28 Santé Éducation - 02 - Avril-Mai-Juin 2014
Santé Éducation
SYMPOSIUM
Travailler ensemble : la place des patients
Compte-rendu du symposium du 13 février 2014
Marc Popelier*
* Centre hospitalier
de Rambouillet.
P
atient expert, patient formateur, patient ressource… il
était naturel qu’une session s’intéresse aux multiples
rôles qu’exercent les patients et leurs associations
dans le développement de l’éducation thérapeutique (ETP),
à l’occasion de ce congrès Santé Éducation 2014 consacré
aux différentes modalités du “travailler ensemble”.
Étaient chargés de modérer ce symposium, le Dr Sophie
Ayçaguer, chargée de mission à l’Association française
des hémophiles et Pierre-Albert Lefebvre, président de
la Fédération française des diabétiques. Ce dernier a
rappelé en préambule la signifi cation de quelques mots
qui jalonnent dorénavant le parcours de soin : accompa-
gnement (qui commence “quand le patient ferme la porte
du cabinet médical”), information au patient, éducation
thérapeutique.
Trois intervenants ont ensuite rapporté leur expérience
personnelle de patient travaillant avec les soignants.
Gisèle Zanone a été confrontée aux affres de l’addiction
à l’alcool (“une descente aux enfers”) et elle a surmonté
cette épreuve. Dans son parcours de soin, elle rencontre
le Dr Pascal Gache, à Genève, qui lui enseigne les bases
de l’entretien motivationnel. Elle devient alors patiente
formatrice au sein de l’unité d’alcoologie de l’hôpital de
Genève. Elle participe ainsi à la formation d’infi rmières,
de médecins, d’assistantes sociales, d’étudiants en méde-
cine, en recourant notamment à des jeux de rôle. Dans
un extrait de fi lm projeté au cours du symposium, on la
voit jouer le rôle d’une patiente dépendante de l’alcool
s’entretenant avec un jeune médecin suisse (l’accent ne
trompe pas). Les ingrédients de l’entretien motivationnel
sont bien restitués : écoute active, reformulation, ques-
tions ouvertes, travail sur l’ambivalence du patient qui
petit à petit lève sa résistance, etc. Au-delà d’un goût et
d’une expérience personnelle de la pratique théâtrale,
c’est avant tout dans son vécu émotionnel de la maladie
que Gisèle Zanone puise pour trouver le ton juste quand
elle interprète un patient. L’authenticité de son témoi-
gnage a fait passer une vague d’émotion dans la salle.
La parole est ensuite donnée à Éric Dehling, membre
du bureau de l’Afdet et président d’Insulib, une asso-
ciation de patients impliquée dans l’éducation à l’insu-
linothérapie fonctionnelle. Pour Éric Dehling, travailler
ensemble nécessite une “parole libérée” permettant le
développement d’une relation soignant/soigné de qualité.
Il plaide pour le recours à un vocabulaire partagé, sorte
d’“esperanto médical”. Le dialogue rend alors possible
l’élaboration conjointe d’un itinéraire pédagogique adapté.
Ce dialogue est en réalité un échange à 3, patient-soignant-
entourage. Ce triptyque s’invite dans l’éducation théra-
peutique pour qu’elle devienne demain un “bien de
consommation durable”.
Le dernier intervenant, Patrick Helle, est porteur d’une
maladie chronique infl ammatoire rhumatologique. Il se
passionne pour l’éducation thérapeutique, à laquelle
il s’est formé dans le cadre d’un diplôme universitaire
(université des patients). Il participe, depuis, à l’anima-
tion de plusieurs ateliers au sein de programmes d’éduca-
tion thérapeutique dans différents hôpitaux parisiens : un
atelier “réveil du corps le matin” et une séance collective
de relaxation, notamment. Il se défi nit comme le fi l rouge
présent tout au long du programme auprès des patients : il
est un relais possible entre eux et les soignants. Pour lui,
le patient a l’avantage sur le soignant de son expertise du
“savoir-être malade”. De cette place, il peut aider l’autre
à se reconstruire. Néanmoins, Patrick Helle souligne que
sa participation en tant que patient expert à un programme
d’ETP dans le service même où il est pris en charge en
tant que malade n’est pas sans poser de problème quant
à son positionnement vis-à-vis des soignants.
Cela souligne la nécessité pour un patient expert, expert
avant tout de sa propre maladie, d’être capable de trouver
la bonne distance face à ses diffi cultés et à celles des
autres patients, et d’être conscient du fait que ce qui est
bon pour lui n’est pas forcément bon pour les autres. Qu’ils
soient soignants ou patients, tous les acteurs de l’éduca-
tion thérapeutique ressentent la nécessité de se former
et de réfl échir ensemble au rôle spécifi que de chacun.
Participer à l’élaboration d’un programme d’ETP, s’impli-
quer dans sa mise en œuvre, intervenir dans la formation
des soignants : le patient n’est plus seulement l’acteur
de sa santé, il devient un acteur central dans l’organisa-
tion des soins éducatifs. La richesse des exposés et des
échanges qui ont eu lieu dans le cadre de ce symposium
en témoigne.