>>> la narratrice se révèle une observatrice fine et impitoyable, elle qui a très bien appris son rôle, celui imposé par
la société bourgeoise.
III. Le jeu des masques : derrière la concierge se cache une intellectuelle
a. Etre concierge, un masque : la narratrice joue à être concierge
Présentation et syntaxe volontairement simplistes (sujet verbe complément des 1ère phrases) du début conforme à
ce qu’on peut attendre d’une concierge : // fiche de renseignement avec identité incomplète « Renée », âge, passé
professionnel avec références tel un curriculum vitae.
Vocabulaire populaire conforme à ce qu’on peut attendre d’une concierge : « matou » pour chat ; « vautré » qui
reflète le dénigrement que la narratrice perçoit ; « grassouillette » « tapait dans l’épargne » expression familière…
Métier de concierge qui consiste à espionner être au courant de tous les « événements » : »information vitale à
toute sentinelle » + « savais que quelqu’un passait » « m’enquérais discrètement » (verbe spécifique renforcé par
l’adverbe) + « qui entre qui sort avec qui et à quelle heure » (accumulation mimant les préoccupations de l’espion à
qui rien ne doit échapper) « l’œil de bœuf » (fenêtre ronde qui symbolise la fonction de la concierge).
Plus encore l’important c’est de voir sans être vu d’où l’omniprésence du vocabulaire du camouflage « protégée des
bruits et des odeurs » (à noter qu’elle se protège des propres nuisances qu’elle produit elle-même pour donner
l’illusion d’être une vraie concierge c’est-à-dire conforme à l’image de la concierge !) Elle joue bien un rôle comme le
souligne par opposition l’expression « selon mon cœur ». + calfeutrée dans mon antre » « cachée derrière la
mousseline blanche » « ma cachette »
Renée est devenue maître dans l’art du camouflage (celui du lieu ou même du langage) mais s’amuse également
dans ce portrait subtil à lever le masque pour dévoiler sa véritable nature…
b. Quand l’intellectuelle se dévoile
La composition du portrait témoigne d’une bonne maîtrise de l’art de s’exprimer clairement : 1er § présentation
personnelle doublée d’une évocation de l’image à laquelle elle essaie de correspondre ; 2ème paragraphe : habitudes
de la concierge qui excelle dans l’art d’espionner sans être vue 3ème § : goûts personnels
La syntaxe se fait de plus en plus complexe à mesure que le portrait se dessine. Lignes : 9-14multiplication des
propositions subordonnées qui s’emboîtent avec de nombreuses nuances comme la sub. De cause « comme je
suis.. » suivie d’une concessive « quoique toujours polie » suivie ensuite d’une consécutive « si bien à ce que… que »
révélant ainsi une maîtrise irréprochable de la grammaire permettant ainsi d’exprimer des idées élaborées.
A cela naturellement s’ajoute la maîtrise d’un vocabulaire extrêmement élaboré : « la croyance sociale a aggloméré
en paradigme de la concierge d’immeuble » qu’on peut traduire simplement en ces termes « la société a créé une
image de la concierge type » + « un des multiples rouages que fait tourner la grande illusion universelle »
(métaphore usuelle de la machine) + « dieu DVD » personnification ironique associée non sans humour encore au
terme « félicité » (terme d’un niveau de langue soutenu en décalage avec le propos dérisoire le DVD) + « fronton du
même firmament » + « calfeutrée » « antre » « sis face « (= installé en face de ) m’enquérais….
Les références culturelles et les goûts personnels finissent de nous convaincre que la narratrice ne correspond pas
exactement à ce qu’elle montre : « Mort à Venise » « s’échappe du Malher » références intellectuelles dont elle
s’amuse immédiatement en l’associant à nouveau à un verbe décalé « s’émoustille » (excite à la gaité) et un jeu de
mot puisque d’un point de vue phonétique le nom du compositeur autrichien peut faire entendre le mot « malheur »
faisant écho au mot « mort » !