L`APPORT DE L`ISLAM ET DU POUVOIR TRADITIONNEL

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PROGRAMME REGIONAL ENVIRONNEMENT
Coordination Nationale des Comores
Direction Générale de l’Environnement
TABLE RONDE
AUDIT/GOUVERNANCE LOCALE/ONG
Janvier 1998
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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SOMMAIRE
L’APPORT DE L’ISLAM ET DU POUVOIR TRADITIONNEL DANS LA SOLUTION DES
PROBLEMES LIES A L’ENVIRONNEMENT COTIER ET MARIN ........................................................... 3
LES ASSOCIATIONS ULANGA ........................................................................................................................ 9
INVENTAIRE ET ANALYSE CROISEE DES MODES DE GOUVERNANCE LOCALE UTILE A LA
GESTION INTEGREE DES ZONES COTIERES DANS LES PAYS DE LA COI ..................................... 15
LES COMITÉS DE PILOTAGE, UNE VOIE ORIGINALE DE GOUVERNANCE LOCALE AUX COMORES.
COMMENT LES UTILISER DANS LA GESTION INTÉGRÉE DES ZONES CÔTIÈRES?.............................. 17
PROJET SANDUK CREDIT RURAL ET URBAIN DES COMORES......................................................... 27
LES ASPECTS FONCIERS DE LA GESTION LOCALE DE LA ZONE COTIERE................................. 35
ACTIVITES ECONOMIQUES DANS LES VILLAGES COTIERS............................................................. 48
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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L’APPORT DE L’ISLAM ET DU POUVOIR TRADITIONNEL
DANS LA SOLUTION DES PROBLEMES
LIES A L’ENVIRONNEMENT COTIER ET MARIN
Consultant Anthropologue
Damir Ben Ali
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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En cette période de crise économique et financière, de désintégration du système
étatique crée par les successeurs des autorités coloniales, les efforts des communautés locales
pour prendre en charge leur destin est une raison d’espérer en un avenir meilleur. Cette table
ronde consacrée à l’inventaire et l’analyse des modes de gouvernance locale utiles à la
gestion intégrée des zones côtières et marines revêt une importance considérable.
Vous voudrez bien cependant accepter la modestie de la contribution que je me suis
résolue à apporter à cette table ronde eu égard bien sûr à mon savoir limité mais aussi et
surtout au temps dont j’ai pu disposé pour concocter cet exposé. Deux semaines auraient
peut être suffi à un autre que moi qui suis un «trop lent géniteur d’idées» et pendant une
autre période que celle de ce mois très chaud du ramadan.
J’ai eu une autre appréhension lorsque j’ai pris connaissance de la justification et des objectifs
du thème que l’on me demande de traiter. Il s’agit de montrer les rapports entre Islam et
pouvoir traditionnel en faisant la distinction entre Islam aristocratique et un autre Islam peut
être populaire, en indiquant la relation entre pouvoir traditionnel et initiatives
communautaires et enfin l’intégration de l’islam et du pouvoir traditionnel dans la
gouvernance locale pour le développement durable.
L’Islam qui fournit les idéaux auxquels les collectivités villageoises comoriennes tout
comme l’individu tend à se conformer est caractérisé à la fois par l’absence revendiquée de
frontière entre le sacré et le profane et l’attachement aux valeurs d’égalités de tous ses fidèles
voire de tous les hommes crées par Dieu.
Des clivages existent au sein de la société et elles sont fondées sur des critères
idéologiques liés à la religion du prophète Muhammad.
Ces clivages induisent cependant moins d’inégalités que de rivalités. Certaines identifient
des élites dites de la naissance avec les sharifs descendants directe en ligne patrilinéaire du
prophète, d’autres des élites du savoir avec les Uléma, les cadis et les maîtres coraniques.
Néanmoins l’existence des savants et des sharifs n’est pas à elle seule constitutive d’une
nouvelle couche sociale. Leur recrutement n’a pas un caractère endogamique sauf chez
certains groupes d’immigrés récents arabes et indiens qui habitent quelques zones urbaines.
Les intellectuels religieuses et les charifs sont issus de tous les groupes familiaux et de tous
les villages et les quartier. Ce qui rend impossible un processus de stratification.
En vivant sa religion, un comorien vit sa société et l’une est souvent difficile à
distinguer de l’autre. Les actes les plus quotidiens (manger, s’habiller, se laver, recevoir chez
soi, voyager) ont une dimension religieuse. On ne les a bien préparé et accompli lorsqu’on
les a conduit sous chacune de leur deux formes : celle qui tient aux besoins de la vie et celle
qui met ces besoins en relation avec le créateur. Quant au pouvoir local traditionnel il est
fondé sur le principe de séniorité sociale. L’âge répartit les individus et les groupes en un
système qui constitue l’armature globale de la société. Cette organisation n’est plus
formellement institutionnalisée et reconnue officiellement par les instances étatiques
postcoloniales, elle n’est pas moins fonctionnelle dans tous les villages des quatre îles de
l’archipel
C’est un système de groupes stratifiés caractérisé sous sa forme la plus pure par une
mobilité parfaite systématiquement promus depuis l’initiation de groupe le plus bas au plus
haut par échelon successif en tant que groupe indifférencié. Le groupe d’âge est le lieu
privilégié de l’apprentissage par la pratique de toutes les règles régissant l’organisation
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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socio-politique traditionnelle. Toutes les autres institutions d’éducation et d’apprentissage
jouent un rôle secondaire et limité à un domaine précis de formation. Le groupe d’âge est
ouvert à tous les jeunes nés ou habitant le village. Ils ont les mêmes droits et les mêmes
devoirs et toute discrimination fondée sur l’origine familiale, la richesse voire le savoir est
incompatible avec l’éthique égalitaire du groupe.
Le système dans sa globalité à institutionnalisé l’inégalité entre les grades car chaque
échelon est identifié à un statut ou rang basé sur l’âge.
Dans un village de Ngazidja un «mshondjé» (le grade le plus bas) peut être contraint ou
même humilié par un «mzuguwa» (le groupe le plus immédiatement supérieur). Les deux
antagonistes sont néanmoins conscients que cette situation est provisoire. le «mshondjé»
d’aujourd’hui est le «mzuguwa» de demain. L’opprimé d’aujourd’hui est l’oppresseur de
demain. L’oppresseur d’aujourd’hui est l’opprimé d’hier. Cette inégalité de statuts ne met
pas en cause l’égalité sacrée de toutes les personnes membres de la communauté.
L’organisation villageoise comporte par ailleurs bien de domaines possibles de
compétences allouant à des individus des fonctions spécifiques. « Tout membre de la
communauté quelque soit son âge et son statut peut se trouver en possession de séries de
compétences à mettre en oeuvre à des moments sociaux différents » (SINDZINGRE 1985). Le
«mshondjé» et le «mzuguwa» peuvent se trouver en situation d’égalité ou inversée lors des
moments d’activités différentes.
Les principales fonctions de gestion de la cité sont réparties entre les groupes d’âge
(beya/hirimu/shikawo). La hiérarchie des jeunes gens (wanahirimu/wanamdji) est responsable
des tâches d’entretien des lieux publics, de l’organisation matérielle des cérémonies
familiales et collectives. Elle exécute les mesures de maintien de l’ordre public et de
solidarité envers les nécessiteux surtout en cas de catastrophe naturelle ou d’incendie.
Au cours des cycles successifs chaque individu est d’abord autorisé à montrer les
talents physiques et athlétiques de la jeunesse ensuite ses talents politiques pendant la
seconde partie active de sa carrière.
La hiérarchie des hommes mariés (wandrwadzima/wantruwazima ) veillent à la
normalité des citoyens à leur inégalité au respect des valeurs, des normes et des institutions.
Les femmes possèdent leur part de pouvoir qu’elles exercent à travers leurs groupes
d’âge (mabeya) et leurs associations (zama). Tous les villageois riches ou pauvres savants ou
analphabètes, fils de chef ou roturiers participent aux affaires du mdji (village). Exécutant
aujourd’hui, les membres des groupes de mineurs (wanamdji/wanahirimu) sont conscients
d’être les décideurs de demain. Ce ne sont donc pas les mêmes hommes qui détiennent le
pouvoir, les décisions sont toujours collégiales et le débat public.
Le système de groupes d’âge comme structure à la fois de formation civique, de
répartition de prérogatives et d’exercice de l’autorité crée et institutionnalise les relations de
subordination entre les générations anciennes et nouvelles en même temps qu’il forge le
sentiment d’appartenance aux groupe social.
Il inculque aux cadets le respect et l’obéissance envers les aînés chargés de leur transmettre
les connaissances et les valeurs de la société.
Chaque individu est appelé un jour à gérer des biens collectifs, à abriter des conflits, à
diriger des débats en faisant circuler la parole selon le rang d’âge jusqu’à parvenir à
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l’unanimité. Il doit être préparé à devenir le lieu des liens de solidarité dans la famille, dans
le quartier et dans le mdji (village). Il doit maîtriser les deux principes qui gouvernent les
relations d’autorité dans la société traditionnelle. Le premier est celui de la collégialité. Un
individu en position d’autorité ne prend jamais seul une décision relative à ses fonctions. Il
associe toujours des membres du groupe choisis en fonction de la situation et de la nature de
la matière traitée. Le second est le principe de séparation des sphères de compétence. L’aîné
en âge réel ou en raison de la possession d’un savoir n’a compétence que sur les affaires
internes à son groupe. Les pouvoirs sont toujours circonscrits dans les limites définies lors
des moments et des activités précis.
Les communautés traditionnelles ont conservé des institutions et des valeurs qui sont en
adéquation avec le milieu naturel et social. La tendance a ramené ces formations sociales au
processus d’évolution du monde occidental créé une incompréhension et une rupture entre
les élites nationales et la population. Les collectivités traditionnelles n’arrivent pas à tirer
partie des connaissances de ceux des enfants pour lesquels elles ont beaucoup investis. Ce
sont ces même enfants qui les empêchent d’évoluer selon leurs propres méthodes et qui
étouffent leur intelligence et leur créativité.
Il est indispensable que l’élite nationale découvre que la logique qui sous tend l’ordre
social dans le village est parfaitement rationnel même si cet ordre n’obéit pas aux règles qui
régissent les rapports entre les agents économiques des sociétés industrialisées. L’adoption
des concepts et des institutions européennes sans aucun effort d’ajustement pour l’analyse
de la société traditionnelle est une grave erreur.
En abandonnant tout mimétisme, l’élite nationale peut se réinsérer dans la société
comorienne et sortir les structures traditionnelles de leur gangue archaïque. En utilisant la
fonctionnalité sociale et la force communicative des traditions sociales, les techniciens
comoriens et tous les personnels d’encadrement peuvent projeter l’intérêt de la communauté
à travers des services nouveaux correspondant aux besoins du monde moderne. Ils aideront
les communautés à faire face aux problèmes cruciaux qui font actuellement leur apparition :
les difficultés d’accès à l’eau et au bois de chauffe, la disparition du sable, des mangroves, de
la faune et de la flore. Ils apporteront une contribution indispensable à l’auto-promotion
communautaire. Cela signifie qu’ils pourront être les mieux armés pour apprendre aux
communautés à analyser eux même leur situation, déterminer les priorités, décider des
actions à entreprendre et mobiliser leur savoir, leur savoir faire et leurs moyens si faibles
soient - ils pour résoudre eux mêmes leurs problèmes. Pour parvenir à cette auto-promotion,
les communautés ont besoin d’un apport important des connaissances. Or la technologie
moderne offre des moyens de transfert de connaissances adaptés à tous les milieux et qui
utilisent les codes culturels familiers aux populations concernées. Les média modernes tels
que la vidéo permettent de surmonter les limites de l’analphabétisme, d’utiliser la langue
maternelle, d’abolir l’espace et le temps et de reproduire fidèlement les cycles naturels des
espèces animales et végétales (naissance, croissance, reproduction etc.) et le cycle des saisons.
Ce médium, aujourd’hui, si facile à manier partout peut montrer les phénomènes naturels et
les actions humaines qui induisent les processus de désagrégation des récifs coralliens et des
écosystèmes associés (herbier, plateau récifal, mangroves) et d’exploitation non durables des
ressources côtières et marines.
La présence constante dans les villages des chercheurs, des techniciens, des hommes de
communication qui se montrent avides de connaître et de valoriser les traditions sociales, les
technologies en usage créera un climat de confiance qui permettra de franchir une étape
décisive, celle que les spécialistes en communication appelle « le partage des connaissances ».
Cette étape consiste à créer et à maintenir dans le respect mutuel, les conditions d’un
dialogue entre deux pôles égaux de communication.
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Le personnel d’encadrement apprend à connaître les besoins des communautés
villageoises, leurs métiers, leurs méthodes de production et partant leurs attitudes et leur
comportements à l’égard du milieu naturel et de ses ressources. Les villageois acquièrent des
connaissances scientifiques sur l’Environnement se familiarisent avec les techniques et les
propositions des spécialistes. C’est la voie vers un réveil de la conscience participative des
populations locales à la gestion rationnelle des ressources du milieu naturel et à l’émergence
d’un consensus qui implique toutes les composantes de la société en les mobilisant autour
d’objectifs majeurs communément partagés.
En dehors des moments des campagnes électorales, la parole sera donnée enfin aux
villageois. Ils ne brûlent pas que du désir d’apprendre mais aussi de communiquer, de faire
partager leur expérience et de poser enfin de questions, de vraies questions. Cette démarche
qui vise l’élévation du niveau des connaissances scientifiques de la population est une étape
fondamentale pour parvenir à l’auto-promotion communautaire.
Le travail d’identification des problèmes et de détermination des causes et le choix des
solutions ont été réalisés et un document de politique nationale de développement durable a
été élaboré et adopté par les autorités du pays.
Ces connaissances doivent être largement diffusées par les média les plus appropriés.
La réussite de cette campagne nationale d’information et de sensibilisation ouvrira la voie à
une autre phase de travail dont le schéma devra comporter plusieurs étapes.
Une étape d’approfondissement ciblée sur chaque communauté et même chaque composante
de cette communauté : mouvements de jeunes, association des femmes, groupements
coutumiers.
Elle comprendra des séances de projection suivies de débats et des réflexions sur
l’application des textes réglementaires.
Ce temps de réflexion doit développer une attitude de « recherche-action » pour
permettre aux éléments les plus dynamiques de la communauté de trouver les solutions les
plus appropriées à leurs problèmes spécifiques. Les principaux objectifs à atteindre sont les
suivants :
• la protection et la valorisation des patrimoines naturels et culturels
• la recherche de produit de substitution pour mettre fin à l’exploitation non durable des
ressources côtières et marines
• réduire la pauvreté en créant des activités qui procurent des revenus à la population
Les actions à mettre en oeuvre doivent être vues comme une expression de la
solidarité communautaire. De nouvelles structures collectives devront être crées. Ce sont de
petites entreprises de production et de distribution de matériaux de substitution et des
produits de l’artisanat et des relais touristiques implantés à proximité des sites naturels et
culturels. Elles offriront des emplois à des jeunes qui devront recevoir une formation
appropriée.
Les relais touristiques seront groupés en un réseau et reliés les uns des autres par des
itinéraires de randonnées balisées. Il sera nécessaire pour promouvoir les communautés de
base et stimuler les initiatives locales de préserver tout à la fois l’Environnement naturel et la
culturel traditionnelle.
Le patrimoine naturel est représenté par
• l’histoire :
Les sites archéologiques, les édifices religieux les édifices liés aux anciens sultanats,
demeures princières, sépultures et fortifications
• les arts et traditions populaires
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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Les cérémonies coutumières, l’art culinaire, les danses, la musique et la littérature orale, les
technologies traditionnelles
• l’artisanat
la sculpture sur bois, la bijouterie, la broderie, la vannerie
• Le patrimoine naturel est représenté par les sites naturels :
plages, îlots, lacs, chemins de randonnée, volcan kartala
• la faune
coelacanthe, tortues marines, la roussette de Livingstones, les makis, les dugongs, les
dauphins
• la flore
Les fleurs à parfums, les orchidées, les mangroves, les plantes d’ornement, les variétés
d’arbres fruitiers
Les jeunes à former pour les petites entreprises, la distribution et l’animation doivent
être recrutés dans les villages situés près des sites à promouvoir avec l’approbation des
communautés locales. La nouvelle structure devra conjuguer la finalité économique avec une
finalité sociale d’intégration de l’individu. Elle sera adossée à un principe de l’organisation
de la société traditionnelle dont le trait dominant est suprématie du collectif sur l’individu.
Un Comorien qui se respecte bien né ne peut se définir seulement par ses attributs
propres comme son nom et son âge sans se référer au groupe auquel il appartient et qui
s’impose à lui par des règles dont il ne peut contester la légitimité sans remettre en cause sa
proprore identité.
Il sera judicieux d’élaborer de mécanismes de redistribution des retombées
économiques vers les catégories les plus pauvres et celle des personnes âgées dispensatrices
de sagesse.
La participation de tous à la création sociale accroît les possibilités de mise en oeuvre
de nouvelles reformes qui peuvent s’avérer nécessaire pour renforcer l’efficacité productive
et la poursuite de la croissance.
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LES ASSOCIATIONS ULANGA
par OULEDI Ahmed
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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Introduction
Les Associations de défense de l’environnement communément appelée Associations
Ulanga (Nature) constituent un mouvement relativement récent, aux Comores, du point de
vue historique. En effet, contrairement aux associations culturelles ou musicales dont
l’existence remonte aux années 40 et 50, les associations Ulanga n’ont fait leur apparition sur
la scène nationale qu’au début des années 1990. Leur implantation dans les 3 îles s’est faite à
des dates et selon des modalités très variables.
La première association Ulanga a été créée à Mutsamudu (Anjouan) en 1990 sous
l’impulsion du Cares Comores et avec l’appui des volontaires du corps de la paix. Ses
principales activités reposaient sur la sensibilisation des habitants de Mutsamudu et de ses
environs sur les problèmes d’hygiène et d’assainissement de la ville et sur la promotion de la
technique du compostage des ordures comme mode de résorption des ordures ménagères.
Le mouvement Ulanga a ensuite gagné la Grande Comore avec la création le 7 Février
1991 de Ulanga Ngazidja. Tout comme à Anjouan, Ulanga Ngazidja a eu à bénéficier, à ses
débuts de l’appui du Centre Canadien d’Etudes et de Coopération Internationale et des
volontaires du Corps de la Paix. Ses activités ont consisté surtout à l’éducation
environnementale par l’organisation de journées de nettoyage appelées «fièvre du balai», à la
plantation d’arbres à la sensibilisation de la population sur la collecte et le ramassage des
ordures ménagères. Ulanga Ngazidja développe son action dans l’île selon le principe
«penser globalement et agir localement».
L’introduction du mouvement Ulanga à Mohéli n’a lieu que tardivement. La
première association Ulanga dans l’île de Mohéli s’est structurée autour de Ulanga
Nioumachoi dont les activités essentielles ont été orientées vers la préservation des îlots de
Nioumachoua.
Les associations Ulanga ont des modes d’organisation qui diffèrent d’une île à une
autre. C’est ainsi que les associations Ulanga de Mohéli et d’Anjouan se sont structurées en
des fédérations régionales tandis que celles de la Grande Comore se sont organisées en
réseau. Cependant quelque soit le mode d’organisation choisi, les associations Ulanga
forment des relais opérationnels importants et incontournables dans les actions de
sauvegarde et de protection de l’environnement.
Il existe actuellement dans chacune des trois îles une structure coordinatrice des
activités Ulanga et qui regroupe l’ensemble des associations ou des sections Ulanga de
chaque île : Fédération régionale des associations Ulanga d’Anjouan, Ulanga Mohéli et
Ulanga Ngazidja.
EVENTAIL DES ACTIONS ENVIRONNEMENTALES AUX COMORES
Les grands problèmes d’environnement aux Comores tiennent principalement à la
dégradation rapides des écosystèmes marins et terrestres. Les Comores, de par leur origine
volcanique récente, leur exiguïté et leur multi-insularité possèdent une diversité biologique
assez riche. Cependant les phénomènes naturels tels que les éruptions volcaniques, les
cyclones, l’érosion...ainsi que les phénomènes d’anthropisation liés aux pratiques agricoles
ou à la pression démographique exerce des pressions de plus en plus fortes sur ce potentiel
riche et varié. Une analyse rapide de la situation permet de dégager arbitrairement quatre
domaines majeurs d’intervention environnementale :
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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- la protection des ressources végétales menacées
- la protection des ressources marines et côtières menacées
- la promotion de l’hygiène et l’assainissement publics,
- la maîtrise de la croissance démographique
1. Protection des ressources végétales menacées par :
• une déforestation massive qui touche toutes les îles à des degrés divers.
• une accélération du phénomène d’érosion des sols dues aux techniques culturales non
adaptées et à l’absence de mesure de conservation
• l’assèchement des cours d’eau et le tarissement de nombreuses sources
• la destruction des habitats et des niches écologiques
2. la protection des ressources marines et côtières menacées par :
• les agressions des écosystèmes côtiers et l’envasement des coraux
• les extractions du sable et des coraux ,
• les pêches par empoisonnement ou à la dynamite...
3. l’hygiène et l’assainissement,
l’hygiène et l’assainissement est un des graves problèmes auxquels les Comores sont
confrontés. Ils n’existe ni de réseau d’évacuation des ordures ménagères ni de systèmes
d’assainissement. La situation se caractérise par :
• l’absence de système de gestion des ordures et des déchets :
• L’absence de système d’assainissement des eaux usées et des excréta
• l’approvisionnement insuffisant en eau potable
• le développement des maladies vectoriellement transmissibles (paludisme, dengue,
filariose...)
4. la maîtrise de la croissance démographique :
• la croissance démographique effrénée qui entraîne une pression accrue sur le milieu aussi
bien terrestre que marin. En l’absence de mesures adéquates et urgentes, cette situation
risque d’entraîner une aggravation de l’état de dégradation de l’environnement et
d’accentuer la pauvreté et l’exode rural.
la croissance démographique induit le phénomène d’urbanisation anarchique et le
développement de l’habitat précaire que connaît le pays actuellement.
IMBRICATION DES ASSOCIATIONS ULANGA AVEC LA COMMUNAUTE
Les associations Ulanga sont nées très souvent de l’initiative locale de jeunes pour
mener bénévolement des actions de défense de l’environnement. Les jeunes des villes et des
villages créent volontairement leur association ou leur section environnement. Ils
s’organisent eux-mêmes, fréquemment sans appui extérieur, en vue d’appliquer leurs
compétences et leurs connaissances pour prendre soin de leurs ressources naturelles et de
leur environnement tout en satisfaisant leurs besoins vitaux. D’essence participative et
communautaire, les associations Ulanga assurent la symbiose avec la population.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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La direction des associations Ulanga est souvent confiée à des jeunes issus de la
communauté. Les communautés participent à la prise de décision lors des réunions
publiques qui sont organisées sur les places publiques ou dans les foyers culturels. Par
l’organisation de conférences débats, de projection de films vidéo, d’expositions
thématiques, les associations Ulanga contribuent à la prise de conscience, à l’engagement et à
la participation communautaire dans la mise en oeuvre de plans de gestion locale de
l’environnent.
Bien que les succès ne soient pas rares, les activités de mobilisation de la communauté
tournent parfois court. Ce manque de continuité dans l’action s’explique par plusieurs
facteurs défavorables dont le manque de moyens, les conflits et querelles entre quartiers, les
interventions verticales de certains projets de développement, l’émigration des membres
dynamiques de l’association...D’autres facteurs tels que la précarité et la pauvreté peuvent
aussi contribuer à la disparition progressive des activités communautaires en faveur de
l’environnement notamment lorsque l’estime de soi, le statut social ...sont mis à mal.
LE DYNAMISME DES ASSOCIATIONS ULANGA
Les associations Ulanga sont à la base de nombreuses initiatives de défense de
l’environnement. En effet, en l’absence de mesures cohérentes et durables des pouvoirs
publics pour protéger l’environnement, les associations Ulanga s’engagent souvent dans des
actions bénévoles contre les destructions des forêts, l’extraction du sable marin et des coraux,
la protection des sources des cours d’eau, la prolifération des dépôts sauvages d’ordures
dans les agglomérations, le massacre des espèces animales menacées de disparition (tortues
marines, coelacanthes..).
Des actions sont également menées pour susciter une mobilisation de la population.
C’est bien le cas lors des journées de nettoyage des rues des villes et des villages, des
opérations de nettoyage des plages, des opérations d’aménagement des espaces verts ou de
reboisement. Ces types d’actions sont organisés périodiquement pour sensibiliser les
habitants et les mobiliser en faveur de la protection de l’environnement. Ils drainent des
foules souvent immenses de jeunes et parfois d’adultes.
Les associations Ulanga manquent cependant de ressources humaines nécessaires
pour l’élaboration et la gestion de projets durables. Par ailleurs leurs moyens financiers se
limitent aux cotisations des membres ou aux donations reçues des partenaires de la
coopération multi et bilatérale. Cet état de fait limite considérablement l’engagement de ces
associations et fragilise leur viabilité.
LES POSSIBILITES DE MOBILISATION DES ASSOCIATIONS ULANGA POUR LA
PROMOTION DE L’ENVIRONNEMENT COTIER ET MARIN
Tout comme les actions qu’elles ont su mener dans le domaine de la gestion des
ordures et dans la protection des espèces animales en voie de disparition (chauve-souris
Livinstong, tortues marines..), les associations Ulanga peuvent être considérées comme des
partenaires potentiels pour la promotion de l’environnement côtier et marin. Le littoral est
un élément essentiel pour le développement des Comores. Il recèle de ressources essentielles
pour la vie et la santé de la population. L’implication des associations Ulanga permettrait de
mobiliser la population pour :
• lutter contre le rejet des déchets qui défigurent les côtes,
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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• supprimer l’extraction du sable et des coraux qui tuent le rivage,
• lutter contre les pollutions des plages
• sauvegarder et protéger la biodiversité marine contre la prédation
• valoriser le littoral
Les zones côtières des Comores sont dans leur quasi-totalité en accès libre. Par
ailleurs les lois et les règlements nationales sont inappliqués faute de structures appropriées
de contrôle. Pour pallier à cet handicap, la population au travers les associations Ulanga sont
actuellement les relais qui puissent exercer une surveillance des sites sensibles et lutter
contre les braconniers potentiels.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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CONCLUSION
Les problèmes d’environnement , aux Comores, sont multiples. Ils sont liés aussi bien
à l’exploitation anarchiques des ressources naturelles (forêts, ressources terrestres et
marines..), qu’au développement de l’insalubrité, des risques de pollutions multiples, de la
croissance incontrôlée des espaces urbains...Cette situation est le résultat de l’absence d’une
politique rationnelle de gestion des ressources disponibles dans le pays et d’un plan
d’aménagement du territoire national.
Dans le souci d’agir pour sauvegarder ce qui reste de ce potentiel riche et varié que
constitue notre environnement, les services nationaux chargés de l’environnement doivent
resserrer les liens avec les communautés urbaines et rurales représentées par les associations
Ulanga. Car, de par leur dynamisme et leur dévouement, ces associations Ulanga demeurent
des puissants vecteurs de l’information, de l’éducation et de la communication
environnementales avec la population. Elles contribuent à la défense de l’environnement par
les actions de proximité qu’elles mènent sur le terrain et par l’appui directe qu’elles
fournissent aux communautés. Elles restent aussi des puissants leviers pour introduire des
pratiques plus bénéfiques à la protection et la gestion rationnelle des ressources naturelles.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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INVENTAIRE ET ANALYSE CROISEE
DES MODES DE GOUVERNANCE LOCALE UTILE
A LA GESTION INTEGREE
DES ZONES COTIERES DANS LES PAYS DE LA COI
Par M. Soulaimana MOHAMED
Directeur Exécutif National du FADC
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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ABREVIATION
SER
Secrétariat Exécutif Régional
SEN
Secrétariat Exécutif National
C.P.
Comité de pilotage
IDA
Association Internationale de Développement.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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LES COMITÉS DE PILOTAGE, UNE VOIE ORIGINALE DE GOUVERNANCE LOCALE
AUX COMORES. COMMENT LES UTILISER DANS LA GESTION INTÉGRÉE DES ZONES
CÔTIÈRES?
Depuis 1992, le Gouvernement comorien avec le concours de la Banque Mondiale a
introduit une nouvelle conception en matière de gestion de projets en créant un organisme
d’intérêt public, le FADC dont le principe de base est l’approche participative et le concept
clef qui sous-tend ses activités, le développement communautaire. Contrairement aux projets
classiques qui privilégient une approche sommet-base, le FADC emploie une stratégie basesommet. Les décisions prises par ces projets sont d’ailleurs toujours imposées par le niveau
central, les populations n’étant jamais consultées à aucune phase du cycle de projet.
A la lumière de l’expérience de ces cinq dernières années, on peut affirmer sans se
tromper que le FADC a contribué grandement à un changement de vision en développant le
mouvement associatif dans le monde rural et en mettant en place des organismes
communautaires qui sont une forme originale de gouvernance locale dans les villages et les
quartiers défavorisés des villes. Au niveau de ces organismes, la prise de décision en
commun et l’apprentissage des règles démocratiques deviennent un fait nouveau car il est de
notoriété qu'aux Comores, les notables ont un pouvoir très important et constituent une force
d’inertie du fait de leur comportement autoritaire. Ayant pris auparavant l’habitude de
décider tout seul les questions d’intérêt collectif ils se voient contraints au niveau des C.P. de
consulter les membres de la communauté et de céder ainsi une parcelle de leur pouvoir.
L’originalité du dispositif mis en place par le FADC a été d’intégrer le sens
communautaire très développé du comorien et la solidarité qui existe au sein des villages
dans ce système organisationnel où les objectifs de développement à atteindre sont définis
par les intéresses eux-mêmes et non par des personnes extérieures. En tant que fonds social
jouissant d’une large autonomie, le FADC a renforcé cette approche qui entre dans le cadre
d’une stratégie de développement durable en mettant en place des mécanismes permettant la
pérennisation des actions menées au niveau des communautés locales. La question est de
savoir si le C.P. peut être utilisé comme outil méthodologique dans le cadre de la gestion
intégrée des zones côtières et s’il peut être la voie exemplaire et originale d’une gouvernance
locale aux Comores?
I/ Le comité de pilotage, cellule de base du système organisationnel du FADC
A/ Qu’est ce qu’un comité de pilotage?
Quand le FADC intervient dans un village soit pour mener une activité ou pour financer une
infrastructure, il s’appuie sur une structure locale qui est l’Association de développement du
village étant donné qu’aux Comores il n’y a pas de collectivités locales ou territoriales de
type communes ou mairies. Le système organisationnel mis en place par le FADC au niveau
des villages supplée donc cette carence. C’est ainsi que le C.P. qui est l’organe de direction de
l’association de développement peut être assimilé à un conseil municipal et l’Association de
développement à une municipalité même s’ils n’en ont pas le statut sur le plan légal.
Un C.P. peut d’ailleurs couvrir soit un village soit un groupement de villages. Le FADC
veille à ce que les diverses associations et groupements du village fassent partie de cet
organe qui est l’émanation de ses habitants. L’une des tâches fondamentales de cet organe
est d’étudier les voies et moyens d’améliorer les conditions économiques et sociales du
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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village ainsi que l’élévation du niveau de vie de ses habitants. Il a aussi pour objectif
d’oeuvrer à l’accroissement des ressources financières de l’Association et de réaliser les
projets de la communauté.
B/ Création d’un comité de pilotage
C’est la loi n°89-006/PR. DU 30 septembre 1986 relative au contrat d’association qui
régit les associations sans but lucratif et par corollaire les C.P. Cette loi définit les conditions
de création des associations et de leurs organes dirigeants.
En se basant sur ce texte le FADC a créé un modèle de statuts, lesquels précisent les
modalités de désignation des membres du comité de pilotage, la durée de leur mandat ainsi
que les pouvoirs du comité en question. Ce statut doit être déposé par les membres de la
communauté à la préfecture qui l’authentifie ainsi que le procès-verbal établi au cours de la
réunion tenue au village dont l’objectif est de créer l’association et de nommer les membres
du bureau. Les démarches administratives s’achèvent avec la délivrance d’un récépissé établi
par le Gouvernorat.
Le C.P. adhère ensuite au réseau des comités de pilotage du FADC. C’est le personnel de
chaque direction régionale qui va former les membres de cet organe en matière de gestion de
projets et lui inculquer les rudiments essentiels en technique d’animation.
C/ Composition du comité de pilotage
Le C.P. est composé de 9 à 12 membres dont un tiers au moins doit être des femmes.
La composition du Comité de pilotage doit répondre aussi à d'autres critères. C'est ainsi que
toutes les forces en présence dans le village font partie du C.P. : les notables, les jeunes et les
femmes selon le pourcentage indiqué plus haut. Les membres de cet organe sont choisis
parmi les responsables les plus dynamiques des associations du village. Bien que le FADC ne
soit pas rigide ni sur le plan organisationnel ni au niveau du fonctionnement des comités de
pilotage, il conseille cependant aux communautés villageoises de nommer un bureau
constitué d’un Président, d’un vice-président, d’un secrétaire général et d’un trésorier.
Certains comités désignent parfois d’autres responsables et créent même des sous-comités
(organisation, communication, ressources financières, ressources humaines et ressources
matérielles).
Le souci quotidien du FADC est de faire respecter la représentativité des
organisations impliquées dans le développement du village mais aussi de consolider la
participation des associations de nature différente qui évoluent dans le village: groupements
agricoles, associations féminines, associations musicales, associations culturelles, notables
etc. Il faut enfin souligner que le décret n° 93-068/PR. DU 13 avril 1993 portant organisation
et fonctionnement du FADC reconnaît officiellement le C.P. comme organe représentatif du
village auprès du FADC et d’autres bailleurs de fonds éventuels.
D/ Attributions du comité de pilotage
Selon le Manuel de Procédures du FADC les C.P. sont chargés:
(1) _ d’identifier, en liaison avec le FADC les sous-projets d’intérêt public intéressant la
communauté;
(2) _ de sensibiliser les communautés sur l’importance des projets identifiés;
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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(3) _ de préparer, en collaboration avec le FADC, un projet de budget couvrant les dépenses
d’exécution et d’entretien, et de définir les différentes contributions de la population
intéressée;
(4) _ d’obtenir un engagement ferme de la communauté sur la participation effective de celleci à l’exécution et au suivi des travaux découlant des projets agréés par le FADC;
(5) _ de signer avec le FADC les conventions de financement;
(6)
_ de mobiliser les ressources locales tant humaines, matérielles et financières
nécessaires pour l’exécution des sous-projets, et de rendre compte périodiquement au SER et
à la communauté sur l’état d’avancement des travaux.
II/ Le concept de Participation communautaire
Bien que le concept de Participation Communautaire soit largement admis, il n’est
pas aisé de s’entendre sur sa définition. Nous tenterons cependant dans le cadre limité de
cette étude de donner un contenu aux notions de Participation et de Communauté mais aussi
d’esquisser un début de réflexion sur le concept de participation communautaire . En effet
comprendre ces concepts est important si l’on veut appréhender dans sa globalité
l’expérience de développement communautaire initiée aux Comores.
A/ Qu’est ce qu’une communauté?
La notion de communauté peut avoir plusieurs significations nous n’en retiendrons
que deux.«La première définit la communauté au sens géographique du terme: la
communauté est un groupe d’individus vivant dans le même espace, partageant les mêmes
valeurs de base et la même organisation ».Dans la seconde, le terme Communauté a un sens
plus axé sur ses objectifs, une communauté « est ainsi un groupe d’individus partageant les
mêmes intérêts ». Dans notre étude nous nous intéresserons surtout à la communauté locale
c’est à dire à une localité rurale ou un village composé de personnes associées pour défendre
leurs intérêts.
Aux Comores les communautés ont une longue tradition communautaire et
n’hésitent pas à prendre des initiatives de développement local au profit de leurs localités. Il
n’est d’ailleurs pas rare de les voir cotiser d’importantes sommes pour la construction de la
mosquée, de l’école ou du poste de santé du village. Cette tradition a tout d’abord pour
origine les liens familiaux qui jouent un rôle prépondérant dans la structure sociale mais
aussi peut s’expliquer par le type d’islam pratiqué aux Comores. La société villageoise est en
tout cas très unie et forme une communauté qui défend ses intérêts collectifs.
B/ La notion de Participation
La notion de Participation a été assimilée à beaucoup d’autres notamment à celle de
développement communautaire. Avec l’avènement des indépendances des pays africains le
terme a été quelque peu galvaudé et utilisé à tort et à travers particulièrement pour désigner
les activités centrées sur des processus électoraux et décisionnels. Mais peu à peu les masses
paysannes ont été véritablement considérées comme des partenaires et leur implication dans
les programmes de développement assimilée à un facteur de succès. Pour David Hapgod, la
Participation « ...signifie que les paysans doivent prendre part à la conception des projets
agricoles au niveau local où leurs connaissances, sous certains aspects, sont plus grandes
que celles des techniciens. » On reconnaît ainsi les communautés en tant que partenaires
ayant des connaissances, des compétences et même des capacités techniques.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
19
Au niveau du FADC la participation est un processus qui se vérifie chaque jour
puisque les communautés sont impliquées dans tout le cycle du projet, de la planification à
l’organisation en passant par l’exécution et le contrôle des activités menées pour la
réalisation des sous-projets. Ils prennent donc une part active dans la conception de leurs
projets. Le FADC fait une planification par la base car les principaux éléments de
programmation viennent des populations, c'est seulement dans une seconde étape qu'elles
sont ensuite consolidées au niveau de la structure.
C/ La participation communautaire dans le cadre du développement
La Participation communautaire se définit selon Rifkin comme «un processus social
par lequel des groupes partageant les mêmes besoins et vivant dans un espace géographique
défini, poursuivent activement l’identification de leurs besoins, prennent des décisions et
établissent des mécanismes pour satisfaire ces besoins. » Les individus et famille composant
la communauté prennent peu à peu en main leurs responsabilités et développent la capacité
de contribuer à leur développement et à celui de la communauté. La Participation
communautaire pour être effective doit s’opérer dans le cadre du développement à travers
l’intégration de plusieurs actions dont l’acteur principal est la communauté elle même,
appuyée si besoin est par des professionnels du développement tels que les projets de
développement ou les Ongs.
Le succès obtenu par le FADC tout au long de ces dernières années est due en grande
partie à l’utilisation du concept de participation communautaire et à la nouvelle stratégie de
développement durable. En effet il serait impensable qu’une infrastructure quelconque
financée par le FADC soit réalisée sans que les bénéficiaires ne soient impliquées ou n’aient
pas apporté leur contribution sous différentes formes: espèces, matériaux ou main d’oeuvre.
III/ L’approche du FADC en matière de développement de proximité.
A/ Objectifs du FADC:
Le FADC a pour objectifs de:
- renforcer la participation régionale et communautaire et la valorisation des ressources
humaines;
- favoriser la croissance économique en stimulant les activités économiques notamment celles
dirigées vers des groupes défavorisés: les femmes, les jeunes déscolarisés, les chômeurs etc...
Le FADC a aussi pour but de mener les activités suivantes: réhabilitation de
l’infrastructure de base, notamment les écoles primaires, les postes de santé et les adductions
d’eau; les activités génératrices de revenus, de promotion du bien être, de l’intégration de la
femme dans le développement; et la formation des communautés en gestion et
développement de projets ainsi qu’en acquisition des technologies appropriées.
B/ Principes de base de l’approche:
- être à l’écoute des communautés pour satisfaire les besoins et les demandes exprimés par
celles-ci;
- la requête doit être formulée et fondée sur une prise de conscience collective des différents
problèmes qui se posent dans le village et le quartier ainsi que les solutions possibles
exprimées par les principaux intéressés;
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
20
- conduire les bénéficiaires à prendre part à la réalisation de leur infrastructure de
l’identification à l’exécution tout en apportant leur contribution soit en espèces soit sous
toute autre forme(apport en main d’oeuvre, en matériaux de construction importés ou en
matériaux locaux: moellons ou autres agrégats)
- impliquer les bénéficiaires lors de l’exécution mais aussi après la réalisation par la mise en
place de mécanismes de suivi et de maintenance pour assurer la pérennisation de
l’infrastructure.
C/ Description de l’approche
Si l’on schématise l’approche on peut la diviser en sept phases:
Phase 1: Prise de contact avec la communauté pour tester sa motivation;
Phase 2: Création d’une association de développement et sa structure dirigeante le C.P.;
Phase 3: Formation des membres du comité de pilotage;
Phase 4: Sensibilisation et information du village sur le projet et ses différentes
caractéristiques;
Phase 5: Authentification du C.P. lors d’une Assemblée générale, regroupant l’ensemble du
village;
Phase 6: Identification et montage du dossier de sous-projet avec le concours du personnel
du FADC;
Phase 7: Exécution, suivi , réalisation du sous-projet;
IV/ Les leçons d’une expérience
A/ Localisation des comités de pilotage
Au 30 octobre 1997 le FADC pouvait se prévaloir de 273 comités de pilotage repartis
comme suit:
Comités de pilotage en Grande Comore:
160
Comités de pilotage à Anjouan:
86
Comités de pilotage à Moheli:
27
Ces comités couvrent environ 85 pour cent des villages aux Comores. On peut constater que
le taux de couverture varie d’une île à l’autre. C’est ainsi qu’à Moheli le taux de couverture
est de 100 pour cent alors qu’à Anjouan il est de 96. En Grande Comore il est seulement de 75
pour cent. Il convient toutefois de relativiser les choses en prenant en compte le fait que cette
île a deux fois plus de villages qu’à Anjouan et que le nombre de comités de pilotage créés et
encadrés est six fois supérieur à ceux de Moheli.
B/ Réalisations du FADC de 1993 à 1997
A la même date, le FADC avait réalisé 137 sous-projets réceptionnés alors que 36
sous-projets étaient en cours de réalisation. Il ressort donc en données cumulées qu’entre les
projets en cours et ceux déjà réceptionnés le FADC a financé un total de 172 infrastructures.
Les sous-projets achevés se repartissent comme suit:
67 en Grande Comore, 45 à Anjouan et 25 à Moheli. De 1993 à 1997 le FADC a décaissé
2.213.064.600 FC pour le financement d’infrastructures ayant bénéficié à 279.793 habitants.
C/ Caractéristiques essentielles du dynamisme communautaire
1/ Forces du FADC
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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Tout au long de ces dernières années, grâce à l’action du FADC il a été constaté des
changements notables au niveau de la population comorienne. La construction, la rénovation
et l’agrandissement des infrastructures sociales a amélioré énormément les conditions de vie
des populations bénéficiaires et à rendre accessibles à celles-ci les services sociaux
indispensables à tout être humain. Les communautés ont très vite pris conscience des
bénéfices qu’ils pouvaient tirer de ces infrastructures mais ont aussi compris les
responsabilités qui leur incombaient dorénavant. Le sentiment d’appropriation qui apparaît
au sein des villages ayant bénéficié d’un financement du FADC en est un témoignage
significatif .
La mobilisation sociale est un des points forts du FADC mais cette activité prend
beaucoup de temps aux employés. En effet ceux-ci doivent passer de longs moments à
informer la communauté sur la structure, l’approche et les méthodes de travail en usage
dans la structure. Ils doivent aussi la sensibiliser sur le rôle important qu’elle doit jouer ainsi
que les engagements qu’elle doit respecter.
La réussite du projet peut s’expliquer par un ensemble de facteurs: un personnel
motivé, un style de management proche du secteur privé, des procédures permettant une
exécution rapide des sous-projets. Prenant l’exemple des fonds sociaux d’Amérique latine, le
gouvernement n’a pas hésité à accorder à cet organisme une large autonomie afin qu’il soit à
l’abri des pressions incessantes des hommes politiques. De nombreuses supervisions et des
audits financiers et techniques permettent de détecter les dysfonctionnements du système et
de mettre en place des mesures correctives. Ces éléments constituent la force du FADC et
sont des atouts majeurs qu’il faut prendre en considération dans le cadre de la Gestion
Intégrée des Zones Côtières.
2/ Faiblesses du FADC
Le travail effectué par le FADC en général a été déclaré très satisfaisant non
seulement par la Banque Mondiale, bailleur de fonds principal, par le Gouvernement mais
aussi par les communautés elles-mêmes . Toutefois, après une analyse très critique du
système organisationnel, nous nous devons de reconnaître que le travail effectué en direction
des femmes varie d’une île à une autre et peut même être estimé très insuffisant. Pourtant,
force est de reconnaître qu’aux Comores, les femmes sont des agents économiques,
dynamiques et participent de façon active, quand elles sont associées, au processus de
développement du pays.
L’une de nos faiblesses a été de ne pas consacrer assez de temps aux femmes rurales
ni de leur proposer un programme d’alphabétisation, une formation en planning familial, en
nutrition, en santé maternelle et infantile ainsi qu’en activités génératrices de revenus comme
il était prévu dans notre document de projet initial. Bref, l’intégration et la promotion de la
femme est une faiblesse que le FADC se devra de corriger au cours de la deuxième phase.
L’autre handicap majeur que le FADC doit surmonter est le nombre limité de ses
ressources par rapport aux requêtes formulées par les populations. Effectivement la
demande est plus importante que l’offre malgré des moyens qui pour d’autres projets
semblent conséquents. Le risque est que les communautés puissent penser que le FADC va
se substituer aux ministères techniques concernés.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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Comme la majorité des autres fonds financés par l’IDA le programme du FADC en
matière d’activités génératrices de revenus n’a pas connu un succès foudroyant pour
plusieurs raisons. La direction du Fonds a adopté une attitude prudente évitant ainsi de
prendre des risques dans un secteur apparemment très porteur. Ce domaine est beaucoup
plus complexe qu'on ne le croit. C'est pour cela que les procédures relatives à ce programme
doivent être élaborées, un travail de fonds est mené actuellement pour combler toutes les
lacunes mises à jour.
D/ L’approche peut elle conduire à un développement durable?
Se fondant sur l’expérience des projets déjà exécutés aux Comores, le FADC a eu
comme préoccupation constante, la pérennisation de ses actions. C’est ainsi qu’à chaque fois
qu’un sous-projet va se réaliser, le souci premier de nos structures régionales est de faire
prendre des engagements fermes aux C.P. et de leur faire signer un protocole d’accord dans
lequel ils s’engagent à mettre sur pied un système de suivi et de recouvrement des coûts
pour parer à toute éventualité, notamment à faire face à des réparations éventuelles. Nous
avons remarqué à quelques exceptions près que les populations tiennent leurs engagements.
cela est bien sûr dû au fait qu’avec l’approche participative les bénéficiaires se sentent
concernés par les infrastructures pour lesquelles ils ont pris une part active.
A notre grande surprise nous avons constaté que même les structures traditionnelles
sont mises à contribution pour faire face aux charges récurrentes. Il n’est pas rare notamment
à la Grande Comore qu’une partie des fonds collectés soit versée dans le compte des oeuvres
d’intérêt public du village. Même dans le cas des cérémonies funéraires les familles sont
parfois mises à contribution. Mais pour rendre durable toutes ces infrastructures il faudrait
dès maintenant réfléchir à la mise en places des communes qui pourraient soit prendre le
relais des C.P. soit cohabiter avec ces structures. La fiscalisation nationale doit se substituer
peu à peu aux projets d’assistance technique de façon à ce que le pays soit moins dépendant
de l’aide internationale notamment dans des domaines sensibles comme l’environnement.
E/ Peut-on transposer l’expérience dans d’autres secteurs?
L’expérience menée par le FADC bien qu’elle puisse paraître novatrice aux Comores
n’est pas véritablement une nouveauté. En effet, en matière sanitaire la conférence d’Alma
Ata en 1978 traçait déjà les contours de la participation communautaire et donnait de celle-ci
la définition suivante:
"La participation communautaire est le processus par lequel les individus et les familles
assument la responsabilité de leur propre santé et bien être ainsi que ceux de la
communauté, et développent la capacité de contribuer à leur développement et à celui de la
communauté."
La reforme du système sanitaire en cours actuellement aux Comores prend ses
racines dans l’approche participative et fonde toute sa démarche de recouvrement des coûts
sur l’autogestion par les communautés de leurs infrastructures sanitaires. Les différents
bailleurs de fonds eux-mêmes, l’Union Européenne, le Pnud, la coopération française, la
coopération canadienne ont tous un volet de financement qui prend en compte la dimension
participative. Il s’agit des micro-realisations pour l’Union Européenne, des Fcil (Fonds
canadiens d’initiatives locales) et d’un projet en haute intensité de main d’oeuvre en
préparation pour le Pnud. Quant à la coopération française elle dispose de deux mécanismes
les CDI (Crédits décentralisés d’intervention) et le Fsd(Fonds spécial de développement).
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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Dans le domaine de la protection des zones maritimes l’expérience en cours pour la
protection de la baie d’Itsandra se base sur la participation communautaire et sur les
organisations communautaires de type comités villageois de développement. Cette opération
a la chance de bénéficier de l’appui de l’Union européenne et des trois programmes
régionaux qui opèrent dans la même zone. Si de nombreux opérateurs ont adopté l’approche
cela prouve qu’elle donne des résultats satisfaisants.
V/ Comment utiliser les comités de pilotage dans la gestion intégrée des zones côtières?
A/ Les activités du FADC en matière d’environnement
L’environnement a été le parent pauvre des activités du FADC durant la première
phase car les communautés ont surtout privilégié les infrastructures à caractère social.
Cependant le SER d’Anjouan a su sensibiliser les bénéficiaires des projets d’adduction d’eau
sur l’importance qu’il y avait de protéger les sources ou les bassins versants en plantant des
arbres autour des zones les plus sensibles.
Le reboisement, l’assainissement et le traitement des ordures et des déchets ménagers
constitueront un de nos axes de travail dans le cadre de la seconde phase du projet. Certains
villages nous ont déjà adressé des requêtes dans ces domaines démontrant leur intérêt. Nous
avons commencé à sensibiliser les communautés sur la nécessité de reboiser le long des
pistes rurales que nous réalisons et autour des bâtiments que nous finançons.
B/ L’intégration des différentes activités du FADC dans le cadre de la protection de
l’environnement.
Pour inciter les communautés à protéger davantage l’environnement il faudrait
intégrer plusieurs activités ensemble. Les populations étant surtout demandeuses d’écoles,
d’adductions d’eau ou de pistes rurales il pourrait être envisagé de conditionner la
satisfaction d’une requête par l’accomplissement de certaines actions de protection de la
nature et de l’environnement. De plus, les projets de développement devraient prendre
davantage en considération les associations de protection de l’environnement comme Ulanga
et les associer dans leurs programmes.
C/ Stratégie d’intégration des activités de protection des zones côtières.
Dans le cadre la gestion intégrée des zones côtières, il y aura donc nécessité d'unifier
les conceptions des décideurs du FADC avec la vision de ceux qui ont la responsabilité de
l'environnement (Direction de l'environnement et Projet régional de l'environnement).
L'idéal serait que les décideurs se remettent en cause et adoptent une approche plus
progressiste.
En effet, il faudra abandonner la vision classique en matière d'environnement qui
consiste à n'envisager les activités que dans le seul domaine de la protection de la nature, de
la biodiversité, avec pour unique objectif, l'écologie et la nature. Compte tenu des nombreux
problèmes qui se posent aux Comores, il faut appréhender la question dans sa globalité et
intégrer l'ensemble des facteurs suivants :
- économiques
- institutionnels
- psychosociologiques
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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- ethno-scientifiques.
Il faut que l'environnement ait une vision de développement qui prend en compte les
questions de pauvreté et les facteurs culturels aisni que ceux énumérés ci-dessus.
Pour mieux comprendre les comportements des populations vivant sur le littoral, il
faut bien sûr analyser les causes multiples de dégradation de la nature, (prélèvement du
sable et du corail, pêche à la dynamite, etc...) et aborder les solutions en intégrant les facteurs
cités ci-dessus. C'est pourquoi, l'approche sera donc globale et non monosectorielle car il
faudra s'attaquer aux racines du mal.
L'intégration des activités pourrait se faire par paliers le premier niveau pourrait être
la sensibilisation, le second la formation et le troisième serait l'exécution des projets. Dans
une zone donnée, il faudrait proposer aux populations une gamme d'activités car il ne suffit
pas seulement d'interdire de prélever le sable ou le corail, il faut aussi proposer d'autres
activités qui donnent un meilleur revenu.
L'action conjointe des différents projets permettrait justement d'offrir des alternatives
intéressantes aux populations vivant sur le littoral. Aux projets sociaux, on pourrait
incorporer les éléments concernant l'environnement mais aussi prévoir un programme de
petits crédits pour les personnes qui accepteraient la reconversion. Cette nouvelle
dynamique d'intégration aboutira à une synthèse entre une planification au niveau central et
une prise en compte des propositions et des requêtes émanant de la base. L'intégration
conduira vers la réunion des conditions d'un développement durable et du nécessaire
rééquilibrage des aspects économiques et sociaux.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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Conclusion
Le comité de pilotage en tant que structure organisationnelle au service du
développement joue un rôle fondamental dans les communautés villageoises. Cet organisme
ouvre de nouvelles perspectives en matière de développement de proximité du fait d’une
carence manifeste de l'État dans ses attributions régaliennes. En permettant à des groupes
antagoniques dans le village de cohabiter dans une même structure, il permet un
apprentissage des règles démocratiques et un partage du pouvoir souvent confisqué par les
forces les plus rétrogrades et les plus traditionnelles du village. Le C.P. est donc une voie
nouvelle de gouvernance locale qui permet aux différentes sensibilités de s’exprimer et
donner la pleine mesure de leur créativité, leur habileté, et leurs capacités techniques.
Dans la gestion intégrée des zones côtières il conviendra de retenir les approches qui
ont contribué au succès des activités menées dans le cadre d'autres programmes et tirer les
leçons des faiblesses qui ont été relevées. L'intégration des activités peut être une piste qu’il
sera nécessaire de défricher afin de dissuader les populations qui vivent sur le littoral de le
dégrader, de le polluer ou de le surexploiter. Elle donnera aussi les moyens alternatifs pour
résoudre les problèmes environnementaux visibles et ressentis par les populations et les
problèmes transversaux qui correspondent à des insuffisances ou des limites liées aux
modes de gestion et qui touchent tous les secteurs d'activités.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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PROJET SANDUK CREDIT
RURAL ET URBAIN DES COMORES
Par Moussa Kaiva
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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LES OBJECTIFS
PREMIERE PHASE (Avril 1993-Août 1995) : Expérimenter 10 caisses de crédit et d’épargne
(sanduk) en milieu rural et urbain, qui pourraient fonctionner de manière durable et autonome pour
satisfaire les nombreux besoins en petits crédits non couverts par les banques.
SECONDE PHASE (Août 1995 - Août 1998) : Création de 40 sanduk supplémentaires et mise en
place d’une institution financière devant prendre en charge progressivement l’ensemble des fonctions
assuré par le projet et devant à moyen terme, assurer son équilibre financier.
LES ACTEURS
Bailleurs de fonds : pour la première phase la caisse Française de Développement et le
Ministère de la Coopération pour l’assistance technique. Budget de 2,5 millions de FRF. Pour la
seconde phase, la caisse Française de Développement. Budget de 8,5 millions de FRF.
Opérateurs techniques : L’Institut de Recherche et d’Application des Méthodes de
Développement (IRAM et le Groupe de Recherches et d’Echanges Technologiques (GRET).
LE LIEU
Les îles de la Grande Comore et d’Anjouan pour l’expérimentation. L’ensemble de l’archipel
pour la phase d’extension et d’institutionnalisation.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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PROJET SANDUK
CREDIT RURAL ET URBAIN DES COMORES
INTRODUCTION
En 1993, le Projet Sanduk est né du constat que l’immense majorité de la population
comorienne n’avait pas accès aux services bancaires. Cet état de fait était considéré comme un frein au
développement d’autant que des besoins en petits crédits avaient été recensés dans le monde rural et
urbain des Comores. Dès lors, l’objectif affiché du projet Sanduk était clair : répondre à ces besoins de
financement par la création d’un outil bancaire adapté aux conditions locales. Deux précisions utiles :
Une démarche inscrite dans une perspective de pérennité. Il n’est pas souhaitable de concevoir
un dispositif de crédit et d’épargne comme une action ponctuelle. Il faut des solutions susceptibles de
répondre durablement aux problèmes d’accès au crédit des producteurs. Il fallait donc sortir des ces
histoires de «projet crédit » dont la durée du financement.
Mais la pérennité en terme d’institution de crédit exige des conditions rigoureuses :
des remboursements des crédits à 100%;
une bonne gestion qui évite les détournements;
la couverture des charges par les recettes.
Une cible constituée des «pauvres» et des « moyens ». La très grande majorité des acteurs
économiques comoriens demandent pour développer leurs activités des petits crédits. Les satisfaire
peut présenter un levier important pour le développement économique des Comores.
Afin de pérenniser l’institution, deux axes méthodologiques ont été définis :
la création de caisses villageoises ou urbaines (quartier), autogérées (gérées par les
bénéficiaires), profitant ainsi d’un cadre géographique et humain relativement homogène (la
communauté). L’autogestion en question veut dire l’indépendance des caisses villageoises vis-à-vis de
l’Etat et des banques et leur gestion par les bénéficiaires eux-mêmes. Dans un démarche
« participatives », les règles de fonctionnement sont élaborées en inspirant des Sanduk déjà créés et
des pratiques traditionnelles. C’est ainsi qu’elles peuvent être perçues comme un patrimoine du village
au même titre que les foyers, les mosquées, les places publiques, etc.
Nous soulignerons que l’autonomie préconisée nécessite cependant un appui extérieur important en
terme de formation de conseil et de suivi comptable afin que les structures de gestion acquièrent les
compétences requissent pour le bon fonctionnement d’une institution bancaire;
La définition des règles avec les intéressés sur la base d’un protocole expérimental d’épargne
et de crédit dont un tableau en annexe reprend les modalités et montre son évolution en fonction des
réalités sociales et économiques.
Voyons les principes les plus importants /
Le préalable de la fonction crédit sur la fonction épargne, répondant ainsi à un besoin jugé
prioritaire par les petits producteurs. Cette démarche suppose donc la participation du projet (sous
forme de mise à disposition) au capital de la caisse (1 franc d’apport local permet de mobiliser 4 francs
d’apport extérieur dans la limite de 4 millions de KMF. Soulignons que les 4 millions plus le coffre
mis à disposition du Sanduk sont récupérés par le projet si la gestion du Sanduk n’est pas bonne). Ce
capital autorise le Sanduk, dès le départ, à octroyer les demandes de crédit. Cela lui forge une image
d’utilité communautaire et lui permet immédiatement de couvrir ses charges de fonctionnement. En
outre, cette démarche permet aux petits producteurs d’accéder au crédit en évitant la mainmise sur la
caisse par quelques gros épargnants qui exigent le plus souvent des plafonds de crédit en relation avec
l’importance de leur dépôts. Aujourd’hui les deux fonctions commencent simultanément sans pour
autant que l’épargne soit une condition pour avoir accès au crédit.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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La progressivité des montants de crédit (démarrer petit et augmenter progressivement en
fonction des résultats). Le plafond est fixé au démarrage à 75. 000 KMF et atteint dans quelques
Sanduk aujourd’hui (les plus anciens avec plus de 3 ans de fonctionnement 300 000 KMF). Après 5
ans de fonctionnement les Sanduk pourront augmenter le plafond à 500 000 KMF;
le caractère productif des objets de crédit (au moins au démarrage) afin de faciliter les
remboursements (voir analyse des objets de crédit en annexe);
la fixation d’un taux d’intérêt reflétant la réalité du coût de gestion des petits crédits (2% sur le
capital restant du).
la mise en place des règles sur l’épargne qui tiennent compte des conditions financières du
village (par exemple, des possibilités de dépôt et de retrait de 500 ou 1000 francs comoriens).
Ainsi de 1993 à 1995, sur un financement de la CFD (2 millions de FRF) et du Ministère de la
Coopération Française pour l’assistance technique (0,5 millions de FRF), dix caisses ont été
expérimentées avec de bons résultats quantitatifs (remboursement proche de 100%) et quanlitatifs
(enclenchement d’un processus d’appropriation sociale de la banque au village). L’expérimentation a
été menée par une équipe restreinte de 4 personnes avec l’appui de 2 opérateurs techniques français,
l’IRAM (Institut de Recherche et d’Applications des méthodes de Développement) et le GRET
(Groupe de RECHERCHES ET D’Echanges Technologiques).
PHASE D’EXTENSION DU PROJET SANDUK
Consécutif aux bons résultats de l’expérimentation, un seconde phase a été financée par la
CFD sur demande du gouvernement comorien pour un montant de 8,5 millions de FRF (95-98). Elle
comporte un double objectif :
multiplier le nombre de Sanduk sur le territoire (créer 40 caisses supplémentaires);
institutionnaliser « le projet » en créant une structure apte à la substituer. Ainsi l’équipe du projet s’est
élargie à une douzaine d’agents pour faire face à ces objectifs. L’A.T permanent s’est retiré au profit
d’une assistance à distance jusqu’à Août 1998. L’IRAM et le GRET assurent comme pendant la
première phase l’appui technique par des missions de courtes durées (une mission d’une quinzaine de
jours par semaine). Ils ont contractualisé avec le GAD (Groupe d’Action pour le Développement) et le
préparent à le relayer à terme.
LES RESULTATS INTERMEDIAIRES
Aujourd’hui, le réseau enregistre des résultats à la fois quantitatifs (voir situation globale des
caisses en annexe) et qualitatifs qui lui permettent d’être apprécié.
Notons qu’à côté de ces résultats des inquiétudes existent.
Les résultats quantitatifs
Une quarantaine de banques villageoises ou de quartier réparties sur les trois îles;
plus de 6000 membres;
60 millions KMF d’épargne représentant plus de 900 épargnants;
près de 370 millions KMF de crédit dès le démarrage représentant plus de 4000 crédits;
des taux de remboursement (calculés trois mois après échéance) supérieur à 99%.
l’Union des Sanduk (structure faîtière) a été créée en Décembre 95 et regroupe l’ensemble des Sanduk
des différentes îles. Elle représente les intérêt de l’ensemble du réseau, définit les grandes orientations
de la politiques d’épargne et de crédit des Sanduk, assure le règlement des conflits et est à la recherche
de financement pour venir en aide aux Sanduk déficitaires.
De plus l’Union des Sanduk a négocié et obtenu des pouvoirs publics et des communautés concernées
des bâtiments gratuits sur les îles d’Anjouan et de la Grande-Comore et un terrain sur l’île de Mohéli
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
30
pour un projet de construction des bureaux de l’Union, elle a été dotée par le Stabex de 53 millions de
KMF pour mener des activités de refinancement, elle a signé avec la BDC un protocole d’accord le 19
juin 1997 pour lui envoyer ses plus gros clients.
La réussite de cette Union suppose un certain nombre de conditions :
un transfert progressif des responsabilités du projet. Il lui est demandé dès le départ de
s’associer à certaines fonctions (choix des nouveaux sites, définition d’une politique d’épargne et de
crédit) et d’en exécuter d’autres (modalités de fonctionnement de l’Union, définition des critères
d’accès au refinancement, pression sur les Sanduk en crise, etc.);
un effort de formation par le projet des élus de l’Union;
une autonomie financière progressive via la perception d’une cotisation mensuelle de ses
membres (0,7% de l’encours de crédit).
Il faut noter la motivation témoignée des Sanduk à la mise en place de cette Union.
Aujourd’hui, elle compte 40 membres dont dix s’acquittent déjà de leur cotisation mensuelle (après 24
mois de fonctionnement, les Sanduk commencent à s’acquitter de leurs cotisations). l’Union a lancé
ses opérations de refinancement des Sanduk grâce à un don du Stabex de 53 millions de francs
comoriens. Au total elle enregistre 9 opérations de refinancement représentant 19,5 millions.
Quant aux Sanduk, selon le cas, par le financement via l’Union ou par le volume d’épargne
collecté, ils pourraient, comme semblent le désirer leurs membres, muter en de véritables banques,
capables de répondre à une gamme élargie de besoins de financement.
Ce plan ambitieux de développement suppose le soutien actif des autorités comoriennes d’une
part, pour soutenir l’économie nationale et d’autre part, pour coordonner, dans le cadre d’une politique
nationale de crédit, les interventions dans ce secteur. Il est nécessaire de rechercher la pérennité et la
complémentarité des actions et donc d’éviter une concurrence qui serait préjudiciable à l’ensemble du
dispositif, compte tenue de la taille limitée du pays.
Les résultats qualitatifs
Les associations Sanduk ont continué d’adapter leurs règles de fonctionnement aux besoins de
leurs membres et aux réalités sociales. Elles s’inscrivent de plus en plus dans le paysage
communautaire comme un bien qu’il faut sauvegarder.
Généralement, la majorité des ménages d’une localité donnée y ont adhéré. Les Sanduk dont certains
membres font partie des classes décidantes du village solutionnent les conflits (nés le plus souvent des
« mauvais payeurs ») sans trop de difficultés.
l’Union des Sanduk s’est inspirée, elle aussi, dans son fonctionnement des règles sociales en
vigueur aux Comores. Elle peut rassembler un collectif de notables pour régler des problèmes plus
importants comme celui survenu à Dembéni (exclusion du Sanduk de Dembéni de l’Union des Sanduk
pour cause de mauvaise gestion et négociation selon les règles traditionnelles pour récupérer les fonds
et le coffre mis à la disposition du Sanduk).
Quelques éléments d’appréciation
Au-delà des résultats quantitatifs et qualitatifs on peut dire :
− que le petit crédit à court terme répond à un besoin réel par les petits producteurs. L’augmentation
des plafonds de crédit et de la durée du différé de remboursement montrent que des besoins pour
des crédits plus importants à moyen terme existent également.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
31
− que l’autogestion est maîtrisée comme en témoignent les taux de remboursement (calculés trois
mois après échéance) supérieurs à 99%, les bénéficiaires réalisés, le règlement par les instances des
problèmes de remboursement (saisie de biens matériels des défaillants) et l’adaptation des
modalités de fonctionnement aux réalités sociales et économiques;
− que l’appropriation sociale est enclenchée et que le Sanduk s’inscrit de plus en plus dans le paysage
économique et social du village en le dotant d’un bâtiment, en ouvrant ses portes à des
communautés soeurs et en collectant l’épargne disponible.
Quelques éléments d’inquiétudes
Ils sont les suivants :
− la détérioration du contexte économique national dû à la mévente de la vanille et des essences d’
Ylang et l’accumulation des arriérés de salaire des fonctionnaires, ce qui ne constitue pas un
environnement favorable pour les activités de crédit et d’épargne.
− l’absence des locaux propres pour beaucoup de Sanduk (32 n’ont pas de locaux), qui pose des
difficultés sur leur reconnaissance comme véritables institutions financières en comparant avec les
locaux des banques à Moroni;
− la saturation rapide des capacité financières des Sanduk peu de temps après leur création pendant
que les conditions mises en place pour avoir un refinancement ne leur sont pas favorables;
− adaptation difficile du système Sanduk aux villages côtiers (au démarrage). En effet au démarrage
les crédits Sanduk sont plafonnés à 75. 000 KMF. Si avec 75. 000 KMF, on peut développer une
activité en milieu agricole, dans les villages côtiers à vocation « pêche », cela est très insuffisant.
Les pêcheurs ont besoin des crédits entre 1.000. 000 et 2. 000. 000 KMF pour s’équiper en vedettes
et en moteurs hors bord. Avec l’expérience d’Itsandra qui se résume en une faible activité
généralisée à la fois pour le crédit que pour l’épargne (voir situation des Sanduk en annexe), nous
devons réfléchir pour le démarrage des Sanduk en milieu côtier sur un plafond adapté au besoin
réel des pêcheurs ou simplement sur un plafond adapté au besoin réel des pêcheurs ou simplement
sur un protocole spécifique.
POINT SUR L’INSTITUTIONNALISATION DE L’UNION
Institutionnalisation financière
Elle sous-entend la couverture à terme des charges de l’Union (actuellement celles du Projet) par les
recettes de l’Union. Celles-ci proviennent principalement des cotisations mensuelles des Sanduk
(0,7% de l’encours de crédit). Parallèlement des mesures visant la diminution des charges de l’Union
ont commencé (ex : bâtiments gratuits). Les dernières projections prévoient un équilibre financier en
2003 avec 70 caisses.
Institutionnalisation juridique
l’Union des Sanduk (à l’instar des Sanduk d’ailleurs) possède un statut juridique associatif.
Ses membres sont les associations Sanduk. Il lui reste à obtenir celui d’institution financière. Une
demande d’agrément est déjà envoyée au Ministère des Finances et du Budget depuis Mai 1997 qui l’a
ensuite adressée pour instruction à la CC.
En plus, l’Union des Sanduk s’est officialisée auprès de la notabilité de Ngazidja depuis octobre 1997
pour être reconnue comme un patrimoine national d’intérêt public qu’il faut sauvegarder.
RELATION DE L’UNION AVEC L’EXTERIEUR
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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La banque de développement
Un protocole d’accord conclu en juin 1997 est en expérimentation pour donner l’accès aux
membres dont les demandes de crédits dépassent les capacités financières de leurs Sanduk à la BCC
par les procédures simples. Une première évaluation sera faite en Février lors de l’AG annuelle de
l’Union et selon les résultats il sera pris la décision de continuer avec le protocole ou de le rompre
pour la recherche des lignes de crédits auprès de la BCC, de la BIC ou des bailleurs de fonds.
L’union Européenne
L’Union Européenne a doté l’Union des Sanduk de 53 millions dans le cadre du Stabex ?. La
moitié est déjà versée et l’autre est appelée (à 75% de l’utilisation de la 1ère tranche).
Les autres relations
L’Union des Sanduk fait partie du Comité de concertation des différents intervenants dans le
crédit et est représentée par son Directeur Exécutif (ne s’est jamais réuni).
En plus, elle est en relation avec la BCC et tous les projets de crédits intervenants aux Comores
notamment :
− le projet AIEB (FIDA);
− le projet AMIE (BIT/PNUD)
− le FADC (volet AGR) (Banque Mondiale);
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
33
CONCLUSION
Toute initiative extérieure de développement devrait pouvoir se justifier en terme de
pérennisation des innovations introduites, qu’elles soient techniques, économiques ou sociales. Le but
recherché doit donc être l’appropriation de ces innovations par les locaux. On comprend alors l’intérêt
d’une démarche participative. En effet, si l’innovation proposée est le fruit d’un travail concerté avec
les populations, si celle-ci répond à un besoin réel exprimé par les populations, alors elle a des chances
d’être appropriée et conservée.
Dans le cas des caisses de crédit et d’épargne villageoises ou de quartier, la pérennisation de
ces institutions passe par une gestion (pas de détournement, couverture des charges par les recettes et
remboursement des crédits à 100%). Pour y arriver, le projet a misé sur l’autogestion.
Mais l’autogestion des caisses n’est pas une dynamique spontanée, elle résulte d’une
construction progressive qui nécessite un appui et un suivi extérieur. Des relations contractuelles
(contrat d’affiliation) définissent les responsabilités et les apports réciproques. On est donc loin d’une
véritable autogestion (création autonome par les intéressés), mais par un processus d’appropriation
sociale (la communauté fait siennes les règles proposées en les adaptant), on s’en rapproche.
Nous serions donc tentés d’encourager tous les intervenants dans le développement aux
Comores, et plus précisément ceux interviennent dans le secteur du financement, d’adopter une
démarche participative, comme le recommande la nouvelle politique nationale de développement
agricole, d’être à l’écoute des besoins des populations et de s’efforcer d’y répondre d’une manière
durable conformément à l’ensemble des recommandations issues du séminaire sur l’épargne et le
crédit aux Comores (juin 96).
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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LES ASPECTS FONCIERS DE LA GESTION
LOCALE DE LA ZONE COTIERE
Par Aïnouddine SIDI
C.N.D.R.S
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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INTRODUCTION
La gestion locale, intégrée et durable de la zone côtière dans un pays montagneux , exigu et
surpeuplé comme les Comores où plus du tiers des îles est constitué des sols pierreux, suppose avant
tout une bonne gestion du foncier. Or, malgré les nombreuses mises en garde adressées par les experts,
il prévaut dans ce pays une occupation anarchique de ce qui reste de la zone côtière.
Aux Comores, l’habitat est essentiellement côtier pour des raisons liées à l’histoire du
peuplement, aux impératifs fonciers de l’économie de plantation, et à la croissance démographique.
L’occupation du patrimoine foncier de la côte varie d’une île à une autre du point de vue de la
repartition de la population.
A Ngazidja les Grands comoriens, que la crainte du volcan autant que celle des
« commandeurs » de l’immense domaine Humblot avait privé du Centre de l’ïle, en ont peuplé la
Périphérie où des foumbous, des trous d’eau lui permettait de trouver de l’eau. On a des fortes
concentrations sur la Côte et des conflits fonciers n’ont pas encore été réglés, notamment celui qui
oppose Moroni à Ikoni au sujet de Maluzini.
A Ndzuani pour des raisons historiques, certains hauts ou cirques ont joué un rôle de refuge et
d’accueil pour une population nombreuse. Il n’en demeure pas moins que la zone côtière reste
fortement occupée, et est en train de se dégrader notamment dans le secteur compris entre Moya et
Wani où beaucoup de conflits fonciers restent à régler. La côte Est se dégrade surtout entre Bambao et
Domoni.
A Mwali, l’île a servi de déversoir aux migrations comoriennes notamment à celles des
Anjouanais. La situation sur le littoral mérite une attention particulière, notamment dans le secteur
côtier compris entre Howani et Itsamia. Des problèmes fonciers restent à régler dans les secteurs Sud
(Niwumashiwa) et Sud Est (Miringoni).
Toutes les politiques foncières des Comores, de l’établissement des sultanats à la période postcoloniale en passant par la longue période de colonisation n’ont pas pris en compte les intérêts
paysans.
La stratégie de survie des paysans sans terre et des chomeurs dans un contexte de pauvreté
grandissante, les a conduit à squatter les terrains côtiers des grands propriétaires fonciers, à occuper
anarchiquement la zone de pas géométrique et à intensifier l’exploitation incontôlée des ressources
côtières et marines.
Le déboisement et l’extraction du sable coralien sur les plages aggravent l’érosion littorale, la
régression des plages, et se traduisent aussi par une perte d’habitats pour certaines espèces migratrices
comme les tortues.
La lutte contre la dégradation de l’environnement côtier passera nécessairement par une
restructuration foncière. En fait, l’absence de reforme foncière d’ensemble crée parfois des situations
très conflictuelles notamment en zone côtière. On voit aussi des propriétaires vendre des terrains mal
définis selon des actes douteux.
La gestion du milieu devra être participative et obéïr à une démarche patrimoniale qui est le
meilleur moyen de traiter les problèmes environnementaux, car elle met en évidence le rôle vital des
communautés autochtones et des collectivités locales.
I ) ELEMENTS D’HISTOIRE SUR LE PEUPLEMENT DE LA ZONE COTIERE
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
36
L’histoire ancienne de l’occupation de la côte dans un pays à traditions orales comme les
Comores est une histoire difficile à écrire.
Il existe une littérature orale que nous qualifierons de surabondante sur l’histoire de la côte et
de ses sites. Dans chaque localité, nous avons des traditionistes qui ont appris de leurs parents une ou
plusieurs mythes de fondation de leur région. Or, comme cela a été très bien demontré part les
spécialistes, il est très difficile pour la tradition de restituer les faits au delà de 300 ans.
Aux Comores, certains auteurs n’ont pas pu éviter les écueils des traditions, notamment
Gevrey, et à sa suite beaucoup de prétendus érudits qui ont mélangé la documentation historique
existante sur les Comores, avec de récits que contiennent les mythes comoriennes. Cet amalgame de
contes et de documents rend l’histoire comorienne obscure et il faut s’appuyer sur les certitudes de
l’archéologie pour ce qui est ancien et les documents pour ce qui est récent.
Les données archéologiques confirmées par les datations au carbone 14 nous apprennent que
certains sites côtiers ou peu éloignés de la côte étaient peuplés depuis la période Dembéni (Deuxième
moitié du VIIIe siècle- fin Xe siècle). Le terme Dembeni décrit cette phase que l’on a aussi retrouvée à
Mro Dewa et à Mwali Mdjini (Mwali), à Sima, (Ndzuani), à Mbashile (Shomoni), Mali (Ngaeidga).
Il est important de noter que les villages comoriens de cette haute époque n’abritaient que
quelques centaines d’habitants, mais occupaient une superficie d’au moins trois ou quatre hectares.
Les informations que nous avons montrent que les écosystèmes côtiers et marins n’étaient pas
menacés par l ’action des dembeniens du fait que les îles étaient sous peuplées. Néanmoins, les
vestiges osseux retrouvés établissent que la tortue et les coquillages étaient rentrés dans les habitudes
de consommation des dembeniens. Par ailleurs on sait que les maisons étaient en torchis ou en végétal,
et ne nécessitaient ni extraction de sable ni coraux. Ces maisons étaient entourées de jardins où l’on
cultivait probablement ignames et taros, et certainement riz, mil, sésame et ambrevades.Cocotiers et
bambous y étaient également plantés. Les plantes venues d’Asie du Sud, notamment le riz et le
cocotier voisinaient donc avec celles apportées d’Afrique telles que le mil et certaines cucurbitacées
(Verin, 1994).
Le peuplement côtier de cette haute période trouve toute sa signification dans le fait que la
zone côtière présentaient des conditions plus favorables à l’établissement humain.
On sait par exemple, qu’à Ngazidja, la population préferait se masser sur les rivages où des
foumbous, des trous d’eau, lui permettait de se procurer de l’eau douce et où il était plus facile
d’ajouter les ressources de la pêche aux autres moyens de subsistance : jardins domestiques où
croissaient les plantes vivrières, élévage de boeufs et des chèvres.
Ali Mohamed Gou (1994) nous fait remarquer que la majorité des sites comoriens comme la
plupart des sites du littoral oriental d’Afrique, se situent sur les côtes à l’embouchure de rivières, à
proximité d’une source d’eau, du lagon et des terres fertiles.
L’étude des phases suivantes (Hayundru, phase classique ) montre que le peuplement de la
zone côtière s’est poursuivi sans relâche. Et parallèlement, le développement de gros villages de
l’époque Dembeni se poursuit au fur et à mesure que les échanges s’intensifient avec l’extérieur.
L’accroissement démographique va de pair avec l’augmentation de la superficie des sites cotiers.
L’essor de la civilisation (ustwanrab) des migrants venus d’Arabie et du Golfe se traduit en zone
côtière par des actions destructrices de l’environnement côtier et marin (prèlevement de sable,
extraction de coraux) pour les besoins des constructions en dur des maisons arabes. Ces maisons ont
été construites sur le même type architechtonique. Extérieurement elles offrent l’aspect des grands
cubes de maçonnerie.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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Ce phénomène marque le début de la dégradation des plages des localités aristocratiques
situées près de la mer.
II ) DES MILIEUX COTIERS DEGRADES SOUS LE DOUBLE EFFET DE LA
COLONISATION FONCIERE ET DE LA PRESSION DEMOGRAPHIQUE
Vers la fin de la première moitié du XIXe siècle, on assiste aux Comores à l’introduction
d’une économie de plantation; une économie extravertie, tournée vers l’extérieur. L’histoire des débuts
de cette colonisation foncière a fait l’objet d’une thèse mariginale de la part de Jean Martin (1983) .
Par la suite d’autres études ont été réalisées notamment par le Roy (1986), Coulibaly (1985), (1986),
Sidi (1993), Mahamoud (1997).
A la lumière de ces études, on réalise que l’importance des appropriations foncières fut pour
beaucoup dans la dégradation de la zone côtière intensement occupée et exploitée par les populations
privées de terre.
Ce système des appropriations s’élabora à Mayotte selon une logique venue du monde des
Mascareignes, mais à Mwali et à Ndzuani les confiscations précédèrent l’annexion, ainsi que cela se
produit aussi dans certaines îles du pacifique comme les îles Hawai et Samoa.
Une fois la colonisation établie, le mécanisme s’accéléra, stimulé par l’insatiable boulimie de
terres des planteurs, surtout à Ndzuani. Le modèle mohélien de la confiscation foncière coloniale créé
par Lambert qui obtient de Djoube Fatima plusieurs centaines d’hectares fut repris avec un fort
coefficeint d’aggravation à Ngazidja, qui devait connaître un régime de compagnie à Charte à la fin du
XIXe siècle, sous la domination de Léon Humblot (Vérin 1994).
La dépossession coloniale a été préparée par l’ingérence des puissances coloniales qui s’est
greffée sur le terrain favorable de la faiblesse des royaumes insulaires.
En effet, ces royaumes, depuis le temps des pirates suivi de celui des usurpateurs, ont
recherché systématiquement à l’extérieur des Comores les appuis politiques et militaires pour resoudre
les conflits qui les apposaient entre eux.
Le cas de Ndzuani mérite d’être développé, ne serait ce que par l’ampleur des accaparements.
Au lendemain de l’installation de la France à Mayotte ( 1841), l’anglais William Sunley reçoit
en concession 5000 hectares à Pomoni (1847). Quelques années après, l’américain Benjamin Wilson
réussit à se faire octoyer plusieurs milliers d’hectares à Patsy par Abdallah III, successeur de Salim
décédé en 1855, moyennant une rente annuelle de deux cents piastres.
Avec le traité de protectorat (1886), on assite à Anjouan à une intrusion massive et les
confiscations se multiplient. Plaideau obtient en concession Mirontsi et Sangani; Mac Luckie obtient
Mjamawe et Jimlime au Nord d’Anjouan. Alferd Regouin et Bouin accèdent à la fin du XIXe siècle
au domaine de Bambao. De son côté Laurent parvient à se faire occtroyer les meilleures terres de
Assimpao 20 ha, Dzindri 25 ha, Page 25 ha, Fombani 25 ha, Bougueni 25 ha.
Au début du XXe siècle l’administration coloniale permit à Jules Moquet d’achèter en pleine
propriété toute la presqu’île de Nyumakele (12000 ha).
La transaction paraît avoir été particulièrement inique car le terrain englobait de nombreux
villages et 60 000 cocotiers. Seuls étaient exceptés dans cette appropriation la bande de pas
géométriques du bord de mer et une zone de 20 mètres laissée libre autour des villages.
L’affaiblissement ou la disparution des sultanat facilitait aux Comores l’accès des terres à la
colonisation. A partir d’une location initiale, les colons bénéficiaires cherchaient à perenniser leurs
avantages et à achèter des terres voisines pour arrondir leur domaine de départ. Cela était d’autant
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
38
plus facile que le pays était sans cadastre et que finalement les documents qui faisaient foi étaient
ceux que se faisaient confectionner les accapareurs par les topographes qu’ils appointaient.. Mais, à
partir du moment ou le résident se mit à vendre les terrains où à les distrubuer selon des systèmes de
location encore plus laxiste qu’auparavant le dépéçage foncier s’accelera.
La facilité avec laquelle ces accaparements ont été consentis tient à une méconnaissance du
système foncier indigène qui se satisfait des droits précaires selon des conventions non écrites.
Or le droit colonial qu va mener à la procédure d’immatriculation (décret de 1915, puis de 1926)
renverse la charge de la preuve. Toute terre est présumée appartenir au domaine éminent de l’Etat (ou
disait le Sircali) sauf preuve contraire. Les souverains et les féodaux concedaient partout des droits
d’usage ou de location par contrat verbal ( mikata) aux paysans, droits que l’Etat et les sociétés de
colonisation ignorèrent. Les rares detenteurs des titres arabes (hatwi) ne furent pas mieux traités
(Vérin, 1994).
L’annexion de l’archipel par la loi du 25 juillet 1912 marque l’apogée de l’économie de
plantation et ouvre une période qui sera ponctuée par des conflits fonciers dont celui de 1940 dans le
Nyumakele. Les différentes réformes réalisées au XXe siècle n’ont fait que désamorcer le côté
explosif des revendications paysannes. Les grandes bénéficiaires furent la noblesse et la bourgeoisie
citadine qui se sont emparées des terres les plus fertiles.
L’accession du pays à l’indépendance en 1975 signifia le départ de colons mais renforça la
position dominante de la bourgeoisie terrienne surtout à Ndzuani. Pire encore, on assiste à une
véritable anarchie sur l’occupation de la terre dans ce pays où la démographie accroît la demande en
terre cultivables. La fragilité des équilibres naturels devient la préoccupation principale. Aujourd’hui
les formations forestières originelles n’existent que sous la forme de lambeaux résiduels qui reculent
sans arrêt devant la hâche des bucherons et les mises en culture des défricheurs.
L’exode rural et le devéloppement anarchique des localités côtières qui s’ensuit font que la
gestion des milieux côtiers et marins devient problématique. Il est superfétatoire de souligner
l’importance et la multiplicité des problèmes et des instruments juridiques qui s’y rapportent en droit
interne.
III- DES PROBLEMES FONCIERS NON RESOLUS EN ZONE CÔTIERE
A l’état actuel des nos recherches sur les structures foncières, il n’est pas encore possible de
recencer les conflits fonciers en zone côtière. Tant ils sont nombreux et variés et de nature différente.
L’on sait que la terre est devenue la principale source de conflits surtout à Anjouan, conflits entre
villageois, entre villageois et citadins, entre grands propriétaires urbains et paysans sans terre (secteurs
Mutsamudu, Sima) entre personnes d’une même localité, entre frères.
Notre étude sur « la depossession et la conscience foncière aux Comores : cas d’Anjouan »
(Sidi 1993) a tenté d’analyser les conflits fonciers qui ont entraîné des voies de fait particulièrement
graves et de recenser les conflits villageois en état de latence. Ces conflits sont nombreux. Plus
nombreux encore sont les conflits qui opposent des individus. Les tribunaux sont submergés par les
dossiers fonciers. (Etude A. MANDHUI, DJAFFAR (1995).
La zone côtière se dégradera davantage pour longtemps que la gestion du foncier restera
anarchique. Mais, les régions côtières les plus vulnérables sont surtout celles qui ne sont pas éloignées
de la capitale Fédérale (Moroni) et des capitales régionales (Mutsamudu, Fomboni) et de certains
chefs-lieux (Wani, Domoni).
Cette vulnérabilité s’explique en partie par le fait de l’exode rural des paysans sans terre vers les
centres urbains côtiers.
C’est ainsi que pour Anjouan, nous avons une forte proportion des gens venus de Nyumakele et qui
s’adonnent souvent à des activités qui détruisent l’environnement côtier et marin (extraction de sable,
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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pêche par uruva). A partir de cet exemple on est fondé affirmer que dans un pays où aucun point n’est
distant de plus de 12 km de la mer, le dossier foncier de la zone côtière ne doit pas être séparé de celui
de l’arrière pays. Ainsi, le règlement des litiges fonciers de la zone côtière d’Anjouan passe aussi
nécessairement par la sécurisation foncière dans le Nyumakele où entre 1970 et 1989 plusieurs
conflits fonciers ont fait nombreuses victimes et intensifié l’exode vers Mutsudu, Domoni, Wani.
Les plus importants de ces conflits villageois opposèrent les localités suivantes: Mremani-Kangani
(1970), Mramani-Shaweni-Nuga (1971), Hada-Daweni-Janza (1972),
Komoni-Kiyo (1973),
Mramani-Saddapoini(1972),Mramani-Janza, Hada-Wuzini (1989).
De même, la protection de la zone côtière qui va de Bambao à Hajoho nécessitéra que soit finalisé le
processus de règlement du conflit opposant la famille sultanesque de Daniel Salim aux paysans de la
région (Ongoni-Harembo).
La zone côtière Moya-Bimbini-Sima-Mutsamudu mérite une attention particulière. Des conflits
opposent des villageois aux grands propriètaires urbains. La zone Mirontsi -Wani est totalement
dégradée du fait du prélèvement de sable, de l’extraction des coraux et de la pêche par Uruva. Ici
encore il est important de se pencher sur les problèmes des mirontsiens san terre et des nouveaux
villages autour de Wani (Barakani-Niantranga-Poteleya).
Pour ce qui de Moili, les problèmes de gestion foncière de la zone côtière résultent de
l’histoire de la colonisation foncière et des migrations, notamment celles des Anjouanais.
Anne PELLAT (1994) note ceci au sujet de ces migrations :
« L’immigration anjouanaise a fait qu’à Mwali, il existe des villages sans véritable territoire. C’est le
cas de Hamavouna. Presque tous les villages moheliens ont leur quartier anjouanais et il existe même
des villages purement anjouanaise (Hamavouna, Barakani, Ndrondrani) . Cette émigration est ressentie
par les autochtones comme un envahissement des terres moheliennes. Ce qui aurait entraîné chez les
jeunes un fort ressentiment envers les anjouanais accusés de tous les maux (vols, incendies, insecurité,
et abattage de tortues ».
Le problème majeur de Mwali, c’est que certains Anjouanais sans terre ont trouvé dans
l’abattage des tortues un moyen de survie, surtout au niveau de la localité côtière de Itsamiya.
A Ngazidja, la zone côtière est très vulnérable notamment entre Moroni et Mbashile. La côte
Est et Sud Est se dégrade surtout entre Shomoni et Male.
Il est urgent de régler les problèmes fonciers notamment entre Moroni et Ikoni et rationnaliser la
gestion de la côte où se localisent les sites reconnus d’importance historique (Mbashile-ShindriniMale-Mohoro-Mazouni-Bangwakouni-Mitsamihouli-Ntsaweni-Itsandra etc..)
VI- COMMENT GERER LES CONFLITS CÔTIERS ?
Il ne nous semble pas possible, du moins pour le moment, de militer dans ce pays pour une
revolution agro-foncière, quand l’on sait que celle-ci ne s’accomplira qu’avec la participation
consciente du peuple qui en dernière analyse est le moteur de l’histoire. Si l’on fait une analyse
objective de la société comorienne, de ses valeurs mythiques et symboliques et des pratiques foncières
et politiques du pays, on est tenté de proposer une négociation patrimoniale; une démarche de gestion
patrimoniale pour régler tous les conflits foncier y compris ceux de la zone côtière. La gestion
patrimoniale est une pratique déjà courante aux Comores. Certes certains facteurs peuvent limiter la
portée de la gestion patrimoniale, mais des études plus approfondies peuvent permettre d’avoir des
solutions par rapport à ces solutions.
La démarche patrimoniale a l’immense avantage d’avoir été appliquée dans de nombreux pays
et d’avoir fait l’objet de nombreuses études. Celles de H. HOLLAGON (1989) sur l’approche
patrimoniale de la qualité du milieu naturel, et de E.LE ROY (1996) sur la sécurisation foncière en
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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Afrique pour une gestion viable des ressources renouvelables et enfin les indications pratiques de
Jacques WEBER (1996) contenues dans « Conservation, Développement et Coopération: peut-on
gérer le social?) donnent des pistes intéressantes de gestion patrimoniale.
Mahamoud SAID (1997) a dans son mémoire de D.E.A d’Etudes Africaines (Option
Anthropologie juridique et politique) a fait une analyse pertinente de la gestion patrimoniale: une voie
pour la securisation foncière en République Fédérale Islamique Des Comores.
Comme tous ceux qui se sont penchés sur les problèmes fonciers, il souscrit à la démarche
pratique de Jacques WEBER qui se résume ainsi :
« Le point de vue collectif de très long terme, sans lequel toute action locale est vouée à la
contingence, implique l’organisation d’une négociation, donc d’une médiation entre des
représentations différentes du présent et de l’avenir »
« Tl y faut un médiateur ( un scientifique, de préféérence de sciences sociales, ou un politique ou
encore une personne ayant une capacité à légitimer les points de vue dans la négociation surtout
lorsque ceux-ci sont opposés, une bonne capacité de synthèse). »
Le médiateur devra « animer un processus de dialogue, de négociation, dont le résultat doit
être constitué:
- d’objectifs de très long terme (une génération);
- de scénarios de gestion à moyen terme, assortis d’une évaluation de faisabilité écologique,
économique, sociale, institutionnelle;
- de l’élaboration d’une structure de gestion négocié. »
Concrètement, la démarche pratique de la gestion patrimoniale nécessite des étapes, des actions pour
chaque étape qui appellent chacunes des remarques.
Les Etapes de la gestion patrimoniale.
Jacque WEBER (1996) préconise trois étapes: l’étape d’initialisation, l’étape de construction et celle
d’élaboration.
- L’ étape d’initialisation
Cette étape se concrétise à partir des actions suivantes:
- identifier les acteurs réellement impliqués dans l’objet de la médiation, y compris les tiers absents;
- informer les acteurs de ce qui les oppose aux autres et de leur commune dépendance d’une solution
au problème faisant l’objet de la médiation;
- inviter les acteurs à identifier leur propre situation ainsi que les tendances actuelles de celle-ci;
- inviter les acteurs à débattre sur l’évolution qu’ils considèrent la plus probable, de l’écosystème et de
leur propre situation dans l’hypothèse d’une poursuite des tendances actuelles.
Cette étape appelle les remarques suivantes :
1 - Il s’agit d’établir une situation initiale;
2 - les acteurs réels sont tous partie prenantes à la médiation. Ils se trouvent égaux à la négociation;
3 - Pas d’expertise scientifique au cours de cette étape. Seule est requise la présence d’un médiateur;
l’enjeu est important. Il s’agit de permettre aux acteurs d’exprimer leurs perceptions de la situation et
de son évolution et de les confronter, d’en être naturellement clairement informés. Dans cette phase les
points de vue de l’Ong de conservation ou de l’agent public sont ni plus ni moins légitimés que les
autres.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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L’étape de construction des objectifs de très long terme
Sept points sont importants:
- les acteurs débattent de ce qu’ils souhaitent idéalement laisser à leurs enfants, comme attributs de
l’environnement et du cadre de vie;
- ces choix sont par la suite considérés comme intangibles et comme des références permanentes de
l’action, comme des institutions engageant plus que ceux qui ont généré cet agrément de très long
terme;
- il faut une légitimation forte et une ritualisation des objectifs de très long terme puisqu’ils doivent
être patrimoniaux, non réductibles, constitutionnelles.
Cette étape appelle les rémarques suivantes:
- la situation initiale determinée dans la phase d’initialisation précédente constitue le point de départ
de cette deuxième phase;
- pas d’expertise au cours de cette étape. Seule est requise la présence du médiateur;
- l’enjeu est de faire produire par les acteurs une charte de long terme où s’exprime autant d’idéal que
de matériel;
- l’agrément de très long terme autorise la définition des modalités de gestion à moyen et court terme;
ce detour par le futur permet de rendre caduque une bonne partie des conflits et de dépasser ceux qui
persistent.
Etape d’élaboration d’un système de de gestion.
Six éléments sont importants:
- établissement de scénarios de moyen terme permettant d’atteindre les objectifs de très long terme;
- les experts scientifiques interviennent pour évaluer la faisabilité comparée des scénarios élaborés par
les acteurs si ces derniers le demandent;
- tous les acteurs agréent les scénarios retenus;
-les scénarios agrées sont légitimés, mais pas ritualisés, car modifiable;
- elle met en oeuvre les scénarios acceptés;
- elle exécute les décisions prises quant au contrôle de l’accès, à l’exclusion des outsiders, à signaler
les sanctions à l’autorité chargée de les mettre en oeuvre.
Les remarques faites par WEBER pour cette phase sont les suivantes :
« - les acteurs restent maîtres de cette phase comme de la prédente, avec l’assistance du médiateur;
- il ne revient pas aux experts de dire ce qui doit être fait;
- le recours à l’évaluation scientifique par va et vient, permet d’affiner les scénarios jusqu’à ce qu’ils
soient considérés par les acteurs comme conformes à leurs attentes;
Les scénarios doivent être adaptatifs, modifiables en fonction de changement de contexte. C’est
pourquoi ils ne doivent pas être ritualisés. La structure de gestion est purement exécutive. »
Il faut dire que toute gestion durable de la zone côtière par les communautés suppose à un certain
niveau, une mobilisation et un engagement effectif de toute l’équipe gouvernementale. C’est pour cela
que les experts ont préconisé une commission interministérielle Permanente de politique foncière.
La négociation patrimoniale : un processus spontané déjà en cours.
Les observations de terrain faites par Mahamoud SAID (1997) montrent clairement que la
gestion patrimoniale est une pratique déjà courante aux Comores. Il a évoqué le rapprochement entre
pluralité de maîtrises foncières sur les mêmes espaces, avec la gestion patrimoniale.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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Dans ses recherches, il a bien compris le souci des mohéliens de préserver leur patrimoine
contre les occupations anjouanaises même si, la gestion patrimoniale n’est pas justement conforme à
l’esprit d’exclusion. Toujours est-il que les mohéliens ont une réelle conscience de leur patrimoine
qu’il faut à tout prix préserver. Cette prise de conscience est si forte qu’elle a pu favoriser, à l’échelle
des villages, un mouvement associatif exceptionnel, comparativement aux autres îles. Une association
mérite d’être citée en exemple; celle de Hanyamoida : l’ACDH (Association Culturelle pour le
Développement de Hanyamoida). Cette association comporte 5 sections dont une sur la protection de
l’environnement. Cette section s’occupe de la préservation des espèces halieutiques menacées (tortues,
jeunes poissons pêchés avec des substances toxiques) et de la lutte contre le déboisement. Douze
hectares de terres communes qui étaient très dégradées sont reboisées en ptérocarpus, par les villages,
sous la supervision de cette section. Les buts de ce reboisement sont la protection du village contre les
éboulements de terre provenant de ces terres communes et provoqués par la pluie et la production de
fourrage pour les animaux en vue de mettre ces derniers au piquet et de limiter ainsi le problème de la
divagation.
Des associations de ce genre se trouvent dans d’autres localités côtières comme Djoezi, Nyumashioi,
Hoani, etc.
Ce qui est très intéressant pour l’exemple de Mwali, c’est que, comme l’a bien constaté Mahamoud
SAID (1997), contrairement à ce que l’on pourrait penser, les associations Ulanga ne sont pas que
l’affaire des jeunes; et ceci est valable pour les autres îles derrière elles se trouvent des gens d’un
certain âge, plus exactement des gens de la tranche d’âge intermédiaire entre celle des jeunes et celle
des vieux, des gens de l’administration et qui ont donc des compétances techniques, ou des religieux.
Dans le village de Miringoni à Mohéli, L’association Ulanga du village comptait en 1996, 56 membres
dont : 35 membres actifs sur le terrain et 8 membres ayant un âge compris entre 30 et 55 ans chargés
de l’animation de l’association. Parmi ces 8 membres se trouvent des fonctionnaires qui financent de
temps en temps des actions de l’association.
A Anjouan, il y a des expériences intéressantes qui correspondent à une réelle volonté de
formation et d’officialisation de la gestion patrimoniale: exemple de Bimbini.
Ces expériences doivent être capitalisées et étendues à des dégrés divers sur toute l’île d’Anjouan.
Une mobilisation et un engagement effectifs, de toute l’équipe gouvernementale
Qui dit politique de développement dit un ensemble de politiques cohérentes et agissant en
interaction. Dans cette hypothèse, le dossier de la réforme foncière ne peut pas être une tâche du seul
ministre de l’Agriculture. Il doit être une tâche de tout le gouvernement. Et cette tâche devra refléter
de façon concrète les orientations prises au niveau national en matière de développement. Sans cela, le
rôle de la coordination de la Commission Interministérielle Permanente de politique foncière risque de
voir son efficacité réduite.
Une prise de position préalable par le Gouvernement sur certaines questions de fond d’ordre juridique
et politique en suspens.
L’on sait que de nombreuses propriétés, souvent immatriculées, ont été acquises sur des bases
douteuses; des terres de la Bambao ou d’anciens colons propriétaires abscents ( Barakani et près de
Nioumashioi à Mohéli) sont appropriées; certaines terres connaissent en même temps deux ou
plusieurs propriétaires différents possesseurs chacun de titre. Beaucoup de propriétés font l’objet de
contestation. Certaines terres privées de colons sont en voie d’aménagement par les occupants
« soutenus » indirectement par des projets de développement qui fournissent alors le matériel végétal
et de l’appui technique. Avant d’engager une quelconque gestion patrimoniale, il faudrait, insistent
tous les experts, clarifier :
- la situation des terrains privés dont les propriétaires sont absents (Bambao, anciens colons) ;
- la situation des propriétés mal acquises.
Sur un autre plan, la phase expérimentale de négociation patrimoniale nécessitera la mise en place
d’un cadre légal pour garantir les « contrats ». La question est : comment le faire ?
V- RECOMMANDATIONS
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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Nous voudrions faire quelques recommandations pour mieux saisir la problématique du
foncier et initier une politique de gestion intégrée de la zone côtière.
Il nous semble important d’initier des études historiques, juridiques,anthropologiques, et de partir des
initiatives existantes, sans oublier de mobliser les valeurs de l’islam, de mettre en place des capacités
locales et décentralisées pouvant jouer un rôle dans la localisation des grands types de foncier.
Etudes historiques
En raison de l’importance donnée par les comoriens à la vision du passé en ce qui conserne le
foncier, il est nécessaire d’initier des études historiques. Beaucoup des comoriens vont faire prévaloir
des droits historiques. On sait que dans le Nyumakele des hatwui furent brûlés par l’administration
coloniale pour pouvoir vendre la presqu’île à Jules MOQUET.
Dans la région de Bandrani, certains habitants parlent d’expropriations foncières. Le journal de
Laurent (fin XIXs début Xxe siècle) largement reproduit dans notre thèse sur le foncier (SIDI, 1993)
montre à quel point les droits des autochtones furent baffoués.
Il nou semble illusoire de pouvoir réaliser une gestion patrimoniale de la zone côtière sans initier des
études historiques pour chaque cas.
Etudes juridiques
Ces études pourront identifier les trois régimes fonciers qui ont été successivement en faveur à
Anjouan. On peut les caractériser au premier abord comme suit :
1) le régime pré-chirazien qui implique un droit foncier communautaire, vraissemblement introduit par
les premiers habitants de l’île;
2) le droit foncier musulman qui consacra la domination arabo-chirazienne. C’est ce que nous
appelons le droit foncier traditionnel; un droit qui répondait aux besoins nouveaux des Arabes et d’une
économie précaire dans laquelle la terre était presque la seule source de richesse et de la promotion
sociale, la condition même d’existence. Nous avons vu comment ce nouveau droit fut diffusé dans
toute l’île d’Anjouan, et comment l’esprit communautaire s’y est amenuisé. Entre l’homme et la terre,
les rapports n’étaient désormais plus mystiques mais économiques. Au résultat de cette évolution
apparût l’idée individualiste du patrimoine et de la propriété et avec elle, l’avarice et la convoitise.
Les juristes pourront explique en se fondant sur les travaux de Paul Guy la philosophie du droit
musulman à Anjouan, fractionnant le domaine collectif par l’héritage.
En conséquence, ces études montreront à quel point l’arrivée des Arabes a modifié l’utilisation qui
était faite des sols et leur tenure.
3) l’étude du droit foncier colonial nous permettra de comprendre comment le colonisateur a dans le
système antérieur introduit le régime de l’immatriculation et comment ce régime a légitimé les
appropriations européennes dans le cadre de l’économie de plantation.
La colonisation a ensuite consolidé les transformations juridiques en leur apportant un appui qui
viendrait d’une croyance à la supériorité de son propre droit.
Le colonisateur s’est déclaré propriétaire éminent de toutes les terres. Le domaine éminent de l’état
devient la règle, la propriété d’exception. On institue des livres fonciers et on établit un cadastre où
les terres immatriculées assurent leur existence, tandis que les réserves ou les terres sans statut perdent
leur entité.
A Anjouan, ces trois régimes foncièrement et philosophiquement différents, le second (arabe)
dominant le premier (communautaire), et le troisième (colonial français) dominant le second,
coexistent à des divers encore de nos jours.
Etudes anthropologiques des villages
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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L’officialisation de la gestion patrimoniale entend passer par des comités villageois
d’aménagement foncier. Ceci pose naturellement le problème de représentativité de ces comités
villageois. Cela nécessitera, village par village, une étude anthropologique préalable avant de se lancer
dans la démarche de gestion patrimoniale.
Mahamoud SAID (1997) estime que cette étude anthropologique devra se focaliser sur les rapports des
hommes à propos de la terre et sur la détermination de l’instance villageoise pouvant jouer le mieux le
rôle de comité d’aménagement villageois prévu par la gestion patrimoniale.
Une telle étude pourrait être réalisée avec une certaine rapidité par les agents du ministère travaillant
actuellement sur le terrain sous réserve d’un stage théorique minimal.
Partir des initiatives existantes et des cas simples : une forme de prudence
Compte tenu du caractère très expérimental de cette démarche de gestion patrimoniale, il
paraît plus judicieux de commencer avec des acteurs qui ont déjà spontanément manifesté un besoin
patrimoniale. Les cas qui nous semblent favorables sont alors :
Pour Mohéli : les villages où il existe une association villageoise fédératrice fonctionnellle et
surtout parmi ceux qui ont une section Ulanga. Dans ces villages, une opération de gestion
patrimoniale mettant en jeu l’Etat (possesseur de la forêt au sens civiliste) et les villageois
(propriétaires fonctionnels du domaine de l’Etat) pourrait être rapidement engagée. dans ces mêmes
villages, pourrait se mettre en place une opération de négociation patrimoniale avec les habitants
d’origine anjouanaise si besoin était.
Pour Anjouan, il faudrait commencer par Page, Bandrani, Mirontsi où les problèmes fonciers sont
aigus.
Pour la Grande Comore, ce qui nous semble difficile, c’est que dans certaines localités, les villageois
considèrent que les problèmes fonciers ne doivent pas relever de l’Etat.
Dans tous les cas, l’Etat ne doit pas écarter ces villages. Il devra instaurer un réel dialogue avec ces
villages même si ce n’est pas pour se lancer forcement dans une démarche de gestion patrimoniale.
Mobiliser les valeurs de l’islam : source d’inspiration de tous les comoriens
Dans le cadre de ce dialogue préliminaire, il pourrait être utile de valoriser la légitimité du
grand Cadi et des chefs religieux locaux. Ils pourraient par exemple animer une série de débâts sur les
questions de droit foncier et matrimonial musulman et partant se référer à des valeurs musulmanes
pour mieux expliquer les tenants et aboutissants de cette gestion patrimoniale.
Mettre en place des capacités locales et décentralisées
Identifier la localisation des grands types de foncier :
Il s’agit du domaine de l’Etat reconnu comme tel, des terres communes (usoyezi, réservés),
des grandes propriétés immatriculées, des finages villageois comprenant les miliki et manyanhuli.
Une telle cartographie permettait à l’Etat d’avoir une vision générale du foncier et d’apprécier
l’importance des problèmes inhérents à chaque type de foncier.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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CONCLUSION
A la lumière de cette étude, il nous paraît important d’entreprendre des actions dans
l’immédiat et dans le moyen terme.
Dans l’immédiat :
- l’inventaire des zones côtières où les problèmes fonciers sont les plus aigus;
- l’élaboration d’une carte d’identité pour chaque zone;
- initiation d’une série d’études historiques , anthropologiques et juridiques pour chaque zone.
- la nommination d’un ou plusieurs comités d’études comprenant quatre membres ( un historien, un
anthropologue, un juriste et un agronome ).
Dans le court terme :
- identifier des zones pilotes de gestion patrimoniale,
- initier un dialogue avec la nommination d’au moins un médiateur par île. (Ce médiateur pourrait être
pour Ngazidja, Damir Ben Ali qui est un grand connaisseur de la culture comorienne)
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE
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AINOUDDINE Sidi, sans date, La conscience foncière à Anjouan (Comores) mémoire DEA, Paris,
INALCO, Dossier n°1 Présentation de l’étude 30p, Dossier n°2 Bibliographie et Source 17p
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du Sénégal, 12p.
Le Roy E., 1996, « L’hypothèse du multijuridisme dans un contexte de sortie de modernité », Paris, L
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gestion viable des ressources renouvelables, Paris, Karthala, 380p.
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biologiquement, analyses comparatives des différentes approches », Paris, GRET, pp.377-394
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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ACTIVITES ECONOMIQUES DANS LES VILLAGES COTIERS
Par Younoussa IMANI
Statisticien Economiste
Commissariat au Plan et
au Développement
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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CONTEXTE DE L’ETUDE
Les activités économiques dans les zones côtières sont d’une part, sources de revenu
pour les familles et les groupements d’individus qui les pratiquent, et d’autre part, source de
revenu national par sa contribution à la production intérieure brut du pays.
On dénombre une multitude de petites activités dans les zones côtières et qui sont
sources de revenus non négligeables chez les habitants des villages côtiers. Elles génèrent des
ressources, créent des emplois, contribuent dans certains cas dans les recettes fiscales de
l’Etat, améliorent la vie de certaines personnes. Sur le plan social, ces activités économiques
sont à l’origine du développement des services de santé, de l’éducation, de la réduction de la
pauvreté.
Le caractère économique et parfois vital de ces activités font qu’elles sont pratiquées
sans se soucier en général des conséquences environnementales. Malgré les interdictions et
les campagnes d’informations sur la nécessité de préserver les ressources de
l’environnement, les habitants continuent leurs actions comme auparavant. Une
méconnaissance peut être des risques qu’elles engendrent, mais aussi et surtout une priorité
accordée à la survie. Ce caractère vital dépasse souvent toute autre considération
environnementale, ceci dans la mesure où ces activités constituent dans la plupart des cas les
seules ressources de toute une famille. Il est alors assez délicat d’interdire des activités
sources de revenus sans pour autant pouvoir en proposer d’autres. Comment pourrait - on
empêcher un individu de vivre.
Le problème qui se pose alors est de savoir comment préserver l’environnement sans
compromettre les revenus des habitants des villages côtiers.
Le cas des politiques mal définies ou mal appliquées ou parfois n’existant pas du tout
entraîne une prolifération des activités en dehors de toute considération environnementale.
Ces problèmes sont liés entre autres à la surexploitation des ressources entraînant une
pénurie de celles - ci et voire même une disparition de certaines ressources non
renouvelables. Les effets négatifs surpassent assez souvent les effets bénéfiques des activités
économiques et sociales. Cela est d’autant plus grave, dans la mesure où la non prise en
compte du paramètre environnement dans les activités économiques peuvent à la longue
compromettre la continuité de ce genre d’activités par l’épuisement des ressources et la
dégradation de la nature.
Comment alors préserver d’une part la durabilité des ressources tout en assurant la
durabilité des revenus issus de ces ressources. Le problème est assez délicat, car pour
certaines ressources dites abondantes (renouvellement assuré), il y a lieu de réguler
l’exploitation afin d’assurer le renouvellement. Pour d’autres ressources dites rares (délai de
renouvellement assez long), une solution de substitution de ces activités par d’autres
s’impose pour éviter l’épuisement voire la disparition de ladite ressource. En effet, s’il est
possible de s’assurer que le délai de renouvellement des ressources halieutiques est assez
court, il est par contre certain que le sable corallien extrait de la plage demande plusieurs
décennies pour son renouvellement. D’où la nécessité de trouver une formule visant à inciter
la population pratiquant des activités économiques sur les ressources naturelles rares, de
muter leurs activités vers d’autres de même nature, mais se portant sur des ressources
naturelles abondantes.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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Les activités économiques dans les milieux côtiers sont nombreuses, mais dans cette
étude, on se limitera aux principales activités qui sont d’une importance non négligeable sur
l’aspect revenus, mais aussi celles qui risquent de dégrader l’environnement.
Il sera alors question dans cette étude d’analyser pour chacune des activités, les
raisons économiques et sociales qui motivent les individus à pratiquer le type d’activité: son
importance au niveau de la communauté, le circuit commercial, le coût de production et
enfin le revenu issu de l’activité économique.
Il sera aussi question dans cette étude d’analyser les coûts et avantages des
différentes activités de substitution. Pour certaines activités dont les solutions de substitution
n’existent pas, il y a lieu de proposer des solutions. Les activités suivantes ont été
sélectionnées:
. La Pêche
. Le Trafic de chair de tortues
. L’Extraction de sable corallien
. Le Tourisme
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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I/ LA PECHE
Elle est source de revenu pour plus de 8000 personnes. soit près de 10 % de la
population active totale. Les produits de la pêche se limitant actuellement aux poissons
représentent près de 11 % du Produit Intérieur Brut comorien. La pêche est une activité très
ancienne dont la technique a très peu évolué dans le temps. Les pêcheurs comoriens ne
pratiquent que de la pêche artisanale. La pêche industrielle n’existe pas actuellement.
La technique des embarcations traditionnelles locales appelées Galawa (pirogue à double
balancier) a dominé pendant longtemps le milieu de pêche comorien. Ce n’est qu’à partir des
années 1980 qu’il y a eu apparition des embarcations motorisées en fibre de verre, grâce à
l’aide des organismes internationaux dont la coopération japonaise et l’Union Européenne.
La pêche professionnelle est toute récente dans l’archipel. C’est à partir des années
1980 qu’on commençait à dénombrer une forte proportion de pêcheurs professionnels (ne
pratiquant que la pêche comme activité).
1. Techniques de pêche
La pêche artisanale comorienne repose sur essentiellement trois techniques
d’exploitation: la palangrotte, la traîne, et la pêche à ligne pour les petits pélagiques.
La palangrotte est connue comme étant la technique de la pierre perdue figure comme l’outil
essentiel des piroguiers traditionnels .
Quant aux embarcations motorisées, elles pratiquent plus généralement la technique de la
traîne.
En 1995, la répartition par île des embarcations et des nombres de pêcheurs est la
suivante:
Répartition des pêcheurs et embarcations par île
Nombre
de pêcheurs
Anjouan
Grande Comore
Mohéli
Total
Source: rapport d’Audit 1997
Embarcations
Non motorisées
2400
4500
1100
8000
PRE/COI - CN
1433
1734
236
3403
Embarcations
Motorisées
Total
des
embarcations
247
565
112
924
1680
2299
348
4327
Le nombre d’embarcation traditionnel est encore en nombre assez élevé et représente
plus de 78 % du total des embarcations. A noter qu’en 1989, le nombre d’embarcations
motorisées représente 5 % contre 95 % de non motorisées (soit près de 2 pêcheurs par
embarcation).
2. Les espèces de poissons et ses caractéristiques:
On retrouve principalement deux espèces de poissons exploitées actuellement aux
Comores:
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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- Les poissons demerseaux:
On retrouve ces espèces sur la zone littorale (récif frangeant). Elles sont surexploitées et le
stock est presque épuisé. Ces poissons s’alimentent des algues et se reproduisent une fois par
an ou même une seule fois dans la vie. Ce qui explique sa rareté. Elles se font de plus en plus
rare sur les marchés.
Les poissons pélagiques:
Elle sont en nombre suffisant dans les eaux comoriennes. Ils sont carnivores, mangent des
petits poissons. Ils se reproduisent deux à trois fois dans l’année. Ils se déplacent beaucoup
ce qui leur a valu l’appellation de poissons migrateurs.
3. Localisation des zones de pêche
Aux Comores, les zones d’exploitation des ressources halieutiques sont principalement le
plateau continental autour des îles, la zone littorale (récif frangeant), et les DCP.
- Le plateau continental: Situé autour des îles, il est très étroit pour la Grande Comore et
Anjouan (maximum 2 miles nautique). Le plateau à Mohéli est un peu plus large ( 10 miles
nautique au sud), ce qui explique le caractère poissonneuse des côtes mohéliennes.
- La zone littorale (récif frangeant): cette zone est surexploitée actuellement par les
embarcations traditionnelles, mais aussi par les pêcheurs pratiquant la pêche à la ligne
durant la marée basse.
- Les DCP
La pêche autour des DCP est devenu très populaire chez les pêcheurs. La notion de DCP
n’est pas nouvelle aux Comores. A l’origine existait à Anjouan, un système de pêche du
requin, le CHAMPA qui concentrait des poissons divers. Le CHAMPA traditionnel est
composé de deux radeaux constitués de tronc de bananiers liés entre eux. Elles ont été
améliorées dans les années 60 par des radeaux en bambous. Ce n’est qu’en 1984 que les
dispositifs destinés aux grands pélagiques ont été mis en place. On distingue deux types de
DCP:
. Les DCP côtiers (50 à 60 m de profondeur)
Ils ont une action sur un rayon de 1 Km environ. Ils sont accessibles aux embarcations
traditionnelles.
. Les DCP profonds ( 660 m de profondeur)
Ils ont un rayon d’action de 2 km. Ils ne sont accessibles qu’aux embarcations motorisées et
ont une productivité plus élevée.
On compte 40 DCP posés à la Grande Comore, 22 à Anjouan et 14 à Mohéli.
4. Production du Poisson autour des DCP
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
52
Des études statistiques réalisées sur 15 sites de débarquement des pêcheurs artisanaux
d’Anjouan ont montré que près de la moitié de la prise des poissons se fait autour des DCP.
Et que les prises nocturnes sont essentiellement autour des DCP.
Près des DCP
Hors des DCP
Matin
641
997
Soir
837
496
Total
1478
1493
Source: Manuel pour les pêcheurs des Comores de HIROMI TSUBAKI (1988)
Total
1638
1333
2971
Les DCP ont contribué à une augmentation considérable des prises.
5. Production et Rendement de la pêche par type d’embarcation
L’exploitation des ressources halieutiques aux Comores est destiné exclusivement à la
consommation locale. Avec l’introduction des embarcations motorisées et de nouvelles
méthodes de pêche notamment les DCP (Dispositif de Concentration de Poisson), la
production annuelle de poisson a fortement augmenté. Ainsi d’environ 4000 tonnes en 1986,
elle a atteint 14000 tonnes en 1995 (soit une augmentation de la production de 3,5 fois), et
cela en l’espace de moins de 10 ans. Il apparaît clairement dans le tableau ci - dessous que la
production de poisson est beaucoup plus importante chez les embarcations motorisées que
ne l’est chez les traditionnelles.
La Production du poisson par type d’embarcation
Embarcations
non motorisées
Grande Comore
2575
Mohéli
400
Anjouan
745
Production Totale
3720
Nombre
3403
d’embarcation
Rendement
1,1 tonne /embarc
Source: Rapport d’Audit 1997 - PRE/COI - CN
PRODUCTION en tonne
Embarcations
Motorisées
Total
6020
768
3196
9984
924
8595
1168
3941
13704
4327
11 tonnes /embarc
3 tonnes /embarc
Les performances économiques des embarcations motorisées sont 10 fois supérieures que
celles traditionnelles. Ainsi avec une production annuelle de 11 tonnes par embarcation
motorisée, celles - ci devancent de loin les embarcations traditionnelles qui n’enregistrent
que seulement 1,1 tonne par embarcation.
Ainsi les 78 % d’embarcations traditionnelles ne totalisent que seulement 27 % de la
production halieutique contre 73 % pour les embarcations motorisées.
6. Coût de Production - Revenu de la pêche
On pourrait limiter le coût de production de la pêche comme étant la somme de:
- Coût d’investissement initial (Coût d’achat de l’embarcation et du matériel de pêche)
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
53
- Consommations Intermédiaires: principalement le carburant des embarcations motorisées.
.Embarcations traditionnelles:
Aucune étude n’a été faite sur le coût des embarcations non motorisées. Néanmoins, compte
tenu du prix du bois et du coût du travail effectué, nous pourrons l’estimer à 300 000 Fc
l’unité. On suppose qu’elle a une durée de vie de 5 ans. (Soit un amortissement annuel de 60
000 Fc).
.Embarcations motorisées:
Quant aux embarcations motorisées, une étude socio - économique sur la pêche artisanale
aux Comores a été réalisé et il s’avérait que le coût moyen d’une embarcation motorisée
s’élève à 1 985 000 Fc. En supposant qu’elle a une durée de vie de 10 ans, on aboutit à un
amortissement annuel de 198 500 Fc. Dans l’hypothèse de 4 sorties en moyenne par semaine
avec 5000 Fc de carburant par sortie, on aboutit à une consommation annuelle de carburant
de 1 040 000 Fc. Le prix moyen à la production du poisson est estimé à 800 Fc par Kg.
En utilisant les données précédantes sur les quantités annuelles de prise de poisson par type
d’embarcation, on aboutit aux résultats suivants:
Coût - Revenu par type d’embarcation
Revenu annuel
d’une
embarcation
Valeur
Ajoutée de la
pêche
0
880 000
850 000
1 040 000
1 040 000
9 680 000
9 680 000
7 760 000
8 610 000
Consommation annuelle d’une
embarcation
Amortissement
Embarcation
traditionnelle
30 000
Embarcation
motorisée
198 000
Total
228 000
Source: Simulation faite pour l’étude
Carburant
De ce tableau, on pourrait déduire que la valeur ajoutée de la pêche artisanale se compose de
la façon suivante:
- 7,1 milliards pour les embarcations motorisées (au nombre de 924)
- 3 milliards pour les embarcations traditionnelles (au nombre de 3403)
7. Propositions pour une solution durable
La pêche est une activité économique vitale et constitue pour le pays un secteur clé pour le
développement économique. Elle nécessite alors d’être maîtrisée, entretenue, diversifiée et
bien contrôlée afin que soit assurée indéfiniment l’exploitation régulière et croissante des
ressources halieutiques. Cette activité qui utilise plus de 8000 pêcheurs et qui fait vivre plus
de 4000 revendeurs (WATCHOUZI) est l’une des activités économiques principales de la
zone côtière. Elle procure plus de 10 milliards de Fc de revenu aux pêcheurs et près de 6
milliards de revenu aux revendeurs (WATCHOUZI) . En moins de 10 ans, le revenu national
issu des ressources halieutiques a été multiplié par 3 en passant de 5 milliards en 1986 à 16
milliards en 1995 (y.c les revenus des revendeurs). Au rythme actuel d’une croissance rapide
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
54
de l’activité de pêche, s’il n’y a pas une politique claire sur la pêche, les ressources des zones
littorales où se concentrent près de 70 % des pêcheurs risquent d’être épuisées.
Dans cette étude, il a été souligné que la quasi totalité de la pêche artisanale (78 %) se fait à
l’aide des embarcations traditionnelles (Pirogues à base de bois) et se pratique sur la zone
littorale (ou zone récifale).
. Substitution des embarcations traditionnelles en embarcations motorisées
# Il y a nécessité de stimuler les pêcheurs aux embarcations traditionnelles de se munir des
embarcations à moteur. L’avantage de cette politique est double: Du point de vue
écologique, elle diminuerait la forte concentration des activités de pêche sur la zone récifale,
ce qui préservera la biodiversité notamment les espèces demersales qui sont qui sont
surexploitées dans cette zone. Du coup, les DCP zones côtières qui contribuent aux prises de
petits poissons seraient en nombre limité. Elle permettrait aussi de limiter le déboisement
servant à la construction des pirogues.
# Du point de vue économique, la substitution des pirogues par des embarcations motorisées
contribuera à augmenter fortement la production. En faisant l'hypothèse que les 4327
embarcations motorisées actuelles sont toutes motorisées, le revenu issu de la pêche
uniquement passerait de 10 milliards à 34 milliards (soit un passage de 12% du PIB à 40% du
PIB). Certes aux yeux de tout un responsable, cette forte croissance de la richesse nationale
est l'idéale. Néanmoins, il faudrait noter que cette opération de substitution des
embarcations traditionnelles en embarcations motorisées coûterait 6,7 milliards de Fc (soit
62% des recettes fiscales annuelles).
# La solution envisageable est alors de faciliter l’accès aux crédits bancaires
pour les pêcheurs aux embarcations traditionnelles.
# Il y a nécessité d’assouplir les conditions de prêts actuels jugés trop contraignantes par
nombreux pêcheurs, notamment celles de la garantie (ou cautionnaire).
En effet, pour qu’un pêcheur puisse bénéficier d’un prêt bancaire, il lui faut entre autre un
cautionnaire qui dispose d’un revenu mensuel régulier (généralement les fonctionnaires).
Avec les quelques 6000 fonctionnaires que comptent la Fonction Publique, les 8000 pêcheurs
ou plus auront du mal à se les partager.
. Infrastructures portuaires
# Il y a nécessité de construire des infrastructures portuaires pour faciliter le débarquement
des poissons et assurer la longévité des embarcations. En effet, les pêcheurs tirent les
embarcations à sec sur la plage ou la crique.
. Diversification des activités de pêche
Pour assurer des revenus réguliers et d’autres nouvelles activités stables à la population de la
zone côtière, spécialement aux personnes vivant du revenu de la pêche, il y a lieu de
diversifier les activités de pêche en développant les techniques de transformation et de
conserverie des produits de la pêche (séchage du poisson, création des chambres froides,
conserveries par les techniques agro - alimentaires). L’introduction de ces nouvelles
techniques augmenterait l’emploi et pourrait diminuer les activités de braconnage qui ne
sont pratiquées que pour la recherche de revenus.
Elle permettrait aussi au pays d’exporter les produits de la pêche, ce qui améliorerait la
balance commerciale.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
55
. Accord de coopération avec les professionnels de la pêche en haute mer
La pêche industrielle n’existe pas encore pour le moment aux Comores, faute des moyens
techniques financiers et humains. Il est nécessaire pour le pays de signer des accords avec les
professionnelles de la pêche industrielle afin que la technique de pêche en haute mer soit
pratiquée conjointement par les pêcheurs comoriens et les professionnels étrangers. En effet,
un accord de pêche lie les Comores avec la CEE pour une pêche en haute mer. Cet accord
donne exclusivement droit aux bateaux de pêche de la CEE sans aucune association avec les
pêcheurs comoriens à pêcher dans les eaux territoriales comoriennes. Mais étant donné que
les Comores ne disposent d’aucun moyen de contrôle, le revenu de la pêche versé
annuellement aux Comores est largement inférieur aux prises annuelles dans les eaux
territoriales. Ainsi, le montant du droit de pêche versé aux Comores est d’environ 100
millions par an, ce qui correspond à seulement 125 tonnes de prise par an, équivalent d’une
seule prise chez pour les types d’embarcations industrielles.
Récapitulation des propositions
PROBLEME
SOLUTION
Substitution
embarcations
traditionnelles
embarcations
. Destruction de la biodiversité motorisée
récifale
. Déboisement pirogues
. Production des pêcheurs et pas de
Construction
port de pêche
. Destruction des embarcations par Ports de pêche
l’attraction
COÛT
des
6,7
en milliards
des
A estimer
. Développer les
techniques
de
transformations de
.Diversification des activités de la poissons (séchage) A estimer
Avantage
économique
.
Augmentatio
n des revenus
de 10Md à 34
Mds
. Durée de vie
longue
des
embarcat°
. Encouragt de
l’activité,
donc plus de
sorties
d’où
plus
de
Production
.
augmentation
des
exportations
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
Avantage
environnement
. Moins de
déboisement
pour
embarcat°
tradi- tionnelle.
. Préservation
des
espèces
démer- sales et
de
la
biodiversité.
. Moins de
DCP
zone
côtière
(attracteur des
petits
poissons)
. Création des
activités pour
les
femmes
pouvant
se
56
pêche
et de conserverie
(chambres froides)
et conserverie en
boîte
. Ressources importantes
exploitées (haute mer)
non . accord avec des
bateaux de pêche
étrangers pour une A estimer
coexploitation dans
les eaux territoriales
(balance
commerciale)
.
augmentation
des activités
(emploi)
.
augmentation
du revenu
. Plus de prise
augmentation
de
la
production
.
Augmentatio
n des revenus
de pêcheurs
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
substituer aux
activités
des
prises de petits
poissons.
. Attirer les
braconniers
vers d’autres
activités
.
Augmentation
de
l’exploitation
des
gros
poissons
et
indirectement
diminution des
activités
de
captures
de
petits poissons
57
II TRAFIC DE CHAIR DE TORTUE
Les tortues de mer sont protégées aux Comores depuis 1979 (décret 79 -012). Elles sont
localisées principalement sur l’île de Mohéli. Un arrêté du gouverneur de Moili en 1991, un
autre arrêté du Ministre du tourisme en 1992 ont confirmé ce décret. Récemment, une loi
cadre sur l’environnement a été ratifiée et comporte une clause sur la protection des tortues
de mer. Malgré toutes les interdictions, l’exploitation et le commerce des tortues continuent
de se pratiquer principalement à Mohéli où elles sont capturées et à anjouan où elles sont
commercialisées.
Le commerce de tortue entre Mohéli et anjouan est bien connu. Capturées dans la région
d’Itsamia (extrême Est de Mohéli), elles sont vendues à Bimbini (extrême ouest d’Anjouan).
Celles qui ne sont pas vendues sur place sont vendues à Mutsamudu.
La chair de tortue n’est pas très appréciée (le prix du kg varie entre 300 Fc et 350 Fc),
beaucoup moins cher que le poisson qui coûte 800 Fc le kilo.
Le tabou sur la consommation de la viande de tortue tend à disparaître, ce qui est inquiétant
pour la préservation de l’espèce. elle est consommée presque dans toutes les régions
anjouannaises actuellement, et pas seulement à Bimbini comme c’était le cas auparavant.
1. Revenus liés à la commercialisation de la chair de tortue
On estime à près de 60 tortues tuées chaque mois, soit environ 5 tonnes de viande
d’un revenu de 1,5 millions de Fc. Le revenu annuel est estimé à 18 millions de Fc
correspondant à 720 tortues tuées chaque année.
2. Impact sur l’environnement
. Menace d’extermination de la biodiversité.
. Impact négatif sur le développement de l’écotourisme
3. Propositions pour une solution durable
La multiplication des textes réglementaires ne résoudront pas toute seule le problème de
braconnage de tortue. Il y a lieu de trouver une solution économique au problème. La
pauvreté comme c’est le cas dans certaines régions d’anjouan amènent la population à faire
un choix modeste dans sa consommation, notamment par l’achat des produits à bon marché.
C’est pour cela que par rapport au prix du poisson (800 Fc le kg), ou à celui de la viande qui
coûte un peu plus, il est compréhensible que le consommateur modeste choisira la chair de
tortue (300 Fc le Kg), bien qu’elle est de qualité inférieure.
Le trafic de la chair de tortue existe tout simplement parce qu’il existe un point de vente,
autrement dit la commercialisation de la chair de tortue est assurée.
Dans cette situation, il y a lieu de décourager la consommation de ce produit par l’effet prix;
Une des solutions économiques serait de provoquer une hausse du prix de chair de tortue
par la création d’une situation de rareté. En effet, avec le renforcement des mécanismes de
contrôle sur les points de captures et de ventes et par la fixation d’une forte amende, le
volume échangé sur le marché sera réduite de telle sorte que l’offre du produit sera inférieur
à la demande. Cette situation engendrera une hausse des prix de la chair de tortue et réduira
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
58
l’écart « prix de poisson - prix de chair de tortue ». Etant donné que la chair de tortue n’est
pas plus appréciée que le poisson, les consommateurs choisiront le poisson.
Il est nécessaire aussi de créer d’autres activités liées aux ressources marines à Mohéli dans la
région d’Itsamia. Ces activités peuvent se porter sur le séchage des poissons, ou consister à
encourager la pêche par l’octroi de crédit matériel aux personnes qui pratiquent le
braconnage.
Récapitulation des solutions
PROBLÈME
Cause
. Captures et Source
Trafic de la revenus
chair
des
tortues
Solution
Avantage
Avantage
Économique
environnemental
de
la
de . Renforcement du . Augment de la Préservation
de biodiversité.
contrôle et amendes production
chez les braconniers. poisson / viande.
Baisse d’activités liées
D’où une hausse des
prix de la tortue et . Augmentation de au braconnage.
baisse
de
sa l’emploi lié à la
pêche, donc hausse
consommation.
. Diversification des des revenus.
activités liées à la pêche
dans
la
région
d’Itsamia (séchage de
poisson)
. Encourager la pêche
par une politique de
crédit du matériel.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
59
III EXTRACTION DU SABLE CORALLIEN ET DE QUELQUES
MATÉRIAUX
Il s’agit de l’extraction du sable corallien et des blocs de coraux, des graviers et des galets
issus des ressources naturelles du littoral.
Malgré les interdictions et les lois relatives à la protection du sable corallien et autres
matières côtiers, l’exploitation de ceux - ci n’ont pas cessé, et continue d’être pratiquée sur
l’ensemble de trois îles. Les raisons qui poussent les acteurs à ne pas cesser l’extraction des
matériaux sont de nature économique. En effet, le sable corallien sert pour les constructions,
les galets pour alimenter les concasseurs, les graviers pour le béton et les coraux pour les
fours à chaux (surtout à Anjouan).
Actuellement, le sable est surexploité aux Comores et principalement à Anjouan et Mohéli où
il y a peu de sable de concasserie ou parfois n’existe pas du tout. Il va de soi qu’avec la
croissance démographique et le développement économique, l’activité de construction est en
pleine croissance. Et si le sable corallien constitue l’unique matière servant de consommation
intermédiaire pour la construction, il y a lieu de s’inquiéter sur l’activité grandissante
d’extraction du sable, qui en principe suit l’évolution de la construction actuellement en
pleine croissance. Le sable des Comores est d’origine corallienne. A l’échelle humaine, c’est
une ressource finie, donc précieuse; son renouvellement est de l’ordre du millénaire. C’est
donc une ressource rare.
1. Revenus liés à l’extraction du sable
L’activité du sable diffère d’une île à une autre.
- En Grande Comore, il s’agit d’une exploitation individuelle, relativement marginale, qui
s’exerce sans permis ni taxe. Le prix varie entre 1300 et 2000 Fc le m3.
- A Anjouan, l’exploitation et le commerce du sable corallien sont plus organisés et
constituent déjà une activité économique non marginale. Le prix du sable varie entre 2500 et
6000 Fc le m3. Bien qu’elle soit interdite, l’extraction du sable est assujettie à des taxes
préfectorales et villageoises. L’île d’Anjouan connaît une forte extraction par rapport aux
autres îles. Ceci s’explique en partie par la forte poussée démographique que connaît cette
île, et l’absence d’entreprises de concasseries.
- A Mohéli, le prix du sable est réduit au coût de la main d’oeuvre et celui du transport. La
préfecture de Fomboni veille seulement à ce que l’extraction du sable se fasse loin de la ville
pour protéger les sites touristiques autour de la capitale.
2. Les produits de substitution
Le produit généralement admis pour substituer le sable corallien est le sable concassé. Si en
Grande Comore, les constructeurs ou acheteurs de sable peuvent se passer du sable corallien
par l’achat du sable concassé, il n’en n’est pas de même pou Anjouan ou Mohéli où l’activité
de concasserie est quasi inexistant.
A Anjouan, il y avait un seul concasseur des travaux publics qui est tombé en panne et à
Mohéli, depuis le départ de EGT pour cause de marché insuffisant. Face à cette situation, la
population de ces îles n’a pas le choix, c’est pourquoi la commercialisation du sable corallien
est relativement importante dans ces deux îles.
3. Compétitivité Prix entre le sable corallien et le sable concassé
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
60
La recherche d’une solution de substitution du sable corallien est plus qu’urgente à Mohéli et
à Anjouan. Pour favoriser une transition du commerce du sable du corallien au concassé, il
faudrait offrir aux constructeurs, du sable concassé de meilleure qualité et à bon marché. Sur
l’aspect qualité, le sable concassé est réputé être meilleur que le corallien, cependant au
niveau des prix, il y a une énorme différence en faveur du sable corallien.
Prix du m3 par type de sable
Grande Comore
Anjouan
Mohéli
Sable corallien
1300 à 2000 Fc
1300 à 2000 Fc
Transport
d’oeuvre
Sable concassé
10 000 Fc
/
main
Il est certain qu’au vu de ce tableau, il y aura une préférence des constructeurs de la Grande
Comore à choisir le sable corallien vu la différence de prix. Quand à ceux d’Anjouan et de
Mohéli, ils n’ont pas de choix, l’utilisation du sable corallien s’impose.
4. Propositions pour une Solution durable
L’activité d’extraction du sable est menaçante, car quelque soit les barrières judiciaires et
réglementaires existantes ou à prendre, tant qu’une solution de substitution viable n’est pas
trouvée au niveau des îles, les activités d’extraction continueront et suivront l’évolution
démographique et celle de la croissance économique. Autrement dit c’est une activité qui est
en pleine expansion. Le cas d’Anjouan est préoccupant, c’est l’île à plus forte croissance
démographique et c’est celle où il n’y a pas de concasserie. La solution de substitution du
sable corallien par le sable concassé dans les constructions doit être généralisée au niveau des
régions et des îles de l’archipel. La diversification des activités de transformation des
produits de la pêche pourraient assurer des revenus aux ex - extracteurs de sable coralliens.
L’Etat doit alors encourager les initiatives privées et des collectivités villageoises dans
l’établissement des petites unités de concasseries. Il y aura dans un premier temps nécessité
d’exonérer ces entreprises de toute taxe afin de leur permettre de fonctionner sans trop de
charges au départ, ce qui leur permettrait d’avoir des prix plus compétitif, seule condition
d’enrayer le commerce du sable corallien.
Des amendes doivent être instaurées au niveau des collectivités villageoises ou de l’Etat pour
les extractions de sable corallien. Naturellement, il serait ridicule de fixer des amendes si
aucune solution de substitution n’a été trouvée au préalable.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
61
IV LE TOURISME
Le tourisme est une activité encore peu développée aux Comores. L'activité hôtelière aux
Comores est relativement faible comparativement à celles des autres pays de la Région.
L'activité touristique aux Comores est réduit dans la seule île de la Grande Comore où il y a
le plus d'infrastructures hôteliers.
L'activité du tourisme représente près de 3 % du PIB avec à lui seul l’hôtel GALAWA (au
nord de la Grande Comore) qui représente plus de 70 % de la valeur ajoutée touristique. Le
tourisme bien qu'encore marginal dans l'activité économique du pays est un secteur appelé à
une forte expansion dans les années à venir. C'est pourquoi, il y a nécessité dès maintenant
de poser les problèmes liés à cette activité et de proposer des solutions afin que son
développement futur aux Comores soit maîtrisé et tienne en compte de la variable
environnement.
En effet le tourisme consomme des ressources: plages, eau douce, sites naturels
remarquables, lagons, récifs coralliens, espèces protégées ou rares. Le tourisme à travers son
développement crée des activités nouvelles: construction, voies d'accès et infrastructures,
agriculture, artisanat, services.
Les effets secondaires d'un développement touristique non maîtrisé menacent la pérennité
de l'activité elle - même. C'est pour cela qu'on parle aujourd'hui de tourisme durable qui ne
devrait pas se limiter sur l'aspect sectoriel seulement, mais doit tenir compte de tous les
autres aspects liés à sa pérennité (environnement, aménagement du territoire, population,
etc).
1. Problèmes environnementaux liés au développement du tourisme
Le tourisme crée des emplois, stimule les productions locales, favorise la formation des
métiers spécialisés participe à l’augmentation des recettes de l’Etat, et enfin contribue à la
croissance économique du pays.
Les effets du tourisme ne sont pas seulement positifs. La faiblesse de l’activité touristique
aux Comores fait que les effets négatifs ne sont pas encore très visibles. Néanmoins, avec le
peu d’activité qu’il y a, ces effets se font petit à petit ressentir. Et pour mieux maîtriser le
développement futur du tourisme, il y a nécessité de considérer une coordination
intersectorielle du tourisme. En effet, le développement d’un tourisme durable doit tenir
compte de l’environnement, des plans de l’urbanisme, de l’aménagement du territoire, de la
croissance démographique, ...etc. A l’heure actuelle, le développement du tourisme aux
Comores s’est accompagné de problèmes environnementaux suivants:
- Infrastructure hôtelière inadaptée et mal intégrées dégradant le paysage.
- Généralisation de la pollution, rejets de déchets et eaux usées sans traitement.
- Dégradation des sites, appauvrissement de la biodiversité, et collecte abusive de spécimen
faune et flore.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
62
2. Prise des espèces protégées de la faune marine
Coelacanthe
Les captures de coelacanthes s’effectuent accidentellement mais aussi fortement encouragées
par les établissements hôteliers nationaux. Ainsi des primes ont été attribuées aux pêcheurs
rapportant un coelacanthe. Un trafic relativement important subsiste à destination de
l’étranger via les établissements hôteliers. Il y a 20 ans, le prix du coelacanthe était de 70 000
Fc. La surexploitation est signalée pour cette espèce rare et le risque de disparition est prévu
dans 10 ans, si aucune mesure de protection n’est prise.
Coquillage
La chair des mollusques de 1 ère qualité est consommée localement et son prix varie de 1250
Fc à 2000 Fc le kg. Pour la 2ème qualité, le prix du kg est de 4000 Fc, elle est généralement
exportée. Les coquilles sont vendues aux touristes. Certaines espèces de coquillages sont en
voie de disparition.
3. Propositions pour une solution durable
Pour mieux appréhender les enjeux du développement touristique aux Comores, une
enquête d’opinion a été réalisée en 1995 auprès des nationaux, expatriés et touristes aux
Comores.
De cette enquête, il en résulte qu’il existe en tout état de cause un lien fort entre l’image
touristique des Comores et l’environnement. Cela pourrait se traduire par l’appellation de
tourisme nature ou écotourisme. La perception du tourisme aux Comores est relativement
homogène avec quelques nuances. Les dominantes sont les suivantes.
Jugement sur le Tourisme aux Comores
(échantillon de 137 personnes)
ATOUTS ET ACQUIS
. Hospitalité
. Potentiel touristique (surtout à Mohéli)
PROBLÈMES A RÉSOUDRE
. Infrastructure
. Action de l’Etat
. Environnement
. Coût de Transport aérien cher
. Nuitées très élevées
Source: Résultats d’enquêtes « économie de l’agriculture et de l’environnement » 1995
Il est alors important que pour tout investissement hôtelier, une étude d’Impact soit faite au
préalable.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
63
V EXEMPLES DE GOUVERNANCE LOCALE
Il est à noter que les capacités nationales ne s’arrêtent pas simplement à l’administration
centrale. Elles doivent concerner aussi bien la société civile et le secteur privé par le
développement d’un partenariat entre l’Etat et les opérations privées. On ne peut parler de
solution durable, sans la participation effective des communautés villageoises et différentes
ONG. En effet, la pérennité des solutions proposées dans ce document d’études économique
dépend en grande partie de la participation communautaire. Celle - ci participe déjà
activement à des degrés différents, chacune à sa manière à des actions pour la défense de
l’environnement.
Pour chacune des activités économiques citées dans ce document, des propositions pour une
solution durable ont été avancées. Néanmoins, pour la réussite du suivi et la pérennité des
solutions proposées, la communauté locale doit y participer activement. Il a été démontré
dans plusieurs domaines d’activité, que la société civile fait mieux que l’Etat, quand il s’agit
de protéger l’environnement.
Ainsi en Grande Comore, on retrouve l’Association Ulanga qui à travers ses
différents partenaires locaux (généralement des associations villageois) mènent des actions
contre l’extraction du sable corallien et pour la réhabilitation des plages et la restitution des
sites. Les pêcheurs, à travers des groupements professionnels très influents sont soucieux de
préserver les ressources halieutiques, mais manquent d’orientation, et disposent de peu de
connaissance pour pouvoir agir efficacement. Le groupement des pêcheurs d’Iconi (Sud
Ouest de la grande Comore) dispose d’une caisse de cotisation d’un versement mensuel de
plus de un million de Fc. Son action se limite actuellement à la seule entraide en cas de
disparition d’un des pêcheurs en mer. Il dispose d’un fond assez important mais non utilisé.
Une bonne orientation de ce fond leur aurait permis par exemple d’accorder des prêts à leur
collègue désirant se munir des embarcations motorisées. Il a été souligné dans cette étude
que le coût de remplacement des embarcations traditionnelles par des embarcations
motorisées est assez élevé. Et les pêcheurs sont souvent heurtés au blocage administratif
pour les prêts bancaires.
A Anjouan, les associations de protection de l’environnement sont villageoises et
agissent d’une manière indépendante avec chacun ses normes. On retrouve ainsi
l’association ulanga à Bimbini qui mène des actions exemplaires comme celles de la
reproduction sur place des tortues de mer à partir des oeufs importés de Mohéli. Ils se sont
organisés avec l’aide des autorités locales de sorte à infliger des amendes à tous ceux qui
détruisent l’environnement (le sable, les coraux, le bois, les petits poissons). Ils exigent des
dimensions pour les filets afin d’éviter la prise de petits poissons. Ils participent à
l’assainissement des rivières.
A Mohéli comme c’est le cas à Ndzouani, les associations de protection de
l’environnement sont villageoises. A Nioumachioi par exemple, on retrouve l’association
Ulanga qui agit dans différents domaines notamment, contre le déboisement et inflige une
amende à toute personne qui aurait coupé un arbre ou bien en l’obligeant à planter un arbre.
L’un des exemples illustrant une démarche pérenne, est celui de l’achat par Ulanga de
Nioumachioi d’une vedette pour la protection des côtes, et pour l’entretien, elle fait payer les
visiteurs qui l’empruntent.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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CONCLUSION
A l’origine, les activités économiques des villages côtiers, on retrouve principalement
des raisons d’ordre économique. L’exploitation des ressources côtières génère des revenus
qui généralement sont sources de survie pour certaines catégories de la population. La
recherche d’une solution durable pour la préservation de l’environnement dans cette zone,
nécessite des réponses économiques. Ainsi, on distingue deux sortes d’activité économique
en rapport avec l’environnement:
- Celles liées à l’exploitation des ressources dites rares (ressources dont le renouvellement
nécessite plus de temps).
- Celles liées à l’exploitation des ressources dites abondantes (ressources en
quantité
suffisante) dont le taux de renouvellement est supérieur au
taux d’exploitation.
En ce qui concerne l’exploitation des ressources rares, une solution économique à ce
problème serait de rechercher des activités de substitution de même nature assurant un
revenu équivalent ou supérieur et dont le prix de vente est inférieur ou égal à celui de la
ressource rare.
Pour le cas des ressources abondantes, il faudrait assurer la durabilité de son
exploitation par la protection des espèces et la garantie de leur reproduction. Car même si
aujourd’hui, les ressources semblent être infinies, une surexploitation risque de
compromettre les activités futures. D’où la nécessité de maintenir un taux d’exploitation en
deçà du taux de renouvellement.
Table ronde sur la Gouvernance locale et atelier sur la PRGD du 13 au 14 janvier 1998
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