canadienne (Hart, 2005b). Aujourd’hui, l’industrie est moins fragmentée : moins du tiers des fermes comptent pour plus de 80 % de la production agricole. Le secteur agricole canadien, en plus d’être souvent l’affaire de grandes entreprises, est également profitable. La ferme laitière moyenne génère un profit d’exploitation de 25 %, le double de la moyenne des fermes et le triple de la moyenne des entreprises non agricoles, bien qu’elle n’offre qu’un rendement faible sur l’investissement en raison de la valeur élevée des quotas (Hart, 2005a). Les fermes laitières ont en moyenne une valeur nette neuf fois plus élevée que la valeur nette médiane des familles canadiennes (Stanbury, 2002). Les efforts pour mettre en place des structures contrôlées visant à hausser les prix et à stabiliser les revenus des fermiers ont débuté en 1872. Le premier office de commercialisation canadien fut institué en Colombie-Britannique en 1927, lorsque la législature de cette province adopta le Produce and Marketing Act. Cette loi fut déclarée inconstitutionnelle en 1931 parce qu’elle interférait avec le commerce interprovincial et que les frais imposés aux membres constituaient une forme de taxation indirecte, qui est une compétence fédérale exclusive (Drummond, 1960). Ainsi, on ne peut comprendre l’actuelle structure interorganisationnelle du secteur agricole canadien sans retracer les nombreuses lois qui l’ont façonnée au cours des années (Perkin, 1951; Drummond, 1960; Green, 1982). Par exemple, l’adoption de lois telles que le Natural Products Marketing Act (1934), le Agricultural Products Marketing Act (1949), le Canada Agricultural Products Standard Act (1970) et le Farm Products Marketing Agencies Act (1972) ont toutes contribué au système actuel. Une loi importante adoptée par le Parlement est la Loi sur la Commission canadienne du lait en 1966, qui n’entra en vigueur qu’en 1970. La loi fut conçue pour profiter aux producteurs laitiers et on accorda à la CCL le pouvoir de fixer les prix du lait industriel partout au pays, qui historiquement comptait pour 60 % de tout le lait produit. Elle assurait aux producteurs 6 laitiers un revenu stable et les protégeait des risques du marché, notamment des importations à plus faible prix. Un comité spécial créé par la Loi, appelé le Comité canadien de gestion des approvisionnements de lait, prévoit l’approvisionnement de lait industriel et assigne à chaque office de commercialisation provincial son quota pour l’année (Lippert, 2001; Charlebois, Lagenbacher, Tamilia, 2007). Le mode d’organisation unique des offices de commercialisation agricole a été conçu pour faire cesser les conflits de compétences fédérales et provinciales, qu’on considérait néfastes pour l’unité canadienne (Green, 1982, 1983). Le Parlement, en espérant obtenir l’appui des provinces, accorda des pouvoirs constitutionnels d’offices de commercialisation agricole à des groupes d’intérêts œuvrant dans une province afin qu’ils puissent contrôler la commercialisation de certains produits agricoles. Par exemple, la Commission canadienne du lait est bien plus importante pour les fermiers de l’Est que pour ceux de l’Ouest puisque plus de 80 % de la production laitière se situe en Ontario et au Québec, et que le Québec compte pour plus de 40 % de la production laitière du pays. Il n’est pas difficile de comprendre qu’une réforme serait susceptible de causer des problèmes politiques significatifs. Les objectifs des offices de commercialisation agricole L’agriculture a été une composante centrale du développement commercial dans l’économie canadienne avant même la Confédération. La structure du marché agricole canadien est assez particulière, comportant un grand nombre de producteurs, éparpillés sur une vaste surface géographique, de même que peu d’intermédiaires et de transformateurs agroalimentaires qui approvisionnent un grand nombre de consommateurs. Le secteur agroalimentaire fait face à des conditions météorologiques changeantes et souvent extrêmes et à des saisons de croissance courtes. La gestion de l’offre est la raison principale ayant justifié la création des offices de commercialisation agricole. Ces derniers ont aussi diminué le pouvoir économique que les transformateurs agroalimentaires et d’autres intermédiaires avaient sur les producteurs, puisque l’office pouvait servir de porte-parole représentant l’ensemble des producteurs d’une denrée. Par exemple, trois transformateurs laitiers (Agropur, Saputo et Parmalat) achètent environ 70 % du lait produit au Canada (Commission canadienne du lait, 2005). À l’origine, les offices de commercialisation ont été mis en place pour protéger et soutenir les producteurs pendant des périodes financières difficiles (la Grande Dépression). Les produits laitiers et la volaille sont les produits agricoles qui ont été les plus protégés des fluctuations des prix du marché. Certains offices de commercialisation agricole sont administrés à l’échelle fédérale et d’autres à l’échelle provinciale. Aujourd’hui, on trouve plus de cent offices de commercialisation agricole au pays, dont vingt en Ontario et plus de vingt-cinq au Québec. Le nombre exact est difficile à obtenir étant donné le peu d’information disponible et le fait que certains offices ne sont peut-être pas en activité. Les offices de commercialisation agricole ont été créés à cause de la nécessité d’accorder aux producteurs agricoles un pouvoir économique et politique comparable au pouvoir acquis par les grandes compagnies (McInnis, 1958). Plusieurs pays ont cherché à améliorer le sort de leurs propres producteurs agricoles en mettant en place des offices de commercialisation agricole. Certains organismes de gestion de l’offre sont uniques au Canada et ont contribué à préserver la viabilité du secteur agricole dans l’économie. Certains auteurs reconnaissent 7 qu’historiquement, les offices de commercialisation agricole ont joué un rôle important dans l’industrialisation de l’agriculture canadienne (McInnis, 1958; Troughton, 1989). Les offices de commercialisation diminuent le pouvoir exercé par les distributeurs et les transformateurs agroalimentaires. La possibilité de contrôler l’offre, de restreindre l’accès à l’industrie et d’agir comme contre-pouvoir face à un nombre limité d’acheteurs a été favorisée par le gouvernement, qui accorda aux offices de commercialisation le droit d’intervenir sur le marché, c’est-à-dire de remplacer le marché libre par la fixation directe des prix. Le secteur agroalimentaire est constitué d’un grand nombre de groupes et d’individus interdépendants ayant tant des intérêts communs qu’opposés. Certains producteurs sont des petites fermes familiales alors que d’autres fermes sont très grosses. Les intérêts divergents de ces groupes, leur hétérogénéité et les produits impliqués les poussent à se tourner vers les politiciens pour résoudre certains des problèmes de leur marché. Historiquement, des forces politiques tant au niveau provincial que fédéral ont joué un rôle significatif dans la mise en place des offices de commercialisation agricole. Divers gouvernements par le passé ont été notoirement actifs et le sont encore aujourd’hui dans leur appui aux vertus et à l’efficacité présumées des offices de commercialisation agricole. De tels mécanismes représentaient la manière canadienne de gérer l’économie, ou du moins un de ses secteurs. Par exemple, le gouvernement Trudeau (à la fin des années 1960 et au début des années 1970) était reconnu comme un ardent défenseur et supporteur des offices de commercialisation agricole (Loyns, 1980). Conséquemment, il n’est pas surprenant que les politiques agricoles fondées sur les offices de commercialisation ont reçu un appui considérable tant d’Ottawa que des gouvernements provinciaux, y compris du Québec. En bref, trois arguments principaux expliquent la création des offices de commercialisation agricole. D’abord, la volonté de réduire l’instabilité dans le rendement des producteurs agricoles afin de leur procurer un revenu stable et en croissance. Deuxièmement, les offices de commercialisation agricole peuvent compenser la position désavantageuse des producteurs agricoles sur le plan de la négociation face aux transformateurs et aux distributeurs (c’est-àdire de nombreux vendeurs face à un nombre limité d’acheteurs). Cependant, ce prétendu manque de pouvoir de négociation des fermiers suppose que tous les producteurs sont économiquement semblables, partagent les mêmes intérêts, possèdent les mêmes aptitudes de gestion et les mêmes aspirations entrepreneuriales, et ainsi de suite, ce qui n’est évidemment pas le cas. En réalité, les fermiers les plus productifs ne peuvent pas profiter de leur avantage comparatif (Frontier Centre for Public Policy, 2000). Ce deuxième argument explique en partie pourquoi les coopératives agricoles n’ont jamais été populaires au Canada comparativement aux États-Unis, sauf avec Agropur au Québec. On doit noter que c’est la nature volontaire des coopératives agricoles, un sujet dont nous discuterons brièvement plus loin, qui a conduit à la mise en place des offices de commercialisation parce que certains producteurs (qu’on qualifiait de resquilleurs) refusaient de coopérer (Drummond, 1960). Les offices de commercialisation agricole sont ainsi devenus une proposition de type « tout ou rien » pour les producteurs agricoles. Troisièmement, la mise en place des offices de commercialisation visait alors à réduire les marges de profit considérées élevées des transformateurs et distributeurs en aval de la chaîne d’approvisionnement, au soi-disant détriment des producteurs agricoles. Évidemment, les fermiers et d’autres intervenants oublient trop souvent que les fonctions de commercialisation, ces services économiques intangibles qui doivent être rendus tout au long de la chaîne d’approvisionnement jusqu’à l’achat par le consommateur. De tels services, comme le 8 transport, la manutention, la disponibilité dans un délai opportun, l’emballage et l’étalage, qui ne sont que des exemples parmi d’autres, peuvent constituer une portion significative du prix final. La nature politique des offices de commercialisation agricole Les gouvernements fédéral et provinciaux voient les offices de commercialisation agricole en tant qu’instruments politiques et juridiques qui garantissent l’élimination des surplus agricoles sur le marché intérieur et offre aux consommateurs la disponibilité des denrées alimentaires ainsi que leur variété. Historiquement, les producteurs agricoles au Canada ont valorisé la nature des offices de commercialisation, suggérant même que ces organismes ont gardé le prix des denrées à un niveau acceptable pour les consommateurs (Throughton, 1989). Plusieurs intervenants prétendent que les offices de commercialisation ont amélioré la productivité et l’efficacité du secteur agricole canadien, ont contribué à la sauvegarde de l’approvisionnement alimentaire en général, ont assuré l’autosuffisance agricole, particulièrement en temps de crises politiques ou économiques (McInnis, 1958), ont amélioré la qualité des produits et ainsi ont contribué au bien-être économique du Canada et à l’intérêt des consommateurs. Ces nobles affirmations sont difficiles à démontrer et à contredire puisque les solutions de rechange sont rarement considérées et discutées : on ignore ce qui serait arrivé sans la création des offices de commercialisation agricole. Les offices de commercialisation agricole ne sont pas seulement des institutions économiques : ils sont des agences intrinsèquement politiques également. Ils sont de plus en plus devenus des instruments politiques visant à opérer un transfert de revenus des autres secteurs vers les fermiers et à assurer une balance de pouvoir plus favorable pour le secteur agricole. Une volonté politique s’est formée au fil du temps afin de protéger les fermiers des « forces concurrentielles destructrices », une expression souvent employée pour dénoter la « cruauté » du mécanisme du marché libre envers les petits producteurs. On prétend ainsi que la mise en place des offices de commercialisation agricole se fit dans l’intérêt général. En réalité, la protection réglementaire que reçoivent les offices de commercialisation agricole génère des bénéfices pour leurs membres au détriment de la société en général (Green, 1982) grâce à des hausses des prix payés par tous les consommateurs, qui nuisent particulièrement aux plus pauvres. Depuis plusieurs décennies maintenant, les économistes agricoles ont exigé davantage d’imputabilité, de transparence et de mesures objectives de l’efficacité des offices de commercialisation agricole, si ce n’est pas leur élimination (Abbott, 1967; Green, 1982; Forbes, 1982; Veeman, 1982, 1987, 1997; Hart, 2005a). Les offices de commercialisation ont été critiqués pour leur manque d’innovation et d’imagination dans leur offre de produits, protégés de la concurrence des importations par des droits de douane élevés. Plus important encore, alors que la productivité agricole est en croissance depuis des décennies, ces gains ont été gaspillés par une gestion de l’offre conduisant à des prix inefficacement élevés. Il est surprenant de constater que les offices de commercialisation agricole ne sont ni bien connus ni compris par la vaste majorité du public canadien. Pourtant, ils ont des conséquences économiques, constitutionnelles et administratives absolument hors proportion de leur obscurité relative (Green, 1982). Certains offices de commercialisation ont redistribué des revenus importants des consommateurs vers les producteurs et ont substantiellement augmenté la richesse d’un nombre relativement petit de personnes. Forbes (1982) est plus direct en ajoutant que : « L’objectif général de presque tous les offices de commercialisation 9 est d’assurer des revenus plus importants pour les producteurs et dans plusieurs cas de canaliser des paiements de transfert du gouvernement et des consommateurs vers les fermiers lorsqu’ils considèrent que le marché ne récompense pas suffisamment les fermiers pour leurs efforts » (p. 28). Les offices de commercialisation agricoles sont devenus un symbole du protectionnisme économique, limitant la concurrence des importations et la concurrence intérieure. Grâce à eux, la fixation du prix des denrées agricoles est devenue une affaire moins controversée politiquement pour les gouvernements. Les offices de commercialisation agricole reçoivent peu ou pas de paiements de transfert directs de l’État. Après tout, les gouvernements ont renoncé à leur rôle de garants des processus de concurrence dans la détermination des prix au profit des offices de commercialisation et ne peuvent donc plus être directement blâmés pour les augmentations de prix des denrées agricoles, peu importe à quel point elles peuvent être importantes et injustifiées. Les pouvoirs de fixation des prix sont détenus par les producteurs agricoles et ces derniers sont responsables d’établir l’équilibre entre l’offre et la demande des denrées agricoles. Même si on les appelle « offices de commercialisation », le terme n’est pas vraiment approprié. La commercialisation est habituellement associée à un système de marché où la détermination des prix est effectuée librement. Pourtant, les offices de commercialisation peuvent faire cesser les efforts de mise en marché entrepris par les producteurs agricoles individuellement. La vente de produits agricoles n’est pas la principale préoccupation de ces organismes de gestion de l’offre (Loyns, 1980). En fait, les offices de commercialisation canadiens sont souvent plus impliqués dans des pratiques anticompétitives comme le contrôle des prix, l’imposition de restrictions à l’importation, du lobbying en faveur du protectionnisme, des manifestations organisées pour sensibiliser la population à leur détresse et la mise en place de barrières commerciales pour se protéger de la concurrence étrangère. En réalité, comme le démontre la citation suivante, le Ontario Milk Act, qui a créé l’office de commercialisation du lait de cette province, ne se préoccupe apparemment pas d’efficacité du marché : « Le Ontario Milk Act ne mentionne aucunement l’efficience ni n’invoque un quelconque échec du marché. Aucun préambule à la loi ne suggère qu’une réglementation est nécessaire pour équilibrer les fluctuations de revenus ou pour établir une mise en marché ordonnée. À la place, l’offre de lait ou d’œufs est limitée par une formule extrêmement lourde et complexe. L’office de commercialisation des œufs a même tenté d’aller aussi loin que d’empêcher les détaillants de vendre des œufs comme produit d’appel » (Trebilcock et al., 1978, p. 27). Conséquemment, des occasions d’affaires sont sans doute perdues dans le marché agroalimentaire et les producteurs ne peuvent pas optimiser le potentiel de leur entreprise. Les stratégies de mise en marché visent à aider les entreprises à vendre leurs biens et services, et les organisations agroalimentaires ne sont pas une exception à cette règle. Pourtant, les offices de commercialisation réglementent et confinent leurs membres, restreignent et même punissent ceux qui ne respectent pas le mode de comportement prescrit. Le fermier membre d’un office de commercialisation ne peut pas vendre à qui il veut. Un nouveau joueur typique doit d’abord acheter un quota, ce qui constitue un coût d’accès rigide et décourageant, peu importe à quel point son modèle commercial est efficace ou ses nouveaux produits et services innovateurs. Les offices de commercialisation peuvent même imposer des sanctions et recommander le bannissement d’un producteur s’il ne suit pas les directives et les procédures fixées par l’organisme. 10 Par exemple, un producteur de poulet québécois a été traîné devant les tribunaux en 1999 par son office de commercialisation pour avoir vendu davantage que son quota. Le fermier s’est rendu jusqu’en Cour suprême pour des motifs constitutionnels afin d’en appeler de sa condamnation lorsque sa fédération a réduit son quota à zéro et lui a imposé une amende de plus de 2,4 millions $ pour avoir vendu 29 fois plus que son quota autorisé. Le plus haut tribunal du pays a rejeté son appel en décembre 2005 (André Pelland v. Fédération des producteurs de volailles du Québec). Le cas le plus étrange de l’histoire agricole canadienne est probablement celui de la margarine. Peu après qu’elle ait été inventée en France, le lobby des producteurs laitiers a réussi à faire adopter une réglementation rendant illégale la production ou la vente de margarine au Canada. Quelque 120 ans plus tard, le Québec est le seul endroit au monde à bannir la margarine colorée. Les producteurs laitiers québécois ont prétendu que les ventes de beurre diminueraient et que des milliers d’emplois seraient perdus si le gouvernement permettait que la margarine ressemble davantage au beurre. Unilever Canada affirme qu’il lui en coûte au moins 100 000 $ par mois pour manufacturer, emballer et vendre sa marque Becel pour le marché québécois seulement. La marque a la couleur du beurre dans tous les marchés sauf au Québec, où elle est blanche comme du saindoux. La compagnie a invoqué non seulement qu’il s’agissait d’une violation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), mais aussi de l’Accord sur le commerce intérieur et de la Constitution canadienne (Frontier Centre for Public Policy, 2005). En mars 2005, la Cour suprême du Canada a confirmé le pouvoir de l’office de commercialisation du lait du Québec, de la Fédération des producteurs de lait, d’obliger que la margarine vendue au Québec soit d’une couleur différente que le beurre. Finalement, Green (1982, pp. 36-37) traite du cas d’un fermier manitobain qui s’était opposé à l’origine à la mise en place d’un office de commercialisation pour les légumes et qui a ensuite été harcelé par l’office au point où le juge en chef, qui a adopté son point de vue, s’est dit préoccupé du fait que les offices de commercialisation pourraient être une menace envers les libertés civiles au Canada. Les consommateurs et les offices de commercialisation agricole Tout comme on l’observe dans d’autres industries, les consommateurs ont été les partenaires les moins organisés et les plus vulnérables du secteur agroalimentaire. Depuis que les offices de commercialisation ont été mis en place, il semble plutôt étrange que les consommateurs et les producteurs agroalimentaires n’aient pas pris le temps de pleinement apprécier la position de chacun d’eux par rapport à la commercialisation des produits agricoles. Ce n’est pourtant pas parce que les consommateurs ont refusé de participé au processus de gestion de l’offre (Canadian Consumer Council, 1974). Les producteurs ne voyaient pas l’intérêt d’inclure les consommateurs dans le processus de gestion des offices de commercialisation, puisqu’ils croyaient que ces derniers ne comprenaient pas le fonctionnement de l’industrie agricole. Pourtant, les offices de commercialisation sont une partie intégrante de l’appareil étatique, qu’on appelle industries réglementées, à l’image d’autres industries comme la téléphonie, l’essence ou l’électricité. La présence de consommateurs, même dans un rôle purement consultatif, aurait aidé l’industrie. Hart (2005a, p. 8) remarqua qu’« en l’absence d’un puissant lobby de consommateurs, les politiciens agissent dans l’intérêt des producteurs plutôt que dans l’intérêt général ». Ainsi, il n’est pas surprenant que trop de producteurs agricoles restent « engagés en faveur du système et investissent davantage en activités politiques que dans leur modernisation » (Hart, 2005a, pp. 7-8). 11 On peut affirmer que les consommateurs canadiens sont pénalisés par l’existence des offices de commercialisation. On a estimé que, pour la gestion de l’offre des produits laitiers, il en coûte 2,5 milliards $ par année aux consommateurs canadiens (Stanbury, 2002). Par habitant, cela représente environ 80 $ par année (un coût en croissance) ou 320 $ pour une famille de quatre personnes. Ce montant représente beaucoup d’argent pour les familles pauvres et constitue un fardeau inéquitable qu’on leur impose. Ainsi, une conséquence inattendue de l’existence d’office de commercialisation du lait est qu’il rend la nutrition de base plus coûteuse, surtout pour les pauvres (Frontier Center for Public Policy, 2001). En fait, le lait coûte désormais plus cher qu’une bouteille de boisson gazeuse. Les prix élevés du lait payés par les consommateurs représentent une forme de « taxation collective ». Les montants substantiels transférés aux producteurs laitiers sont une taxe indirecte payée par tous les consommateurs de lait canadiens. Malgré les coûts importants du maintien des offices de commercialisation du lait pour l’économie canadienne, les consommateurs et les groupes qui les défendent semblent ignorer comment ces organismes fonctionnent de même que la manière dont ils établissent les prix. Par exemple, Hart (2005a, p. 4) rapporte que des sondages d’opinion publique (commandités par la Commission canadienne du lait) montrent invariablement que 90 % des consommateurs canadiens croient que les prix du lait sont équitables et justes et « qu’ils seraient prêts à payer encore plus pour assurer une production canadienne soutenue ». Évidemment, les offices de commercialisation ont peu ou pas du tout à voir avec le maintien d’un approvisionnement agricole local qui empêche les consommateurs canadiens de mourir de faim; ils visent plutôt à garantir aux producteurs agricoles des revenus stables et en croissance. Plus important encore, le maintien de leur existence reflète une forte volonté politique tant à l’échelle fédérale que provinciale de préserver le statu quo malgré les pressions mondiales exigeants du changement. Tel que mentionné précédemment, à la conférence ministérielle de l’OMC en décembre 2005, les représentants canadiens ont été catégoriquement opposés à tout changement dans les offices de commercialisation (Vieira, 2005). Mais tôt ou tard, les réformes agricoles depuis longtemps attendues devront être mises en place peu importe l’opinion du Canada. Le vieil argument selon lequel les États-Unis ou l’Union européenne ont des subventions agricoles ne tient simplement pas la route sur la scène internationale. Les réformes internationales des marchés agricoles Les offices de commercialisation agricole fondés sur la gestion de l’offre ont protégé les industries agricoles de plusieurs pays industrialisés. Toutefois, ils ont aussi empêché les pays pauvres de vendre leurs denrées aux pays riches. Il est surprenant qu’au XXIe siècle le Canada possède encore des offices de commercialisation pour plusieurs produits agricoles alors que plusieurs autres économies développées qui en ont déjà eu les ont depuis démantelés. Par exemple, les offices de commercialisation du lait ont été éliminés ou déréglementés en faveur de mécanismes plus concurrentiels, entre autres en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni et en Corée du Sud (Bates et Pattisson, 1997; Franks, 2001; Petkantchin, 2005, 2006). La déréglementation des prix du lait au Royaume-Uni est entrée en vigueur en 1994 lorsque les différents UK Milk Marketing Boards (Angleterre, Pays de Galles, Écosse et Irlande du Nord), en fonction depuis 1933, ont été démantelés (Alcock, 1994). Cette évolution reflétait la politique du gouvernement britannique visant à accroître la concurrence et à favoriser la libre détermination des prix. Ainsi, on autorisa les producteurs à vendre leur lait librement. À 12 l’époque, environ deux tiers des producteurs laitiers se sont joints à une coopérative volontaire, appelée Milk Marque (Bates et Pattisson, 1997) mais l’existence de cette coopérative fut de courte durée. Le cas britannique est intéressant pour le Canada parce que les « resquilleurs » (c’est-à-dire les non-membres de la coopérative) obtenaient une prime sur le prix de vente, ce qui a provoqué une diminution précipitée du nombre de membres de la coopérative à environ 50 % en 1999. La majorité des membres de la coopérative étaient alors de petits producteurs à coûts élevés, alors que les membres plus gros et plus efficaces s’en retiraient. Malgré sa position affaiblie sur le marché, Milk Marque a investi massivement non seulement dans la production laitière, mais aussi dans la transformation, un modèle d’intégration verticale qui a influencé sa capacité à offrir des revenus stables à ses membres. La création d’une coopérative agricole n’est pas seulement bénéfique pour les petites fermes. Elle peut établir une entreprise agroalimentaire bien gérée, guidée par le marché et verticalement intégrée au profit des fermiers-propriétaires. Par exemple, les Dairy Farmers of America, une coopérative formée en 1998 suite à l’amalgamation de plusieurs coopératives régionales de partout aux États-Unis, a plus de 20 000 membres produisant environ le quart du lait de ce pays. Même si cette entreprise appartient à des propriétaires de fermes familiales, elle est néanmoins une compagnie d’envergure internationale qui vend ses produits et services partout dans le monde. De même, les années 1990 ont été caractérisées par une consolidation parmi les producteurs laitiers dans l’industrie canadienne. La coopérative Agropur au Québec s’est positionnée comme chef de file avec 4000 fermes laitières membres parmi un total de 18 000 au pays. Cependant, cette coopérative n’est pas aussi intégrée verticalement que son équivalente américaine, en partie à cause de la non-transférabilité des quotas de lait au-delà des frontières provinciales et de l’absence d’un système d’approvisionnement logistique efficace pour répondre aux demandes du marché d’un océan à l’autre. Contrairement au modèle américain ou britannique, Agropur, de même que les autres coopératives canadiennes, est aussi responsable du respect des quotas d’offre obligatoires et doit travailler étroitement avec la Commission canadienne du lait et avec les différents offices de commercialisation du lait provinciaux et autres agences. Il ne fait pas de doute que l’approche des coopératives, plus conforme au libre marché, entre en conflit avec les restrictions commerciales de la gestion de l’offre. En conséquence, certains fermiers sont devenus mécontents et ont démontré une volonté de renoncer à la gestion de l’offre pour pouvoir saisir des occasions d’exportation. La Georgian Bay Milk Company est un exemple classique de cette situation. L’entreprise fut incapable d’obtenir des quotas et vendait son lait aux États-Unis à un prix inférieur que ce qu’elle aurait pu obtenir au Canada. Cependant, le coût d’achat élevé des quotas aurait rendu ces ventes non profitables. Comme on pouvait s’y attendre, l’organisme Dairy Farmers of Ontario a entrepris des procédures juridiques pour faire cesser les agissements de cette entreprise et les tribunaux doivent encore trancher le litige (Corcoran, 2005a; Stoneman, 2005). La Nouvelle-Zélande offre un exemple de déréglementation réussie. Commencé en 1984, elle a fait de ce pays un chef de file mondial dans l’exportation du lait. Une loi de 1961 créa le New Zealand Dairy Board, une agence qui possédait le monopole de l’exportation de tous les produits laitiers. En avril 2001, le monopole du NZDB fut éliminé. Désormais, la NouvelleZélande est un joueur de premier plan dans l’industrie laitière mondiale et exporte plus de 90 % de sa production. En fait, la Nouvelle-Zélande est reconnue comme le point de référence 13 pour les prix mondiaux des produits laitiers. On peut soutenir que l’industrie laitière de la Nouvelle-Zélande est la plus efficace et la plus productive du monde, comprenant environ 14 700 producteurs possédant en moyenne un troupeau de 200 vaches. Les coûts de production sont de deux à quatre fois moins élevés que d’autres pays comme le Royaume-Uni et le Japon (Sankaran et Luxton, 2003). Une raison principale expliquant que la Nouvelle-Zélande ait atteint un tel niveau d’efficacité dans sa production fut la mise en place de l’approche verticale de commercialisation grâce à laquelle la chaîne de production est gérée partout au pays. Essentiellement, le modèle commercial néo-zélandais a simplement emprunté les pratiques de gestion employées par les entreprises manufacturières à plusieurs usines dans le but de diminuer leurs coûts de distribution. Afin de réduire les coûts logistiques et d’obtenir des gains de productivité, on utilise une approche d’intégration du marché qui combine l’achat, la manufacture, la conception des horaires, le transport, l’entreposage, l’information et d’autres tâches dans un système intégré (Sankaran et Luxton, 2003). Une telle approche serait impossible à mettre en place au Canada, non seulement à cause des restrictions au commerce interprovincial, mais aussi à cause des quotas accordés à chaque producteur. La position autrefois avantageuse du Canada sur le plan de la production laitière a chuté : les exportations de produits laitiers ont été de seulement 315 millions $ sur un total de 11 milliards $ à l’échelle mondiale en 2003. Le producteur moyen possède un troupeau de 60 vaches, c’est-à-dire trois fois moins que la moyenne en Nouvelle-Zélande, bien que le Canada ait 4000 producteurs laitiers de plus (Hart, 2005a). De même, l’Australie a réformé son système de mise en marché collective à partir de 1999. Auparavant, les producteurs laitiers comptaient sur les systèmes de gestion de l’offre et insistaient pour qu’on maintienne des mesures protectionnistes afin de les protéger des importations. Des producteurs laitiers, de concert avec le gouvernement fédéral, ont accepté de mettre en place un programme d’« ajustement structurel de l’industrie laitière » qui visait à déréglementer ce secteur au fil du temps de manière à ce qu’il devienne un système davantage fondé sur le libre marché (Hart, 2005a). Toutefois, les producteurs ont perdu la valeur de leurs quotas. Pour compenser les fermiers, le gouvernement australien a décidé d’imposer une taxe temporaire sur le lait jusqu’en 2008 (Petkantchin, 2005). La production laitière n’a pas diminué avec l’élimination du soutien des prix. Les prix à la sortie de la ferme ont été réduits, de même que les prix au détail pour le lait de consommation, malgré la taxe temporaire et le fait que les transformateurs et les détaillants n’aient pas augmenté leur marge de profit. De plus, les fermiers australiens ont ajouté plus de vaches à leur troupeau, ont agrandi leur ferme, ont modernisé leur équipement, ont augmenté leurs revenus non agricoles et ont développé d’autres types de production agricole (Petkantchin, 2006). L’élimination des systèmes de gestion de l’offre laitière au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande et en Australie ont rendu l’industrie plus concurrentielle et dynamique, faisant du consommateur le grand gagnant. La transformation des offices de commercialisation du lait de monopoles restreignant les importations à des agences sur le marché libre dans ces pays montre que ce processus est possible, et le Canada ne peut attendre bien plus longtemps pour mettre en place des réformes grandement nécessaires fondées sur l’économie de marché, entre autres dans l’industrie laitière. Abolir ou réformer le système des offices de commercialisation du lait ne sera pas une mince affaire, étant donné qu’il coûte en moyenne 29 000 $ pour acheter un quota pour une seule vache (ce montant varie selon les provinces). Sans compter le coût du quota, le coût d’achat d’une vache laitière peut être encore plus élevé, dépendamment de sa production de lait réelle 14 ou potentielle. Pour un nouveau joueur, cela voudrait dire qu’il faudrait débourser plus de 1,5 million $ simplement pour acheter les quotas d’un troupeau de taille moyenne de 60 vaches laitières. Plus important encore, un investissement presque équivalent est nécessaire pour la terre, les bâtiments, la machinerie agricole, l’équipement et ainsi de suite. Un prêt initial peut prendre jusqu’à dix ans à rembourser. La valeur totale des quotas de production laitière au Canada est estimée à plus de 20 milliards $ (Gifford, 2005). S’ils étaient éliminés abruptement ou progressivement, les fermiers devraient-ils être compensés pour cette perte? Qui devrait payer quel montant pour compenser les producteurs laitiers? L’élimination des quotas causerait des pertes en capital réelles pour leurs propriétaires actuels : environ 1,5 million $ en moyenne par ferme laitière. Évidemment, les fermiers résisteraient et demanderaient une compensation. Dans une analyse des arguments pour et contre la compensation, Stanbury (2002) croit fermement que le gouvernement n’a pas d’obligation morale d’utiliser l’argent des contribuables pour compenser la perte des producteurs laitiers : « Que le gouvernement paie une compensation ajouterait l’insulte à l’injure du point de vue des consommateurs de lait et des contribuables. Pendant des décennies, ils ont payé des prix du lait plus élevés que les consommateurs américains à cause d’une politique mise en place par le gouvernement à la demande des fermiers afin de hausser leurs revenus. Désormais, on s’attend à ce que les consommateurs et les contribuables paient encore plus de taxes pour compenser les producteurs laitiers pour la réduction de la valeur de leurs quotas. Les forcer à agir ainsi est une façon de légitimer l’idée qu’il est acceptable qu’une minorité déterminée exploite une majorité grâce à son influence plus grande face au gouvernement » (p. 15). Après tout, tel qu’expliqué précédemment, les avantages économiques reçus par les producteurs laitiers ne sont pas défrayés par le gouvernement, mais par les consommateurs, les transformateurs et d’autres intermédiaires. Par exemple, l’Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires s’est plainte amèrement des hausses des prix des produits laitiers et des prix à rabais offerts uniquement aux entreprises qui produisent des pizzas congelées (Reguly, 2004). En 2006, cette association a même créé un site Web permettant à ses membres d’exprimer leurs préoccupations face à l’équité des prix des produits laitiers (www.gotmilked.ca). Coleman (2001) estime qu’une transition vers un marché plus ouvert signifie que les fermiers devront recevoir des paiements directs, non des congés fiscaux, et que les producteurs laitiers n’ont pas besoin d’être compensés pour la pleine valeur de leurs quotas. Le montant de compensation devra être fixé d’avance, une mesure préventive au cas où les fermiers exigeraient davantage par la suite à cause de changements dans les conditions du marché. Finalement, selon lui les contribuables devraient assumer cette aide financière temporaire aux fermiers, une position que Stanbury (2002) opposerait fermement. Quoi qu’il en soit, si le gouvernement refuse de compenser les fermiers, peu importe les raisons, il sera pratiquement impossible d’éliminer le système de gestion de l’offre par quotas, du moins pour le lait. L’avenir des offices de commercialisation agricole L’importante question qu’il faut se poser est comment les offices de commercialisation agricole peuvent-ils être réformés alors que les consommateurs canadiens eux-mêmes ne sont pas susceptibles de forcer les différents ordres de gouvernement à changer la façon dont les offices de commercialisation gèrent leurs affaires. Ce type d’organismes, de même que d’autres programmes de soutien agricole, font maintenant face à des problèmes majeurs dans une économie du XXIe siècle qui est caractérisée par des conditions rapidement changeantes 15 qui nécessitent de promptes adaptations si les entreprises agroalimentaires veulent survivre et obtenir du succès (Charlebois, Langenbacher, Tamilia, 2007). Les offices de commercialisation agricole peuvent avoir été profitables pour les fermiers par le passé et peuvent avoir aidé le secteur agroalimentaire canadien à se développer et à devenir concurrentiel (Troughton, 1989). Cependant, la structure actuelle des offices de commercialisation apparaît désormais périmée et des réformes significatives sont requises d’urgence. Les offices de commercialisation agricole ont été une partie intégrante des politiques et des stratégies agricoles canadiennes depuis longtemps déjà. Cependant, l’incapacité de l’industrie à répondre rapidement aux changements inattendus entraînés par des incertitudes économiques et sanitaires a remis en question la raison d’être des offices de commercialisation et d’autres programmes de soutien agricole. Nous avons tenté de démontrer que la nature structurelle des offices de commercialisation agricole les a rendus plutôt inflexibles, moins innovateurs et déficients dans la manière dont ils ont répondu aux conditions du marché. Après tout, ce secteur est semblable à tous les autres secteurs de l’économie et il doit être davantage ouvert à la concurrence. L’arrangement de type cartel parmi les producteurs a empêché l’accès au marché ou la croissance par des entrepreneurs agricoles qui auraient été en mesure de dépasser les autres fermiers en innovant davantage. Aucune autre industrie au Canada n’est caractérisée par une telle barrière à l’entrée approuvée par le gouvernement. En conséquence, plusieurs producteurs agricoles ont profité de généreuses subventions par le passé dont les coûts économiques et sociaux pour les consommateurs ont été carrément disproportionnés par rapport à leurs avantages pour la société. Pour des raisons obscures, de telles agences réglementées par l’État ont échappé à la surveillance du public et leur rôle économique n’a pas été sujet au même niveau de transparence que les autres organismes publics (Veeman, 1997). On peut se demander pourquoi les producteurs agricoles canadiens ont été si protégés. Peut-être est-ce que cela est dû en partie à la perspective nostalgique des petites fermes familiales nourrissant un pays affamé? De nos jours, plusieurs producteurs agricoles sont des grandes entreprises, contrairement à la ferme familiale d’il y a 50 ou 75 ans. Notre époque de mondialisation et de dynamique accélérée des marchés rend les offices de commercialisation mûres pour du changement. À cause de la nature fractionnaire des différents offices de commercialisation agricole de chaque province, ces derniers ne peuvent espérer répondre aux besoins d’un consommateur qui cherche un fournisseur national d’une denrée, en partie à cause du bourbier qui a entravé le commerce interprovincial tout au long du siècle dernier. Le système actuel des offices de commercialisation agricole décourage l’efficacité et la performance et contrecarre l’innovation dans les techniques de gestion. Les quotas sont devenus des barrières à l’entrée importantes pour les nouveaux venus dans certaines industries agricoles. Comme nous l’avons vu, les offices de commercialisation limitent l’entrée de nouveaux participants potentiellement plus innovateurs. De telles restrictions sont désormais rares dans l’économie et elles seraient en général considérées illégales dans d’autres industries. Les principaux partenaires commerciaux du Canada ne sont pas ravis de la manière dont les offices de commercialisation agricole restreignent les importations. D’une part, certains fermiers se sont affairés à trouver de nouveaux marchés étrangers pour leurs produits, comme les légumes, lors des dernières années. D’autre part, les offices de commercialisation agricole 16 ont limité les importations agricoles vers le Canada, pour des produits comme la volaille et le lait. Ce déséquilibre commercial ne peut persister pour toujours. Conclusion Les pouvoirs monopolistiques des offices de commercialisation agricole sont sans égal par rapport aux autres secteurs de l’économie canadienne. Les fermiers doivent se rendre compte qu’ils font partie de l’économie normale comme les autres. L’agriculture ne possède pas le monopole des conditions de marché particulières, dont on se sert pour justifier les interventions et le soutien de l’État. Toutes les autres entreprises dans l’économie opèrent aussi dans des conditions de marché spécifiques qui doivent recevoir une attention spéciale. On doit mettre fin au statut de club privé dont jouissent les agriculteurs. Les gouvernements du Québec et du Canada doivent mettre en place des réformes afin de libéraliser le secteur de l’agriculture et le plus tôt sera le mieux. Bien que la gestion de l’offre puisse avoir été établie avec de bonnes intentions par le passé, aujourd’hui elle cause plus de mal que de bien aux consommateurs, à l’économie en général, mais aussi aux producteurs. Elle a rendu les fermes canadiennes plus petites, moins en mesure de réaliser une intégration verticale et incapable de profiter pleinement des outils de gestion modernes et des systèmes d’information qui ont transformé des industries entières. Ce n’est plus une question de choix, mais de nécessité afin de nous assurer une économie agricole dynamique. La libéralisation des marchés, notamment pour les produits laitiers, est une réalité dans plusieurs pays développés qui possédaient auparavant des offices de commercialisation bien établis. Il n’y a aucune raison pour laquelle le Canada ne pourrait pas réformer ses propres offices de commercialisation agricole. Nous suggérons de s’attaquer en premier lieu à la gestion de l’offre laitière, parce que c’est le secteur qui a été réformé avec le plus de succès au cours des dernières années. Il est possible que la réforme des offices de commercialisation du lait accélère les changements dans d’autres secteurs agricoles. La nature exacte des changements requis demeure davantage une question politique qu’une question purement commerciale. Les producteurs laitiers du Québec et de l’Ontario doivent prendre conscience qu’ils ne peuvent plus compter sur la réglementation fédérale et provinciale pour les protéger de la concurrence intérieure et étrangère. Peut-être faudra-t-il que plus de petits producteurs joignent des coopératives afin d’apprécier les bénéfices de la libéralisation commerciale. Une telle décision, du moins au début, pourrait les aider à voir la nécessité de mettre en place des procédures de gestion plus modernes telles que l’intégration verticale. Les producteurs doivent redéfinir leur entreprise non pas comme celle de produire du lait, d’élever des poulets ou de récolter du blé, mais d’offrir des aliments nutritifs améliorés et innovateurs aux consommateurs locaux et du monde entier. En d’autres mots, une définition trop étroite de leur entreprise limite leur potentiel sur le marché. Ils doivent étendre leur modèle commercial afin d’inclure plusieurs autres occasions d’affaires, produits et marchés. ### 17 Références Abbott, J. et Creupelandt, H. (1966), Agricultural Marketing Boards: Their Establishment and Operation, Food and Agriculture Organization (FAO) Marketing Guide, No. 5. Rome. Abbott, J. 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