HLA-G: une molécule immunorégulatrice impliquée dans l’acceptation d’organe C. Creput1, A. Durrbach2, B. Charpentier2, E. D. Carosella1 et N. Rouas-Freiss1 1 SRHI, CEA, Hôpital Saint-Louis, Paris Service de néphrologie et de transplantation, CHU du Kremlin-Bicêtre, Kremlin-Bicêtre 2 La molécule HLA-G est une molécule HLA de classe I non classique présentant un polymorphisme réduit et une expression sur les tissus sains restreinte au trophoblaste et au thymus. En revanche, au cours de situations pathologiques, la transcription du gène et l’expression de la protéine HLA-G pourront être induits sur de nombreux types cellulaires. La molécule HLA-G a été initialement impliquée dans la tolérance fœto-maternelle du fait de ses propriétés immunorégulatrices démontrées in vitro et ex vivo. Elle agit via des récepteurs inhibiteurs spécifiques présents à la surface des cellules immunocompétentes intervenant dans le rejet d’allogreffe. En effet, elle inhibe la lyse induite par les cellules NK et T cytotoxiques et réduit considérablement la réponse proliférative allogénique des lymphocytes T CD4 +. La forme soluble de la molécule HLA-G est sécrétée lors de réactions lymphocytaires mixtes par les lymphocytes T CD4 + alloréactifs dont la réponse alloproliférative est alors inhibée. In vivo des modèles de souris transgéniques pour HLA-G ont permis de montrer que cette molécule inhibe également la maturation des cellules dendritiques murines. Enfin, notre groupe a initié l’étude de cette molécule en transplantation d’organe chez l’homme. Une expression ectopique de novo de cette molécule a été trouvée en transplantation cardiaque et hépato-rénale. Dans les deux cas, une corrélation a été établie entre cette expression et une meilleure acceptation des greffons à savoir, une diminution significative du nombre d’épisodes de rejets aigus et une absence de rejet chronique. Ces résultats permettent de proposer la molécule immunorégulatrice HLA-G comme intervenant dans les mécanismes de tolérance périphérique en transplantation d’organe. The Human Leucocyte Antigen-G (HLA-G) is a non-classical MHC class I molecule of low polymorphism, restricted tissue distribution and tolerogeneic functions. It is clearly demonstrated that HLA-G contributes to fetal graft tolerance by the maternal immune system. The tolerogeneic properties of HLA-G act via specific inhibitory receptors present on immunocompetents cells : HLA-G inhibits natural killer cells (NK) and CD8 + T cell cytotoxicity, suppresses CD4 + T cell proliferation in response to allogeneic stimulation and promotes T helper 2 (Th2) type responses. The soluble HLA-G protein is spontaneously secreted by allo-sensitized CD4 + T cells during mixed lymphocyte reactions (MLR), and inhibits their proliferative response. Finally, inhibition of dendritic cell maturation has been observed in HLA-G transgenic mice. In human organ transplantation, our group has reported in cardiac and liver-kidney transplanted patients, a positive correlation between the de novo ectopic expression of HLA-G in both patient’s serum and graft biopsies, and a lower rate of acute rejection episodes of the grafts. Moreover no chronic graft rejection has been detected in those populations. These results support the involvement of HLA-G in regulatory mechanisms that may occur during human allotransplantation. Mots-clés : Transplantation – HLA-G – CMH – Tolérance – Foie – Rein. Key words : HLA-G – Kidney – Liver – MHC class I – Tolerance – Transplantation. ● Abréviations HLA : Human Leucocyte Antigen ILT : Immunoglobulin-like transcript NK : Natural Killer KIR : Killer Ig-like Receptor CPA : Cellules présentatrices d’antigène CMH : Complexe majeur d’histocompatibilité Néphrologie Vol. 24 n° 8 2003, pp. 451-456 451 articles originaux Résumé • Summary ■ Introduction A ce jour, de nombreuses données structurales et fonctionnelles ont été acquises sur la molécule HLA-G du complexe majeur d’histocompatibilité humain de classe I et ont permis de mieux appréhender ses propriétés immunorégulatrices in vitro puis in vivo. Contrairement aux antigènes HLA du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe I classique (Ia), HLA-A, -B et -C dont le polymorphisme est élevé et jouant un rôle important dans l’induction d’une réponse immunitaire spécifique via la présentation antigénique aux cellules T, la molécule HLA-G est un antigène de classe I non classique (Ib) du CMH impliquée dans la tolérance immunitaire. Elle a été initialement décrite comme une molécule exprimée sélectivement lors de la grossesse sur le tissu trophoblastique situé à l’interface fœto-maternelle1 où elle jouerait un rôle important dans la tolérance de la semi-allogreffe que représente le fœtus par le système immunitaire de la mère. Les propriétés immunorégulatrices de la molécule HLA-G ont été bien caractérisées in vitro et ont conduit à étudier les fonctions de cette molécule au cours de transplantations allogéniques ex vivo chez l’homme. ● HLA-G : une molécule HLA de classe I non classique HLA-G se distingue des autres molécules HLA de classe I par trois caractéristiques principales. Premièrement, l’existence d’un épissage alternatif du transcrit primaire du gène HLA-G conduit à sept transcrits alternatifs codant sept isoformes protéiques (quatre isoformes membranaires HLA-G1, -G2, -G3, -G4 et trois isoformes solubles HLA-G5, -G6 et -G7) (fig. 1). L’isoforme HLAG1 présente une structure similaire à celle des autres molécules HLA de classe I avec trois domaines globulaires extracellulaires α1, α2, et α3, associés à la β2-microglobuline, un domaine transmembranaire et une partie intracytoplasmique. En revanche, les transcrits codant les isoformes HLA-G2, -G3 et -G4 présentent la particularité d’avoir perdu au cours de l’épissage un ou deux exons codant les domaines extracellulaires α2 ou α3 (α2 pour HLA-G2, α2 et α3 pour HLA-G3, et α3 pour HLA-G4). De Transcrits HLA-G articles originaux E1 E2 E3 E4 E5 E6 E8 3'UT HLA-G1 HLA-G2 HLA-G3 HLA-G4 HLA-G5 HLA-G6 HLA-G7 Intron 2 Intron 4 : codon stop Protéines HLA-G α1 α2 α1 β2-m α3 α3 α1 HLA-G2 HLA-G3 HLA-G1 Isoformes membranaires α1 α1 α2 α1 α2 β2-m α3 α3 HLA-G4 HLA-G5 HLA-G6 α1 HLA-G7 Isoformes solubles Fig. 1: Représentation schématique des transcrits et isoformes de HLA-G. 452 plus, la présence d’un codon stop au niveau de l’intron 4 ou de l’intron 2 conduit à l’absence des domaines transmembranaires et intracytoplasmiques générant de ce fait, trois isoformes solubles: HLA-G5, -G6 et -G7.2 La deuxième caractéristique est celle d’un quasi-monomorphisme du gène HLA-G puisque quinze allèles ont été décrits jusqu’à ce jour codant seulement sept protéines différentes du fait de nombreuses mutations silencieuses. Troisièmement, l’expression de la protéine HLA-G sur les tissus sains est restreinte chez le fœtus à l’ovocyte fécondé, au cytotrophoblaste extravilleux, à la membrane amniotique et aux cellules endothéliales des vaisseaux du chorion au cours du premier trimestre de grossesse, et chez l’adulte aux cellules épithéliales thymiques médullaires. ● HLA-G : une molécule de tolérance immunitaire Les fonctions immunes exercées par l’isoforme membranaire HLA-G1 ont été largement étudiées au cours de ces dernières années et consistent principalement à inhiber les fonctions des cellules NK et des lymphocytes T. HLA-G1 exerce son rôle inhibiteur par interaction directe avec des récepteurs inhibiteurs de la lyse (KIR) présents sur les cellules NK et T.3 A ce jour, trois récepteurs inhibiteurs ont été décrits comme capables d’interagir avec HLA-G,4 à savoir : 1) le récepteur p49/KIR2DL4 (CD158d), appartenant à la superfamille des immunoglobulines et exprimé sur les cellules NK ainsi que sur une fraction de cellules T ; 2) ILT-2 (Immunoglobulin-like transcript-2) (CD85j) exprimé sur les cellules T, B, NK, dendritiques et monocytes et 3) ILT-4 (CD85d) exprimé uniquement sur les cellules présentatrices d’antigène (APC). HLA-G peut également exercer ses fonctions de façon indirecte en permettant la co-expression membranaire d’une autre molécule HLA de classe I non classique inhibitrice, HLA-E. L’expression de HLA-G permet la stabilisation de l’expression membranaire de HLA-E, qui pourra alors interagir avec son propre récepteur inhibiteur CD94/NKG2A présent sur les cellules NK et lymphocytaires T. Les autres isoformes membranaires, HLA-G2, -G3 et -G4 peuvent également être présentes à la surface cellulaire sous forme de protéines immatures, capables, au même titre que HLA-G1, d’inhiber la lyse des cellules NK et de lymphocytes T cytotoxiques CD8 + spécifiques de l’antigène. Le domaine extracellulaire α1 commun aux isoformes membranaires G1, G2, G3 et G4 serait impliqué dans les fonctions inhibitrices observées.5 HLA-G sous forme de protéine soluble a également été montrée comme inhibant l’activité cytolytique des cellules NK.6 HLA-G et cellules Natural Killer (NK) HLA-G présente des propriétés immunotolérantes en inhibant l’activité cytolytique des cellules natural killer du sang périphérique, ainsi que celles présentes dans la decidua utérine.7,8 Comme présenté précédemment, HLA-G peut inhiber la lyse NK par voie directe et/ou indirecte. L’inhibition directe s’effectue par l’interaction entre la molécule HLA-G et les KIRs. L’engagement de ces différents récepteurs sur la cellule NK conduit à une inhibition de l’activation des programmes de cytotoxicité cellulaire et de sécrétion de cytokines. Un même mécanisme est partagé par tous ces récepteurs qui possèdent tous un ou deux motifs ITIM dans leur partie intracytoplasmique. La phosphorylation de ces Néphrologie Vol. 24 n° 8 2003 HLA-G et lymphocytes T HLA-G, au-delà de ses fonctions inhibitrices sur les fonctions NK, conduit également à l’inhibition de l’activité lytique de lymphocytes T CD8 + engagés dans une réponse spécifique de l’antigène. L’activité cytolytique de ces cellules a pu être restaurée en utilisant un anticorps anti-HLA-G.11 Cette activité inhibitrice de HLA-G sur la fonction lymphocytaire T CD8 + cytotoxique, majoritairement impliquée dans les mécanismes immuns de rejet de greffe, constitue un argument important pour justifier l’intérêt potentiel de HLA-G en tant qu’agent immunomodulateur en transplantation. Un autre effet de HLA-G sur les lymphocytes T est l’induction d’une apoptose des lymphocytes T CD8 + activés, via l’interaction CD95-CD95 Ligand (Fas-Fas ligand).12 Ceci a été démontré pour la forme soluble HLA-G5, ce qui suggère que cette protéine contribuerait à l’élimination des cellules T CD8 + alloréactives maternelles in vivo puisque cette molécule est fortement exprimée par le placenta et retrouvée en grande quantité dans le liquide amniotique.13 HLA-G et réponse allogénique proliférative L’inhibition par HLA-G de la réponse allogénique proliférative des lymphocytes T CD4 + a été démontrée dans deux études.14,15 Ces modèles sont particulièrement pertinents, car ils miment une réaction allogénique survenant lors d’une greffe d’organe entre un donneur et un receveur histo-incompatibles. La méthodologie a consisté à utiliser soit : a) la cellule exprimant HLA-G1 directement comme cellule stimulante face à des cellules répondantes provenant d’individus HLA incompatibles, soit b) la cellule exprimant HLA-G1 comme troisième cellule inhibitrice dans un test de réponse proliférative allogénique classique avec des cellules mononucléées du sang périphérique d’un individu A (cellules répondantes) face à des cellules mononucléées d’un individu B irradiées (cellules stimulantes) ; les individus A et B ayant des molécules HLA de classe I et II différentes. Dans les deux cas, la réponse proliférative des cellules répondantes est considérablement inhibée. Récemment notre groupe a montré que les cellules T CD4 + alloréactives qui se développent au cours de cultures lymphocytaires mixtes (MLR) produisent spontanément pour certaines combinaisons allogéniques la forme soluble HLA-G5. Par ailleurs, cette production endogène de forme HLA-G soluble par les cellules T alloréactives inhibent leur réponse proliférative.16 qu’elle induit l’expression de HLA-G. De façon intéressante, l’interleukine 10 est une cytokine présentant des propriétés immunosuppressives in vitro et in vivo. Elle est sécrétée lors de la grossesse par les cellules cytotrophoblastiques et contribuerait également à la tolérance fœto-maternelle associée à une réponse de type Th2.18 L’impact sur la réponse immunitaire d’une telle expression de HLA-G à la surface des monocytes activés par l’IL10 reste à découvrir. Plusieurs études ont également démontré un rôle régulateur de l’interféron-γ et de l’interféron-β sur la transcription du gène de HLA-G. En effet, Lefebvre et coll. ont démontré que l’interféron-β augmente la transcription ainsi que l’expression membranaire de HLA-G sur des cellules épithéliales trophoblastiques, amniotiques et thymiques.19 L’expression membranaire de HLA-G est également induite par l’interféron-γ, lequel augmente également l’expression des molécules du CMH de classe I classiques in vitro sur des cultures primaires et des lignées cellulaires thymiques.20 Les lymphocytes et macrophages maternels reconnaissent les antigènes placentaires et sécrètent certaines cytokines pour réguler la croissance et la différenciation trophoblastique. L’IL-3, M-CSF (macrophage-colony-stimulating factor) et le GM-CSF (granulocyte macrophage-colony stimulating factor) augmentent la croissance placentaire alors que le TNF-α induit la mort par apoptose du cytotrophoblaste villeux. Des PBMCs (cellules mononucléées du sang périphérique) mis en culture avec des cellules exprimant HLA-G synthétisent plus d’IL-3 et d’IL-1β et moins de TNF-α, ce qui montre que HLA-G influence le profil de sécrétion cytokinique des cellules immunocompétentes.21 Ceci a été confirmé par le groupe de Taketani et coll.22 qui a montré également la moindre capacité des PBMCs cocultivés avec HLA-G à sécréter de l’IFN-γ alors qu’ils produisent de façon accrue de l’IL-4. En revanche, les cellules mononucléées déciduales, n’exprimant pas CD16 mais exprimant fortement CD56, ne subissent pas de variation en terme de synthèse d’IL-4 en présence de cellules exprimant HLA-G. La même équipe a montré que la forme soluble, contrairement à la forme membranaire, stimule la synthèse par les PBMCs de TNF-α, d’IFN-γ et d’IL-10 alors qu’elle diminue la production d’IL-3.23 Les principales fonctions de la molécule HLA-G sont présentées schématiquement sur la figure 2. HLA-G et cytokines L’interleukine 10 induit une expression de la molécule HLA-G à la surface des monocytes du sang périphérique.17 Cet effet s’exerce de façon antagoniste pour les molécules HLA de classe I classiques et non classiques, à savoir que l’IL-10 diminue l’expression des molécules HLA-A, -B, -C et HLA de classe II alors Néphrologie Vol. 24 n° 8 2003 Fig. 2 : Représentations schématiques des principales fonctions de la molécule HLA-G. 453 articles originaux motifs suite à l’engagement du récepteur avec son ligand permet le recrutement de protéines à activité tyrosine phosphatase telles que SHP1 et SHP2 qui vont inhiber la cascade de signalisation induite par des récepteurs activateurs.9 Il a été montré également que la molécule HLA-G pouvait intervenir en inhibant la migration transendothéliale des cellules NK in vitro, alors qu’elle n’a aucun effet sur la migration transendothéliale d’une lignée de lymphocytes T.10 HLA-G et cellules dendritiques in vivo Deux études ont récemment rapporté à partir d’un modèle murin de souris transgéniques que la surexpression de molécules HLA-G inhibe la maturation des cellules dendritiques.24 Par ailleurs, la modulation des fonctions des cellules dendritiques dans ce modèle passe par l’interaction avec le PIR-B (paired Ig-like inhibitory receptor), homologue de l’ILT4 chez la souris. L’interaction de ce récepteur inhibiteur avec son ligand « HLA-G » conduit à un allongement de la survie d’une greffe de peau dans ce modèle.25 articles originaux ● HLA-G : données actuelles sur son application en transplantation diés par différentes équipes. Ainsi, l’équipe de D. Sachs aux Etats-Unis a montré que la transfection de l’ADN génomique de HLA-G dans une lignée cellulaire endothéliale porcine réduisait sa lyse par des cellules NK polyclonales humaines.32 Des résultats similaires ont été obtenus par l’équipe de T. Mohanakumar aux Etats-Unis.33,34 Les cellules NK ont un rôle prépondérant lors du rejet en xénotransplantation. Dans ces conditions, l’activation des cellules NK et la cytotoxicité NK-dépendante peuvent être une barrière à l’utilisation potentielle d’organes porcins en xénotransplantation humaine. L’expression de HLA-G apparaît donc comme un moyen thérapeutique d’inhiber les cellules NK permettant ainsi de prolonger l’acceptation de la xénogreffe chez le receveur. HLA-G et greffe semi-allogénique fœtale Etudes ex-vivo en transplantation cardiaque Chez la femme enceinte, la molécule HLA-G est exprimée physiologiquement sur les cellules cytotrophoblastiques extravilleuses invasives, et dans le liquide amniotique sous forme soluble. HLA-G joue un rôle crucial dans la tolérance de la « greffe semi-allogénique » que représente le fœtus.7,26 En effet, les cellules trophoblastiques, expriment de faibles quantités de molécules HLA-C et n’expriment pas de molécules HLA-A, et HLA-B et représentent une cible de choix pour l’action des cellules NK, présentes abondamment dans la decidua utérine et spécialisées dans la lyse de cellules cibles ne présentant pas de molécules HLA de classe I à leur surface cellulaire. Cependant, ces cellules trophoblastiques fœtales ne sont pas rejetées par les cellules NK maternelles infiltrant la decidua utérine. Il a été montré que les molécules HLA-G présentes sur les cellules cytotrophoblastiques inhibent les fonctions immunitaires maternelles en agissant sur les cellules NK déciduales. Cette inhibition de la lyse NK a été retrouvée dans des combinaisons semi-allogéniques (cellules trophoblastiques et cellules NK provenant de la même mère) et allogéniques (cellules trophoblastiques et cellules NK provenant de mères différentes).7 Il est aujourd’hui clairement établi que ces cellules NK expriment des KIR capables d’interagir avec la molécule HLA-G tels que le récepteur p49 et ILT2.8 HLA-G a également été impliqué dans certaines pathologies de la grossesse, telles que la prééclampsie où il y a perte d’expression de HLA-G sur le trophoblaste extravilleux.27 De façon intéressante, la diminution de la production d’IL-10, connue pour augmenter l’expression de HLA-G sur les cellules trophoblastiques et sur les monocytes du sang périphérique, est également associée à une prééclampsie.28 L’expression de HLA-G au niveau du cytotrophoblaste extravilleux est indépendante du développement embryonnaire et fait partie intégrante du développement placentaire. En effet, cette expression est induite au cours des grossesses extra-utérines et des môles hydatiformes partielles ou complètes où il pourrait s’agir d’un mécanisme d’échappement tumoral à la surveillance immunitaire.29 L’infection trophoblastique par l’herpes virus (HSV) ou le cytomégalovirus (CMV) peut être associée à une fausse couche spontanée ; et donc à une perte de tolérance fœto-maternelle, dans ces cas, il y a perte de l’expression de HLA-G à la surface cellulaire.30,31 Dans le cadre de la transplantation d’organes humains, une étude récente a montré qu’une expression de HLA-G est induite après transplantation cardiaque au niveau du greffon et dans le sérum de certains patients.35,36 Cette étude a montré initialement la présence de cellules myocardiques HLA-G positives dans 16% des biopsies avec une corrélation entre l’expression ectopique de cette molécule et la diminution du nombre de rejets aigus du greffon cardiaque chez ces patients. Par ailleurs, aucun rejet chronique d’allogreffe n’a été détecté chez les patients HLA-G positifs. Ces premiers résultats ont été confirmés par une étude longitudinale sur six mois de ces mêmes patients qui présentaient une stabilité d’expression de cette molécule au cours du temps. Xénotransplantation ■ Conclusion Concernant l’utilisation de HLA-G en transplantation, en tant que molécule immunomodulatrice contribuant à une meilleure tolérance de la greffe, des modèles de xénogreffes ont été étu- 454 Etude en transplantation hépato-rénale Dans notre laboratoire, nous avons également conduit une étude sur une population de quarante patients ayant reçu une transplantation combinée hépatique et rénale du même donneur. Il s’agit d’une population particulièrement intéressante car elle présente un taux de rejet aigu du greffon rénal très faible (6%) en comparaison avec des patients simples transplantés rénaux (32,5%).37, 38 Une des hypothèses relative à la protection exercée par le greffon hépatique sur un autre organe greffé est le relargage par le greffon hépatique de molécules de classe I solubles. Nous avons donc étudié, afin de mieux comprendre les mécanismes de tolérance impliqués dans ce modèle de greffe, l’expression de la molécule HLA-G par immunohistochimie sur des biopsies de greffons hépatiques et rénaux ainsi que par ELISA dans le sérum des patients. Dans cette population de patients, une expression ectopique de la molécule HLA-G a été retrouvée dans 35% des greffons hépatiques et dans 55% des greffons rénaux. Il existe de façon particulièrement intéressante une corrélation entre l’expression de la molécule HLA-G sur les cellules épithéliales biliaires des greffons hépatiques et l’absence de rejet aigu ou chronique des greffons hépatiques et rénaux. De plus, des taux très élevés de HLA-G soluble ont été retrouvés dans le sérum de certains patients. Ces différents résultats démontrent que la molécule HLA-G pourrait jouer un rôle immunorégulateur en transplantation d’organe. La molécule HLA-G apparaît clairement aujourd’hui comme une molécule présentant des propriétés immunorégulatrices Néphrologie Vol. 24 n° 8 2003 aussi bien in vitro que ex vivo chez des patients transplantés.39 Dans ce dernier cas il semble que l’expression ectopique de cette molécule soit corrélée à une meilleure acceptation des greffons quel que soit l’organe greffé. Les propriétés de cette molécule ne se limitent pas à la transplantation d’organe et ont été également démontrées lors de pathologies tumorales où l’expression de HLA-G jouerait un rôle négatif dans l’échappement tumoral à la surveillance immunitaire. Nous avons discuté ici les différentes voies par lesquelles la molécule HLA-G soluble ou membranaire pourrait intervenir en inhibant les cellules immunocompétentes impliquées dans le rejet de greffe. Ces différentes fonctions ont été démontrées dans des systèmes in vitro de réponse allogénique et chez l’homme au cours de transplantation cardiaque et hépato-rénale. Cette molécule pourrait donc protéger d’éventuels rejets de greffe et des méthodes d’induction de l’expression de cette molécule au sein de l’organe transplanté sont à étudier. Adresse de correspondance : Dr Nathalie Rouas-Freiss SRHI, DSV, DRM, CEA, IUH Hôpital Saint-Louis 1, av Claude Vellefaux F-75010 Paris [email protected] 8. 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