Fiche n°294 - Avril 2008 La croissance de la population réunionnaise : un atout pour l’essor économique de l’île? ’Ile de la Réunion, qui sera peuplée d’un million d’habitants à l’horizon 2030, verra cette croissance démographique s’accompagner de profondes modifications structurelles. La population réunionnaise est en effet appelée à connaître un vieillissement rapide et une importante transformation de sa pyramide des âges. Les impacts sur les flux migratoires, l’emploi, le logement, l’aménagement du territoire et la santé publique, qui déterminent les perspectives de développement de l’île, sont aujourd’hui au cœur des réflexions des chercheurs et des décideurs publics. Face à ces enjeux majeurs, une équipe de démographes1, dirigée par un chercheur de l’IRD, propose une analyse détaillée de la dynamique démographique de La Réunion, à la fois passée, présente et future. Intégrant de nombreuses données récentes sur la fécondité, la nuptialité, la mortalité, les migrations et les projections démographiques, les auteurs fournissent des clés pour mieux comprendre les mutations économiques et sociales en train de se jouer dans la société réunionnaise. ©IRD / Samuel Nativel L D’ici 2030, l’arrivée sur le marché du travail de la jeune génération réunionnaise fera basculer le rapport inactifs/actifs en faveur des seconds. Peuplée par les Français vers le milieu du XVIIe siècle, celle que l’on appelait alors l’Ile Bourbon a dû attendre le XXe siècle pour connaître une progression rapide de sa population. La Réunion, à la fois département et région d’outre-mer, qui comptait, fin 2006, plus de 780 000 habitants pour une superficie de 2500 km², devrait atteindre le chiffre symbolique du million d’individus aux environs de l’année 2030. Afin de mieux comprendre les ressorts de cette croissance démographique, une équipe de démographes a rassemblé de nombreuses données dans les domaines de la nuptialité, la fécondité, la mortalité et les migrations. Leur analyse a tout d’abord permis de brosser un portrait détaillé de l’évolution de la population réunionnaise du milieu des années 1980 jusqu’à la fin 2005. Durant cette période, l’étude montre que la population réunionnaise éprouve des difficultés à achever sa transition démographique. Depuis 1995, l’indice synthétique de fécondité stagne en effet aux alentours de 2,4 enfants par femme alors qu’en France métropolitaine, il s’établit autour de 1,9 enfant par femme, soit à la limite du seuil de renouvellement des générations. En se superposant au faible écart de mortalité qui sépare les deux territoires, la fécondité réunionnaise permet d’expliquer que la croissance démographique de sa population demeure plus élevée qu’en métropole. Derrière l’évolution de la fécondité, ce sont également les bouleversements de la société réunionnaise qui apparaissent en toile de fond : rôle et forme de la famille, statut et condition de la femme, développement de la scolarisation, changement des modes d’union matrimoniale. Ainsi, la fécondité plus forte à la Réunion qu’en métropole est jugée significative de la « fracture sociale » subie par les couches les plus modestes de sa population. Cet écart est du notamment à la fécondité élevée des jeunes femmes de 15 à 24 ans. Avoir un enfant précocement serait, pour ces jeunes filles généralement défavorisées, un moyen d’acquérir une certaine respectabilité, la maternité servant en quelque sorte d’alternative Institut de recherche pour le développement - 213, rue La Fayette - F-75480 Paris cedex 10 - France - www.ird.fr Retrouvez les photos de l'IRD concernant cette fiche, libres de droit pour la presse, sur www.ird.fr/indigo CONTACT : FRÉDÉRIC SANDRON Unité mixte de recherche Université Paris DescartesINED-IRD Centre Population et développement (CEPED) Adresse : Université René Descartes 45 rue Saints-Pères 75 006 Paris Tel : + 33 (0)1 78 94 98 70 [email protected] RÉFÉRENCE : La population réunionnaise Analyse démographique Editeur scientifique : FRÉDÉRIC SANDRON Editions IRD, 2007, 216 p MOTS CLÉS : La Réunion, population, démographie, économie RELATIONS AVEC LES MÉDIAS : à la reconnaissance sociale que procure l’entrée dans la vie professionnelle. Les relations entre démographie et économie sont souvent invoquées lorsqu’il s’agit de comprendre le taux record de chômage que connaît la Réunion. Ce chiffre, qui atteint ou dépasse les 30% au cours de la période 1993-2006, reste en effet le plus élevé des régions européennes. La croissance démographique est alors fréquemment incriminée par les acteurs politiques comme principal voire unique responsable de cette situation. Mais la départementalisation qui s’est accompagnée d’un basculement d’une économie sucrière vers une économie de services, en quelques décennies à peine, a sans doute joué un rôle prépondérant dans l’établissement d’un taux de chômage très élevé. En examinant la structure actuelle et à venir de la population réunionnaise, le discours politique qui stigmatise la croissance démographique pourrait néanmoins être inversé puisque la proportion d’actifs dans l’ensemble de la population atteindra son maximum au cours des deux prochaines décennies. Les pouvoirs publics et les investisseurs pourraient donc profiter de cette opportunité pour dynamiser la production économique. En favorisant l’épargne et l’investissement, l’île connaîtrait alors prochainement, son « âge d’or démographique », selon l’expression employée par les économistes. Tout au long de l’histoire du peuplement de la Réunion, les flux migratoires ont enfin joué un rôle significatif dans les phases successives d’augmentation ou de diminution de sa population. Les phénomènes de migration modernes, qui s’effectuent de manière plus spontanée, sont néanmoins devenus beau- coup plus imprévisibles. Selon les hypothèses utilisées dans les projections démographiques, et notamment celles sur les migrations qui restent très délicates à formuler, d’ici 2030, entre zéro et 3500 nouveaux arrivants pourraient se présenter sur le marché du travail chaque année, contre 7000 aujourd’hui. La croissance démographique soutenue que connaît actuellement la Réunion ne doit donc pas être perçue trop rapidement comme une contrainte à son développement économique. Certes, l’augmentation de la densité de population demandera des adaptations structurelles que ce soit au niveau de l’habitat, les constructions verticales et collectives devant sans doute se substituer progressivement au modèle de l’habitat individuel, ou des infrastructures routières qui pourront peut-être laisser davantage de place aux transports collectifs. Mais au moment où de nombreux pays occidentaux s’inquiètent d’une stagnation voire d’un déclin numérique de leur population, la Réunion pourrait tirer parti de sa croissance démographique pour donner un second souffle à son modèle économique et social. Rédaction DIC – Grégory Fléchet 1. Ces travaux ont été menés en collaboration avec des démographes de la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (Drass) de la Réunion, de l’Institut national d’études démographiques (Ined), de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et de l’Université René Descartes de Paris. GAËLLE COURCOUX +33 (0)1 48 03 75 19 [email protected] INDIGO, PHOTOTHÈQUE DE L’IRD : DAINA RECHNER +33 (0)1 48 03 78 99 [email protected] www.ird.fr/indigo ©IRD / Samuel Nativel Fiche n°294 - Avril 2008 Pour en savoir plus Une famille réunionnaise pique-nique sur une plage du sud-est de l’île. Grégory Fléchet, coordinateur Délégation à l’information et à la communication Tél. : +33(0)1 48 03 76 07 - fax : +33(0)1 40 36 24 55 - [email protected]