Les Éléments d’Euclide : l’axiomatisation
Rien ne peut se déduire de rien, pour construire une théorie il faut admettre
des vérités. Les grecs en avaient de deux types: les axiomes (ou notions
communes) dont la portée étaient universelle et qui ne pouvaient être remis
en cause que par un esprit non rationnel, et les postulats dont la portée était
restreinte à une certaine théorie (on pourrait dire qu’il s’agissait des règles
du jeu choisi). Partant de là, les géomètres grecs ont essayé de construire
une théorie cohérente. La plus aboutie est certainement constituée par Les
Éléments d’Euclide.
Au début des Éléments, on trouve une trentaine de dénitions, 8 axiomes et
5postulats. Autant par sa forme que par ce qu’il énonce, le dernier postulat
est diérent des autres. Les trois premiers sont des assertions d’existence
de certains objets, le quatrième est un résultat d’homogénéité, alors que le
dernier arme quelque chose qui semble bien moins évident, d’autant plus
qu’il fait appel à l’inni. Sa forme rappelle celle d’un théorème puisqu’elle
contient une hypothèse impliquant une conclusion.
L’erreur : vouloir démontrer le V e postulat
Le cinquième postulat (P5) apparaît comme moins « évidemment vrai » que les
autres, si bien que, dès l’Antiquité, des géomètres ont cru qu’il serait possible
de le déduire des quatre premiers (réduisant ainsi la liste des postulats de la
géométrie euclidienne), ou, au moins, de le remplacer par un autre énoncé
plus naturel. Voici quelques exemples de ces postulats alternatifs..
Une volonté de classication :
le Programme d’Erlangen
En 1872, Felix Klein présente son Programme d’Erlangen, qui vise à une
synthèse des diérentes géométries. Désormais, une géométrie se dénit à
partir d’un espace de référence sur lequel on s’autorise un certain nombre de
transformations (pour la géométrie euclidienne, ce sont les translations, les
rotations et les symétries). L’accent est mis sur l’ensemble de ces transformations,
qui constitue une structure algébrique appelée groupe.
Et aujourd’hui ?
Dignes héritiers des géomètres arpenteurs de l’Antiquité, les physiciens
d’aujourd’hui se sont lancés dans l’étude de la géométrie de l’univers. Espaces à
26 dimensions, singularités ou encore espace-temps fractal sont des exemples
de ces outils mathématiques qui, progressivement, permettent de lever de
nouveaux coins du voile sur le monde qui nous entoure..
1) Il existe toujours une droite qui passe
par deux points du plan.
2) Tout segment peut être étendu suivant
sa direction en une droite (innie).
3) A partir d’un segment, il existe un
cercle dont le centre est un des points
du segment et dont le
rayon est la longueur du
segment.
4) Tous les angles droits
sont égaux entre eux.
5) Et si une droite
tombant sur deux
droites, fait les angles
intérieurs du même côté
plus petits que deux
droits, alors ces deux
droites, prolongées à
l’inni, se rencontreront
du côté où les angles
sont plus petits que deux
droits.
Axiomatisation
systématique de la
géométrie (Dessins de
Tartaglia)
Éléments d’Euclide
env. 300 av. JC
Un des premiers
commentateurs à re-
mettre en cause P5.
Commentaire sur les
Éléments d’Euclide
env. 450
Si deux droites sont parallèles à
une troisième, elles sont parallèles
entre elles.
Proclus (411 - 485)
Le plus connu des
axiomes équivalents. Dû
à Proclus et popularisé
par Playfair en 1795.
Axiome de Playfair
env. 450
Par un point extérieur à une
droite, il passe une et une seule
parallèle à celle-ci.
Proclus (411 - 485)
John Playfair
(1748 - 1819)
Legendre tente
en vain de prouver P5.
Éléments de géométrie
1794
La somme des angles d’un triangle
égale deux angles droits.
Girolamo Saccheri (1667 - 1733)
Adrien-Marie Legendre (1752 - 1833)
Adrien-Marie
Legendre
Il existe des quadrilatères avec
quatre angles droits.
Omar Khayyam (1048 - 1131)
Girolamo Saccheri (1667 - 1733)
Khayyam jette
les premières bases
pour les géométries
non euclidiennes.
Sur le difcultés des
dénitions d’Euclide
env. 1100
Axiomatique où
Saccheri réfute P5
mais croit parvenir à
une contradiction
Euclide lavé de toute tache
1733
Programme de re-
cherche qui remet en
question la vision clas-
sique des géométries.
Programme d’Erlangen
1872
Felix Klein
(1849 - 1925)
Théorie relati-
viste de la gravitation
qui implique un espace-
temps hyperbolique.
Relativité générale
1915
Albert Einstein
(1879 - 1955)
La relativité restreinte doit
admettre une courbure négative
de l’espace-temps qui implique
que l’espace est hyperbolique.
Histoire d’une erreur — Le cinquième postulat d’Euclide
Conception : Shaula Fiorelli Vilmart