Géométrie euclidienne 1
Géométrie euclidienne
Euclide.
La géométrie euclidienne commence avec les Éléments d'Euclide, qui est à la
fois une somme des connaissances géométriques de l'époque et une tentative de
formalisation mathématique de ces connaissances. Les notions de droite, de
plan, de longueur, d'aire y sont exposées et forment le support des cours de
géométrie élémentaire. La conception de la géométrie est intimement liée à la
vision de l'espace physique ambiant au sens classique du terme.
Les conceptions géométriques connaissent, depuis les travaux d'Euclide, des
évolutions suivant trois axes principaux :
1. Pour vérifier les critères de rigueur logique actuels, la définition axiomatique
subit de profonds changements, l'objet mathématique restant néanmoins le
même.
2. Pour ne plus se limiter aux dimensions deux et trois et pour permettre
l'élaboration d'une théorie plus puissante, un modèle algébrique de la
géométrie est envisagé. L'espace euclidien est maintenant défini comme un
espace vectoriel ou affine réel de dimension finie muni d'un produit scalaire.
3. Enfin, la structure géométrique euclidienne n'est plus la seule envisageable ;
il est établi qu'il existe d'autres géométries cohérentes.
Plus de 2000 ans après sa naissance, l'espace géométrique euclidien est un outil toujours efficace aux vastes
domaines d'applications. Par exemple, l'espace des physiciens reste encore principalement du domaine de la
géométrie euclidienne, l'astronomie étant l'exception la plus notoire.
Son aspect mathématique est traité de manière didactique dans l'article produit scalaire. L'article se fonde sur la
formalisation d'un vecteur à l'aide d'un bipoint, développé dans vecteur. Une approche plus poussée, fondée sur la
formalisation axiomatique de l'espace vectoriel est développée dans espace euclidien.
Lapproche euclidienne de la science de lespace
La géométrie euclidienne au sens des antiques traités du plan et de l'espace ; elle est souvent présentée comme une
géométrie « de la règle et du compas ». Les objets considérés sont les points, les segments, les droites, les
demi-droites, avec leurs propriétés d'incidence (la règle), ainsi que les cercles (le compas). Les enjeux essentiels
sont l'étude de figures et la mesure.
Les outils de la géométrie d'Euclide
La construction d'Euclide se fonde sur cinq postulats[1] :
1. Un segment de droite peut être tracé en joignant deux points quelconques distincts.
2. Un segment de droite peut être prolongé indéfiniment en une ligne droite.
3. Étant donné un segment de droite quelconque, un cercle peut être tracé en prenant ce segment comme rayon et
l'une de ses extrémités comme centre.
4. Tous les angles droits sont congruents.
5. Si deux lignes sont sécantes avec une troisième de telle façon que la somme des angles intérieurs d'un côté est
strictement inférieure à deux angles droits, alors ces deux lignes sont forcément sécantes de ce côté.
Les raisonnements sur les figures géométriques portent sur leurs intersections et leurs dimensions : sur l'incidence et
la mesure. De ce point de vue, certaines transformations des figures sont utiles ; les plus pertinentes sont les
similitudes, c'est-à-dire les transformations qui conservent les rapports des distances. Les similitudes les plus simples
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sont les rotations, les symétries, les translations, qui conservent les distances, ainsi que les homothéties. À partir de
ces quelques objets de base, toutes les similitudes peuvent être construites par composition.
La construction d'Euclide permet le développement des notions de mesure de longueur, d'aire, de volume, d'angle. Il
existe de nombreuses aires de surfaces usuelles calculables par les techniques des Éléments. Une méthode, la
méthode d'exhaustion qui préfigure l'intégration, permet d'aller plus loin. Archimède (287-212 av. J.-C.), par exemple
réalise la quadrature de la parabole. Une limite de la notion de mesure vient de ce que les nombres considérés sont
seulement les nombres constructibles (à la règle et au compas).
Les deux théorèmes fondamentaux sont le théorème de Pythagore et celui de Thalès. Un peu d'analyse permet d'aller
plus loin avec la trigonométrie. C'est le premier exemple de construction d'un pont entre la géométrie euclidienne
pure et une autre branche mathématique, pour enrichir la palette d'outils disponibles.
Approche géométrique de l'algèbre
La formule de l'aire d'un rectangle ou d'un triangle, le théorème de Thalès ainsi que celui de Pythagore offrent tous
des relations algébriques entre des grandeurs que sont les cotés d'un triangle ou d'un rectangle. Ces différentes
méthodes sont l'un des ingrédients de l'algèbre naissante, initiée par Diophante, et développée par la civilisation
arabe.
Le traité d'Al-Khawarizmi, un mathématicien persan du VIIIeŠsiècle, intitulé La transposition et la réduction a pour
objectif la résolution d'une équation du second degré quelconque. Sa méthode se fonde sur ce que l'on appelle
maintenant les identités remarquables, qui, chez lui se démontrent toutes à l'aide de la géométrie euclidienne.
Cette géométrisation de l'algèbre porte ses fruits aussi en arithmétique, la science des nombres. La première
démonstration montrant l'existence de grandeurs irrationnels est probablement géométrique[2] . Certains calculs
comme la valeur du nième nombre triangulaire ou encore la somme des n premiers cubes d'entiers sont réalisés
géométriquement[3] .
Succès et limites
Figure à la règle et au compas : heptadécagone, un
polygone régulier de 17 côtés.
Un objectif de la géométrie euclidienne est la construction de
figures à la règle et au compas. L'étude du triangle relève de ce
domaine. La richesse des résultats obtenus est illustrée par la liste
des éléments remarquables d'un triangle. Une famille de figures
emblématiques est celle des polygones réguliers (voir l'article
Partage d'une tarte). Ils ne sont cependant pas tous constructibles.
Les techniques de construction s'appliquent non seulement au plan,
mais aussi à l'espace comme le montre l'étude des polyèdres.
Une spécificité de la géométrie euclidienne réside dans le fait
qu'elle n'utilise initialement que peu ou pas du tout de théorèmes
complexes et puissants d'algèbre ou d'analyse. C'est une
mathématique autonome et indépendante, où les preuves
proviennent essentiellement de raisonnements purement
géométriques. Cependant, pour les cas complexes, comme la
construction de la figure ci-contre, d'autres outils, par exemple les polynômes, se révèlent indispensables (cf
Théorème de Gauss-Wantzel). Les trois grands problèmes de l'antiquité, à savoir la quadrature du cercle, la trisection
de l'angle et la duplication du cube, à l'aide seulement de la règle et du compas, ne se sont d'ailleurs montrés
possibles qu'avec l'apport d'une autre branche des mathématiques : l'arithmétique, algébrique ou analytique[4] .
La géométrie euclidienne a de nombreuses applications. La Renaissance fait largement appel aux techniques des
Éléments. L'architecture, la peinture à travers la perspective[5] regorgent d'exemples de cette nature. L'art des
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entrelacs[6] de Léonard de Vinci (1452-1519) est un autre cas d'utilisation. Ces mathématiques servent aussi à la
mesure, à la fois pour les arpenteurs et dans un objectif scientifique. Elles permettent à Ératosthène (276194 av. J.-C.)
de mesurer la circonférence de la Terre. Les techniques utilisées, dites de triangulation et ayant pour base la
trigonométrie, permettent aux marins de connaître leur position.
Application et nouveaux outils : espace euclidien et physique
Système solaire (tailles et distances relatives non à l'échelle).
À partir du XVIeŠsiècle les mathématiques s'éloignent de plus
en plus de la géométrie du triangle. La géométrie euclidienne
garde son utilité car elle modélise avec pertinence le monde
physique ambiant.
Cependant, l'approche purement antique devient trop
restrictive. Elle n'offre pas un cadre suffisant pour le
développement des mathématiques. Pour étudier les
coniques[7] Blaise Pascal (1623-1662) utilise un nouvel outil : le
repère. Il s'avère précieux à la naissance du calcul
infinitésimal[8] . Avec le temps l'algèbre et l'analyse
deviennent prédominantes : de nouvelles techniques,
éloignées de celles héritées d'Euclide, sont développées. En ce qui concerne la modélisation de l'espace physique, ces
nouveautés sont utilisées dans le cadre d'une géométrie peu formalisée, néanmoins avec un large succès. Les théories
datant d'avant le XXeŠsiècle se contentent de ce cadre. Encore maintenant, et dans un contexte très général, la
géométrie usuelle de la physique reste euclidienne. Elle permet des résultats spectaculaires, comme la mécanique
newtonienne.
Ce n'est qu'en 1915, qu'une autre géométrie, celle de la relativité générale, explique mieux un phénomène, celui de
l'avance du périhélie de Mercure. La géométrie euclidienne reste maintenant valable à trois exceptions près :
les distances astronomiques, dans le cadre de la relativité générale ;
les vitesses proches de la lumière, avec la géométrie de la relativité restreinte ;
les dimensions inférieures à la taille des particules, dans le cadre de certaines théories contemporaines comme
les supercordes.
Si la modélisation de la géométrie de l'espace reste souvent la même que celle de l'Antiquité (aux exceptions déjà
citées près), la formalisation change radicalement.
Approche algébrique de la géométrie
La conception de l'espace par les mathématiciens n'est historiquement pas figée ; les évolutions se font pour
plusieurs raisons : le besoin de mieux fonder la théorie géométrique, d'une part en comblant certains déficits de
rigueur du texte d'Euclide, d'autre part en liant la théorie à d'autres branches des mathématiques ; mais aussi la
nécessité de pouvoir utiliser l'important corpus de résultats géométriques dans d'autres espaces que celui de notre
monde physique ou que le plan usuel.
Ces deux derniers objectifs sont en fait atteints grâce à une branche particulière des mathématiques : l'algèbre
linéaire.
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Motivation : la mécanique du solide
Un solide possède 6 degrés de liberté.
La mécanique du solide apporte un point de vue nouveau sur la géométrie
euclidienne. Si notre espace décrit la position du centre de gravité, le
solide peut tourner autour de ce centre. Il dispose encore trois degrés de
liberté supplémentaires. Il est nécessaire de considérer un espace de
dimension six, pour rendre compte de la position exacte du solide.
Il en est de même pour la vitesse. Elle est décrite par le mouvement du
centre de gravité, représenté classiquement par un vecteur de l'espace
physique et par une rotation, que l'on peut modéliser par un vecteur
(vecteur perpendiculaire au plan de rotation et dont la longueur est
proportionnelle à la vitesse angulaire). Mathématiquement, le champ des
vitesses est dit équiprojectif et se représente par un torseur. L'espace
auquel il appartient est encore de dimension six.
Cette démarche consistant à définir un espace abstrait, qui ne représente
plus directement notre univers, mais un espace spécifique au problème étudié, est féconde. Elle permet d'utiliser les
outils de la géométrie euclidienne dans des contextes variés.
La mécanique statique est un autre exemple, un objet est considéré comme l'assemblage d'un ensemble de solides
soumis à des contraintes qui les lient entre eux. L'objet est l'étude de la stabilité d'un corps, comme un pont ou un
gratte-ciel. La dimension est égale à six fois le nombre de solides composant l'objet. Cette démarche est surtout
développée durant le XXeŠsiècle. En effet, la dimension croît rapidement et une puissance de calcul accessible
uniquement depuis l'arrivée des ordinateurs est nécessaire pour rendre ces techniques opérationnelles.
Motivation : la statistique
Exemple de représentation euclidienne d'un
dépouillement.
Certaines techniques de dépouillement d'un sondage utilisent les
propriétés de la géométrie euclidienne. Celle-ci permet, grâce à la
notion de distance, une modélisation pertinente, et, grâce aux outils de
l'algèbre linéaire, une algorithmique pour les calculs effectifs.
Si les critères, représentés par les questions d'un sondage, peuvent être
ramenés à des grandeurs mesurables, alors chaque sondé apparaît
comme un point d'un espace dont la dimension est égale au nombre de
critères. Cette géométrie est essentielle en statistique :
Elle réduit la dimension de l'espace à travers le choix d'axes
(appelés ici composantes) particulièrement révélateurs et en
nombre réduit. L'analyse du sondage devient réalisable dans un
espace plus petit, dépolluée du bruit non significatif, et
graphiquement représentable pour une compréhension intuitive
du dépouillement.
Elle mesure les corrélations entre les différentes questions. La figure illustre ici deux critères, chacun
représenté par un axe. Pour cet exemple, en première analyse, quand le critère de l'axe horizontal prend des
valeurs de plus en plus élevées, alors le critère de l'axe vertical prend des valeurs de plus en plus basses. Les
deux critères sont dits anticorrélés.
La démarche consistant à analyser des données à travers une géométrie euclidienne est utilisée dans de nombreuses
sciences humaines. Elle permet l'analyse des comportements même lorsque ceux-ci ne suivent pas des lois rigides.
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Modèle linéaire de la géométrie : les espaces euclidiens
Version géométrique du théorème de Pythagore, le théorème
fondamental des espaces euclidiens.
La notion d'espace vectoriel fournit une première
structure purement algébrique dans laquelle le langage
géométrique peut s'exprimer. La notion de coordonnée
devient centrale, et le plan, par exemple, est en partie
modélisé par un espace vectoriel de dimension deux,
qui s'identifie essentiellement à l'ensemble de tous les
couples de coordonnées (x1, x2), où x1 et x2 sont deux
nombres réels ; un point est alors simplement un tel
couple. La généralisation se fait facilement à l'espace
de dimension 3 en considérant des triplets de
coordonnées, mais aussi aux espaces de dimension n.
Dans cette modélisation, le plan abstrait tel que décrit
par les axiomes a été muni arbitrairement d'une origine.
La description géométrique des espaces vectoriels fait
jouer un rôle très particulier au vecteur nul : le vecteur
"0". Les objets mathématiques habituellement associés sont des droites qui se rencontrent toutes en 0 et des
transformations qui laissent inchangé le vecteur 0. On définit une structure dérivée de celle d'espace vectoriel, qui
porte le nom d'espace affine, et pour lequel les points jouent tous des rôles identiques. En termes imagés, ce procédé
consiste à transférer la situation observée en 0 à tous les autres points de l'espace. Cela se fait par translation, plus
précisément en faisant agir l'espace vectoriel sur lui-même par translation.
La structure d'espace affine permet de rendre compte pleinement des propriétés d'incidence : par exemple, dans un
espace affine réel de dimension 2, les droites vérifient le cinquième postulat d'Euclide.
Cependant, seules les propriétés d'incidence sont modélisées, une grande partie de la géométrie euclidienne classique
n'est pas atteinte : il manque essentiellement une notion de mesure. Un outil linéaire permet de combler cette lacune ;
c'est le produit scalaire. Un espace affine réel muni d'un produit scalaire est appelé espace euclidien, toutes les
notions géométriques classiques sont définies dans un tel espace, et leurs propriétés issues de l'algèbre vérifient tous
les axiomes euclidiens : les théorèmes géométriques issus du corpus classiques, portant sur n'importe quels objets
vérifiant ces axiomes, deviennent donc en particulier des théorèmes pour les points, droites, cercles, tels que définis
dans un espace euclidien.
Enfin, les espaces affines euclidiens ne sont pas limités aux dimensions 2 ou 3 ; ils permettent de rendre compte des
différents problèmes physiques et statistiques évoqués ci-dessus, et qui mettent en jeu un plus grand nombre de
variables, avec l'utilisation d'un langage géométrique. Beaucoup de théorèmes d'incidence et de mesure se
généralisent presque automatiquement, notamment le théorème de Pythagore.
Le passage à un degré d'abstraction supérieur offre un formalisme plus puissant, donnant accès à de nouveaux
théorèmes et simplifiant les démonstrations ; l'intuition géométrique habituelle des dimensions 2 ou 3 est parfois
défiée par ces dimensions supérieures, mais reste souvent efficace. Les gains sont suffisants pour que les analyses
sophistiquées soient généralement exprimées à l'aide du produit scalaire.
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