Entretiens territoriaux de Strasbourg, 5 et 6 décembre 2007 2
que pour les territoires excellents. D’autre part, derrière ces mécanismes plutôt cruels, des
mécanismes, au moins aussi puissants, de cohésion, de solidarité et d’égalisation entre territoires
apparaissent. Ainsi, si le taux d’ouverture de l’économie française a évolué de 13 % à 26 % en
trente ans, les dépenses publiques sont également passées de 26 % à 53 % du PIB. La montée en
puissance des mécanismes de mutualisation constitue donc le mouvement le plus important, en
termes absolus, et un mouvement comparable, en termes relatifs.
D’autres phénomènes opposés sont enregistrés au niveau des territoires. Les activités les plus
productives se concentrent dans les régions les plus riches. Ce phénomène nouveau est très
inquiétant. On passe d’un système d’avantage comparatif lié aux coûts de main d’œuvre à un
système d’avantage cumulatif. Le plus gros actuellement sera le plus gros demain, situation qui
tend naturellement vers des systèmes monopolistiques. Parallèlement à cette concentration de la
contribution à la croissance, le bénéfice de la croissance s’étale. Les disparités de revenu en France,
selon les territoires, n’ont pas cessé de diminuer depuis les années 1960. Cette évolution s’est faite
au même rythme que la montée en puissance des fonds publics, autant sous les gouvernements de
droite que de gauche. D’autres éléments, comme l’essor du tourisme, interviennent dans cet
étalement. Ainsi, le monde rural français est actuellement aussi peuplé que dans les années 1950, si
l’on tient compte des mobilités liées au tourisme et aux résidences secondaires. Enfin, les disparités
au sein des zones urbaines ont explosé. Les problèmes réels de rupture et de perte de cohésion
apparaissent essentiellement dans les métropoles.
On se retrouve ainsi dans une situation étonnante. Les territoires qui contribuent le moins à la
croissance nationale enregistrent des taux de croissance très rapide et des soldes migratoires très
positifs alors que les métropoles, qui tirent la croissance nationale, sont en grande difficulté. Il n’est
pas certain que cette situation aille dans le bon sens. Il faut donc peut-être aborder la thématique de
la responsabilité sociale et de l’efficacité économique d’une manière un peu différente de la façon
dont on traite traditionnellement cette question.
III. Accessibilité au crédit des populations les plus démunies (Claude
BREVAN)
L’ADIE, Association pour le droit à l’initiative économique, a été fondée par Maria Novak, il y a
une vingtaine d’années, sur le modèle de la Grameen Bank. Des initiatives européennes existaient
déjà. La France, où il existe une immense difficulté à faire confiance aux personnes insolvables ou
exclues du monde économique, était même plutôt en retard sur cette question. Il s’agit donc d’aider
les personnes qui le souhaitent – allocataires des minima sociaux ou chômeurs qui n’ont pas accès
au crédit bancaire – à s’insérer dans l’économie.
En 2006, la structure a financé plus de 7 000 projets avec un taux de survie des entreprises à deux
ans, qui est identique à celui de toutes les autres entreprises. A l’issue de cette même période, 75 %
des personnes financées sont sorties durablement du système de minima sociaux. Ce taux
d’insertion est très intéressant, même si la population visée est volontariste et si tous les projets
présentés ne sont pas forcément financés. Le fait même que ce public soit défini par son statut
d’allocataire est parfaitement anormal. Il s’agit d’un public très varié, notamment en matière
d’éducation. Ces personnes rencontrent des difficultés à s’insérer dans le monde économique car
elles n’ont pas accès au crédit bancaire et ne bénéficient pas d’un accompagnement pour les aider
dans les premiers pas de leur projet. L’ADIE porte également la volonté de revaloriser l’économie
populaire. Certains métiers de service ne nécessitent pas de grosses structures et s’exercent dans
des milieux diffus dans lesquels les entreprises les plus importantes n’interviennent pas. Ces micro-
activités répondent donc à des besoins réels de la société.