HLA-G: une molécule immunorégulatrice impliquée dans l

HLA-G: une molécule immunorégulatrice impliquée
dans l’acceptation d’organe
C. Creput1, A. Durrbach2, B. Charpentier2, E. D. Carosella1et N. Rouas-Freiss1
1SRHI, CEA, Hôpital Saint-Louis, Paris
2Service de néphrologie et de transplantation, CHU du Kremlin-Bicêtre, Kremlin-Bicêtre
articles originaux
Néphrologie Vol. 24 n° 8 2003, pp. 451-456 451
Résumé • Summary
La molécule HLA-G est une molécule HLA de classe I non
classique présentant un polymorphisme réduit et une expression
sur les tissus sains restreinte au trophoblaste et au thymus. En
revanche, au cours de situations pathologiques, la transcription
du gène et l’expression de la protéine HLA-G pourront être
induits sur de nombreux types cellulaires. La molécule HLA-G a
été initialement impliquée dans la tolérance fœto-maternelle du
fait de ses propriétés immunorégulatrices démontrées in vitro et
ex vivo. Elle agit via des récepteurs inhibiteurs spécifiques pré-
sents à la surface des cellules immunocompétentes intervenant
dans le rejet d’allogreffe. En effet, elle inhibe la lyse induite par
les cellules NK et T cytotoxiques et réduit considérablement la
réponse proliférative allogénique des lymphocytes T CD4 +. La
forme soluble de la molécule HLA-G est sécrétée lors de réac-
tions lymphocytaires mixtes par les lymphocytes T CD4 + allo-
réactifs dont la réponse alloproliférative est alors inhibée. In vivo
des modèles de souris transgéniques pour HLA-G ont permis de
montrer que cette molécule inhibe également la maturation des
cellules dendritiques murines.
Enfin, notre groupe a initié l’étude de cette molécule en trans-
plantation d’organe chez l’homme. Une expression ectopique de
novo de cette molécule a été trouvée en transplantation car-
diaque et hépato-rénale. Dans les deux cas, une corrélation a été
établie entre cette expression et une meilleure acceptation des
greffons à savoir, une diminution significative du nombre d’épi-
sodes de rejets aigus et une absence de rejet chronique. Ces
résultats permettent de proposer la molécule immunorégulatrice
HLA-G comme intervenant dans les mécanismes de tolérance
périphérique en transplantation d’organe.
Mots-clés: Transplantation – HLA-G – CMH – Tolérance – Foie –
Rein.
The Human Leucocyte Antigen-G (HLA-G) is a non-classical
MHC class I molecule of low polymorphism, restricted tissue dis-
tribution and tolerogeneic functions. It is clearly demonstrated
that HLA-G contributes to fetal graft tolerance by the maternal
immune system. The tolerogeneic properties of HLA-G act via
specific inhibitory receptors present on immunocompetents cells:
HLA-G inhibits natural killer cells (NK) and CD8 + T cell cytotoxi-
city, suppresses CD4 + T cell proliferation in response to allogeneic
stimulation and promotes T helper 2 (Th2) type responses. The sol-
uble HLA-G protein is spontaneously secreted by allo-sensitized
CD4 + T cells during mixed lymphocyte reactions (MLR), and
inhibits their proliferative response. Finally, inhibition of dendritic
cell maturation has been observed in HLA-G transgenic mice.
In human organ transplantation, our group has reported in
cardiac and liver-kidney transplanted patients, a positive correla-
tion between the de novo ectopic expression of HLA-G in both
patient’s serum and graft biopsies, and a lower rate of acute
rejection episodes of the grafts. Moreover no chronic graft rejec-
tion has been detected in those populations. These results sup-
port the involvement of HLA-G in regulatory mechanisms that
may occur during human allotransplantation.
Key words: HLA-G – Kidney – Liver – MHC class I – Tolerance –
Transplantation.
Abréviations
HLA: Human Leucocyte Antigen
NK : Natural Killer
CPA: Cellules présentatrices d’antigène
ILT : Immunoglobulin-like transcript
KIR : Killer Ig-like Receptor
CMH: Complexe majeur d’histocompatibilité
articles originaux
Néphrologie Vol. 24 n° 8 2003
452
Introduction
A ce jour, de nombreuses données structurales et fonction-
nelles ont été acquises sur la molécule HLA-G du complexe
majeur d’histocompatibilité humain de classe I et ont permis de
mieux appréhender ses propriétés immunorégulatrices in vitro
puis in vivo.
Contrairement aux antigènes HLA du complexe majeur d’his-
tocompatibilité (CMH) de classe I classique (Ia), HLA-A, -B et -C
dont le polymorphisme est élevé et jouant un rôle important
dans l’induction d’une réponse immunitaire spécifique via la pré-
sentation antigénique aux cellules T, la molécule HLA-G est un
antigène de classe I non classique (Ib) du CMH impliquée dans la
tolérance immunitaire. Elle a été initialement décrite comme une
molécule exprimée sélectivement lors de la grossesse sur le tissu
trophoblastique situé à l’interface fœto-maternelle1où elle joue-
rait un rôle important dans la tolérance de la semi-allogreffe que
représente le fœtus par le système immunitaire de la mère. Les
propriétés immunorégulatrices de la molécule HLA-G ont été
bien caractérisées in vitro et ont conduit à étudier les fonctions
de cette molécule au cours de transplantations allogéniques ex
vivo chez l’homme.
HLA-G : une molécule HLA de classe I non classique
HLA-G se distingue des autres molécules HLA de classe I par
trois caractéristiques principales. Premièrement, l’existence d’un
épissage alternatif du transcrit primaire du gène HLA-G conduit
à sept transcrits alternatifs codant sept isoformes protéiques
(quatre isoformes membranaires HLA-G1, -G2, -G3, -G4 et trois
isoformes solubles HLA-G5, -G6 et -G7) (fig. 1). L’isoforme HLA-
G1 présente une structure similaire à celle des autres molécules
HLA de classe I avec trois domaines globulaires extracellulaires
α1, α2, et α3, associés à la β2-microglobuline, un domaine
transmembranaire et une partie intracytoplasmique. En revanche,
les transcrits codant les isoformes HLA-G2, -G3 et -G4 présen-
tent la particularité d’avoir perdu au cours de l’épissage un ou
deux exons codant les domaines extracellulaires α2 ou α3 (α2
pour HLA-G2, α2 et α3 pour HLA-G3, et α3 pour HLA-G4). De
plus, la présence d’un codon stop au niveau de l’intron 4 ou de
l’intron 2 conduit à l’absence des domaines transmembranaires
et intracytoplasmiques générant de ce fait, trois isoformes solubles:
HLA-G5, -G6 et -G7.2La deuxième caractéristique est celle d’un
quasi-monomorphisme du gène HLA-G puisque quinze allèles
ont été décrits jusqu’à ce jour codant seulement sept protéines
différentes du fait de nombreuses mutations silencieuses. Troisiè-
mement, l’expression de la protéine HLA-G sur les tissus sains est
restreinte chez le fœtus à l’ovocyte fécondé, au cytotrophoblaste
extravilleux, à la membrane amniotique et aux cellules endothé-
liales des vaisseaux du chorion au cours du premier trimestre de
grossesse, et chez l’adulte aux cellules épithéliales thymiques
médullaires.
HLA-G : une molécule de tolérance immunitaire
Les fonctions immunes exercées par l’isoforme membranaire
HLA-G1 ont été largement étudiées au cours de ces dernières
années et consistent principalement à inhiber les fonctions des
cellules NK et des lymphocytes T.
HLA-G1 exerce son rôle inhibiteur par interaction directe
avec des récepteurs inhibiteurs de la lyse (KIR) présents sur les
cellules NK et T.3A ce jour, trois récepteurs inhibiteurs ont été
décrits comme capables d’interagir avec HLA-G,4à savoir: 1) le
récepteur p49/KIR2DL4 (CD158d), appartenant à la superfamille
des immunoglobulines et exprimé sur les cellules NK ainsi que
sur une fraction de cellules T ; 2) ILT-2 (Immunoglobulin-like
transcript-2) (CD85j) exprimé sur les cellules T, B, NK, dendri-
tiques et monocytes et 3) ILT-4 (CD85d) exprimé uniquement sur
les cellules présentatrices d’antigène (APC).
HLA-G peut également exercer ses fonctions de façon indi-
recte en permettant la co-expression membranaire d’une autre
molécule HLA de classe I non classique inhibitrice, HLA-E. L’ex-
pression de HLA-G permet la stabilisation de l’expression mem-
branaire de HLA-E, qui pourra alors interagir avec son propre
récepteur inhibiteur CD94/NKG2A présent sur les cellules NK et
lymphocytaires T.
Les autres isoformes membranaires, HLA-G2, -G3 et -G4
peuvent également être présentes à la surface cellulaire sous
forme de protéines immatures, capables, au même titre que
HLA-G1, d’inhiber la lyse des cellules NK et de lymphocytes T
cytotoxiques CD8 + spécifiques de l’antigène. Le domaine extra-
cellulaire α1 commun aux isoformes membranaires G1, G2, G3
et G4 serait impliqué dans les fonctions inhibitrices observées.5
HLA-G sous forme de protéine soluble a également été mon-
trée comme inhibant l’activité cytolytique des cellules NK.6
HLA-G et cellules Natural Killer (NK)
HLA-G présente des propriétés immunotolérantes en inhi-
bant l’activité cytolytique des cellules natural killer du sang péri-
phérique, ainsi que celles présentes dans la decidua utérine.7,8
Comme présenté précédemment, HLA-G peut inhiber la lyse NK
par voie directe et/ou indirecte. L’inhibition directe s’effectue par
l’interaction entre la molécule HLA-G et les KIRs. L’engagement
de ces différents récepteurs sur la cellule NK conduit à une inhi-
bition de l’activation des programmes de cytotoxicité cellulaire et
de sécrétion de cytokines. Un même mécanisme est partagé par
tous ces récepteurs qui possèdent tous un ou deux motifs ITIM
dans leur partie intracytoplasmique. La phosphorylation de ces
E1 E2 E3
Intron 2 Intron 4 : codon stop
E4 E5 E6 E8 3'UT
HLA-G1
HLA-G2
HLA-G3
HLA-G4
HLA-G5
HLA-G6
HLA-G7
HLA-G1 HLA-G2
Isoformes membranaires Isoformes solubles
HLA-G3 HLA-G4 HLA-G5 HLA-G6 HLA-G7
Transcrits HLA-G
Protéines HLA-G
α1
β2-m
α1α2
α3
α1
α2
α2α1
α3
α1α1
α3
α1α3β2-m
Fig. 1: Représentation schématique des transcrits et isoformes de
HLA-G.
motifs suite à l’engagement du récepteur avec son ligand per-
met le recrutement de protéines à activité tyrosine phosphatase
telles que SHP1 et SHP2 qui vont inhiber la cascade de signalisa-
tion induite par des récepteurs activateurs.9
Il a été montré également que la molécule HLA-G pouvait
intervenir en inhibant la migration transendothéliale des cellules
NK in vitro, alors qu’elle n’a aucun effet sur la migration transen-
dothéliale d’une lignée de lymphocytes T.10
HLA-G et lymphocytes T
HLA-G, au-delà de ses fonctions inhibitrices sur les fonctions
NK, conduit également à l’inhibition de l’activité lytique de lym-
phocytes T CD8 + engagés dans une réponse spécifique de l’anti-
gène. L’activité cytolytique de ces cellules a pu être restaurée en
utilisant un anticorps anti-HLA-G.11 Cette activité inhibitrice de
HLA-G sur la fonction lymphocytaire T CD8 + cytotoxique, majo-
ritairement impliquée dans les mécanismes immuns de rejet de
greffe, constitue un argument important pour justifier l’intérêt
potentiel de HLA-G en tant qu’agent immunomodulateur en
transplantation.
Un autre effet de HLA-G sur les lymphocytes T est l’induction
d’une apoptose des lymphocytes T CD8 + activés, via l’interac-
tion CD95-CD95 Ligand (Fas-Fas ligand).12 Ceci a été démontré
pour la forme soluble HLA-G5, ce qui suggère que cette protéine
contribuerait à l’élimination des cellules T CD8 + alloréactives
maternelles in vivo puisque cette molécule est fortement expri-
mée par le placenta et retrouvée en grande quantité dans le
liquide amniotique.13
HLA-G et réponse allogénique proliférative
L’inhibition par HLA-G de la réponse allogénique proliférative
des lymphocytes T CD4 + a été démontrée dans deux études.14,15
Ces modèles sont particulièrement pertinents, car ils miment une
réaction allogénique survenant lors d’une greffe d’organe entre
un donneur et un receveur histo-incompatibles. La méthodolo-
gie a consisté à utiliser soit: a) la cellule exprimant HLA-G1 direc-
tement comme cellule stimulante face à des cellules répondantes
provenant d’individus HLA incompatibles, soit b) la cellule expri-
mant HLA-G1 comme troisième cellule inhibitrice dans un test de
réponse proliférative allogénique classique avec des cellules
mononucléées du sang périphérique d’un individu A (cellules
répondantes) face à des cellules mononucléées d’un individu B
irradiées (cellules stimulantes); les individus A et B ayant des
molécules HLA de classe I et II différentes. Dans les deux cas, la
réponse proliférative des cellules répondantes est considérable-
ment inhibée.
Récemment notre groupe a montré que les cellules T CD4 +
alloréactives qui se développent au cours de cultures lymphocy-
taires mixtes (MLR) produisent spontanément pour certaines
combinaisons allogéniques la forme soluble HLA-G5. Par ailleurs,
cette production endogène de forme HLA-G soluble par les cel-
lules T alloréactives inhibent leur réponse proliférative.16
HLA-G et cytokines
L’interleukine 10 induit une expression de la molécule HLA-G
à la surface des monocytes du sang périphérique.17 Cet effet
s’exerce de façon antagoniste pour les molécules HLA de classe I
classiques et non classiques, à savoir que l’IL-10 diminue l’ex-
pression des molécules HLA-A, -B, -C et HLA de classe II alors
qu’elle induit l’expression de HLA-G. De façon intéressante, l’in-
terleukine 10 est une cytokine présentant des propriétés immu-
nosuppressives in vitro et in vivo. Elle est sécrétée lors de la gros-
sesse par les cellules cytotrophoblastiques et contribuerait
également à la tolérance fœto-maternelle associée à une réponse
de type Th2.18 L’impact sur la réponse immunitaire d’une telle
expression de HLA-G à la surface des monocytes activés par l’IL-
10 reste à découvrir.
Plusieurs études ont également démontré un rôle régulateur
de l’interféron-γet de l’interféron-βsur la transcription du gène de
HLA-G. En effet, Lefebvre et coll. ont démontré que l’interféron-β
augmente la transcription ainsi que l’expression membranaire de
HLA-G sur des cellules épithéliales trophoblastiques, amniotiques
et thymiques.19 L’expression membranaire de HLA-G est égale-
ment induite par l’interféron-γ, lequel augmente également l’ex-
pression des molécules du CMH de classe I classiques in vitro sur
des cultures primaires et des lignées cellulaires thymiques.20
Les lymphocytes et macrophages maternels reconnaissent les
antigènes placentaires et sécrètent certaines cytokines pour
réguler la croissance et la différenciation trophoblastique. L’IL-3,
M-CSF (macrophage-colony-stimulating factor) et le GM-CSF
(granulocyte macrophage-colony stimulating factor) augmen-
tent la croissance placentaire alors que le TNF-αinduit la mort
par apoptose du cytotrophoblaste villeux. Des PBMCs (cellules
mononucléées du sang périphérique) mis en culture avec des cel-
lules exprimant HLA-G synthétisent plus d’IL-3 et d’IL-1βet
moins de TNF-α, ce qui montre que HLA-G influence le profil de
sécrétion cytokinique des cellules immunocompétentes.21 Ceci a
été confirmé par le groupe de Taketani et coll.22 qui a montré
également la moindre capacité des PBMCs cocultivés avec HLA-G
à sécréter de l’IFN-γalors qu’ils produisent de façon accrue de
l’IL-4. En revanche, les cellules mononucléées déciduales, n’ex-
primant pas CD16 mais exprimant fortement CD56, ne subissent
pas de variation en terme de synthèse d’IL-4 en présence de cel-
lules exprimant HLA-G. La même équipe a montré que la forme
soluble, contrairement à la forme membranaire, stimule la syn-
thèse par les PBMCs de TNF-α, d’IFN-γet d’IL-10 alors qu’elle
diminue la production d’IL-3.23
Les principales fonctions de la molécule HLA-G sont présen-
tées schématiquement sur la figure 2.
articles originaux
Néphrologie Vol. 24 n° 8 2003 453
Fig. 2: Représentations schématiques des principales fonctions de
la molécule HLA-G.
HLA-G et cellules dendritiques in vivo
Deux études ont récemment rapporté à partir d’un modèle
murin de souris transgéniques que la surexpression de molécules
HLA-G inhibe la maturation des cellules dendritiques.24 Par ailleurs,
la modulation des fonctions des cellules dendritiques dans ce
modèle passe par l’interaction avec le PIR-B (paired Ig-like inhibi-
tory receptor), homologue de l’ILT4 chez la souris. L’interaction de
ce récepteur inhibiteur avec son ligand « HLA-G » conduit à un
allongement de la survie d’une greffe de peau dans ce modèle.25
HLA-G : données actuelles sur son application
en transplantation
HLA-G et greffe semi-allogénique fœtale
Chez la femme enceinte, la molécule HLA-G est exprimée
physiologiquement sur les cellules cytotrophoblastiques extra-
villeuses invasives, et dans le liquide amniotique sous forme
soluble. HLA-G joue un rôle crucial dans la tolérance de la
« greffe semi-allogénique » que représente le fœtus.7,26 En effet,
les cellules trophoblastiques, expriment de faibles quantités de
molécules HLA-C et n’expriment pas de molécules HLA-A, et
HLA-B et représentent une cible de choix pour l’action des cel-
lules NK, présentes abondamment dans la decidua utérine et
spécialisées dans la lyse de cellules cibles ne présentant pas de
molécules HLA de classe I à leur surface cellulaire. Cependant,
ces cellules trophoblastiques fœtales ne sont pas rejetées par les
cellules NK maternelles infiltrant la decidua utérine. Il a été mon-
tré que les molécules HLA-G présentes sur les cellules cytotro-
phoblastiques inhibent les fonctions immunitaires maternelles en
agissant sur les cellules NK déciduales. Cette inhibition de la lyse
NK a été retrouvée dans des combinaisons semi-allogéniques
(cellules trophoblastiques et cellules NK provenant de la même
mère) et allogéniques (cellules trophoblastiques et cellules NK
provenant de mères différentes).7Il est aujourd’hui clairement
établi que ces cellules NK expriment des KIR capables d’interagir
avec la molécule HLA-G tels que le récepteur p49 et ILT2.8
HLA-G a également été impliqué dans certaines pathologies
de la grossesse, telles que la prééclampsie où il y a perte d’ex-
pression de HLA-G sur le trophoblaste extravilleux.27 De façon
intéressante, la diminution de la production d’IL-10, connue
pour augmenter l’expression de HLA-G sur les cellules tropho-
blastiques et sur les monocytes du sang périphérique, est égale-
ment associée à une prééclampsie.28
L’expression de HLA-G au niveau du cytotrophoblaste extra-
villeux est indépendante du développement embryonnaire et fait
partie intégrante du développement placentaire. En effet, cette
expression est induite au cours des grossesses extra-utérines et
des môles hydatiformes partielles ou complètes où il pourrait
s’agir d’un mécanisme d’échappement tumoral à la surveillance
immunitaire.29
L’infection trophoblastique par l’herpes virus (HSV) ou le cyto-
mégalovirus (CMV) peut être associée à une fausse couche spon-
tanée; et donc à une perte de tolérance fœto-maternelle, dans ces
cas, il y a perte de l’expression de HLA-G à la surface cellulaire.30,31
Xénotransplantation
Concernant l’utilisation de HLA-G en transplantation, en tant
que molécule immunomodulatrice contribuant à une meilleure
tolérance de la greffe, des modèles de xénogreffes ont été étu-
diés par différentes équipes. Ainsi, l’équipe de D. Sachs aux
Etats-Unis a montré que la transfection de l’ADN génomique de
HLA-G dans une lignée cellulaire endothéliale porcine réduisait
sa lyse par des cellules NK polyclonales humaines.32 Des résultats
similaires ont été obtenus par l’équipe de T. Mohanakumar aux
Etats-Unis.33,34
Les cellules NK ont un rôle prépondérant lors du rejet en
xénotransplantation. Dans ces conditions, l’activation des cellules
NK et la cytotoxicité NK-dépendante peuvent être une barrière à
l’utilisation potentielle d’organes porcins en xénotransplantation
humaine. L’expression de HLA-G apparaît donc comme un moyen
thérapeutique d’inhiber les cellules NK permettant ainsi de pro-
longer l’acceptation de la xénogreffe chez le receveur.
Etudes ex-vivo en transplantation cardiaque
Dans le cadre de la transplantation d’organes humains, une
étude récente a montré qu’une expression de HLA-G est induite
après transplantation cardiaque au niveau du greffon et dans le
sérum de certains patients.35,36 Cette étude a montré initialement
la présence de cellules myocardiques HLA-G positives dans 16%
des biopsies avec une corrélation entre l’expression ectopique de
cette molécule et la diminution du nombre de rejets aigus du
greffon cardiaque chez ces patients. Par ailleurs, aucun rejet chro-
nique d’allogreffe n’a été détecté chez les patients HLA-G posi-
tifs. Ces premiers résultats ont été confirmés par une étude longi-
tudinale sur six mois de ces mêmes patients qui présentaient une
stabilité d’expression de cette molécule au cours du temps.
Etude en transplantation hépato-rénale
Dans notre laboratoire, nous avons également conduit une
étude sur une population de quarante patients ayant reçu une
transplantation combinée hépatique et rénale du même don-
neur. Il s’agit d’une population particulièrement intéressante car
elle présente un taux de rejet aigu du greffon rénal très faible
(6%) en comparaison avec des patients simples transplantés
rénaux (32,5%).37, 38 Une des hypothèses relative à la protection
exercée par le greffon hépatique sur un autre organe greffé est
le relargage par le greffon hépatique de molécules de classe I
solubles. Nous avons donc étudié, afin de mieux comprendre les
mécanismes de tolérance impliqués dans ce modèle de greffe,
l’expression de la molécule HLA-G par immunohistochimie sur
des biopsies de greffons hépatiques et rénaux ainsi que par
ELISA dans le sérum des patients. Dans cette population de
patients, une expression ectopique de la molécule HLA-G a été
retrouvée dans 35% des greffons hépatiques et dans 55% des
greffons rénaux. Il existe de façon particulièrement intéressante
une corrélation entre l’expression de la molécule HLA-G sur les
cellules épithéliales biliaires des greffons hépatiques et l’absence
de rejet aigu ou chronique des greffons hépatiques et rénaux. De
plus, des taux très élevés de HLA-G soluble ont été retrouvés
dans le sérum de certains patients.
Ces différents résultats démontrent que la molécule HLA-G
pourrait jouer un rôle immunorégulateur en transplantation
d’organe.
Conclusion
La molécule HLA-G apparaît clairement aujourd’hui comme
une molécule présentant des propriétés immunorégulatrices
articles originaux
Néphrologie Vol. 24 n° 8 2003
454
aussi bien in vitro que ex vivo chez des patients transplantés.39
Dans ce dernier cas il semble que l’expression ectopique de cette
molécule soit corrélée à une meilleure acceptation des greffons
quel que soit l’organe greffé. Les propriétés de cette molécule ne
se limitent pas à la transplantation d’organe et ont été égale-
ment démontrées lors de pathologies tumorales où l’expression
de HLA-G jouerait un rôle négatif dans l’échappement tumoral à
la surveillance immunitaire.
Nous avons discuté ici les différentes voies par lesquelles la
molécule HLA-G soluble ou membranaire pourrait intervenir en
inhibant les cellules immunocompétentes impliquées dans le rejet
de greffe. Ces différentes fonctions ont été démontrées dans des
systèmes in vitro de réponse allogénique et chez l’homme au
cours de transplantation cardiaque et hépato-rénale.
Cette molécule pourrait donc protéger d’éventuels rejets de
greffe et des méthodes d’induction de l’expression de cette
molécule au sein de l’organe transplanté sont à étudier.
Adresse de correspondance:
Dr Nathalie Rouas-Freiss
SRHI, DSV, DRM, CEA, IUH
Hôpital Saint-Louis
1, av Claude Vellefaux
F-75010 Paris
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articles originaux
Néphrologie Vol. 24 n° 8 2003 455
Références
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